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Marie-Louise O'Murphy ou le bon goût de Louis XVAlain.g a écrit :
Casanova n'est pas un parasite, c'est un aventurier, mais un aventurier pas ordinaire car il est doté d'une intelligence exceptionnelle qui frappe tous les souverains qu'il rencontre et qui souvent cherchent à se l'attacher, comme Frédéric II ou Catherine II, en raison de ses talents multiples. Casanova est par ailleurs un grand écrivain, le plus grand en langue française dit-on parfois. Sa culture était très étendue. En général on l'admire, il est le 18è siècle à lui tout seul et s'identifie à la magie de Venise qu'il personnifie. L'homme a bon coeur, il marie au mieux ou place les jeunes filles qu'il a séduites.
C'est tout à fait vrai que le personnage a bon cœur, qu'il est généreux et souvent sincère. Ce n'est pas un cynique ou un Don Juan. Pas de hargne ou de méchanceté en lui. On pleure d'ailleurs beaucoup dans la première partie de sa vie (après ça s'endurcit, on sent que la fin est dure).
Intelligence exceptionnelle ? Non sincèrement, je ne le pense pas. Ce n'est pas d'ailleurs du tout ce que décrivent ses contemporains. Il est certes d'une bonne intelligence mais est surtout d'une grande culture/érudition (ce n'est pas pareil). Le prince de Lignes le dépeint comme capable de citer Horace "à vous en dégoûter". Il va monopoliser l'attention en racontant mille anecdotes dans lesquelles il aura un rôle drôle (mais jamais ridicule). Bref c'est un personnage plaisant et attirant mais… dont on se lasse. Il peut s'avérer encombrant comme un cheval dans un salon (dixit le prince de Lignes). En fait il connaît beaucoup de choses mais il cherche surtout à donner l'illusion qu'il en connaît encore bien plus. C'est frappant par exemple dans le passage où il participe à la création (à Paris) d'une loterie nationale. Il est très vaniteux (plusieurs de ses contemporains l'ont comparé à un paon).
C'est un aventurier, certes. Mais je le vois aussi tout à fait comme un vrai parasite social. Né roturier sans argent il aspirera toute sa vie à faire partir de la bonne société (il s'est d'ailleurs inventé le titre de "Chevalier de Seingalt"). Il veut réussir (monter socialement, côtoyer les grands) mais il ne cherche pas la réussite "par le travail". Il cherche simplement à se couler au mieux dans le moule et à tirer profit de toutes les failles d'une société dans laquelle il se sent parfaitement à l'aise. En cela il est effectivement d'une bonne intelligence (de type adaptabilité/souplesse d'esprit). Et je pense que c'est beaucoup grâce à cela que ses mémoires offrent leur plus gros intérêt. Car il nous décrit du coup tous les défauts de la cuirasse de cet ancien régime languissant/finissant…
Pour l'aspect "grand écrivain" (par rapport à d'autres), je ne suis pas compétent pour juger. Mais je crois qu'il ne faut pas aller trop vite quand même. Le texte que nous connaissions jusqu'aux années '60 était dû à des "arrangements" de Laforgue (grammairien du 19ème, voir plus haut). Le texte original (édition Brokhaus, publié en France dans la collection "Bouquin") n'est pas aussi agréable à lire. Il contient par ci par là pas mal de phrases "rugueuses", ou même lourdes qui cassent perpétuellement la lecture. Au bout de deux cents pages j'ai arrêté et j'ai ensuite essayé de zapper des chapitres par ci par là. Maintenant quand je veux relire un chapitre qui m'intéresse je me replonge dans la VF (l'édition arrangée par Laforgue).
Le prince de Lignes (encore lui) disait du style de Casanova : " Son style ressemble à celui des anciennes préfaces ; il est long, diffus et lourd ; mais s’il a quelque chose à raconter, comme, par exemple, ses aventures, il y met une telle originalité, une naïveté, cette espèce de genre dramatique pour mettre tout en action, qu’on ne saurait trop l’admirer, et que, sans le savoir, il est supérieur à Gil Blas et au Diable boiteux"