PaulRyckier a écrit :
j'ai de nouveau relu les textes que j'ai mentioné dans mon message précédent et je lutte
pour faire une narration logique et fondée comme la vôtre...
Je préfère vous mettre en garde : je suis incapable de logique.
Ma réponse n'a été que les espérances entrevues offertes par votre question.
Le credo théologique à la sortie du médiéval : opposer la peur bien réelle de la mort à celle plus grande encore de la perdition. La Renaissance dénonce cette transaction : n'y aurait-il de bien sur cette terre que l'espérance d'une autre ? La religion n'apporte comme solution que la résignation. Déjà des hommes pensent, écrivent que peut être la descente aux enfers, thème obsessionnel dans les lettres antiques demande une nouvelle visite. Les premiers philosophes contestaient les mythes, la Renaissance verra la contestation de toutes les idées issues de toutes croyances sans remettre la foi en cause. L'Eternité ne trouve-t-elle pas un avant goût dans les idées. L'âme ne peut être une ombre vide d'esprit.
L'homme semble à ce moment à la recherche d'une adéquation qu'il pressent et que Pascal mettra -plus tardivement- en Pensées : "Console-toi, tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais trouvé".
Chacun se découvre le droit d'exalter sa foi autrement. Le bond de la Renaissance me semble plus incroyable que celui des Lumières. Ce n'est pas tant Luther ou autres qui produisent la Réforme mais la Réforme qui trouve sa légitimité dans les écrits de Luther. Les penseurs ont pour objet ce qui rend l'homme meilleur. La philosophie ne devrait donc plus être en conflit avec l'Eglise. Celle-ci va prendre le train en marche et entre le choix de se renouveler ou sombrer, elle se figera. Dans les trois mondes de la Révélation, la tâche de penser Dieu ne va jamais sans effort pour comprendre le réel. C'est en faisant le choix d'un système philosophique supposé seul conforme à la Vérité que l'Eglise a vidé le monde médiéval de toute créativité. La Réforme met fin à une tradition d'asservissement de la pensée humaine. Avec son "Personne n'est sûr... de l'obtention de la pleine rémission" Luther va figer l'Eglise. Il faudra attendre Descartes pour une reprise de dialogue cette fois incontournable car basé sur une vieille logique : ne rien tenir pour vrai que ce que l'on connaît vraiment ou le doute radical, le duc de Raguse peut l'entrevoir en conclusion donc je ne me sens pas trop HS de l'écrire.
Citer :
et j'ai des questions aussi, quand vous dites par exemple "un nouveau monde"...plutôt nouvelle étape...au cours des siecles...?
A ce moment même. Une étape où pensée et matière ne sont pas forcément une dualité éternelle et insoluble. La vie est un passage, certaines philosophies choisissent d'optimiser ce passage. La théologie commande de subir ce monde. La Renaissance ouvre d'autres chemins que le cadre de la pensée éternelle, des chemins hors jugement de Dieu et un jour hors Dieu. Gomara écrit : "La plus grande chose depuis la Création du monde, hors l'Incarnation et la mort de son Créateur, c'est la découverte des Indes". Ceci peut être compris à plusieurs niveaux au vu des prémisses comparatifs.
Citer :
D'abord je pense qu'on avait déja des grains de la future Renaissance dans le Moyen-Âge...voir mon premier URL avec la discussion avec Duc de Raguse... Par le plus grand accent qu'on met sur la libre recherche (déja commencé selon moi dans des centres médiévales comme les universités et les cours de princes)
Tout est dans le mot, ce n'est pas une "naissance spontanée" seulement issue d'idées nouvelles. Ses racines se trouvent déjà dans le médiéval et s'approprie une relecture des textes antiques. La Renaissance est la marche qui permet l'humanisme des Lumières puis celui du XIXème. C'est en ceci qu'elle est doublement novatrice.
L'université est un des facteurs décisifs dans l'essor intellectuel de ce qui deviendra l'Europe. Elle allie la culture du commentaire à celle de l'argument. L'audace théorique, le foisonnement des genres littéraires, l'alternance de la leçon de lecture et de la dispute de fond, la place croissante prise par la logique, la philosophie du langage, l'exégèse dépassée par l'analyse conceptuelle font de l'université un puissant rempart contre l'autorité quelle soit civile ou religieuse. On met en crise des référents textuels : Aristote à Aristote, Augustin à Augustin. Le dialogue du savoir et de la croyance, de la raison et de la foi est mené avec la même intensité dans un cadre privé ou semi-public. Grâce à leur diffusion les textes peuvent transformer la manière dont les hommes pensent leur relation à autrui et aux pouvoirs. Il faut cependant garder à l'esprit que c'est le monde qui change les livres et non l'inverse.
Ceci dit je ne suis loin d'être experte de l'époque, attendez d'autres interventions plus étayées, plus larges mais qui sauront aussi poser les bornes du HS, chose que j'ignore. Un siècle et demi de chocs incroyables dans tous les domaines : 1453, Constantinople tombe ; 1455, Gutenberg ; 1482, édition latine de Platon à Florence ; 1492, Colomb ; 1509, Erasme ; 1515, Magellan et son tour du monde ; 1517, Luther "placarde" ; 1534, Henry VIII rompt avec l'Eglise catholique ; 1543, Copernic publie "Sur la révolution des sphères célestes" ; 1549, la Pléïade ; 1550, la controverse de Valladolid ; 1598, l'Edit de Nantes.
En HS (après 1600) mais si proches : Shakespeare, Cervantes, Harvey, Galilée et déjà Descartes, "Le Discours de la Méthode". Nous ne sommes qu'en 1637...