Atlante a écrit :
Une autre question : si les élites scientifiques médiévales savaient majoritairement que la terre était ronde, pourquoi personne n'a tenté de traverser l'Atlantique plus tôt (à part les Vikings, mais en ce qui les concerne, ça n'a rien à voir, je pense, avec des connaissances tirées d'ouvrages scientifiques) ? La navigation en était-elle réduite au cabotage ? On pourrait en douter puisque Marco Polo est allé jusqu'en Chine... Ou bien les découvertes des îles au large des côtes africaines (Canaries, Madère, Açores) étaient-elles des découvertes nécessaires pour que, plus tard, un navigateur comme Colomb s'en aille plus loin vers l'ouest ?
Il est très compliqué de répondre ... Et il y a plusieurs réponses qui parfois sont cumulatives.
D'abord, la taille de la Terre. Ceux qui acceptaient les travaux d'Eratosthène savaient que la Terre était très grande. Comme ils avaient une certaine idée de la taille des terres connues, il manque environ 20 000 km ... Ce qui correspond avec l'idée que seule une partie de la Terre serait habitée, la nôtre, les reste étant inhabitable parce qu'on ne peut pas vivre la tête en bas.
Ensuite, même si on accepte l'idée qu'on peut vivre aux antipodes, rien ne dit qu'il y avait des terres à l'ouest ... Et partir plein ouest avec des vivres pour une certaine durée en espérant trouver une terre avant de mourir de faim ou de soif ... Car l'autre problème est la logistique. Pour aller explorer il faut avoir une certaine réserve d'eau et de vivres. À l'époque, on commence à savoir que des marins en mers depuis trop longtemps tombent malades. On ne comprend pas toujours pourquoi, mais il semble bien que plus on reste en mer, plus c'est dangereux. Petit à petit, on comprendre certaines de causes et on y remédiera. Pour l'instant, la seule chose sur laquelle on sait influer c'est la potabilité de l'eau. On y adjoint des doses plus ou moins massives de vinaigre ou d'alcool pour la rendre buvable. Avec parfois certains effets secondaires.
Il faut aussi avoir les moyens de risquer son capital : les navires de haute-mer sont très chers. Il faut ensuite les armer, payer un équipage (et dans les cas de voyages au longs cours, nourrir la famille du marin durant son absence) et accepter de perdre cet argent si le navire disparait en mer. Ce qui arrive assez souvent.
Les marins ont assez bien intégré le fait que c'est dangereux, voilà ce qui explique les légendes qui existent un peu partout sur des monstres fabuleux qui dévorent les navires ou sur les chutes d'eau qui existeraient au large (sûrement le souvenir de certaines grandes tempêtes avec des vagues scélérates ce qui donne l'impression qu'on est en train de tomber vers les abysses ...). Il faut donc convaincre un équipage que partir n'est pas un suicide. C'est d'ailleurs l'un des avantages de la méthode d'Henri le Navigateur. En faisant son espèce d'académie de la mer, il permet au savoir de circuler parmi ses marins. Ils savent que certains ont vu des terres au loin, ils savent à peu près jusqu'où leurs confrères sont allés. Et ils échangent les données sur les courants. Or, cela n'existe pas dans d'autres contrées. Il y a donc un mélange d'informations vraies, de légendes et d'hypothèses qui circulent. Ce qui rend les choses à la fois plus attrayantes et plus repoussantes.