Alain.g a écrit :
La Révolution pensera de même, le concept de tolérance, au sens actuel s'entend, lui est étranger. Condorcet par exemple, révolutionnaire modéré, veut remplacer le culte du décadi par des conférences publiques pour inculquer au peuple une morale républicaine. Talleyrand évoquera une instruction qui imprime aux hommes "de nouveaux sentiments, de nouvelles moeurs, de nouvelles habitudes".
Il est étonnant de constater que la religion semble le point, voire la racine de ce qui pourrait être l'intolérance.
Dans ce sens -et ce presque à chaque révolution- on éradique la notion de religion pour mettre en place une autre forme d'éducation au bien et au mal mais qui souvent complique plus les choses ou pire encore se montre plus intolérante dans sa forme qui ne peut entrainer que la soumission ou une réaction qui sera réprimée alors de manière radicale donc "intolérante".
Comme vous citez souvent Locke, je suis allée lire sur le net. Sa définition de la tolérance me semble plus proche de l'indifférence, nous dirions de nos jours du "lâcher prise". Je préfère la phrase attribuée à Voltaire.
Jean-Claude a écrit :
Un régime politique est nécessairement engagé idéologiquement, sinon la tolérance totale débouche sur l'anarchie.
J'ai du mal à comprendre cette phrase. Avec un point après "idéologiquement", c'est évident. Les mots "régime politique" induisent inévitablement une idéologie sous tendue et une idéologie politique est rarement perçue comme "tolérante" pour une partie de ceux qui la subisse. D'autant que bien souvent, les idéologies politiques pour mieux s'ancrer font table rase du passé et de la religion dans un processus que l'on nomme "Révolution". Cette révolution sensée s'ouvrir sur une ère de tolérance semble in fine bien compliquer les choses (Soljenitsyne).
Pour ce qui concerne l'éducation des masses, elle semble demander au-delà de coupes brutales (la religion) une intolérance qui va jusqu'à la négation de l'autre : tout se doit d'être fait pour la cause (bonne ou mauvaise).
Maintenant la tolérance totale est-elle obligée de déboucher sur l'anarchie ? Dans un contexte politique sans doute quoique je pense que l'on puisse endiguer les courants encore faut-il le vouloir. Il semble que ce processus demande plus de "travail" qu'une mise au pas au nom de la "liberté de l'autre" (bien mise à mal elle aussi lorsqu'évoquée par un tiers).
Nous sommes au grand siècle donc, dans une société on ne peut plus hiérarchisée. On existe par sa naissance et si l'on peut s'élever, on est pas pour autant "reconnu". La tolérance peut-elle exister dans une société hiérarchisée ? Et sachant que toute société est hiérarchisée d'une manière ou d'une autre, comment faire place à la tolérance ?
Alain.g a écrit :
Pour revenir au Grand Siècle, l'Angleterre a la même conception de la tolérance pour les religions que la France, pire parfois, chaque camp n'accepte pas que que l'autre puisse étendre son influence.
Peut-il y avoir tolérance dans un monde de pouvoir ? Ceci me semble difficile car il faut alors laisser une partie de son pouvoir (ou appelons le "idées" lorsque ce n'est pas idéologie) au vestiaire. On se met alors en position de faiblesse, à la merci de la tolérance de l'autre, ce qui n'est pas évident car personne n'a vocation de martyr. L'autre va-t-il se montrer "indulgent" ce qui induit une certaine "condescendance" hors le spectre religieux (je veux dire la définition de la tolérance donnée par Jésus) et cette définition entraîne non seulement une soumission mais encore un appel à une humilité sur laquelle on ne peut rien construire de pérenne. Donc pour "construire" on ne peut qu'être dans la force et l'intolérance ce qui me semble étrange. On s'appuie alors sur l'espérance : les fameux lendemains qui chanteront et au nom de ces lendemains l'être humain se doit de se sacrifier (d'abord ses idées -les idéaux ne sont plus de mises- puis ensuite sa propre personne -on peut le voir dans certains procès-).
Pour faire court, ne serait-ce pas justement la tolérance qui entraînerait l'anarchie ? Mais est-il correct de l'énoncer ?
Manifestement le juste équilibre n'a jamais été trouvé, ce juste équilibre ne serait-il pas ce que l'on nomme paix mais sans notion de "donnant/donnant" car il y a toujours un lésé.
Jean-Claude a écrit :
Comme vous le soulignez fort justement, il est catholique. Et s'il avait régné sur un pays majoritairement catholique, il aurait agi comme son cousin germain Louis XIV. Il n'a fait ce qu'il a fait que parce qu'il voulait servir son Eglise, minoritaire, et avait bien conscience qu'il ne pourrait arracher plus qu'une reconnaissance de la sorte. Mais c'était déjà trop.
Pourquoi la révocation de l'Edit de Nantes dans un royaume où la majorité est catholique ? Où personne ne s'indigne de cet acte que l'on pourrait qualifier de profonde intolérance et qui n'apporte guère à l'Eglise mais plus au "politique".
Comment et pourquoi s'est-on retrouvé devant une sorte de régression ? Les Protestants français présentaient-ils une épine dans un pouvoir absolu ? Etait-ce pour enfin tourner la page de la Fronde ? Pourquoi le royaume de France se sent-il toujours obligé d'être plus religieux que la religion ?
Avec la Guerre de Trente ans, on voit un ESERG outre-Rhin qui confisque un pouvoir et un devoir de médiation pour imposer la religion de son royaume. Deux générations plus tôt, je vous accorde que ce n'était pas formidable mais enfin des unions entre catholiques et protestants étaient acceptées etc. et point d'anarchie, des remontrances de Rome de temps en temps. Au nom de la "tolérance" et de l'éducation à la "tolérance", ne fait-on pas passer des intérêts purement politiques et dans l'air du moment ? Sur le religieux mais je puis me tromper, il me semble que le courant catholique -au cours de l'histoire- se montre assez "intolérant" ou alors au nom de ce courant, la tolérance n'est pas de mise bien au contraire. Alors mauvaise interprétation de l'écriture ? Ou volonté de l'autorité à faire plier la "masse" car on peut noter des alliances "contre nature" (les Protestants, les Ottomans) lorsque ceci peut arranger et ceci sous de nombreux rois (François Ier, Louis XIV et autres) ; pourquoi ? Bien souvent pour mettre à mal un autre puissant, de la même religion (Espagne, Autriche). On sait alors se montrer soudainement très "tolérant". Comment alors ne pas voir dans la "tolérance" un concept ? Pire encore que l'on tord et distord selon un bon vouloir émanant d'un politique tout puissant, ce qui est incompréhensible.