Pouzet a écrit :
J'aimerai aborder le thème des "malgré-nous" alsaciens et lorrains durant la guerre, ces jeunes français enrôlés de force dans la Wermarcht.
Parmi eux y en a t-il eu beaucoup qui ont désobéi aux ordres qu'on leur donnait ?
Ou la plupart ont obéi aux ordres....
J'ai lu le témoignage d'un Malgré-Nous (enfin, parmi d'autres). Il se trouve que par un concours de circonstance, il est un peu plus vieux des jeunes de 16-17 ans qui vont se faire incorporer dans la Das Reich. Notre témoin termine des études d'instituteur. On l'a envoyé dans une école qui se trouve au milieu du lac de Constance et il se trouve que cette année-là, le lac s'est retrouvé totalement gelé. On pouvait donc aller à pied d'Allemagne en Suisse. Lors du dernier jours, dans la plupart des chambres, il s'est tenu des conseils entre alsaciens. Dans sa chambre, il y avait un des rares allemands (les autres avaient été enrôlés sur le front de l'Est). Cet allemand est allé dormir dans un salon pour laisser les alsaciens prendre sans doute une des décisions les plus importante de leur vie. Et dans la plupart des chambres, il y eût des discussions similaires. C'était l'hiver 42-43, donc la plupart ne nourrissaient plus aucunes illusions à l'égard des nazis, même si le fait d'avoir partagé la scolarité de quelques allemands leur a permit de bien comprendre que tous les allemands n'étaient pas à mettre dans le même sac. Voilà pour le contexte.
Le but de la discussion : décider si on allait traverser le lac ou retourner en Alsace. Sachant parfaitement toutes les alternatives possibles. Mais, apparemment, il vaut mieux les expliciter.
Partir, voulait dire déserter et sauver sûrement sa vie. Peut-être, pouvoir intégrer une armée qui combattrait pour la libération de la France et de l'Alsace.
Rester, ça voulait dire retourner à la maison, revoir sa famille, puis être convoqué pour le Rad, puis pour le conseil de révision, puis de se retrouver sûrement sur le front de l'Est a combattre les russes en connaissant déjà la boucherie que c'était. Chacun des alsaciens avait en mémoire des jeunes de son village qui étaient morts au front ou qui étaient revenus estropiés à vie.
Mais, partir, ça voulait dire que la famille, toute la famille vivant sous le même toit, allait être déportée en Silésie ou en camps. Et toute la discussion a tourné là-autour. Peut-être que quelque uns, moins attachés à leur famille auraient fait un autre choix, mais tous ont décidé de se sacrifier pour leur famille. Et c'est comme cela que de nombreux jeunes l'ont vécu. C'était le cas pour un jeune d'un peu plus de 20 ans, pensez ce que ça devait être pour un jeune de 17-19 ans.
Si vous avez cet âge pensez que vous pouvez vous sauver, mais que pour cela, votre père, votre mère, vos frères et vos sœurs vont être arrêtés au petit matin, qu'ils auront juste le droit de remplir une petite valise, que leur maison, leur terre leur sera confisquée, et qu'on les mettra dans un train vers une destination inconnue à l'est de l'Europe. Franchement, je ne suis pas sûr que tous les jeunes soient prêts à déserter dans ces conditions. Je pense même que la plupart resteraient.
Dans les témoignages de la plupart des déserteurs, ce sont les parents qui ont pesé en faveur de la désertion. Ce sont parfois les pères qui ont organisé la désertion et qui les ont mis en contact avec les filières d'évasions. Parfois, il s'agit aussi de jeunes orphelins. Mais, très peu désertent de leur propre chef. Dans certains cas, les parents ont poussé à la désertion, mais le jeune a refusé pour ne pas causer de tort à ses parents.
Je reviendrais plus tard sur les éventuelles désobéissances aux ordres.