La déportation des Judéens en Babylonie se déroula en trois temps.
Une première transportation eut lieu sous le court règne de Joïakin (597), dont le père avait renié le traité de suzeraineté soumettant son royaume à celui de Babylone mais était mort entre temps. Il n'y eut aucune destruction cette année-là. Nabuchodonosor, qui n'avait aucun intérêt à détruire le royaume de Juda, se contenta d'emmener captifs le jeune roi, âgé de 18 ans, sa mère, ses femmes, ses eunuques, ses officiers, ministres, fonctionnaires et tous les hommes de son palais en âge de porter les armes. Après le départ de la cour, Mattanya, oncle du roi déposé, fut intronisé par les Babyloniens sous le nom de Sédécias.
Cette calamité, loin de servir de leçon aux rares élites laissées en place, ne les poussa qu’à regimber davantage. Un nouveau soulèvement vit le jour dix ans plus tard (587). Ses conséquences s'avérèrent plus désastreuses : Jérusalem fut prise d’assaut par les Babyloniens, incendiée et pillée ; les remparts de la ville furent arasés, le temple de Yahvé démoli et les objets du culte confisqués. Le roi Sédécias, tenu pour félon, fut exposé en place publique, où l’on égorgea sa famille sous ses yeux — qu’on lui creva ensuite —, avant que d’être mis aux fers, attaché à un char comme un chien et déporté avec un nouveau contingent d’insurgés.
Cinq ans plus tard, eut lieu une troisième déportation (582).
En tout, 4.600 personnes furent exilées, selon Jérémie. C'est l'élite de la nation (roi, cour, conseillers, militaires, prêtres, scribes, artisans spécialisés...) qui fut déportée, mais non le menu peuple des villes et des campagnes.
Au début, sans doute, certains des exilés furent astreints aux grands travaux de construction entrepris par Nabuchodonosor mais leurs conditions semblent s'être rapidement améliorées. Une partie de la comptabilité palatiale d'Awel-Marduk, le successeur de Nabuchodonosor, retrouvée à Babylone, mentionne le roi Joïakin et sa cour parmi les rationnaires du Palais. Ils y vivaient en résidence surveillée, mais avec la considération due à leur rang. Le reste de la communauté juive avait été installée, soit à Babylone, soit dans d'autres grandes villes du pays. « Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion », chante le Psaume 137. Rien de surprenant en cette nostalgie de la patrie perdue... que les exilés (mis à part les prêtres) remplacèrent assez tôt par un intérêt bien compréhensible pour cette civilisation babylonienne plus riche, ouverte et brillante que la leur. Ce ne dut pas leur être trop ardu : les Babyloniens, après tout, étaient des Sémites comme eux ; leur langue ne leur était pas tout à fait étrangère... En plus, Nabuchodonosor ne leur avait pas interdit de vivre selon leurs us et de pratiquer leur culte. Certes, le Temple, seul sanctuaire admis comme siège des manifestations de Yahvé, n’existait plus, ce qui obligea les plus religieux d'entre eux à inventer une nouvelle liturgie et un nouveau mode de célébration de celle-ci. Quant aux autres, ils s'assimilèrent rapidement et s'enrichirent comme le montre le nombre de plus en plus important d'anthroponymes judéens dans la documentation babylonienne postérieure au règne de Nabuchodonosor.
Au point qu'en ~538, quand Cyrus autorisa les exilés à rentrer à Jérusalem, peu nombreux furent les volontaires...
Pour les fameux « 70 ans », voir le message d'Epsilon qui a parfaitement résumé le problème.
_________________ Roger
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