Pour obéir aux principes de 89 -chute de l'ancien régime-, Napoléon III est amené à s'aligner sur l'Angleterre et le Piémont plutôt que l'Autriche. Avec ce coup de barre à gauche, il s'alliène dès 55,
l'Univers et mécontente ses soutiens du coup d'Etat. Entre les "Blancs" et les "Rouges", il se veut "bleu". Il se trouve donc condamné à appuyer les libéraux -à l'extérieur- libéraux qu'il combat à l'intérieur. La revanche du congrès de Paris face à l'humiliant "blocus matrimonial" le laisse dubitatif :
"L'Empire est encore de fraîche date ; il est soumis aux tribulations de l'enfance ; on voit bien l'Empire florissant, fort, mais on attend qu'il ait subi l'épreuve de sa maladie originelle, héréditaire et fatale que j'appellerai la réaction des traités de 1815. Tant que la crise européenne prévue depuis 40 ans ne sera pas arrivée, on ne jouira pas du présent, on ne croira pas en l'avenir..." (Napoléon III à E. Ollivier). Lors des élections de 57 le résultat est satisfaisant pour le gouvernement, les campagnes surtout ont "bien voté" cependant l'opposition républicaine obtient un siège à Lyon, échoue de justesse à Lille et surtout enlève 5 des 10 circonscriptions parisiennes. Siègent donc dans le nouveau Corps législatif 5 républicains. Il est bon d'acter de la persistance républicaine des grandes villes. Je dis bien "républicaine" et non "révolutionnaire". Les élections de 63 brassent des opposants aux objectifs bien différents mais uni dans une voie "la chute du régime". On peut y voir des légitimistes, des orléanistes, des cléricaux et des républicains. Proudhon prêche le bulletin blanc, de Londres, Ledru-Rollin l'abstention, en province les candidats républicains ne posent pas problème mais à Paris, c'est le nœud des intrigues des anciens de 1848. Les voix obtenues par les gouvernementaux reculent, l'opposition emporte toutes les grandes villes (Marseille, Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse etc.) et à Paris les 9 sièges ont été emportés par les républicains.
On pourrait sentir un déclin à commencer de 1858. Trois grandes causes : la montée des oppositions, un échec de la politique sociale et un échec des réformes (68/70).
Une tentative de séduction des classes ouvrières est menée, on peut le lire dans
l'Opinion nationale. Lors des élections de 63, on peut noter l'opposition des ouvriers face aux républicains. Cette opposition verra la publication du manifeste de Soixante
"Première charte de classe d'un mouvement ouvrier français en phase de devenir adulte" (Rougerie). Malgré la loi du 25 mai 1864, les grèves qui éclatent cette année là puis la suivante et en 1867 imposent de nouvelles concessions
recommandation aux préfets d'une grande tolérance pour les réunions de grévistes (circulaire de l'Intérieur de février 66)
même liberté pour les associations de caractère syndical (lettre du ministère du Commerce insérée dans
le Moniteur (21/02/66)
abolition de l'article du CC qui consacre l'inégalité devant la justice du maître et de l'ouvrier.
L'échec de cette politique sociale est due -je me répète- aux dures conditions d'existence (mauvaise récolte de 1867) mais aussi -à Paris- à la persistance de souvenirs et de traditions révolutionnaires. De proudhoniens, on devient blanquiste :
"La révolution politique et la révolution sociale s'enchaînent et ne peuvent aller l'une sans l'autre" (Varlin). Les internationaux et les membres des sociétés ouvrières rallient l'opposition républicaine radicale. Napoléon III annonce des réformes qui seront boudées par les libéraux. Une tentative de réforme militaire avorte mais elle a déjà mécontenté la bourgeoisie et inquiété la paysannerie, hostile à la conscription. Le coup d'Etat jusque là présenté comme salvateur devient crime et ses victimes des martyrs. A Paris, l'opposition passe de "passionnée" à "révolutionnaire". Les réunions se multiplient rappelant les clubs.
La Lanterne s'arrache.
A l'extrême gauche, des républicains irréconciliables, à l'opposé une majorité de bonapartistes purs, au centre des libéraux dynastiques et d'opposition. C'est avec difficulté qu'Ollivier compose un gouvernement et les concessions de l'Empereur vont glisser sur la capitale. Aussi les résultats du plébiscite de 69 sont étonnants : une capitale encore et toujours instable. La tentative de réforme militaire avortée (faute de crédits) a mécontenté la bourgeoisie et inquiété la paysannerie hostile à la conscription cependant le régime n'est pas franchement mis à mal. Comme vous le notez bien, Paris est encore une source de convulsions dont la province va devoir subir les ondes pour l'essentiel et comme bien souvent pour les classes les plus basses alors que la bourgeoisie, de nouveau, semble vouloir vivre une sorte de retour d'idéaux sans toutefois vouloir en payer le prix. A l'inverse de 1789, ces futurs révolutionnaires sont près à s'enflammer non pas pour des idées "égalitaires" mais pour conserver une richesse bien nouvellement acquise. On est d'autant plus revenu de l'égalité que bientôt ces bourgeois seront assimilés aux "conservateurs", comme quoi...
La question/sujet m'interpelle : en général si une guerre peut être évitée, il me semble évident que l'on évite le conflit. Pouvait-elle être évitée ? Je crois que la réponse a déjà été donnée avec l'analyse de la dépêche d'Ems, de l'état de l'Empereur à ce moment etc. Quel niveau n'aurait pas été abordé ? Au final nous faisons doublon et HS en analysant la fin de l'Empire et les prémices de la Commune.