Un dernier canular, l'affaire Sokal :
Nota : il y a déjà un fil consacré aux canulars et poissons d'avril célèbres :
viewtopic.php?f=78&t=20190&p=261995&hilit=canulars#p261995 où l'affaire Sokal est mentionnée.
L'affaire Sokal renvoie à la publication d'un article (qu'il révèlera ensuite être un canular) par le physicien Alan Sokal dans la revue Social Text, ainsi qu'à toutes les controverses qui en résultèrent.
Social Text est une revue d'études culturelles postmoderne, chef de file dans son domaine, publiée par l'Université Duke. En 1996, Sokal, professeur de physique à l'Université de New York, soumet un texte pseudo-scientifique à la revue dans le cadre d'une expérience visant (selon les dires de Sokal) à « publier un article généreusement assaisonné de non-sens qui (a) sonne bien et (b) flatte les préconceptions idéologiques des éditeurs », et à voir si les éditeurs accepteraient l'article proposé.
Voir le détail de ce joli coup :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_SokalIl faut dire que Alan Sokal n’y va pas avec le dos de la cuillère. Dans les dix premières lignes de l’article, il affirme froidement que « la réalité physique n’existe pas » et qu’on comprend de plus en plus, à la lumière de travaux scientifiques récents – qu’il liste, parce que malheureusement il en trouve, c'est tout le problème – « qu’il s’agit en réalité d’une construction culturelle. »
N’importe quel physicien aurait passé l’article au classement vertical dès la lecture de cette affirmation extravagante, mais cela n’a pas arrêté les scientifiques de Social Text, qui ont publié l’article sans y voir malice.
Pour Sokal, le plus grave est qu’il a trouvé de nombreuses références à des textes de sociologie des sciences qui confortaient son propos délirant, ce qui pose question sur la nature de nombreux travaux dans ce domaine.
Un extrait de l’article, sorti des dix premières lignes en question :
Citer :
It has thus become increasingly apparent that physical ``reality'', no less than social ``reality'', is at bottom a social and linguistic construct; that scientific ``knowledge", far from being objective, reflects and encodes the dominant ideologies and power relations of the culture that produced it.
Traduction libre :
Citer :
Il est donc devenu de plus en plus évident que la "réalité physique'', tout comme la "réalité sociale'', est au fond une construction sociale et linguistique, et que la "connaissance scientifique", loin d'être objective, reflète et encode les idéologies et les relations de pouvoir de la culture qui l'a produite.
Pour le lecteur historien qui ne sursauterait pas : Ce qui est mis en cause est bien la réalité physique, et pas le degré de vérité de la science. Un parallèle avec l’histoire – que je tente malgré ma faible culture en ce domaine, ça vaut ce que ça vaut :
Imaginez un article d’épistémologie historique qui commencerait par affirmer que la réalité historique n’existe pas. (En somme, que le passé n’a pas eu lieu : le débat ne porte pas sur la vérité historique – une notion qui prête largement à débat – mais sur la réalité de l’histoire.)
En fait le coup d'alan Sokal est un sévère règlement de compte avec certaines tendances post-modernes, voire même New Age, dont il conteste la prolifération dans les sciences humaines.
"Sciences inexactes contre sciences inhumaines", comme aurait dit une de mes professeurs.