jovien a écrit :
Duc de Raguse a écrit :
Mais, justement, cette "mission civilisatrice" que se donne la France découle directement des idéaux des Lumières appliquées à l'extérieur du territoire pendant les guerres révolutionnaires : il s'agit de libérer les autres populations par le savoir et la Raison. Dans les deux cas, la force a été le moyen utilisé (même si dans le premier cas, il s'agissait davantage de se défendre que dans le second...)
Vous me paraissez participer peu ou prou de la même mythologie que Clemenceau : la France révolutionnaire ne s'est pas défendue contre ses voisins : elle les a attaqués.
Voilà une vision bien caricaturale. On pourrait dire qu'elle a déclarée la guerre la première ... lors qu'elle n'était pas tout à fait prête, mais que ces voisins étaient en train de mettre sur pied les armées pour l'attaquer. Et c'est bien parce que les autres armées étaient prêtes et pas les nôtres, que le début de la guerre s'est mal passé.
jovien a écrit :
Dominée au début, elle a rapidement rétabli la situation.
Et c'est bien parce que les autres armées étaient prêtes et pas les nôtres, que le début de la guerre s'est mal passé.
jovien a écrit :
Elle n'a pas alors cherché la paix, mais la conquête.
Disons que pour faire la paix, il faut être deux. Il y a une longue discussions sur les tentatives de Napoléon pour signer une paix. Mais, on peut remonter à l'époque révolutionnaire et on trouvera le même problème. L'usage du temps prévoyait qu'on gardait les territoires conquis. Il y a bien eu quelques restitutions lors des guerres antérieures, mais elles étaient rares. Mais, les ennemis de la France révolutionnaire auraient aimé que les français restituent les territoires conquis et qu'en plus ils changent de régime... Difficile de faire la paix avec quelqu'un qui ne veut pas la faire.
De plus, comme le souligne Duc de Raguse, très tôt, certains révolutionnaires ont cru que leur mission était de libérer l'Europe et de lui amener un gouvernement issu des Lumières.
jovien a écrit :
Cette conquête s'accompagnait de pillages gigantesques - la guerre remplissait les caisses vides de la France (par exemple, la sécularisation des biens du clergé dans les Pays-Bas autrichiens revenait à revendre aux Belges leur propre sol) - et inédits - par exemple le pillage des œuvres d'art italiennes.
Premièrement, les pillages œuvres d'arts n'étaient pas quelque chose d'inédit. De même que le pillage tout court. Ce fut d'ailleurs la plus grande erreur des armées révolutionnaire. Alors qu'elles prétendaient libérer le peuple, elles se sont comportées exactement de la même façon que les autres armées lors des guerres précédentes. Je vous invite à lire le sujet sur les guerres "en dentelles", il devrait remettre quelques pendules à l'heure. Et pourtant, le sort des populations civiles fut bien meilleurs que lors des guerres avec un fond religieux, comme au cours de la guerre de Trente ans qui laissa bien dépeuplée certaines régions.
En fait, une grosse partie de vos reproches correspondent à ceux qu'on fait les allemands aux français. Ils avaient raison sur un point : quand on vient libérer les peuples, on ne les pille pas et on ne leur demande pas des tribus gigantesques pour soutenir l'effort de guerre. Mais, les armées de l'époque vivaient encore grandement sur le pays conquis. Les réquisitions succédaient donc aux réquisitions et elles firent la fortune des quelques accapareurs qui fournissaient les armées. On considère actuellement que le nationalisme allemand s'est construit en réaction à l'occupation napoléonienne.
La mission "civilisatrice" de la France commence bien lors de la période révolutionnaire. Une partie des dirigeants français et une partie de l'opinion publique pense qu'il faut exporter le modèle français. Dans la réalité, nous voyons bien que ce n'est pas le cas. La plupart des "Républiques-sœurs" n'ont aucune légitimité auprès de leur population. Et celles qui en avaient la perdent assez rapidement du fait du comportement des autorités françaises et des armées françaises. Tout ce qui va rester, c'est le Code Napoléon et l'idée que le peuple peut participer à la vie du pays.
Lorsque les français vont coloniser l'Afrique, ils prétendent aussi amener la civilisation. Or, souvent ils vont détruire l'image des élites traditionnelles qui vont se compromettre avec eux et ils vont brider l'apparition de nouvelles élites "à la française" sur lesquelles ils auraient pu s'appuyer s'ils voulaient vraiment "civiliser" les peuples. Du coup, ces élites nouvellement formées par l'école de la République formeront partout l'ossature des mouvements nationalistes.
En pratiquant ce double langage de la "mission civilisatrice de la France", qui ne collait pas à la réalité, nous avons crée des gens qui ont cru au message et qui ont été déçu par la suite qu'on ne les reconnaisse pas. Ce qui les a conduit à devenir les créateurs des mouvements d'émancipation.