Camille l'uchronique a écrit :
D'un chauvinisme puant et quasi-fanatique dès lors qu'il est question de sa région natale, mon père m'a raconté pendant toute ma jeunesse que la Provence était un "vaste et puissant état souverain couvrant pas moins de 33 départements du sud de la France et dont les institutions, la culture et la langue dominaient l'Europe de l'Angleterre à la Russie" (je paraphrase). Imaginez alors comme je me suis sentie bête quand j'ai découvert, il y a finalement peu de temps, que la Provence, stricto sensu, n'était rien de plus qu'un petit comté qui couvrait à peine 4 des 6 départements de l'actuelle région PACA et des poussières et n'avait jamais été un état souverain mais avait appartenu à la Bourgogne, puis au Saint-Empire...
Votre père semble confondre ce qui tient de la Provence traditionnelle à proprement parler (un peu plus grande que la région PACA et correspondant au comté de Provence, au comté de Forcalquier et au marquisat de Provence trans-rhodanien), et ce qui tient de ce que l'on nomme maintenant l' « Occitanie » (un terme que je déteste et qui ne correspond à rien), soit le Midi de la France de langue d'Oc (ce qui le distingue du Midi de langue Basque ou Catalane, ainsi que des provinces étrangères de langue d'Oc, telles qu'en Italie).
La confusion est entretenue par la terminologie médiévale, qui utilise souvent « Provence » pour désigner tout le Midi. C'est un usage qui est resté en italien.
Mais à ce compte là, on peut considérer que la France s'étend de la Navarre à la Bavière.
Camille l'uchronique a écrit :
Je crois comprendre que la Provence a d'abord fait partie du royaume de Bourgogne au Xe siècle, puis a été intégrée au Saint-Empire au XIe siècle dont elle a fait partie jusqu'à son annexion définitive par la France sous Louis XI au XVe siècle. Pourtant, je sais aussi que pendant cette même période de 4 siècles où elle a été terre d'Empire elle a échu à l'Aragon au XIIe siècle, à la première maison d'Anjou au XIIIe, issue du frère du roi de France Louis IX puis à la deuxième maison d'Anjou au XIVe, issue du frère d'un autre roi de France, Charles V. Voilà pourquoi j'avoue ne pas bien comprendre: la Provence était-elle vassale de l'Empire ou de la France? L'a-t-elle été successivement de l'une puis de l'autre? De l'une tout en appartenant à l'autre? Le comte de Provence était-il un seigneur de l'Empire tout en prêtant hommage au roi de France? Je suis dans le flou complet.
Si quelqu'un qui s'y connaît mieux que moi sur le sujet pouvait me faire une petite synthèse claire, je lui en serais très reconnaissante.
Merci d'avance!
Le royaume de Bourgogne était aussi connu comme celui de Provence ou d'Arles selon les moments et les interlocuteurs. Il y avait d'ailleurs plusieurs Bourgognes. L'une est devenue le duché de Bourgogne, c'est à dire "la" Bourgogne (terre sous suzeraineté du roi de France) ; l'autre est devenue comté de Bourgogne (terre impériale), plus connue comme Franche-Comté ; une autre était la Bourgogne cisjuranne, c'est à dire le Dauphiné et enfin la dernière, Bourgogne transjurane, nous est plus connue comme étant la Suisse.
Tout cela constitue le Sud de la grande Lotharingie du traité de Verdun. Ce royaume de Bourgogne fut fondé par Boson, qui profita de la faiblesse du pouvoir carolingien pour prendre son indépendance formelle. Conrad le Salique en a hérité, l'annexant
ispo facto au Saint-Empire.
Barbetorte a écrit :
Culturellement, cette ancienne province de la Gaulle romaine était plus proche de l'Italie que de la Gaule chevelue. Là encore, votre père, s'il exagérait un peu, n'avait pas entièrement tort. Le Florentin Pétrarque n'était pas vraiment à l'étranger à Carpentras et la langue d'oc, proche des dialectes parlés en Italie, a bien été culturellement dominante en Europe.
C'est une remarque que j'ai déjà entendue dans la bouche de parisiens, c'est dire le caractère insultant et faux qu'elle a. Si le Sud de la France, en particulier la Provence, a conservé une romanité plus marquée (romanité toute relative, on sait par la Grégoire de Tours que même dans le Sud de la Gaule la culture romaine savante était partout en déshérence dès le VIème s.), il en reste que le Sud entretient ses rapports le plus privilégiés avec le Nord de la Gaule, et non pas avec l'Italie centrale.
C'est du reste le Nord de l'Italie, en particulier le Piémont, qui se rattache culturellement à la France plutôt que le Sud de la France qui se rattache à l'Italie.
Les langues gallo-romanes (incluant le Catalan) :
Avant d'être lombardisé, le piémontais faisait probablement partie d'un groupe dialectal gallo-roman alpin, avec ce qu'on appelle aujourd'hui le franco-provençal.
Pétrarque n'était évidemment pas étranger à la culture littéraire du Midi en langue d'Oc, puisqu'elle débordait largement ses frontières naturelles (nonobstant l'éducation provençale de Pétrarque). De même, un peu plus tard, la langue française faisait figure de langue littéraire en Vénétie bien plus que le toscan.
Traditionnellement, les flux humains et culturels vont plutôt du Nord vers le Sud des Alpes que le contraire. Il n'y a d'ailleurs jamais eu qu'une seule invasion réussie par le Sud (qui a pris un temps considérable car il a fallu d'abord conquérir la Provence, avant d'envisager une seconde le reste des Gaules).
Barbetorte a écrit :
Je crois que c'est assez confus. D'après le traité de Verdun de 843, les territoires à l'est du Rhône, dont le royaume d'Arles, appartiennent à l'empire.
Pas du tout. Il n'y a pas d'empire, en tout cas pas celui-là, en 843.
Comme dit plus haut, le royaume de Bourgogne est passé à l'Empire par héritage. La Lotharingie elle (ou du moins la moitié Nord de ce qui était Lotharingie en 843) a été chipée par Henri l'Oiseleur à l'occasion de la guerre civile à l'Ouest entre carolingiens et le parti robertien (guerre civile qu'il avait lui-même instigué).
Les frontières de 843 ne sont pas des frontières gravées dans le marbres que tous les rois suivants se sont bornés à respecter. Ce sont des frontières minimalistes auxquelles les rois des Francs se sont retrouvés cantonnés après les désordres et le changement de dynastie.
Barbetorte a écrit :
Ce n'est qu'en 1366 que l'empereur abandonne toute prétention sur la Provence. Contrairement à ce que j'ai avancé dans mon précédent message, les comtes de Provence n'ont jamais été vassaux du roi de France. Néanmoins, les papes d'Avignon se trouvaient sur un territoire où son influence se faisait sentir.
Je vous propose ces lectures :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_d%27ArlesDéclaration des droits de l'empire sur la ville et le comtat d'Avignon ... numérisé par Google :
http://books.google.fr/books?id=3jVJAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false. On y apprend page 15 que l'empereur reçut en 1235 hommage du comte de Toulouse pour le marquisat de Provence.
Le Comtat est issu d'une donation d'une partie du marquisat de Provence au Pape.
D'une manière générale la Provence, en particulier le Comté, est revenue dans le giron français à partir de la croisade des Albigeois, conflit ouvert contre les Comtes de Toulouse.
Raymond-Bérenger V préférait s'allier au roi de France pour ne pas voir ses terres passer à ses rivaux. Puis de loin en loin la Provence est passée à la France via les Angevins.
Elle est restée indépendant
de jure jusqu'en 1789, le roi de France exerçant son pouvoir comme comte de Provence, quand bien même elle ne l'était plus en fait depuis longtemps.