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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 24 Fév 2014 10:23 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Alain.g a écrit :
HEKTOR a écrit :
.. cela ne signifie pas que l'antisémitisme n'ait pas été bien présent tout au long de l'Affaire, de son début, à sa fin.
Il n'est pas présent au début dans le débat public, c'est ce qu' écrit Rebeyrioux qui a dépouillé la presse de l'époque.

Bonjour,
Le début "dans le débat public", c'est quand pour vous ?
Je pense que vous prêtez à cette grande historienne des idées qu'elle n'avait pas du tout.

@ Barbetorte
Merci pour l'insertion de cette intéressante caricature.
Donc effectivement, le dessin paraît résumer ce que nous disions plus haut.
- Le dessinateur met en avant une représentation antidreyfusarde du combat en faveur du capitaine Dreyfus : l'anti-france.
Evidemment, les défenseurs d'un traître ne peuvent être qu'alliés aux Allemands. Défendre Dreyfus, c'est s'en prendre à l'armée française elle-même, la plus haute valeur de la Nation pour les patriotes.

- L'antisémitisme, dans sa représentation la plus ville, est aussi présente dans le dessin, au premier plan, avec un Joseph Reinach croqué en singe, donc en animal (on distingue sa queue). Cette caricature est une copie de la représentation de Reinach dans "Le musée des horreurs", collection de dessins antidreyfusards de Victor Lenepveu.

Image

- Cette scène induit aussi une autre idée force du combat antidreyfusard : le syndicat. Elle est suggérée par la caisse qui contient des chèques (allusion aux chéquards de l'affaire de Panama, dans laquelle Reinach avait été injustement suspecté de complicité). Le syndicat était l'expression d'un fantasme complotiste, dans lequel une "organisation internationale occulte, juive et franc-maçonne" servait les intérêts du capitaine Dreyfus par le financement de "millions de francs". La notion de syndicat apparaît dès avant le début de l'affaire Dreyfus et conduit notamment à incarcérer Alfred Dreyfus au secret pendant quinze jours.

- Dernière idée, mais à peine effleurée, toutefois au premier plan : le pourvoi (en cassation). Il paraît tenu en réserve, la dernière cartouche ? Il induit une connivence entre les Dreyfusards et les plus hautes instance de justice. La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait en effet cassé le jugement de condamnation d'Emile Zola en mai 1898. Ce qui avait soulevé l'indignation des antidreyfusards.


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 24 Fév 2014 12:01 
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Georges Duby
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Attention, je ne dis pas en reprenant Winock et Rebeyrioux notamment, que l'antisémitisme ne s'est pas violemment exprimé à l'occasion de l'affaire Dreyfus, il l' a été, mais qu'il n'est pas l'essentiel dans le débat, il n'est qu'une partie du débat. Il est brandi par des antidreyfusards mais pas par tous les antidreyfusards. Certains, nombreux, arguent de la nécessité de ne pas affaiblir l'armée, de la défendre, d'être patriote, d'avoir une certaine idée de la France, de vouloir la cohésion nationale, le respect des traditions nationales.
Ce qui n'empêche pas le déchainement antisémite d'une partie de la presse et des ligues que je ne conteste pas du tout.
Michel Winock exprime bien le cadre global d'évolution de l'affaire quand il écrit:
" De son côté en se radicalisant, l'antidreyfusisme devenait nationaliste et antisémite et il cite ses arguments tels qu'ils ont été énoncés par Maurice Barrès: "anti-individualisme, anti-intellectualisme, le culte de l'armée, l'anti-protestantisme, l'anti-parlementarisme, la dénonciation de la décadence, l'apologie d'un certain catholicisme politique aux fins de cohésion nationale, la discipline sociale, la xénophobie et surtout l'antisémitisme."
Winock:
" Ainsi l'affaire Dreyfus avait changé de nature: ce n'était plus une simple querelle sur un épisode de l'histoire judiciaire. Si l'antisémitisme y occupe une place si importante, ce n'est pas que la question juive en soit l'origine, mais que ses fantasmes , trouvant la une occasion rêvée de s'épanouir, traduisaient une certaine forme de défense irrationnelle contre la marche au néant. Bien des antidreyfusards récusèrent l'antisémitisme, le dénoncèrent même comme Brunetière; inversement, un certain nombre d'antisémites - par exemple paul de Cassagne directeur de L'Autorité prirent le parti de Dreyfus, estimant la cause de la vérité au dessus de leurs préjugés."

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 24 Fév 2014 17:18 
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Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Barbetorte a écrit :
J'ai fini par comprendre comment on peut insérer une image. Donc voilà la fameuse caricature :

Merci pour l'image... qui reste une caricature parmi tant d'autres à ce moment.

Alain.g a écrit :
C'est bien l'Etat-major et les Juges militaires que Zola accuse... présente les débuts de l'affaire Dreyfus comme une opposition entre les dreyfusards qui "défendent la justice, la vérité les droits de l' individu" et les antidreyfusards qui protègent " l'armée et la raison d'état jugeant que l'intérêt du pays compte plus que la vie d'un individu." Le mot d'antisémitisme est à peine prononcé. La présentation de l'affaire Dreyfus a beaucoup évolué.

Je suis d'accord sur la manière dont l'affaire a été revisitée.
De 94 à 97 c'est l'affaire avant l'Affaire. Dreyfus est condamné. Illégalité et forfaiture font que le quidam est envoyé à l'île du Diable. Personne ne bouge. Pas même la communauté juive qui voit en l'armée une admirable école de tolérance.
Puis l'affaire devient l'Affaire. Les premiers déclics se déclenchent dans le monde de l'imprimé (L'Eclair, Le Matin)Apparaît l'une des pièces du "dossier secret". Une brochure favorable à Dreyfus sort. Elle est adressée à toutes les notabilités politiques, littéraires et aux journalistes. C'est au surlendemain de l'acquittement d'Esterhazy que tout le monde se réveille. Les premiers acteurs dont l'obstination fera de l'affaire Dreyfus une affaire nationale qui sont-ils ?
Après la bombe Zola, à chaque noeud de la crise s'enroule un lambeau de l'organisme social. Il a donc fallu attendre 1899 pour que le gouvernement prenne dans l'affaire Dreyfus une position conforme aux exigences minimales de la tradition républicaine.
On évoque l'armée mais qu'est l'armée ? Pas le contingent. Elle n'existe que par ses cadres qui vivent en marge de la société civile. On ne progresse qu'au gré des promotions. Toucher à l'Etat Major est critiquer l'armée dans ce qu'elle a de plus haut. Le pouvoir civil dont dépend l'armée semble bien petit. [… Avec le départ et le remplacement des chefs de la vieille armée d'origines sociales disparates, les liens n'ont cessé de se renforcer et de se multiplier entre les hautes sphères de l'armée et les milieux dirigeants du monde conservateur.]. L'affaire Boulanger a testé la capacité de la "grande muette". Pourtant l'armée jouera le rôle d'un groupe de pression longtemps invincible.
La magistrature se conduit malgré son indépendance officielle en agent du pouvoir politique. Une étroite collaboration semble exister entre le gouvernement, l'armée et la magistrature. Une même tâche les unit : la défense de l'ordre social. Les éléments répressifs de l'appareil d'Etat, en bons coopérateurs jouent dans le sens de l'antidreyfusisme.
Les antidreyfusards déclarent combattre "pour l'armée" qui ne peut se tromper et si du contraire doit être défendue car elle incarne la France éternelle, son unité par delà les clivages politiques. En face les dreyfusards : Justice et Vérité, appel aux Droits de l'homme, au refus "du sabre et du goupillon" et pourtant le dreyfusisme catholique n'est pas un mythe. Les idéologies s'affrontent : "Les prolétaires n'ont rien à faire dans cette bataille qui n'est pas la leur … le parti ne saurait sans duperie et sans trahison … suspendre sa propre guerre.".
Dreyfus "… n'est plus ni un officier ni un bourgeois mais l'humanité elle-même..." et le pays, que pense-t-il ?
Il semble indifférent. La majorité des journaux est antidreyfusarde. Si tous les antidreyfusards n'ont pas été hantés par l'espionnite, beaucoup ont été touchés par la lame de fond de l'antisémitisme qui se développe depuis les années 80. A l'origine deux courants et à l'arrivée l'antisémitisme nationaliste. Chez les incroyants, il arrive que le concept de "juiverie" soit employé en l'absence de tout juif, pour désigner les comportements jugés scandaleux. Dans leur grande majorité, ceux qui font usage de ce concept glissent d'autant plus aisément que le pseudo-scientifisme, l'anthropologie et la linguistique leur fournit d'étranges modèles. L'anthropo-sociologie s'acharne à classer les races selon les traits physiques et la linguistique fournit le principe de bipartition entre Aryens et Sémites. A l'image succède le discours et vice et versa (Cf. : le portrait robot du juif créé par Drumont où les traits physiques sont choisis comme annonciateurs des traits moraux).
La victoire est aux dreyfusards mais l'Affaire est dépassée. La victoire réelle ? L'ordre triomphe, les élections de 1900 entérinent en province la défaite des nationalismes, reclassement des mouvements politiques, entrée dans la vie politique de couches nouvelles s'exprimant avec des moyens nouveaux.

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 9:37 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 17 Mars 2008 11:47
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HEKTOR a écrit :
Alain.g a écrit :
HEKTOR a écrit :
.. cela ne signifie pas que l'antisémitisme n'ait pas été bien présent tout au long de l'Affaire, de son début, à sa fin.
Il n'est pas présent au début dans le débat public, c'est ce qu' écrit Rebeyrioux qui a dépouillé la presse de l'époque.

Bonjour,
Le début "dans le débat public", c'est quand pour vous ?
Je pense que vous prêtez à cette grande historienne des idées qu'elle n'avait pas du tout.

Bonjour
@ AlainG
Il est assez difficile de vous suivre car vous changez constamment de sujet.
Auriez-vous l'amabilité de répondre à cette question, pour que l'on puisse faire avancer le débat ?


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 10:59 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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HEKTOR a écrit :
Le début "dans le débat public", c'est quand pour vous ?
Je pense que vous prêtez à cette grande historienne des idées qu'elle n'avait pas du tout.
... vous changez constamment de sujet.
Le sujet est intitulé "Affaire Dreyfus".
Le début de l'affaire Dreyfus peut être fixé à mon avis à 1896 ou 1897, notamment à l'article de Zola de septembre, dans le Figaro qui se termine par "La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera", une phrase de Scheurer-Kestner. Article suivi d'un texte de Clémenceau de Novembre 1897 dans l'Aurore: "Qui donc protège le cdt Esterhazy contre les curiosités légitimes du juge". Puis il y a un second article de Zola intitulé "le syndicat". Le 10-11 janvier 1898, Esterhazy est acquitté, la foule lui fait un triomphe..
Le 13 janvier 1898, parait le J'accuse de Zola: " J'accuse... J’accuse les bureaux de la guerre d’avoir mené dans la presse, particulièrement dans L’Éclair et dans L’Écho de Paris, une campagne abominable, pour égarer l’opinion et couvrir leur faute.
J’accuse enfin le premier conseil de guerre d’avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j’accuse le second conseil de guerre d’avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable. ...
Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour ! J’attends. "

Quand à Madeleine Rebeyrioux, je l'ai citée, tout comme Michel Winock. Je la recite:
" La place que nous accordons aujourd'hui à l'antisémitisme dans l'affaire Dreyfus ne correspond pas aux perceptions de l'époque." ou
" Cette polarisation sur l'antisémitisme est allée de pair avec la prise de conscience de plus en plus aigue de la spécificité du génocide perpétré par les nazis."

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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 12:09 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 17 Mars 2008 11:47
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Alain.g a écrit :
Le sujet est intitulé "Affaire Dreyfus".
Le début de l'affaire Dreyfus peut être fixé à mon avis à 1896 ou 1897

Vous voyez comme il convient d'être précis.
Vous parlez donc de l'Affaire, avec un a capital.

Or, on vous l'a déjà dit, l'affaire Dreyfus est constituée de trois périodes :

A/ La première affaire Dreyfus, c'est 1894-1895. Le capitaine est accusé, jugé, condamné, dégradé. Dès ce moment, il existe un mouvement d'opinion. Il dure deux mois jusqu'au début janvier 1895.

Mais au fait, qui révèle l'existence d'une affaire Dreyfus en novembre 1894 ?

B/ La deuxième affaire Dreyfus débute à l'automne 1897 et s'achève avec la loi d'amnistie de décembre 1900. C'est elle que l'on appelle l'Affaire, le point culminant de l'affrontement entre les dreyfusards et les antidreyfusards.

C/ Enfin la troisième affaire Dreyfus est le combat pour la réhabilitation qui survient en juillet 1906.

Vous ne parlez donc que d'une des périodes de l'affaire, négligeant la première, qui est tout aussi importante que les autres.


Alain.g a écrit :
Quand à Madeleine Rebeyrioux, je l'ai citée, tout comme Michel Winock. Je la recite:
" La place que nous accordons aujourd'hui à l'antisémitisme dans l'affaire Dreyfus ne correspond pas aux perceptions de l'époque." ou
" Cette polarisation sur l'antisémitisme est allée de pair avec la prise de conscience de plus en plus aigue de la spécificité du génocide perpétré par les nazis."

Je suis d'accord avec les arguments cités ici. Mais ils ne confirment pas ce que vous affirmez ailleurs dans ce fil, à savoir que l'antisémitisme n'est pas l'essentiel de l'affaire Dreyfus. J'ignore l'exacte signification du mot essentiel dans votre phrase, mais j'ai la certitude que si Alfred Dreyfus n'avait pas été juif, il n'y aurait tout simplement pas eu d'Affaire, ni même d'affaire.

Encore une fois, les phrases que vous citez sont des réponses faites dans des circonstances bien particulières du centenaire il y a vingt ans, et ne peuvent constituer une argumentation en faveur de la minoration du phénomène antisémite dans l'affaire Dreyfus.


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 12:38 
HEKTOR a écrit :
A/ La première affaire Dreyfus, c'est 1894-1895. Le capitaine est accusé, jugé, condamné, dégradé.
Au passage, plus personne autant que je sache ne soutient la culpabilité de Dreyfus, mais des gens soutiennent l'innocence d'Esterhazy et de tout le monde. Dreyfus et Esterhazy auraient fait partie d'une équipe d'experts chargés de tromper les Allemands sur les caractéristiques du tout nouveau canon de 75. Une indiscrétion fortuite aurait contraint à lancer les accusations pour préserver le stratagème.

Dans cette optique la composante antisémite, quelque importance qu'on lui attache, était fortuite au départ.

(pour HEKTOR : je sais bien qu'on ne commente pas les signatures et que cette phrase et belle, mais Voltaire n'a jamais dit ça).


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 15:42 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Jean R a écrit :
Au passage, plus personne autant que je sache ne soutient la culpabilité de Dreyfus, mais des gens soutiennent l'innocence d'Esterhazy et de tout le monde. Dreyfus et Esterhazy auraient fait partie d'une équipe d'experts chargés de tromper les Allemands sur les caractéristiques du tout nouveau canon de 75. Une indiscrétion fortuite aurait contraint à lancer les accusations pour préserver le stratagème.

Eh bien il s'agit visiblement d'une légende tenace !
Elle a encore eu cours(1) il y a une vingtaine d'années, bien que Marcel Thomas, Jean-Denis Bredin ou encore Vincent Duclert lui ait tordu le cou depuis des lustres.

Un obstacle massif barre le chemin de ce bobard : il a pour nom Picquart.

Comment en effet admettre que le colonel Picquart, dix-huit mois à la tête du service des renseignements militaires, visitant quotidiennement le chef d'état-major de l'armée, au moins trois fois par semaine le ministre de la guerre, régulièrement le Président de la République, comment cet officier n'aurait pas été mis au courant d'une telle opération ? On lui aurait caché une pareille opération ? C'est impossible.

Comment accepter que dès l'instant où il eût prononcé le nom d'Esterhazy, personne ne l'ait arrêté pour lui dire : "Vous faites fausse route, Esterhazy est de chez nous !" ?
Au contraire, Picquart reçoit l'ordre du chef d'état-major de poursuivre ses investigations. C'est donc bien qu'au sommet de l'état militaire, on ignorait tout du rôle de l'officier félon.

Vous voyez donc que cette histoire d'enfumage n'enfume pas ceux qu'on croit !

Esterhazy était bien un traître(2), et Dreyfus un complet innocent.


(1) Jean Doise, Un secret bien gardé - Histoire militaire de l'Affaire Dreyfus, Le Seuil,‎ 1994
(2) Lisez à ce titre la démonstration implacable de Marcel Thomas, Esterhazy ou l'envers de l'affaire Dreyfus, éd. Vernal/Philippe Lebaud, Paris, 1989


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 16:00 
HEKTOR a écrit :
Un obstacle massif barre le chemin de ce bobard : il a pour nom Picquart.
Je n'ai plus sous la main les livres où j'ai lu cela (c'était plutôt élaboré), je n'y tiens pas autrement, je dirai seulement que si c'est le seul obstacle il ne me parait pas si décisif. Ce genre de services et d'opérations est forcément très cloisonné, et surtout il y avait alors exactement les mêmes raisons pour accuser Esterhazy que pour accuser Dreyfus, puisque ce dernier posait problème. Après, on en pensera ce qu'on voudra.


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 16:19 
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Pierre de L'Estoile
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HEKTOR a écrit :
J'ignore l'exacte signification du mot essentiel dans votre phrase, mais j'ai la certitude que si Alfred Dreyfus n'avait pas été juif, il n'y aurait tout simplement pas eu d'Affaire, ni même d'affaire.
Je pense que si, mais elle n'aurait pas eu le retentissement qu'elle a eu. Elle ne serait plus connue que des spécialistes de cette période.

Le déclenchement de l'affaire est le fameux bordereau trouvé dans une corbeille à papier de l'ambassade d'Allemagne. L'examen de ce document conduit à penser qu'il a été rédigé par un officier artilleur de l'Etat-major. Les soupçons se portent sur Dreyfus et, malheureusement pour lui, son écriture ressemble fort à celle du rédacteur du bordereau. Enquête bâclée, procès expédié. Je doute fort que le fait que Dreyfus était juif fût un élément déterminant pour l'accuser et le condamner. Ensuite, lorsque des doutes commencèrent à s'élever, quelles furent les motivations des anti-dreyfusards qui avaient un rôle décisionnaire, militaires, ministres, magistrats ? La raison d'Etat, l'honneur de l'armée de même que, pour les magistrats, une grande et constante répugnance à revenir sur une affaire déjà jugée, surtout quand elle a été jugée par un jury d'assise. La fureur antisémitisme, c'est surtout dans la presse et dans la rue qu'elle se manifesta.


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 16:26 
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Pierre de L'Estoile
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Jean R a écrit :
Ce genre de services et d'opérations est forcément très cloisonné
Ces services ne sont en rien comparables à ceux qui seront développés après la seconde guerre mondiale. Ils n'occupent qu'un personnel très réduit, au sein de l'Etat-major. Il n'y a pas de service spécialisé avec du personnel professionnel. Les méthodes et les techniques sont rudimentaires.


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 17:19 
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Philippe de Commines
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HEKTOR a écrit :
A/ La première affaire Dreyfus, c'est 1894-1895. Le capitaine est accusé, jugé, condamné, dégradé. Dès ce moment, il existe un mouvement d'opinion. Il dure deux mois jusqu'au début janvier 1895. Mais au fait, qui révèle l'existence d'une affaire Dreyfus en novembre 1894 ?

J'ai le même plan que vous, j'emploie aussi "l'affaire dans l'Affaire" (Rebérioux – La république radicale ? 1898-1914 – Seuil)
En 1894, nous sommes dans l'affaire. [… C'est à la fin du mois de septembre 1894 qu'apparut au Service de renseignements français, pudiquement appelé alors "Section de statistique" et dirigé par le colonel Sandherr, une lettre-missive annonçant à l'attaché militaire allemand, le L-C M. von Schwartzkoppen en poste à Paris … l'envoi de documents militaires français confidentiels.… Sur le moment les soupçons officiels des militaires puis des politiques se portent … dès le 6 octobre, à la suggestion du L-C d'Aboville et en raison de la teneur du bordereau sur les officiers d'artillerie en stage à l'Etat Major … En raison de certaines similitudes d'écriture sur le capitaine Alfred Dreyfus... ]. L'expert en écriture appelé sera Bertillon. La suite est connue. L'affaire en 94 est une simple affaire, étudiée comme telle, avec expert et la sanction est prise sur les bases du dossier. Un dossier abondé d'un bordereau. Les juges militaires condamneraient-ils dans ces conditions ? Ils pouvaient y être poussé par la presse qui depuis le 31 octobre avait annoncé l'arrestation du capitaine et exigeait le rapide châtiment du traitre. Le capitaine Henry ajoutera ce qu'il faut, bien soutenu.
- Thomas ( "L'affaire sans Dreyfus" - Fayard)
- Guillemin ("L'énigme Esterhazy" - Gallimard)

[... La grande bourgeoisie juive n'avait dans son écrasante majorité qu'un objectif : la tranquille jouissance des ses droits ; elle redoutait le désordre ... Depuis la mort du capitaine Mayer tué en duel en 1892 par un antisémite notoire, le marquis de Morès, cette tendance s'était encore accentuée : le Consistoire réuni par son Président A. de Rothschild, avait décidé qu'il était urgent de ne rien faire.]. Jaurès lui-même, au lendemain de la condamnation de Dreyfus avait dénoncé l'indulgence du conseil de guerre. Pourquoi pas la peine capitale appliquée aux simples soldats coupables d'un acte momentané d'insoumission ? C'est dire... En 1898, on attend une révision au vu des éléments de l'affaire Henry : cascade de démissions des ministres de la Guerre, la cour de cassation bloque. Ceci est le fruit de problèmes internes de l'appareil d'Etat (Gouvernement et Parlement). Voici pourquoi il ne faut pas ôter l'affaire Dreyfus du contexte politique du moment. Ensuite les bloquages viendront -pour d'autres raisons- de l'armée et de la magistrature.

Citer :
B/ La deuxième affaire Dreyfus débute à l'automne 1897 et s'achève avec la loi d'amnistie de décembre 1900. C'est elle que l'on appelle l'Affaire, le point culminant de l'affrontement entre les dreyfusards et les antidreyfusards.

Non, elle commence à l'automne 96 avec deux journaux à fort tirage : "L'éclair" et "Le Matin" qui attirent l'attention sur les preuves et non sur le condamné. [… A peu près au même moment un publiciste et critique juif, B. Lazare adresse une brochure favorable à Dreyfus. Le silence est toujours de mise. C'est au surlendemain de l'acquittement d'Esterhazy, le 13 janvier 1898 que Zola publie le fameux "j'accuse".]
Ce n'est qu'à partir de janvier 98 que commencent manifestations et se structurent diversent organisations. [… dans la rue l'agitation estle fait des antidreyfusards. Ils ont pour eux le nombre, la passion, parfois l'exemple d'Alger ou l'antijudaïsme colonial se greffe sur un sentiment autonomiste …]. La France se "divise", enfin la France... Après Zola se greffent Blum, Valéry, Gregh, Gide, Mallarmé, St Pol Roux, Proust, le jeune Appollinaire, Bonnard, Vuillard, Pissaro, Signac etc. On se retrouve au quartier latin ou chez Stock. L'engagement est vif à l'Ecole des Hautes Etudes, aux Chartes, au Collège de France etc. Il est à noter que le droit et la médecine sont très majoritairement antidreyfusards : Bourget, Brunetière, de Voguë à qui s'ajoutent Jules Verne, Daudet, Gyp... Au final les intellectuels divisent la France en deux. De ce bipartisme émerge une troisième France.
L'Affaire révèle des idéologies. Renouveau des religiosités actives dans des milieux divers, le palladisme revient à la mode et l'antisémitisme. [… Les juifs français sont pourtant peu nombreux : un peu plus de 71 000 en 1897 dont 45 000 dans la région parisienneLes chiffres du Consistoire ne tiennent pas compte du prolétariat juif récemment chassé de Russie.] Il faut attendre 1898 pour que certains antisémites nationaliste se fassent entendre. Mais le désir forcené d'ordre intérieur fera "qu'il n'y a pas d'affaire Dreyfus". L'apaisement est le mot clef. [… les rapports entre les grandes puissances sont encore fragiles...]. Au sein même de la communauté juive, on ne veut pas "d'affaire Dreyfus" d'où le silence et peut être aussi un réveil aussi tardif des consciences. La communauté parisienne est occupée avec les immigrés russes et ces nouveaux venus posent un problème.
C'est plutôt au bout d'un moment et faute de munitions que l'on se souviendra que Dreyfus est juif. Alors pour le coup, le bourgeois se réveille parce-qu'au fin fond de la province le mot n'est pas usité ou alors dans une grande incompréhension si l'on demande une définition. C'est avec des affirmations un peu comme la votre que -justement- le "problème antisémite" remontera et bien entendu à charge pour Dreyfus, l'homme. ;) Vous isolez totalement l'affaire du contexte politique du moment, ce qui n'est pas le cas pour ceux qui vivent dans cette France mutilée, à l'équilibre précaire : bref la grande majorité. Il n'y a pas de 3ème affaire Dreyfus mais la continuation de la 1ère : seconde condamnation avec circonstances atténuantes. Signature de la grâce par Loubet le 19 septembre 1899. Le 2 juin 1900 le Sénat vote l'amnistie. Le 12 juillet 1906, la CC casse sans renvoi le jugement de Rennes : Dreyfus est lavé de toute accusation.

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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 18:17 
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Grégoire de Tours
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Jean R a écrit :
HEKTOR a écrit :
il y avait alors exactement les mêmes raisons pour accuser Esterhazy que pour accuser Dreyfus, puisque ce dernier posait problème. Après, on en pensera ce qu'on voudra.

Je ne comprends pas cette phrase.
Barbetorte a écrit :
HEKTOR a écrit :
J'ignore l'exacte signification du mot essentiel dans votre phrase, mais j'ai la certitude que si Alfred Dreyfus n'avait pas été juif, il n'y aurait tout simplement pas eu d'Affaire, ni même d'affaire.

Je pense que si, mais elle n'aurait pas eu le retentissement qu'elle a eu. Elle ne serait plus connue que des spécialistes de cette période.

J'ai vais vous expliquer mon point de vue sur ce sujet.
Vous avez raison de dire que l'antisémitisme n'est pas le facteur à l'origine des soupçons qui se sont portés sur Alfred Dreyfus. Mais l'antisémitisme a conditionné les instants suivants.

Voici ce qu'écrivait Me Mornard, avocat d'Alfred Dreyfus in Les Débats de la Cour de cassation 1906, T. II p. 277 :

Je précise la question ce n’est pas, notez-le bien, Messieurs, la cause de l’accusation elle-même que je recherche : les raisons de l’accusation initiale ont été exposées dans le rapport de M. d’Ormescheville, et nous les discuterons plus tard. Ce que je veux déterminer, c’est la raison pour laquelle, l’accusation ayant pris naissance, l’instruction du procès a immédiatement dévié.
Pour bien comprendre l’origine des manœuvres déloyales qui ont faussé l’instruction de cette affaire, il faut, Messieurs, se rendre un compte exact de l’état d’esprit régnant dans les milieux où éclata comme un coup de tonnerre, en 1894, l’accusation de trahison dirigée contre le capitaine Dreyfus.
Il n’est plus possible aujourd’hui de nier que l’antisémitisme ait été la cause première, non pas de l’accusation elle-même, je le répète, mais de la déviation de l’instruction judiciaire.


L'instruction judiciaire a effectivement dévié, l'avocat, comme le procureur, constatent tout un ensemble de défaillances de la part de la justice militaire. Pourquoi ? A cause de l'état d'esprit délétère de l'état major de l'armée.

Et l'avocat enchaîne les exemples qui montrent qu'à partir du moment où le nom Dreyfus a été prononcé, il ne pouvait être autre chose que le traître, par une forme de réflexe conditionné.

Si les soupçons s'étaient portés sur le capitaine Charles Domenech de Célès, ou le colonel Jules Clément Le Loup de Sancy de Rolland, ne croyez-vous pas que de grandes précautions eussent été de mise ? Que l'on eût exercé une surveillance préalable à l'arrestation ? Qu'une enquête extrêmement poussée eût été menée avant même que l'on pense à convoquer l'un de ces officiers ? S'il s'était agi d'eux, l'enquête eût-elle été bâclée ? Le procès expédié ?

C'est dans l'enquête que se traduit le préjugé antisémite. Et si une enquête honnête avait eu lieu, il n'y aurait eu aucune affaire Dreyfus parce que tout se serait arrêté bien avant.


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 18:49 
HEKTOR a écrit :
Jean R a écrit :
il y avait alors exactement les mêmes raisons pour accuser Esterhazy que pour accuser Dreyfus, puisque ce dernier posait problème. Après, on en pensera ce qu'on voudra.

Je ne comprends pas cette phrase.
Il y en avait deux :rool: . La première est pourtant simple. S'il y avait eu une telle opération, il fallait continuer à faire croire qu'il y avait eu une trahison, peu importait de qui (les dommages collatéraux étaient moindres avec un Esterhazy qui avait pu se mettre à l'abri à l'étranger).

Enfin, je n'ai pas de certitude et je n'ai plus mes sources (il y avait un certain nombre de déclarations de Dreyfus au procès, qui s'expliquaient mieux dans ce cadre), mais il me semble que quand il s'agit de l'honneur d'un homme, même mort depuis longtemps, il peut être pertinent de ne pas escamoter les éléments de doute, si minces qu'ils soient à la limite...


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 Sujet du message : Re: Affaire Dreyfus
Message Publié : 27 Fév 2014 19:18 
Hors-ligne
Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Juil 2011 14:39
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Localisation : Armorique
HEKTOR a écrit :
Mais l'antisémitisme a conditionné les instants suivants.
Voici ce qu'écrivait Me Mornard, avocat d'Alfred Dreyfus in Les Débats de la Cour de cassation 1906, T. II p. 277 :

C'est un bon avocat mais c'est un avocat et qu'un avocat dise que le problème est dévié est normal... Le contraire aurait été étonnant. De plus la ficelle est grosse et manifestement l'a desservi.
Se baser sur la plaidoirie d'un avocat pour étayer une thèse qu'au final tout le monde reconnait à plus ou moins grande échelle, moment et contexte, ceci tient plus de la conviction personnelle que de l'Histoire.

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"... Et si je te semble avoir agi follement, peut-être suis-je accusée de folie par un insensé." (Sophocle)


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