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Message Publié : 15 Juil 2012 17:09 
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Polybe
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J'ai du mal à m'expliquer la défaite de la France en 40.
Les explications que je trouve ne me suffise pas. C'est plus complexe, je pense, et je voudrai si vous voulez bien, que vous m'aidiez.

La première explication donnée à cette défaite: est le pacifisme franco-britannique. Je ne trouve pas que se soit suffisant.
Quand on lit les mémoires des vétérans, la première chose qu'ils disent c'est qu'ils avaient hâte d'en découdre avec les boches. Qu'ils brûlaient d'envie de se battre. Certes il n'y avait pas l'enthousiasme de 1914 ni de fleur au bout des fusils dans les gares, mais les hommes de l'époque n'avaient pas peur de se battre contre les nazis. En particulier les professionnels comme les légionnaires. Il n'y avait pas d'esprit de revanche, mais pour eux la patrie était en danger et il fallait se battre pour la sauver. Pour moi, l'invasion de la Pologne suivi de la déclaration de guerre effacèrent le pacifisme pour laisser place à une conscience de la vérité: l'Allemagne veut détruire la France, il faut la défendre. Les chansons de troupes de l'époque sont révélatrices de leur volonté de gagner comme "Nous irons pendre notre linge sur la ligne Siegried."

Une autre explication est la situation militaire de la France. Vainqueur épuisé de la Grande Guerre.
Au niveau national la mobilisation est moins forte qu'en 1914 mais reste néanmoins très importante avec près de 4 millions d'hommes.
La France avait 40 divisions à la frontière, dont 200.000 hommes dans la ligne Maginot, les allemands, 15. Ajouté à cela l'armée Britannique, les alliés sont supérieurs en nombre que les nazis.
Au niveau de l'équipement, là, la France à du retard, certaines sections avaient même une boite de cartouche pour 10 hommes. Mais les hommes, en particuliers les régiments en première ligne ou les professionnels étaient quand même bien équipés. Les allemands eux, s'étaient préparés à la guerre depuis des années et ne manquaient donc pas de matériels à ce que je sache.
Au niveau des blindés, les français sont largement supérieurs avec le char Hotchkiss. Petit et puissant. Les chars français sont de meilleurs qualités que les panzers allemands, et plus nombreux.
Au niveau maritime, je ne m'étend même pas, les français et les anglais écrasent largement la marine allemande de 39 - 40.
Au niveau aérien, cette fois, les allemands sont supérieurs, ils ont plus d'avions que les alliés, et de meilleure qualité. Les français se battent à 1 contre 3 dans les airs. Pourtant le commandement allié de l'époque est conscient de ce retard. Et 4000 avions sont commandés aux Etats-Unis. Les pilotes français se battent tout de même, et avec courage: 1000 aviateurs allemand sont abattus et capturés. Et même, les Britanniques rattrapent le retard de qualité avec le performant Spitfire.

Les alliés sont donc supérieurs, numériquement, sur le plan maritime, et sur le plan des blindés. Les deux camps sont à peu près égal en terme de logistique et d'équipement des soldats. Et les allemands sont supérieurs dans les airs.

En terme de qualité des combattants, encore une fois, les forces sont à peu prêt égale, pas de supériorité des allemands comme on le pense généralement.
Les soldats allemands n'ont pas été si brillant en Pologne, dans un rapport à Hitler le général Walther von Brauchitsch fait état d’impréparation des troupes, d'insubordination, manque de combativité et des cas d'indiscipline.
Les parachutistes allemands, en revanche, se révèleront redoutables.
Les français eux, notamment les légionnaires sont composés d'anciens combattants de la guerre d'Espagne, ils sont rudes, forts et déterminés.

Au niveau politique on accuse souvent les gouvernements français et anglais, d'avoir bien été obligé de gesticuler malgré eux. Pourtant le président du Conseil français de l'époque, Paul Reynaud, est convaincu qu'il faut se battre, arrêter les nazis et Hitler, il est contre la capitulation. Et tout le monde connait Churchill côté anglais qui arrive au pouvoir en 40.
Peut-être les élites du pays elles, étaient plus ventre-mou.

Au niveau stratégique, les allemands sont supérieurs, ils utilisent une combinaison de chars et d'avions simultanément, et le tout groupé. Comme on dit: les allemands ont opposés une fois 3000 chars, les français eux, 3000 fois un char.
la stratégie du général Von Manstein de passer par les Ardennes en faisant croire à une attaque par la Belgique se révèle très efficace. Les armées alliées, les français, les anglais, les belges et les hollandais sont piégées. Pourtant il aurait pu en être autrement, pourquoi ne se sont-elles pas retournées en Belgique avant de se retrouver encerclées ?
Les français ont encore des réserves, pourquoi les hommes de l'offensive de la Sarre n'ont pas été rappelés pour protéger Paris et les arrières de la ligne Maginot ?
Les erreurs stratégiques auraient pu être rapidement rattraper comme en 14-15. Pourquoi ce ne fut pas le cas ?
La bataille de Paris aurait alors été, si elle avait eu lieu, un retournement de situation.
Ça n'explique pas pour moi la défaite de la France, pas entièrement. La France pouvait encore se battre, l'armée française, malgré des pertes lourdes, 100.000 morts. Il y avait toujours les troupes de ligne Maginot, les armées des Alpes et les armées coloniales.

La stratégie employée par le généralissime Gamelin, est directement impliquée dans cette défaite donc. La passivité, attendre que l'ennemi attaque avant d'agir. Or comme disait Robert E. Lee, "On ne gagne pas des guerres en se défendant".
Mais ça ne suffit pas, la France, même en ayant perdu Paris, aurait pu se relever et continuer la lutte.
Intervient donc Pétain, pourquoi avoir capitulé ? Les évènements auraient pu prendre une version voisine à 14-18 et la France en mauvaise posture aurait pu continuer la lutte jusqu'à reprendre l'avantage.

Pour moi c'est trouble, la France avait tous les moyens nécessaires à la victoire, tous les éléments étaient là, le matériel, les hommes, la hargne de se battre, et même des généraux français critiquaient très fortement la stratégie du généralissime Gamelin. Alors pourquoi cette défaite ? Une des pires de notre histoire, si ce n'est la pire.

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"Le fait que les Hommes tirent peu de profit des leçons de l'Histoire, est la leçon la plus importante que l'Histoire nous enseigne." _Aldous HUXLEY


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Message Publié : 15 Juil 2012 20:49 
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Jean Mabillon
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Je crois me souvenir que c'est Bonaparte qui a dit" Il est rare qu'à la guerre deux plus deux fassent quatre" et il ne manquait pas d'expériences.....Je me suis posé la même question que vous....Jeune enfant ,j'ai vécu cette guerre et malgré ce jeune âge beaucoup de choses sont restées gravées...Mon père fut un vaillant combattant au sein de la 2ième Division cuirassée en 1940;il était responsable de 2 pièces anti-chars de 47 fort bon matériel pour l'époque...il m'avait expliqué pas mal de choses : le défaitisme de certains, les officiers partagés entre droite et gauche polique,s'invectivant à table,allant jusqu'à en venir aux mains à la sortie du mess,l'arrogance de certains soldats déserteurs allant jusqu'à insulter et menacer gendarmes et officiers,des sanctions dérisoires...On les faisait passer des anti-chars à la DCA......Une instruction à la manoeuvred'ensemble et au feu insuffisante.Une très grave lacune au niveau des transmissions,appareils compliqués ou déffectueux personne n'est capable de faire fonctionner les radios correctement.......Une erreur profonde pour la montée vers Charleroi en Belgique......Les blindés sont séparés de tout le train roulant dur pneus.....manque absolu d'un quelconque support aérien....Ils s'avancent en aveugles vers un ennemi très bien renseigné et dont les pointes motorisées foncent à toute vitesse prèparant des embuscades etc.....
Par la suite j'ai beaucoup lu et ça a confirmé l'expérience de mon père sur le terrain....Des gens parfois très courageux voire héroîques qui cotoient des troupes qui marchent vers les Allemands officiers en tête pour aller se rendre,après avoir abandonné du matériel tout neuf,scène vécue avant le franchissement de la Loire,ce fut mon père aidé de certains de ses hommes qui démontérent les culasses des canons de 155 pour les jeter dans le fleuve....sinon,armes et obus étaient là les Allemands pouvaient immédiatement s'en servir contre les Français en retraite......
Pour percer les Allemands ont lancé environ 300 000 hommes d'élite là où le commandement français avait mis ce qu'il avait de plus faible....Après Sedan et la débâcle de nos meilleures troupes vers Dunkerque,notre meilleur matériel perdu,la messe était dite....


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Message Publié : 16 Juil 2012 8:13 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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J' incline à croire aussi que l'armée allemande était préparée et entrainée à la guerre depuis plusieurs années et qu'elle avait une motivation qui manquait aux troupes françaises, c'est un euphémisme. En 1940, par ailleurs, la puissance économique de notre voisin est très supérieure, de l'ordre d'une fois et demi au moins, cette puissance est orientée vers la guerre.
Trop de fautes par ailleurs ont été commmises, trop d'incapacité constatée. Comment comprendre le choix d'une stratégie défensive pour finalement emmener le gros de l'armée en Belgique dans une autre stratégie.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 16 Juil 2012 9:25 
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Jean Froissart
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De nombreuses raisons pour expliquer une défaite prévisible mais néanmoins surprenante (surtout pour l'époque).

Plutôt que de parler de pacifisme ou d'inaction offensive de la part de l'Etat-major français, je parlerais plutôt de retard (et de refus) sur le plan stratégique : on a souvent dit que l'Etat-major allemand bénéficiait de la position extrêmement agressive d'Hitler tandis que la France perdait son temps à renverser systématiquement la Chambre. Je pense que les raisons sont plus simples : au sein de l'état-major français, très peu sont partisans de l'idée novatrice qu'Estienne avait préconisé et mis en place à la fin de la Première Guerre Mondiale ; encore moins sont ceux prêts à la défendre. Or, ce n'est pas du tout le cas chez les Allemands : Guderian ne fait qu'appliquer point après point les projets d'Estienne - jusqu'à envisager une action combinée entre forces au sol et forces aériennes (l'aéro-navale restant encore peu développée). En France, on ne trouve guère que De Gaulle pour défendre cette conception de la guerre moderne menée par les divisions blindées, or, il n'est que lieutenant-colonel au moment de la débâcle : son idée n'est, pour ainsi dire, pas prise en compte.

Sur le papier, les qualités de l'armée blindée française semblent certes très supérieures à l'Allemagne, mais on n'explique pas la supériorité d'une armée par ses seules capacités de feu ou de blindage. Si l'on observe les différents véhicules, deux constats : l'Allemagne répartit ses blindés selon 2 catégories (blindés légers et blindés moyens) et une (de blindés lourds) qui vient s'y greffer mais très restreinte ; sur ces 3 catégories, on ne croise que 6 types différents de blindés (PzKpfW I, II, III, IV, 35 et 38) - la normalisation industrielle est donc très facile à appliquer (pas de problèmes liés à la spécificité d'équipements trop divers. Par ailleurs, l'Allemagne a parfaitement su intégrer l'apport des usines tchèques et de l'armée blindée d'excellente qualité avec les Pz 35 et 38. En France, on croise beaucoup plus de types de blindés dont la diversité est d'ailleurs un fardeau : des petits chars obsolètes comme les D1 ou les H38 (ce qui n'est pas le cas du H40, j'en conviens) aux monstres tout aussi inadaptés à la guerre moderne que les B1 ou B1 bis, en passant par une très grande majorité de R35 peu efficaces (du fait de sa trop grande proximité avec son ancêtre, le fameux FT-17, puisqu'il ne fait que "booster" les capacités de départ), l'armée blindée française souffre également par l'efficacité (et non par la qualité). La plupart de ses chars lourds et moyens (le B1 bis ou le S40) présentent une consommation d'essence telle que la plupart d'entre eux se retrouveront immobilisés sur les routes sans avoir pu tirer le moindre coup. D'autre part, il a déjà été dit que les carences en matière de radio ont joué un grand rôle (on en revient carrément à des configurations de communications par drapeau depuis les tourelles !) : De Gaulle prévoyait que "faute de radio, nos chars seront couillonnés". Sur le papier, la France a plus de chars lourds et moyens que l'Allemagne avec plus de puissance de feu (malgré le refus de l'Etat-major allemand face à la demande de Guderian - remplacer le 37mm du PzKpfW III par un 50mm) et de blindage (60mm pour le B1 ; 40mm pour le Pz IV), mais les capacités modernes sont inversées : l'Allemagne a uniformisé son armée blindée - et donc son soutien industriel - et a optimisé ses chances en matière de percée (consommation d'essence moins aberrante, blindage plus réduite mais moins pesant, moyens de communications très développés, étroite interaction entre la reconnaissance - Pz I -, le soutien d'infanterie - Pz II - et le combat de blindés, etc.). La France reste sur une stratégie trop ancienne et caduque dès 1917. Le cas de l'allié anglais est très différent mais ne suffit pas pour combler ces égarements stratégiques.

L'exemple le plus ingénieux de l'application de cette guerre moderne conçue par Estienne revient donc à Guderian, non à l'armée française : Rommel et sa division blindée montrera une parfaite illustration de ces théories nouvelles en les conjuguant à ses talents de tacticien. La France est arriérée en matière de conception de la guerre, pas dans le domaine de sa pratique.

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Message Publié : 16 Juil 2012 11:51 
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Jean Mabillon
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Oui,bien que dans la pratique l'infanterie française soit presque toujours prise au dépourvu par les techniques d'infiltration de l'armée allemande,même quand courageusement elle tente de résister pied à pied...même remarque pour l'infanterie britannique malgré sa détermination et son excellence,la seule solution est alors la contre attaque pour nettoyer le terrain,mais il n'y a pas de réserves le plus souvent puisqu'il y a retraite donc on effectue un décrochage presque invariablement coûteux puisque sous le feu direct de l' ennemi....


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Message Publié : 16 Juil 2012 11:57 
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Polybe
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Très intéressant. Mais pourtant les allemands ont récupérés une grande partie du matériel français et en particulier les blindés, les canons et les camions pour s'en servir ensuite en URSS.
C'est donc qu'ils n'étaient pas si inadapté que ça ou simplement que les allemands ont su mieux en tirer profit ?

Citer :
très peu sont partisans de l'idée novatrice qu'Estienne avait préconisé et mis en place à la fin de la Première Guerre Mondiale


Qui est Estienne ? Et qu'elle est son idée novatrice exactement ? Bien que je suppose qu'il s'agisse d'utilisation de blindés en masse et rapidement.



Merci pour ce témoignage Sir Peter, j'aime toujours lire les histoires des vétérans.

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Message Publié : 16 Juil 2012 12:07 
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Jean Mabillon
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Estienne fut le créateur de l'artillerie d'assaut(les chars),en collaboration avec Renault il participa à une sorte de standadisation de chars spécialisés sur le chassis initial du FT 17


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Message Publié : 16 Juil 2012 13:40 
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Georges Duby
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Les initiateurs dans la stratégie des chars sont les anglais et particulièrement le général Hobart qui met sur pied deux ans avant Gudérian la 1ère brigade blindée permanente. Hobart insiste sur la mobilité des chars et les liaisons radio. Gudérian écrit que Hobart mit en oeuvre sur le terrain la fameuse pénétration en profondeur qu'il avait lui-même recommandée sans succès dix ans avant. Gudérian admirait Hobart (Liddel Hart officier historien de stratégie militaire)

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Message Publié : 16 Juil 2012 13:47 
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Polybe
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Localisation : Montpellier
Les initiateurs de stratégie de combat de char en formation groupé ou combiné avec le soutien aérien sont donc anglais ou français, rien d'étonnant puisque ce sont eux qui ont cru en premier à l'efficacité des chars lors de la première GM, alors que les allemands non.

Mais alors, d'où vient ce refus de l'état-major allié de pratiquer ces nouvelles théories d'utilisation ou bien même de les essayer, d'où venait leur refus, comment est-ce qu'ils le justifiait ?

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Message Publié : 16 Juil 2012 13:51 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

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Il faut dire que si on écoute Liddel Hart, en matière militaire, les Anglais sont les inventeurs d'absolument tout.

Citer :
Mais alors, d'où vient ce refus de l'état-major allié de pratiquer ces nouvelles théories d'utilisation ou bien même de les essayer, d'où venait leur refus, comment est-ce qu'ils le justifiait ?


La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens. La France et la Grande-Bretagne avaient une stratégie défensive, conformément à leur attitude politique, qui n'est pas d'agresser les voisins. Politiquement, il aurait été bien difficile de justifier les dépenses correspondant à la mise sur pied d'unités blindées conçues pour l'attaque et la percée en profondeur.


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Message Publié : 16 Juil 2012 14:30 
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Georges Duby
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Liddel Hart est un spécialiste reconnu de la stratégie militaire, ses ouvrages sont des classiques mondiaux. Quand il dit que Gudérian rend hommage au général Hobart, il le fait à partir de ses notes d'entretien quand Gudérian lui explique que jeune officier il écarte déjà la théorie française des chars auxiliaires de l'infanterie au profit de la théorie anglaise des chars évoluant à part, "opérant de manière autonome".
La primeur de Hobart est qu'il fait le 1er évoluer à titre de démonstration pour l'EM une brigade de chars autonome. Gudérian l'apprend, Hobart a les mêmes idées que lui.
Dans ses écrits Gudérian s'est dit "disciple" (sic) de la pensée militaire britannique sur les chars.
Les français écartent cette théorie reprise par de Gaulle, car ils ne croient pas aux chars, ils les voient lourds et lents, vulnérables et la stratégie de la pénétration en profondeur leur semble pleine de dangers de prise à revers. Elle est écartée. Mais en GB elle aura du mal à s'imposer et Gudérian dit qu'il a eu aussi du mal au début, avant de convaincre en 1935-36.
Et puis comme il vient d'être dit, en France la stratégie est défensive.

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Message Publié : 17 Juil 2012 9:12 
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Jean Froissart
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Inscription : 24 Mars 2010 16:23
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Sur le plan des blindés nos frères d'outre-Manche ne sont effectivement pas en reste : si l'initiative d'une guerre réellement moderne (avec les moyens conventionnels bien sûr) revient à Estienne (qui y pense dès 1915) et que l'armée britannique ne s'intéresse que peu à ces théories entre 1915 et 1917, il n'en demeure pas moins que l'armée anglaise de la campagne de 1940 saura parfaitement s'adapter à la blitzkrieg de Guderian en s'appuyant, notamment, sur des groupes (petits, c'est peut-être leur seule faiblesse) de chars très mobiles et pourtant redoutables, les Mathilda. Avec 60mm de blindage frontal (le plus fort pendant cette année parmi les blindés engagés), il compense son faible blindage latéral et arrière par une mobilité extrêmement appréciable : à plusieurs reprises, les Mathilda mèneront une série d'embuscades et de contre-offensives contre les colonnes allemandes avec un grand succès.

Malheureusement pour l'Angleterre, la France a déjà un genou à terre et l'aviation allemande règne en maîtresse dans le ciel : de plus, la tardive mise en production massive des Mathilda les empêche de s'opposer suffisamment aux Allemands. Mais les leçons de cette année sont utiles et les Britanniques opposeront une résistance très similaire pendant l'expédition de Rommel en Afrique.

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Message Publié : 17 Juil 2012 10:19 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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C'est bizarre, je lis exactement le contraire sur le Matilda. Le I, léger, peu blindé et néanmoins peu mobile; le II, meilleur, mais toujours lourd et lent.
Voici ce que je trouve par exemple :
Citer :
Le premier à voir le jour est le Matilda I en 1936. Son blindage maximum de 60 mm est exceptionnel pour l'époque, mais le char est d'une lenteur désespérante et son armement limité à des mitrailleuses est complètement insuffisant.
Le Matilda II qui lui succède est le meilleur char britannique du début du conflit. Encore mieux protégé que son prédécesseur (jusqu'à 78 mm), armé d'un canon de 2 livres, puissant pour l'époque, il n'est pas très rapide, mais il est insensible aux tirs tant des canons antichars allemands qu'à ceux de leurs chars. Seule la pièce de 88 mm peut les stopper. Ils sont désespérément trop peu nombreux pendant la campagne de France (67)


Sur http://lemairesoft.sytes.net:1945/webfr ... /7368.html


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Message Publié : 17 Juil 2012 10:53 
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Localisation : Alsace, Zillisheim
Je suis en train de lire « L’impardonnable défaite de Claude Quétel. J’en suis seulement au début du livre quant il analyse les diplomaties à l’œuvre entre 1918 et 1939 (la diplomatie française souvent opposée aux diplomaties anglaises et américaines) et les mouvements pacifistes (de droite comme de gauche) qui agitent l’opinion publique française. Voici la critique qu’en a fait le Figaro au moment de la sortie du livre :
http://www.lefigaro.fr/actualites/2010/01/16/01001-20100116ARTFIG00003--1939-1940-une-defaite-annoncee-.php
Citer :
La défaite de 1940 et l'esprit de Vichy sont aussi la conséquence du pacifisme obsessionnel de la France de l'entre-deux-guerres, restée traumatisée par l'ép reuve de 1914-1918.

Vichy avait raison. De chercher et de désigner des responsables de la défaite de juin 1940. Vichy avait raison d'accuser la classe politique de la IIIe République, qui usa toute son énergie dans des luttes picrocholines d'un régime parlementaire dévoyé, et s'avéra incapable - à quelques exceptions près, comme un Barthou, malheureusement assassiné en 1934 - de définir avec réalisme une politique qui contienne l'appétit de revanche allemand. Raison de remettre en cause le climat d'avant-guerre, et surtout ce pacifisme devenu obsessionnel depuis l'hécatombe de 1914, véhiculé par la littérature, le cinéma, et les instituteurs, relayé par la plupart des politiques, de Briand à Laval. Raison d'accuser l'état-major, incapable d'abolir la primauté de la défense, le souvenir fétichisé de la Marne, l'arrogance naïve de la ligne Maginot ; incapable de comprendre les intuitions du jeune colonel de Gaulle sur l'utilisation massive des chars attaquant en meute avec le soutien de l'aviation. Raison enfin de vouer aux gémonies « l'allié » anglais qui, aidé par les Américains de Wilson, qui ne nous portait pas dans son cœur, avait refusé à Clemenceau toutes les garanties géostratégiques (rive gauche du Rhin) et économiques (réparations et industrie de la Ruhr), nécessaires pour casser les reins de la machine de guerre allemande.
La défaite de 1940 était inscrite dans le traité de Versailles, comme l'avait tout de suite compris l'historien Jacques Bainville, mais aussi Foch ou Mangin. C'est que «l'allié » anglais était lui aussi obsédé par le passé, mais pas le même, non pas la guerre de 1914, mais les guerres de l'Empire, celui de Napoléon. L'Angleterre fut soucieuse avant tout d'empêcher le grand retour de la domination française sur le continent. Elle fut pressée de redonner son ancienne vigueur à l'Allemagne, afin qu'elle contienne l'éternel «militarisme français».
Lorsque Hitler remilitarisa la Rhénanie, en 1936, en violation du traité de Versailles, le président du Conseil, Albert Sarraut, tonna qu'il ne laisserait jamais Strasbourg à portée des canons allemands. L'état-major de Hitler savait qu'alors l'armée française était supérieure ; certains complotaient déjà contre Hitler. Un coup de fil du Premier ministre anglais calma les ardeurs guerrières de Sarraut. L'Angleterre ne voulait pas re voir le drapeau tricolore flotter sur le Rhin. Les Français s'inclinèrent. Hitler respira. La France avait perdu la guerre.
Une nouvelle guerre de Trente Ans de 1914 à 1945. Une guerre que les Français n'avaient pas su gagner en 1918, en signant l'armistice trop tôt sans pousser leur avantage, envahir l'Allemagne, prendre des gages territoriaux, entrer dans Berlin. L'ennui, pour Vichy, est que le maréchal Pétain incarnait justement cet état-major timoré et pusillanime, qui ne jurait que par la «couverture». C'est Pétain qui avait arrêté les offensives de Mangin et Nivelle en 1917 (malheureusement très meurtrières, mais pas moins que la défense sur la Marne). C'est ce qui lui valut sa popularité auprès des «anciens combattants». C'est Pétain qui refusa les innovations stratégiques, après-guerre, et couvrit de son prestige l'immobilisme de l'état-major. C'est enfin Pétain qui attira à Vichy tous les pacifistes, de droite et surtout de gauche, séduits par sa position attentiste et faussement neutraliste.
C'est donc par l'intermédiaire de Pétain qu'après l'entrevue de Montoire les pacifistes devinrent collaborateurs. La France se jeta dans les bras de Pétain, comme soulagée, alors même que, durant la campagne de France de mai-juin 1940, et contrairement à la légende répandue depuis, les soldats français s'étaient valeureusement battus. Cent mille morts, pendant trois semaines de combats, c'était le « taux » qu'on avait connu lors de la Première Guerre mondiale. La démographie française, déclinante depuis la fin du XIXe siècle, ne pouvait pas se permettre de poursuivre sur ce rythme.
Les Français et les Anglais font toujours les choses en sens contraire. Dans les années 1920 et 1930, quand la France essayait de s'arracher aux tentations du pacifisme et du renoncement, les Anglais se vautrèrent dans le soutien à l'Allemagne, la fascination de son establishment, jusqu'au roi, pour Hitler et le nazisme, puis la politique d'appeasement. Les choses changèrent avec l'arrivée de Churchill. Personnage fantasque, hors du commun, qui descendait à la fois d'ancêtres français et du célèbre Marlborough qui vainquit les armées de Louis XIV, Churchill était un Anglais atypique, qui admirait Jeanne d'Arc («Parfois, j'entends les voix de Jeanne, disait-il, elle me parle») et Napoléon («Rien de plus grand n'a été fait ici-bas», dit-il à de Gaulle, en visitant le tombeau des Invalides).
Churchill tenta par un ultime effort de pousser les Français à se battre encore. Il défendit tant qu'il put le général de Gaulle contre le mépris américain. Il engagea une guerre totale contre Hitler - qu'il finit par gagner -, au prix de la destruction de la machine économique de son pays et de la ruine de sa domination sur le monde.

A lire : L’Impardonnable Défaite. 1918-1940, de Claude Quétel, JC Lattès, 410 p., 20 €.
Les Coups tordus de Churchill, de Bob Maloubier, Calmann-Lévy, 268 p., 15 €.


J’aimerais lire ce qu’en dit l’auteur au sujet des erreurs de l’État-major et de la préparation militaire. Par d’autres lectures, j’aurais tendance à titrer « L’impardonnable armistice » puisque j’ai de plus en plus la vision d’une armée allemande préparée pour rechercher la « victoire décisive ». Or, nous avons fait la demande d’armistice à quelques jours de la fin de cette victoire, alors que les armées allemandes étaient loin de leurs bases et auraient eu des problèmes logistiques pour poursuivre l’offensive sans se réorganiser. De plus, sans l’armistice, les allemands auraient du mener une bataille de la ligne Maginot avec peut-être une armée française en train de se réorganiser dans leur dos. Bref, l’armistice est tombé juste au bon moment.

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Message Publié : 17 Juil 2012 17:00 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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La première bataille où le char aurait du emporter la décision pour les Anglais est la bataille de Cambrai durant 14/18, c'est la première fois qu'un général participe au combat dans un char, c'est le général Elles il croit pouvoir crever la front allemand mais il se rend bien compte qu'il est incapable de diriger quoi que ce soit faute de moyens adéquats de communications... Conscients du fait que sans communications on ne peut arriver à rien le problème est retourné par les Britanniques:. le colonel puis général Fuller établit le projet baptisé " plan 1919" un corps de chars indépendants doit foncer à travers tout le front pour aller détruire le quartier général et par là annihiler toute défense coordonnée et obtenir l'effondrement total du front.
De leur côté les Français avaient prévu l'offensive Pétain vers la Ruhr Qui comportait une masse de 800 chars accompagnés dans leur attaque par une masse d'avions attaquant en rase-mottes à la mitrailleuse et à la bombe....
Les idées étaient donc dans l'air déjà en 1918, il suffisait d'une synthèse et d'avoir les feux verts.
Les Allemands vaincus avaient pu s 'entraîner en URSS avec les Soviétiques qui tentaient de mettre sur pied des corps mécaniques... Certains disent qu'Hitler assista aux manœuvres du groupe de Gudérian en 1933 et qu'il fut enthousiaste, il aurait déclaré "voilà l'outil de la politique que je veux"


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