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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 07 Oct 2012 14:29 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Un des livres que je suis en train de lire sur Heydrich (E. Calic) apporte quelques variantes et précisions à ce qui a été dit ci dessus sur l'incendie du Reichstag.

En 73, un comité mené par l'historien suisse Walter Hofer aboutit à la conclusion que Van der Lubbe n'avait pu agir seul. Calic rapporte les principaux éléments du rapport de ce comité.
D'abord, que les SS (et pas seulement les SA) étaient impliqués dans l'opération, de même que Heydrich.
Les incendiaires étaient menés par le SA Standartenfuhrer Erwin Villain, tué lors de la Nuit des longs couteaux en 34. Son nom aurait été cité par différents témoins, avec ceux de Willi Schmidt (autre SA), et Rudolf Steinle et Kurt Egert (SS); ces deux SS ont plus tard assassiné l'astrologue Eric Jan Hanussen.
Ont été cités aussi les noms du SS garde du corps de Goering, Walter Weber, et d'autres SS: Woitke, Sander, Gepke, et Toifl--Toifl et Sander ayant été également éliminés lors de la Nuit des longs couteaux.
Goering joue un rôle clé dans l'histoire: président du Reichstag depuis 32, il a fait réaménager complètement (et somptueusement) le palais voisin du Reichstag, qui est sa résidence de fonction.
D'après le rapport Hofer, les incendiaires auraient été huit ou dix et auraient été amenés dans le palais de Goering environ 48 heures avant l'incendie. Ils auraient été installés dans le Grand hall, sur des lits de camp, avec des journaux, des jeux de cartes et de la bière pour passer le temps.
Ces individus auraient été vus par les hommes chargés de la maintenance et du chauffage du palais (en février, le chauffage était indispensable), dont les noms sont Heinrich Grunewald, Johan Wittkowski et Ehrard Cyron. Leur superviseur Alexander Skranowitz leur expliqua la présence de ces individus dans le Grand hall par le fait qu'une attaque communiste étant redoutée, ces hommes étaient des gardes spécialement assignés pour surveiller les lieux.
Goering n'occupait pas le palais: bizarrement, il l'avait quitté trois semaines avant l'incendie, après en avoir terminé la rénovation. Mais il avait laissé le deuxième étage à la disposition de Ernst Hanfstaengl, conseiller d'Hitler pour la presse étrangère. Il avait aussi laissé dans le bâtiment un petit contingent de SS.
Le portier de nuit du palais, Paul Adermann, aurait dit aux trois employés à la chaufferie, Grunewald, Wittkowski et Cyron que, au cours des semaines précédant l'incendie, il avait vu quelqu'un emprunter le passage souterrain reliant le palais de Goering au Reichstag à 6 reprises, de nuit évidemment.
Wittkowski, poussé par la curiosité, monta de la chaufferie au sous-sol dans le Grand hall sous le prétexte de demander aux occupants si le Grand hall était assez chauffé, et il vit ces hommes allongés sur des lits de camp ou jouant aux cartes.
Ces trois employés furent questionnés par la Gestapo après l'incendie, histoire de leur faire comprendre de garder le silence sur ce qu'ils avaient vu; ils n'ont pas été appelés à témoigner lors du procès. Deux de ces employés, Grunewald et Cyron, survécurent à la guerre et racontèrent ce qu'ils avaient vu; d'après eux, ce sont les "gardes spéciaux" qui auraient fait le coup.
En 1975, le Dr Heinz Leferenz, Directeur de l'Institut de Criminologie de l'Université de Heidelberg, examina le passage souterrain et attesta que le passage d'individus du palais au Reichstag était plausible. Selon lui, les nazis auraient fourni au procès des plans falsifiés du palais où ce passage n'apparaissait pas.
Peu après l'incendie, deux experts, le Dr Wagner et le Pr Josse, établirent qu'un feu modéré brûlant dans un des halls du Reichstag s'était transformé en fournaise entre 9 heures 21 et
9 heures 26, et que cette rapide et soudaine extension de l'incendie ne pouvait être due qu'à l'emploi de substances incendiaires. Et le chef des pompiers de Berlin eut le courage de déclarer au procès (tenu à Leipzig) qu'il avait trouvé des traces de substances incendiaires dans le hall après l'incendie.
Des policiers arrivés immédiatement sur les lieux rapportèrent avoir trouvé un homme ivre au rez de chaussée du Reichstag en flammes et l'avoir ramené au poste. Après cela, bizarrement, aucune mention de cet homme n'apparait plus nulle part, il disparait littéralement. L'hypothèse de Calic est que cela pourrait être un des incendiaires, ayant trop bu pour se donner du coeur au ventre , qui aurait été laissé derrière par les autres incendiaires lors de leur fuite et n'aurait pu retrouver la sortie tout seul.
Le Dr Wilhelm Schatz, un chimiste qui témoigna au procès, eut aussi le courage de dire qu'un feu n'aurait pas pu se propager aussi rapidement par l'intervention du seul Van der Lubbe, qu'il devait y avoir plusieurs incendiaires et qu'il avait découvert des traces de phosphore, soufre et essence en plusieurs endroits.
Les autorités nazies nièrent que des individus aient pu s'introduire dans le Reichstag par un souterrain, et contestèrent les conclusions des experts, traitant même le Dr Schatz de "charlatan".
En 1971, le Dr Karl Stephan, Directeur de l'Institut de Thermodynamique de l'Université technique de Berlin, vérifia les témoignages d'experts donnés en 1933. Il aboutit également à la conclusion que Van der Lubbe n'aurait pas pu mettre le feu à tout le Reichstag tout seul en 6 minutes.

Van der Lubbe aurait été choisi pour "porter le chapeau" parce qu'il était déjà recherché par la police et s'était fait remarquer par diverses activités militantes: distribuer des tracts, tenir des discours et mettre le feu à plusieurs endroits--il était donc déjà connu par les services de police comme communiste et comme pyromane, ce qui faisait de lui le coupable idéal.
Pour complèter le tableau, les nazis recrutèrent de faux témoins qui affirmèrent avoir vu Van der Lubbe avec les leaders communistes Dimitrov et Torgler. Au procès, malheureusement, les organisateurs nazis avaient tellement drogué Van der Lubbe qu'il apparut incohérent et ne se rappelait même pas comment il était arrivé à Berlin, ce qu'il avait fait avant l'incendie, et comment il s'y était pris pour mettre le feu partout.
L'historien allemand Friedrich Zipfel a plus tard apporté la preuve que les nazis avaient infiltré des agents dans le groupe Spartakus auquel VdL appartenait en Hollande. Ce sont ces agents qui l'auraient amené à Berlin.

Après la guerre, deux SS, Franz Knospe et Alfred Reischke, déclarèrent que Heydrich avait organisé l'affaire avec la complicité de Goering. Parmi les SS ayant fait partie du commando d'incendiaires, ils citèrent Otmar Toifl et Herbert Packenbusch. Toifl était un instructeur technique à l'école secrète du SD à Braunschweig et était considéré comme de confiance par Himmler et Heydrich, mais suite à l'incendie, il aurait fait des confidences indiscrètes au sujet de l'événement, d'où son exécution en juin 34.
D'après les dires de Lina Heydrich, et contrairement à ce qu'affirmèrent certains nazis, Himmler et Heydrich étaient tous les deux à Berlin lors de l'incendie (et non en Bavière). Heydrich retourna ensuite en Bavière pour y diriger le coup d'état du 9 mars 33, conséquence directe de l'incendie du Reichstag.

Selon l'auteur, le comité Hofer a réfuté la thèse de l'incendiaire unique. Conclusion qui a été reconnue par la Ligue des historiens allemands, dans son journal, "Geschichte in Wissenschaft und Unterricht", dont l'éditeur est le Dr Karl Dietrich Erdmann.

Dans son livre "Germany 1866/1945", l'historien américain Gordon A. Craig écrit: "les preuves rassemblées par le comité dirigé par Walter Hofer de Berne suggèrent que le feu a été mis par un Sondergruppe organisé sous la direction du collaborateur de Himmler, Reinhard Heydrich, et du directeur de la Division de la police du Ministère de l'Intérieur de Prusse, Kurt Daluege.

L'auteur souligne que le bâtiment du Reichstag avait de plus une forte valeur symbolique pour les nazis: c'est là qu'avait été ratifiée la "trahison de 1918"; c'était un symbole de la démocratie et de tout ce que détestaient les nazis dans la politique allemande.


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 7:03 
Bonjour,
Je saisi l'occasion de la remontée de ce vieux fil pour vous citer l’intégralité d'un article au sujet de l'incendie du Reichstag publié par votre serviteur dans l'Histomag'44 no.67 - septembre 2010, dans le cadre d'un dossier spécial "Les légendes du IIIe Reich"
http://www.39-45.org/portailv2/download ... e-2010.php
Apres avoir passé en revue les faits connus, les procès, l'historiographie et les polémiques, ma conclusion a l’époque fut claire : Attentat terroriste nazi.
Et je n'ai pas changé d'avis depuis.

Devenu chancelier le 30 janvier 1933, Hitler obtient de Hindenburg la dissolution du Parlement et l'organisation de nouvelles élections prévues pour le 5 mars 1933. En effet, si le NSDAP est le premier parti au Reichstag, avec 196 sièges sur 584, il dépend des partis de la droite traditionnelle pour disposer d’une majorité et fait face à une opposition de gauche composée de 121 députés sociaux-démocrates et 100 députés communistes.
« Miraculeusement », dans la nuit du 27 au 28 février 1933, le Reichstag, siège du Parlement allemand à Berlin, part en fumée suite à un incendie d’origine criminelle.
L’incendie et la mise en place de la dictature
Le 27 février 1933, vers 21 h 15, un étudiant passant devant le Reichstag entend le bruit d'une vitre brisée. Il alerte le gardien du Parlement qui aperçoit une silhouette courant à l'intérieur du bâtiment en y boutant le feu. Les pompiers et la police arrivent rapidement sur les lieux où ils constatent de nombreux départs de feu. « Dans la salle Bismarck, située au nord de l'édifice, un homme jaillit soudain, torse nu, ruisselant de sueur, l'air égaré, avec un regard halluciné ». Cet homme, Marinus van der Lubbe, se laisse arrêter sans résistance et passe immédiatement aux aveux, affirmant que l'incendie est un geste de protestation politique et qu'il a agi seul.
Les nazis exploitent immédiatement l'évènement et présentent l’attentat comme étant le déclenchement d’une révolution communiste. Dès le 28 février, ils obtiennent de Hindenburg un décret présidentiel, le « Décret d’urgence pour la protection du Peuple et de l’État » qui suspend les libertés individuelles et lance la chasse aux communistes. Dans la foulée, le gouvernement fait arrêter plus de 4 000 militants du KPD, le parti communiste allemand, ainsi que plusieurs dirigeants sociaux-démocrates, syndicalistes et opposants de gauche, au total plusieurs dizaines de milliers de personnes. Ces opposants sont internés dans les premiers camps de concentration. Ce décret qui élimine les libertés individuelles en Allemagne restera en vigueur jusqu'en 1945. Notons que ces arrestations prirent place très rapidement, elles avaient été soigneusement préparées de longue date.
Cependant ni le Parti Communiste ni le Parti Social-démocrate ne sont interdits et ont donc des élus suite aux élections du 5 mars, 81 communistes et 120 sociaux-démocrates. Le NSDAP, avec 43,9 % des suffrages, n'a pas la majorité. De plus, Hitler a besoin d'une majorité des deux tiers pour obtenir le vote de l'Acte générateur (La « Loi visant à la suppression de la détresse dans le Peuple et dans le Reich », ou « Loi sur les pleins pouvoirs ». Ses cinq seuls articles confèrent au gouvernement du Reich des prérogatives illimitées ou presque, lui permettant même d’édicter des lois susceptibles d’entamer le noyau dur de la Constitution).
Le vote de cette loi est acquis par Hitler quand il persuade le Parti du centre, le Zentrum (ancêtre du Parti Démocrate-chrétien allemand) de voter en sa faveur lors de sa présentation le 23 mars. Bien que les sociaux-démocrates votent contre, la majorité des 2/3 est cependant atteinte du fait que certains députés sociaux-démocrates sont empêchés de siéger par les SA et que les députés communistes, représentant 17 % des membres du Reichstag, sont arrêtés avant le vote pour leur « rôle suspect dans l'incendie du Reichstag ». La loi entre en vigueur le 27 mars et, bien que l'Acte générateur n’est censé être effectif que pendant quatre ans, il sera officiellement prolongé à deux reprises et restera en vigueur jusqu’en 1945.
L’habile exploitation politique de l’incendie du Reichstag facilite tellement la mise en place de la dictature nazie que certains historiens qualifient cet incendie « d’acte fondateur » du IIIème Reich
Les enquêtes et procès
Deux procès ont lieu, voyons d’abord celui qui se tient en Allemagne.
Dès l'annonce de l'incendie et avant tout début d'enquête, la radio allemande affirme que les communistes ont mis le feu au Reichstag. Cette thèse, générée sur l’instant devant le bâtiment en flammes par Göring et Hitler, sert de base au procès qui s'ouvre à Leipzig le 21 septembre 1933.
Sur le banc des accusés figurent, outre Marinus van der Lubbe, l'ancien chef de groupe parlementaire du DKP (parti communiste allemand), Ernst Torgler, et trois communistes bulgares, dont Gueorgui Dimitrov, futur secrétaire général du Komintern et futur Premier ministre du gouvernement communiste bulgare. Pugnace, luttant pied à pied, tenant tête par sa rhétorique à Goebbels et à Göring à qui il fait perdre son calme, Dimitrov, qui a appris l'Allemand durant les mois de prisons précédant la condamnation, fait voler en éclat la thèse officielle et transforme le procès en tribune antinazie ce qui lui vaut une renommée mondiale, y compris en Allemagne. Finalement, seul Marinus van der Lubbe est condamné et décapité le 10 janvier 1934, les quatre autres accusés étant acquittés. Ce verdict, qui ôte toute base à la thèse officielle des nazis, ne les empêche pas de maintenir leur interprétation.
En face, l’exilé communiste allemand Willi Münzenberg, dans son Livre brun, attribue la responsabilité de l'incendie aux nazis, ceux-ci ayant voulu par là se créer un prétexte pour déclencher une vague de répression. La parution du Livre brun est suivie, en septembre 1933, d’un procès organisé à Londres par un comité antifasciste international, qui s'affirme selon les mots du procureur comme « un simulacre de procès [qui] ne saurait avoir de validité juridique et n'avait d'autre but que de servir la vérité que les circonstances empêchaient d'éclater en Allemagne ».
« Il en ressort [du contre procès de Londres] que l’attentat, dirigé par Göring sur l’ordre de Hitler, a été exécuté par un commando de SA, utilisant pour ne pas se faire repérer un passage souterrain qui relie la Chambre à la résidence de son président. Cette mouvance n’est pas tendre non plus pour van der Lubbe, qui n’était pas communiste mais l’avait été, en Hollande, jusqu’en 1930, avant de rompre en reprochant au parti sa mollesse : c’est le thème du « trotskyste agent de la Gestapo », bientôt omniprésent dans les procès de Moscou, qui s’esquisse ici, redoublé d’accusations sexuelles aussi peu étayées que médiocrement révolutionnaires : le Hollandais a été l’amant du chef SA Ernst Röhm, et l’homosexualité, ce n’est pas beau du tout. »
Les controverses historiographiques
Un acte isolé
En 1960, dans le Spiegel, puis en 1962, dans son livre Der Reichsbrand. Legende und Wirklichkeit, Fritz Tobias, qui est un historien amateur, affirme que la thèse du complot nazi est aussi infondée que celle du complot communiste. Il qualifie de fallacieux les documents du Livre brun qui servait de base au dossier antinazi.
Cette thèse fut soutenue par l’historien fonctionnaliste Hans Mommsen dans un article dans le Der Spiegel puis un livre.
Selon Ian Kershaw, les conclusions de Tobias sont désormais largement acceptées. Selon lui, la surprise et l'hystérie qui s'emparent des plus hauts dirigeants nazis la nuit de l'incendie, à commencer par Hitler lui-même, est un signe du caractère inattendu de l'évènement et du fait que l'incendie est bien le fait du seul Marinus van der Lubbe.
« Les premiers membres de la police à interroger van der Lubbe, aussitôt appréhendé et clamant haut et fort sa « protestation », n'avaient aucun doute : il avait agi seul, personne d'autre n'était impliqué dans l'incendie. Mais Göring, dont la première réaction en apprenant l'incendie semble avoir été pour s'inquiéter des précieuses tapisseries du bâtiment, se laissa facilement convaincre par les autorités sur place que l'incendie était le fruit d'un complot communiste. Hitler, qui arriva vers 22 h 30, soit une heure environ après Göring, se laissa rapidement persuader de tirer la même conclusion. Göring lui expliqua que l'incendie était sans conteste l'œuvre des communistes. L'un des incendiaires avait déjà été arrêté, tandis que plusieurs députés communistes se trouvaient dans le bâtiment quelques minutes à peine avant l'embrasement. »
L'analyse de Kershaw est vivement contestée par Lionel Richard : « les analyses de Tobias, déjà fortement mises en cause par un groupe d'historiens quand elles ont été publiées, ne jouissent plus d'aucun crédit. Il a été démontré que son information documentaire n'était pas fiable. En l'occurrence, Kershaw aurait pu, au moins, prendre sérieusement en considération les travaux d'Alexander Bahar. »
La publication récente des carnets de route de van der Lubbe, (Éditions Verticales, 2003) censés également montrer que la thèse de Tobias est la bonne, n’apporte en fait qu’un éclairage un peu nouveau sur la personnalité de Marinus mais comporte des trous béants dans sa tentative de démonstration, notamment l’absence totale d’analyse de ce que faisaient les nazis avant l’incendie comme après. C’est d’ailleurs là une constante chez les partisans de Tobias : le fait que Hitler et ses collaborateurs soient au cœur d’une campagne électorale d’une importance extrême pour eux et, par conséquent, étaient prêts à tout pour réussir, n’est jamais pris en compte.
Une manipulation nazie
Alan Bullock, Hitler ou les mécanismes de la tyrannie, Marabout Université, 1962 : « Goering avait trouvé là un bien beau prétexte pour attaquer les communistes ; c'est pourquoi beaucoup pensent (et avec eux l'auteur de cet ouvrage) que l'incendie du Reichstag fut en fait organisé et perpétré par les nazis eux-mêmes. » (Tome 1, p. 254). Pour Pierre Milza, Marinus van der Lubbe aurait été manipulé par les nazis : « Utilisant le délire pyromane d'un jeune chômeur d'origine hollandaise, Marinus van der Lubbe, qui se dit communiste, les hommes de Göring l'ont laissé allumer un petit incendie dans le Palais du Reichstag, tandis qu'eux-mêmes inondaient les sous-sols d'essence ». François Delpla penche lui aussi pour une manipulation de Marinus van der Lubbe par les nazis, par le biais d'un agent infiltré dans les milieux de l'ultragauche, lui faisant croire que l'incendie allait créer un soulèvement populaire contre Hitler. Il reproche aux tenants de la thèse de l'incendiaire isolé de croire que l'absence de preuves de complicités prouve l'absence de complicités.
Jacques Delarue (1962) estime que l'incendie a été perpétré par un commando de membres de la SA, dirigé par Karl Ernst et Edmund Heines, à l'initiative d'Hermann Göring.
William Shirer, Le Troisième Reich des origines à la chute, Stock, 1963 : « On ne saura probablement jamais toute la vérité à propos de l'incendie du Reichstag. Presque tous ceux qui la connaissaient sont aujourd'hui morts, la plupart d'entre eux assassinés par Hitler dans les mois qui suivirent. Même à Nuremberg, le mystère ne put être entièrement éclairci, bien que l'on possède assez de preuves pour affirmer avec une quasi-certitude que c'étaient les nazis qui avaient préparé l'incendie et qui l'avaient exécuté à des fins politiques.
Pour Gilbert Badia, 1983, il est impossible qu'un homme isolé comme van der Lubbe, dépourvu de tout soutien ait seul perpétré l'incendie, notamment compte tenu du fait qu' « on trouva dans le Reichstag assez de matériel incendiaire pour remplir un camion » et d'une déclaration de Göring au général Hadler lors de laquelle il affirme: « le seul qui connaisse bien le Reichstag, c'est moi ; j'y ai mis le feu ».
Serge Berstein, L'Allemagne de Hitler - chapitre : La prise de pouvoir par Adolf Hitler, Éditions du Seuil, collection Points, 1991 : « Dans la nuit du 27 février, le Reichstag flambe et on arrête sur les lieux un jeune Hollandais, à demi idiot, Van der Lubbe, qui se déclare communiste. Goering fait aussitôt incarcérer les dirigeants du parti communiste, 4 000 permanents et le Bulgare Dimitrov, secrétaire général du Komintern présent en Allemagne. Leur procès, qui a lieu à Leipzig après les élections, leur permet de prouver sans peine leur innocence et de fortes présomptions laissent supposer que l'incendie est l'œuvre des nazis eux-mêmes.
Rappelons que Fritz Tobias a soutenu la thèse d'un Van der Lubbe seul responsable de l'incendie du Reichstag sans complicités extérieures. Selon Tobias, les nazis auraient simplement saisi cette opportunité pour museler l'opposition communiste. Notons que les résultats de l'enquête de Fritz Tobias furent publiés dans le journal "Der Spiegel" dès 1959 avant de paraître sous la forme d'un livre "Der Reichtagsbrand", Rastadt, 1962. »
Pierre Milza, Les fascismes, Éditions du Seuil, collection Points, 2001 : « On sait que l'attentat contre le siège du parlement allemand avait été commis par un jeune chômeur d'origine néerlandaise, van der Lubbe, qui avait appartenu au parti communiste et souffrait de troubles mentaux. Bien que toute la lumière ne soit pas encore faite aujourd'hui sur cette affaire (la plupart des témoins ayant "disparus" au cours des premières années du régime), il est à peu près acquis que le pyromane était manipulé par les nazis - les hommes de Göring auraient laissé van der Lubbe allumer un petit feu dans le palais du Reichstag tandis qu'eux-mêmes inondaient le sous-sol d'essence - et qu'il y a eu provocation de leur part. »
En 2001, en se basant à la fois sur les circonstances matérielles de l'incendie et sur des archives de la Gestapo conservées à Moscou et accessibles aux chercheurs depuis 1990, Bahar et Kugel reprennent la thèse selon laquelle le feu a été mis au Reichstag par un groupe de SA agissant sous les ordres directs de Göring.
François Delpla adopte la thèse de l’attentat nazi, disant des travaux de Tobias :
« Cependant, si on examine ce travail avec une parcelle de l’esprit critique dont lui-même accable la plupart de ses devanciers, on est vite intrigué par des curiosités méthodologiques. Il s’intéresse assez peu aux faits, et bien plus aux failles des théories adverses. Il écarte ce qui gêne sa démonstration avec une brutalité radicale : ainsi, tous les témoignages sont récusés, au motif que tous auraient été pollués par les théories en vigueur, et le corpus des sources se voit drastiquement réduit aux documents écrits. Ceux-ci consistant essentiellement en rapports de police, la démonstration s’en trouve fort simplifiée : il y a d’un côté des professionnels consciencieux, qui recueillent les aveux de van der Lubbe et lui font reconstituer ses gestes d’une façon qui cadre à peu près avec les horaires présumés, de l’autre des nazis surpris par l’événement mais doués d’excellents réflexes propagandistes. »
Citons également l’analyse que Nicolas Bernard nous a livrée sur le forum http://www.39-45.org :
« S'il est vrai que ces deux auteurs [Tobias et Mommsen] ont sérieusement mis à mal la version traditionnelle de l'événement, qui voulait que "les nazis" aient envoyé un commando brûler le bâtiment et aient imputé le crime à un innocent (le très falot Van der Lubbe) en compagnie d'autres leaders communistes tels que le Bulgare Dimitrov, ils n'en ont pas moins été contestés par d'autres chercheurs, tels qu'Edouard Calic (Le Reichstag brûle !, Stock, 1969), qui, malgré quelques faiblesses dans l'argumentation démontre bel et bien que la place avait été préparée pour Van der Lubbe, lequel n'a pu que bénéficier de complicités nazies. »
Des faits têtus
Les citations d’historiens d’un coté comme de l’autre, laissent penser à l’auteur de cet article que les fonctionnalistes ont, une fois de plus, raté une marche dans cette affaire. Mais revenons maintenant aux sources primaires telles que glanées chez Jacques Delarue, François Delpla et quelques autres :
• La piste du souterrain avait été soufflée à la presse par Göring. La piste du commando, c’est les nazis qui la suggèrent, en esquissant non seulement son itinéraire, mais son équipement, puisque le même Göring parle d’un apport massif de matériaux inflammables. On peut d’ailleurs se demander, avec F. Delpla, si l’homosexualité, totalement imaginaire, de van der Lubbe, n’aurait pas été également suggérée par quelque fuite gestapiste, et remarquer qu’en tout cas cette prose servait merveilleusement les nazis en fournissant une rampe de lancement à leur manœuvre suivante, l’exécution de Röhm motivée par un ensemble de griefs où la moralité figurait en bonne place.
• Hitler Goering et Goebbels sont très rapidement sur les lieux et y restent. Étrange pour les dirigeants d’un pays qui serait sous la menace d’une révolution communiste.
• Otto Strasser s’interroge dans ses Mémoires sur la présence, dans le palais de Goering, du Gruppenführer S.A. Karl Ernst accompagné de quelques hommes triés sur le volet. Que faisaient-ils dans le souterrain construit pour faire passer les canalisations de chauffage central qui vont du palais au bâtiment du Reichstag ? Bref, pour Strasser, il y a eu préparation de l'opération, van der Lubbe n'étant que le bouc émissaire, manipulé comme agent provocateur. Il présente aussi une savoureuse anecdote : « Je me trouve au même instant à la gare d'Anhalt, je vois des lueurs dans le ciel ; je demande à mon chauffeur de taxi ce qui se passe. - Les nazis, me répond-il, indifférent, ont incendié le Reichstag. »
• Observez les photos de Marinus van der Lubbe et comparez celle de la reconstitution à celles prises pendant le procès. Que lui a-t-on fait entre temps pour qu’il ait l’air « abruti » et ne réponde aux questions que par monosyllabes ? « […] cette hébétude dans laquelle certains médecins crurent reconnaitre les symptômes produits par la scocpolamine. »
• Le 22 février, soit 5 jours avant l’attentat, Goering transforme par décret les SA en auxiliaires de la police d’ordre, ce qui permet d’avoir à disposition les effectifs nécessaires pour déclencher l’énorme vague d’arrestations qui suit l’incendie.
• L’incendie a lieu pendant une campagne électorale d’une extrême importance pour le Parti National-socialiste (NSDAP). Le programme de Hitler est très chargé, épuisant même. Le calendrier diffusé par Goebbels dés le 10 février prévoit plusieurs réunions par jour, certaines fort éloignées les unes des autres et nécessitant des déplacements par avion. Or, de manière étrange et apparemment inexplicable, aucune réunion n’est prévue les 25, 26 et 27 février et il est même précisé que le Führer ne peut assister à aucune réunion publique le 27 février, jour de l’incendie. Hitler se trouve donc à Berlin ce jour-là alors que ses partisans l’attendent avec impatience partout dans le pays. Géniale intuition hitlérienne ou plan soigneusement planifié ?
• Les premiers rapports de police, peu utilisés pendant le procès de Leipzig ou par Tobias, montrent que les policiers arrivés très rapidement sur les lieux sont frappés par le nombre de foyers d’incendie (60 à 65 selon eux), leur dispersion dans tout le bâtiment et le fait qu’ils semblent avoir été déclenchés par des produits incendiaires.
• Le docteur Bell, qui a de nombreux amis nazis, raconte que van der Lubbe était en relation avec des SA et ajoute d’un air entendu qu’il sait ce qui s’est réellement passé ce soir là. Une de ses relations en fait rapport à plusieurs membres du Parti Populiste. L’une des lettres arrive à la Gestapo. Bell, alerté, s’enfuit en Autriche où il est assassiné le 5 avril. Le docteur Oberfohren, Président du groupe national-allemand au Reichstag, est lui aussi bien renseigné et a l’imprudence d’en faire rapport par écrit. Un des rapports parvient à l’étranger et est publié par la presse. Le 3 mai, on trouve Oberfohren mort dans son appartement. Ses papiers personnels ont disparus. Des membres du commando incendiaire SA parlent un peu trop : le chef SA Ernst se vante après boire de son « exploit ». Le SA Rall, arrêté après l’incendie pour un délit de droit commun, tente de s’en tirer à bon compte en faisant des révélations à son juge d’instruction. Il raconte tout le périple des incendiaires, cite Goering et Goebbels, révèle les noms des autres membres du commando et tous les détails. Il précise même qu’ils attendirent environ 2 heures dans le tunnel allant du Reichstag à la résidence du Président, donc Goering, avant d’avoir le signal de démarrage. Rall ne le sait pas mais il est clair que Ernst attend l’arrivée de van der Lubbe pour déclencher l’opération. Le greffier Reineking, SA et nazi convaincu, en fait rapport à son chef SA. La gestapo bloque tous les comptes-rendus d’interrogatoire, fait transférer Rall à Berlin. Son cadavre est découvert quelques jours après dans un champ. Outre Rall, la quasi-totalité des SA suspectés d’avoir fait partie du commando est assassinée par la Gestapo, certains pendant la Nuit des Longs Couteaux.
Mais méfions-nous de ses morts suspectes. L'intérêt de Hitler n'est pas d'être insoupçonnable, mais d'être soupçonné (pour que le nazisme apparaisse capable de tout contre le communisme, et que ceux qui s'en réjouissent perdent peu à peu toute moralité) sans qu'on puisse rien prouver et en faisant piétiner l'enquête sur des fausses pistes : faire porter par la rumeur le chapeau à Ernst puis le trucider pour de tout autres raisons, cela fait partie du « b, a, ba » ; et cela accrédite les rumeurs, stratégiquement vitales, de la division permanente et gravissime du nazisme contre lui-même, ainsi, dans le cas particulier, que la présentation de la Nuit des Longs Couteaux comme un coup de balai salubre débarrassant le régime de sa pègre.
Conclusion
Comme cela est très souvent le cas dès que l’on parle du nazisme, ces polémiques sur l'identité des incendiaires du Reichstag ont été initiées par des historiens, amateurs et professionnels, appartenant à l’école fonctionnaliste qui, malgré les notables et louables avancées que leurs recherches ont permises, restent empêtrés dans une sous-évaluation des capacités manœuvrières réelles du nazisme en général et de Hitler en particulier. L’explication des épouvantables succès du nazisme par toute une série de hasards fort opportuns est non seulement fausse mais elle est dangereuse dans la mesure où elle masque la réalité de la capacité hitlérienne à convaincre, à mentir avec succès et à manipuler effrontément. Par conséquent, elle limite la possibilité d’analyser avec finesse tout autant le nazisme que ses conséquences sur la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Il serait temps d’en finir avec cette « querelle des historiens » et d’en revenir à la réalité, à savoir que le nazisme, s’il fut un phénomène totalement inédit à l’époque, a profondément marqué son siècle au point de déborder sur le suivant, le tout absolument pas « par hasard » mais de manière tout à fait préméditée et habilement planifiée.
Bibliographie
Marinus van der Lubbe, Carnets de route de l’incendiaire du Reichstag, présentés par Yves Pagés et Charles Reeve, Verticales, 2003.
François Delpla, Le terrorisme des puissants : de l’incendie du Reichstag à la nuit des Longs couteaux, Guerre et Histoire no. 7, septembre 2002.
Pierre Milza, Les fascismes, Seuil, 2001.
François Delpla, Hitler, Grasset, 1999.
Ian Kershaw, Hitler, Flammarion, 1999.
François-Georges Dreyfus, Le IIIe Reich, Éditions de Fallois, 1998.
Enrique Leòn et Jean-Paul Scot, Le nazisme des origines à 1945, Armand Colin, 1997.
Serge Berstein, L'Allemagne de Hitler - chapitre : La prise de pouvoir par Adolf Hitler, Seuil, 1991.
Gilbert Badia, Feu au Reichstag. L'acte de naissance du régime nazi, Messidor, Éditions sociales, 1983.
Otto Strasser, Le front noir contre Hitler, coécrit avec V. Alexandrov, Marabout, 1972.
Edouard Calic, Le Reichstag brûle !, Stock, 1969.
Hans Mommsen, Der Reichstagsbrand und seine politischen Folgen, Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte 12 (1964), S. 351-413.
Fritz Tobias, Der Reichsbrand Legende und Wirklichkeit, Rastatt, 1962, précédé d’un article dans Der Spiegel en 1960.
William Shirer, Le Troisième Reich des origines à la chute, Stock, 1963.
Alan Bullock, Hitler ou les mécanismes de la tyrannie, Marabout, 1962.
Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Fayard, 1962.


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 7:40 
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C'est quelques jours après l'incendie du Reichstag que le vieux président Hindenburg désigne Hitler comme chancelier. Il faut dire que l'événement avait effrayé Hindenburg, que Goering avait invité à souper dans son palais en face, et qui donc avait assisté à l'incendie aux premières loges. Une façon pour les nazis de conditionner le vieux monument national qu'était Hindenburg, en l'effrayant avec l'annonce d'une révolution communiste.

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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 7:56 
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Il me semble que vous fassiez erreur, Hitler est chancelier depuis près d'un mois lorsque le Reichstag brûle.
C'est par contre cet incendie qui provoque le décret suspendant les libertés individuelles et collectives en Allemange.

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 8:51 
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Jean Mabillon
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Citer :
C'est par contre cet incendie qui provoque le décret suspendant les libertés individuelles et collectives en Allemange


C'est en effet cet incendie qui permet à Hitler d'avoir les pleins pouvoirs après sa nomination au poste de chancelier.
Il me semble me souvenir que Kershaw tient pour la version Van der Lubbe, incendiaire isolé.
Me trompé-je? Et si c'est bien le cas, sur quoi se base t'il pour étayer cette version (que je vais vérifier)?
Sur l'air surpris d'Hitler quand il est :mrgreen: mis au courant?


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 9:09 
Tonnerre a écrit :
Il me semble me souvenir que Kershaw tient pour la version Van der Lubbe, incendiaire isolé.
Me trompé-je?

En son temps, Kershaw a approuvé la version de Tobias, l'incendieur solitaire.
Voir détails dans mon papelard ci-dessus.


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 10:42 
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Jean Mabillon
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Merci Daniel Laurent pour cet exposé très complet, que je n'avais lu initialement qu'en diagonale (vu sa longueur B) , d'où ma question sur Kershaw.
Ce qu'apporte Calic d'intéressant par rapport à ce que vous rapportez, c'est que cet incendie n'aurait pas été que l'oeuvre des SA, des SS étaient aussi impliqués, et peut être étaient ils plus nombreux que les SA.
La mise en avant des SA dans les sphères où avaient été organisé cet attentat pouvant être intentionnelle.
Et corrélativement, Calic affirme l'implication de Heydrich--dans quel coup fourré nazi n'aurait t'il pas été impliqué?
Le risque étant une possible surestimation du pouvoir de nuisance de RH, sans aucun doute énorme.
C'est assez étonnant que sur la base de certains détails (s'ils sont établis de façon absolument certaine)--comme la soixantaine de foyers d'incendie ou le fait que l'embrasement généralisé ait eu lieu en 6 minutes--on puisse soutenir la théorie de l'incendiaire solitaire, comme l'a fait Mommsen, (ce que rapporte Calic).


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 11:16 
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Georges Duby
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Dupleix a écrit :
je suis en train de lire le passionnant ouvrage de Ian Kershaw 'Hitler'.
Il y écrit : "Ce décret du Reichstag [celui qui le lendemain de l'incendie suspend les droits fondamentaux et autorise les arrestations arbitraires] instaura un 'état d'exception' qui, en pratique, allait demeurer en vigueur jusqu'à la fin du IIIème Reich. Ce fut une étape capitale dans la consolidation du pouvoir de Hitler."
Mais il semble penser que Hitler aurait simplement profité de circonstances favorables au lendemain de cet incendie pour prendre le pouvoir effectif au moyen de ce décret d'urgence.
Quand on voit d'une part les conséquences de l'incendie et d'autre part le coup de 'chance' extraordinaire (pour les nazis) qu'il a fallu pour que, juste en pleine campagne électorale, un militant communiste décide de mettre le feu Raichstag, et en plus se fasse prendre, on ne peut pas s'empêcher d'imaginer que ce n'est pas une coïncidence et qu'il y a eu manipulation ou provocation de la part des nazis.
Qu'en pensez-vous ?
Une parenthèse dans le débat pour émettre l'opinion que savoir qui a incendié le Reichstag présente moins d'importance que de souligner la manière totalement illégale dont Hitler utilise cet incendie après la dissolution pour prendre des mesures exceptionnelles comme la suspension des libertés, modifie le code pénal, prend les pouvoirs dans les lander, puis après des élections qu'il ne gagne pas, se fait attribuer les pleins pouvoirs avec la complicité du Zentrum dupé, y compris le pouvoir législatif dans l'Acte d'habilitation du 23 Mars 1933.
Un vote intervient certes au Reichstag mais il est anti-constitutionnel que le chancelier rédige seul les lois et que le Reichstag soit dépossédé de ses pouvoirs, Hitler ayant à la fois le pouvoir éxécutif et le pouvoir législatif pour 4 ans. Il est à present dictateur.
Mon idée était de montrer la disproportion entre l'incendie et ce qu'Hitler en a tiré pour commenter le titre du sujet qui est : "l'incendie du Reichstag" et traiter un autre aspect de ce sujet, l'anti-constitutionnalité des décisions du Reichstag^sous la pression hitlérienne.
Aucune assemblée ne peut renoncer totalement à ses pouvoirs, même en cas de troubles. C'est un principe général du droit et de la démocratie.
Je ferme la parenthèse.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 11:25 
Bonjour,
Tonerre, moi c'est Daniel et c'est tout, merci.
Tonnerre a écrit :
Merci Daniel Laurent pour cet exposé très complet, que je n'avais lu initialement qu'en diagonale (vu sa longueur B)

A quoi ça sert que le père Daniel y se décarcasse !
lol
Citer :
Ce qu'apporte Calic d'intéressant par rapport à ce que vous rapportez, c'est que cet incendie n'aurait pas été que l'oeuvre des SA, des SS étaient aussi impliqués, et peut être étaient ils plus nombreux que les SA.
La mise en avant des SA dans les sphères où avaient été organisé cet attentat pouvant être intentionnelle.

Je ne connais pas ce livre. De quand est-il (Titre, éditeur, date de publication, etc, merci d'avance)
Vu de quoi il s'agissait, Hitler était directement impliqué, l'ordre initial ne peut être que de lui. Donc Himmler était automatiquement au courant et que des trouvailles récentes dans les archives montrent qu'il y a mis son "grain de sel" ne serait pas surprenant.
Citer :
Et corrélativement, Calic affirme l'implication de Heydrich--dans quel coup fourré nazi n'aurait t'il pas été impliqué?
Le risque étant une possible surestimation du pouvoir de nuisance de RH, sans aucun doute énorme.

Attention avec Heydrich dont le rôle "autonome" est souvent exagéré, il était un bon serviteur aux ordres de Himmler et c'est tout.
Livre hors sujet sur l'affaire du Reichstag, mais sur Heydrich voir Heydrich et la Solution Finale, Edouard Husson, Perrin, 2008.
Citer :
C'est assez étonnant que sur la base de certains détails (s'ils sont établis de façon absolument certaine)--comme la soixantaine de foyers d'incendie ou le fait que l'embrasement généralisé ait eu lieu en 6 minutes--on puisse soutenir la théorie de l'incendiaire solitaire, comme l'a fait Mommsen, (ce que rapporte Calic).

Mommsen est un fonctionnaliste. Donc, selon lui, l'administration nazie est un b(censure) infâme ou tout le monde cherche a bouffer l'autre et Hitler ne contrôle rien du tout. Je suis bref a ce sujet, c'est une autre histoire qui mérite d’être discutée a part.


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 12:35 
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Jean Mabillon
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Citer :
Attention avec Heydrich dont le rôle "autonome" est souvent exagéré, il était un bon serviteur aux ordres de Himmler et c'est tout.


Je pense que cela allait au delà, du moins sur la base des différentes lectures que j'ai commencées sur Heydrich. Cet individu, extrêmement brutal, machiavélique, méthodique et efficace, était d'une toute autre envergure; sa mort a été une vraie perte pour le nazisme.
Sans même parler des différents complots et manipulations dans lesquels il a trempé avant la guerre, style Blomberg/Fritsch, son action en Bohème-Moravie était--et était citée à l'époque par Hitler--comme exemplaire, un modèle pour les autorités des autres pays européens occupés.
Ce n'est donc pas vraiment plausible psychologiquement (toujours selon mes sources) de ne le voir que comme un "bon serviteur" aux ordres de Himmler.
Heydrich était férocement ambitieux, ça semble être son trait de caractère dominant, on peut penser que cette ambition , s'il avait vécu, l'aurait forcément amené à vouloir occuper la première place, en faisant des alliances tactiques et momentanées avec telle ou telle sommité nazie, comme il en a fait tout le long de sa carrière et comme il s'en tramait constamment à l'intérieur de sphères dirigeantes du parti.

Citer :
C'est assez étonnant que sur la base de certains détails (s'ils sont établis de façon absolument certaine)--comme la soixantaine de foyers d'incendie ou le fait que l'embrasement généralisé ait eu lieu en 6 minutes--on puisse soutenir la théorie de l'incendiaire solitaire, comme l'a fait Mommsen, (ce que rapporte Calic).

Mommsen est un fonctionnaliste. Donc, selon lui, l'administration nazie est un b(censure) infâme ou tout le monde cherche a bouffer l'autre et Hitler ne contrôle rien du tout. Je suis bref a ce sujet, c'est une autre histoire qui mérite d’être discutée a part.


Oui, bien sûr, mais les faits sont les faits.
Même si Hitler ne contrôle rien, il est matériellement impossible qu'une seule et même personne puisse mettre le feu à un très grand bâtiment , en des dizaines d'endroits et en 6 minutes.

L"ouvrage de Calic sur lequel était basé mon post précédent est: "RH, the Story of the Man who Masterminded the Nazi Death Camps". Il a été traduit en Français.
Bien entendu, dans cet ouvrage, Calic , un journaliste, aborde les différents temps forts de la carrière de RH, dont l'incendie du Reichstag. Ce n'est pas un ouvrage d'historien/universitaire toutefois, la méthodologie peut parfois sembler problématique.
Et c'est aussi une possibilité que certains auteurs des bios de Heydrich que j'ai en ma possession, emportés par leur sujet, peuvent avoir un peu surestimé l'importance du "Fouché nazi" et amplifié son rôle d' "universelle aragne" dans la saga hitlérienne en voyant sa patte derrière toutes les machinations.


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 13:00 
Bonjour,

Tonnerre, si vous parlez d'un livre, merci de le présenter en détail, cela aide ceux qui souhaitent, comme moi, en parler avec vous :

Fiche technique :
Prix : 30,99 $
Catégorie : Histoire
Auteur : Edouard Calic
Titre : Heydrich, l'homme du IIIe Reich
Date de parution : novembre 2011
Éditeur : NOUVEAU MONDE EDITIONS
Sujet : hist. guerre 1939-45
ISBN : 9782365830522 (2365830528)

Présentation de l’éditeur :
Reinhard Heydrich fut parmi les dirigeants nazis l'un des plus féroces et des plus craints. Cet ancien officier de marine fut distingué par Himmler et mis à la tête du SD, le service de sécurité de la SS. Ayant ainsi autorité sur les services secrets et la Gestapo, il eut entre les mains une puissance qui n'était guère dépassée que par celle de Hitler lui-même. Il fut avec Himmler l'un des concepteurs de la " solution finale de la question juive ". Nommé protecteur de Bohême-Moravie, le " bourreau de Prague " fut abattu en 1942, à trente-huit ans, par des résistants tchèques. Son voeu ultime fut que la destruction des Juifs soit menée à bien. L'apport essentiel d'Edouard Calic est de dévoiler dans cet ouvrage le rôle joué dans l'ombre par Heydrich dans toutes les provocations et attentats orchestrés par les nazis : l'incendie du Reichstag, qui permit leur prise de pouvoir, la Nuit des longs couteaux, l'assassinat du roi de Yougoslavie à Marseille, la Nuit de cristal, l'affaire de Gleiwitz, prétexte au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le faux attentat contre Hitler en novembre 1939, etc. Sur tous ces dossiers, Edouard Calic met en lumière ce que fut l'action réelle d'Heydrich.

Image

C'est celui-la ?

Je reviens vers vous demain au sujet de Heydrich.


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 08 Oct 2012 16:48 
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Jean Mabillon
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Cela doit être ça, la traduction du titre en anglais est complètement différente du titre en Français, qui lui (comme vous pouvez le constater), traduit exactement le titre allemand;
le livre de Calic auquel je fais référence a été publié initialement en Allemand, sous le titre:

"Reinhard Heydrich. Schlüsselfigur des Dritten Reiches", Düsseldorf 1982

1982 étant également l'année de parution de la traduction anglaise que j'utilise, parue chez Military Press.

Deux remarques à propos de Calic: il a été prisonnier au camp d'Oranienburg-Sachsenhausen. C'est donc un témoin très direct du nazisme--nombre des faits qu'il rapporte révèlent une approche d'insider--et son antinazisme radical doit être pris en compte dans l'évaluation de ses travaux historiques.
Il a également écrit un livre sur Himmler (que je n'ai pas pour le moment); pour ce qu'il dit de ce personnage dans les ouvrages dont je dispose, Heydrich lui semble être très supérieur à Himmler en intelligence et en redoutable efficacité, et en aucun cas un exécutant docile.
C'est ce que résume la formule connue: HHHH, "Himmler Hirn Heisst Heydrich".

Bien entendu, quand je spécule que, vu l'efficacité reconnue de Heydrich par Hitler, et vu son ambition brûlante, il aurait sans doute tenté, s'il avait vécu, de monter plus haut, je parle d'une éventuelle rivalité avec Himmler.
Heydrich n'avait évidemment aucun scrupule à marcher sur le cadavre (au sens réel ou figuré) d'un ex-ami ou supérieur, s'il pouvait s'en servir comme marchepied dans sa carrière ou s'il était devenu génant (voir son comportement avec son ex-mentor et protecteur Canaris).


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 09 Oct 2012 12:32 
Fichu travail alimentaire, je suis a la bourre, pas le temps de participer ici comme je le souhaiterais.
Merci de tenir ce fil vivant, le sujet me passionne et je reviens des que je peux.


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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 09 Oct 2012 14:18 
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Georges Duby
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Un tour sur le net avec des citations d'auteurs montre que la thèse de Calic sur le rôle d' Heydrich dans l'incendie est contesté et qu'il aurait même été accusé d'avoir émis de faux documents.
Comme l'a esquissé Tonnerre, ne charge t-on pas trop la barque d'Heydrich en en faisant une sorte de grand Satan extraordinaire, qui aurait été omniprésent dans toutes les affaires suspectes du Reich et dans toutes les vilénies du régime.
Dans la phase de montée du nazisme, il y avait à l'oeuvre, pour acquérir le pouvoir, de nombreux organismes et personnes dans un désordre qui a favorisé les initiatives. C'est ce qui peut amener à penser que si l'incendie du Reichstag n'a pas été du à un illuminé, seul retrouvé sur les lieux, il y a d'autres explications que par Heydrich et Hitler toujours informé et donnant un feu vert. Tout pouvoir centralise la décision par son cabinet qui permet de se démultiplier et de tout controler en peu de temps.

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 Sujet du message : Re: L'incendie du Reichstag
Message Publié : 10 Oct 2012 5:43 
Bonjour,

Au sujet de Calic, que je n'ai pas lu, mes petites recherches donnent le même genre de résultats que celles d'Alain.

Alain, je n'ai pas bien compris vos commentaires au sujet de la décision de l'incendie. Remettez-vous en cause la thèse de l'attentat terroriste nazi ordonné par Hitler ?


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