Cela me fait penser à cet article paru dans
Le Monde, Sylvain Cypel consacre un article à Jesse Owens, le métis américain, quadruple médaillé d'or aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 (« 1936, à Berlin, l'Aryen 'Lutz' devient l'ami de Jesse, le métis », 17-18 septembre 2000, p. VI).
Le journaliste est obligé de reconnaître que l'histoire du chancelier Hitler refusant de serrer la main de Jesse Owens n'est qu'une légende. Encore en 1991, Le Monde accréditait cette légende sous la plume de Claude Sarraute, qui osait alors écrire :
« Hitler a bien refusé de serrer la main de Jesse Owens, le Noir américain vainqueur aux Jeux olympiques à Berlin en 36 » (« Bleu, blanc, noir », 3 décembre 1991, p. 34).
Le protocole n'avait pas prévu de présentation des athlètes au chancelier et
J. Owens a lui-même démenti par la suite avoir jamais été en présence de Hitler.
Ce que S. Cypel aurait pu préciser, c'est que, du haut de sa tribune, Hitler, en constatant la défaite de Ludwig (« Luz » et « Lutz ») Long au saut en longueur, eut d'abord, comme beaucoup d'Allemands,
« un geste de dépit puis applaudit la performance du Noir américain » (
J.-P. Rudin, Nice-Matin, 4 avril 1980).
Le même S. Cypel a omis d'ajouter que
le nom de J. Owens fut gravé à quatre reprises sur la tour d'honneur des Jeux. Une photographie a immortalisé le geste du sculpteur allemand inscrivant l'illustre nom pour la deuxième fois tout au haut du monument.
De retour aux Etats-Unis, l'athlète eut à connaître, jusque dans les moyens de transports publics, les humiliations quotidiennes réservées aux Noirs dans son pays et il ne manqua pas de faire la comparaison avec le traitement qui lui avait été réservé en Allemagne. En 1984, lorsque le stade olympique de Berlin prit le nom de Jesse Owens,
la veuve de ce dernier rappela que son mari ne s'était jamais plaint de l'Allemagne de Hitler. Comment l'aurait-il pu ? Quand il quitta le stade au bras de son ami et rival « Luz », une ovation salua les deux athlètes.
Dans l'album photographique en deux volumes consacré aux Jeux, Hitler est représenté six fois, J. Owens sept fois et les athlètes noirs en général douze fois. Le chapitre consacré aux courses s'ouvre sur « l'homme le plus rapide du monde : Jesse Owens-USA ». Le premier volume s'orne, en tête, d'un portrait d'Adolf Hitler et le second volume d'un portrait de Theodor Lewald, juif et président du comité d'organisation des Jeux (Olympia 1936, Die Olympischen Spiele 1936 in Berlin und Garmisch-Partenkirchen, 2 vol., 1936, 292 p.).