Alain.g a écrit :
Le décret précité semble de circonstance et adopté pour faire pression sur les pays en guerre afin qu'ils modifient leur manière de traiter leurs prisonniers français.
Pour ce qui du décret du 26 mai, c'est, par la voix de Barère, au nom du Comité de salut public, un discours dégoulinant de haine vis à vis de l'ennemi incarné de la liberté et de la République qui amena au vote :
« Quel est le peuple, je ne dis pas en Europe, mais sur le globe entier, qui n'ait pas des accusations à former contre ces insulaires ? L'Afrique lui redemande les noirs qu'il a fait périr, et l'Asie les possessions qu'il a envahies ; l'Amérique lui reproche ses malheurs, et l'Europe sa corruption.
L'Anglais ne peut démentir son origine : descendant des Carthaginois et des Phéniciens, il vendait des peaux de bêtes et des esclaves, et ce peuple n'a pas changé son commerce.
César, en abordant dans cette île, n'y trouva qu'une peuplade féroce, se disputant les forêts avec les loups, et menaçant de brûler tous les bâtiments qui tentaient d'y aborder.
Sa civilisation successive, ses guerres civiles et ses guerres maritimes ont toutes porté le caractère de cette origine sauvage.
Dans l'Inde, l'Anglais a acheté les chefs du pays quand il n'a pu les opprimer ou s'en saisir.
Dans le Bengale, il a fait mourir de faim, par les ordres du lord Clive, plusieurs millions d'hommes, pour en conquérir un petit nombre échappés à son projet de famine, exécuté avec une cruauté froide comme son caractère national. Il aima mieux régner sur un cimetière, plutôt que de ne pas en asservir les habitants.
Dans l'Amérique, aux Antilles, il a fait faire des progrès à la traite des noirs, et consacré des milliers d'hommes à ce commerce infâme.
Dans l'Amérique septentrionale, l'Anglais a fait ravager les côtes, détruit les ports, brûlé les villes et massacré les habitants des campagnes. Il a forcé les Américains faits prisonniers en pleine mer à porter les armes contre leur patrie, à devenir les bourreaux de leurs amis et de leurs frères, ou à périr eux-mêmes par des mains si chères.
Il a couvert les Américains de trahisons, corrompu leurs chefs, salarié des criminels condamnés, acheté des seigneurs et des princes d'Allemagne des soldats comme des troupeaux, et corrompu l'humanité des sauvages, au point de les faire sortir de leur tactique ordinaire, et de leur donner une récompense pour chaque crâne d'homme libre qu'ils apporteraient au commandant anglais.
Dans l'Acadie, l'Anglais a fait périr les Français neutres de cette colonie, pour qu'ils ne retournassent pas à la mère patrie.
Voilà pourtant le peuple dont nos troupes ménagent les soldats, et dont nos baïonnettes semblent respecter la vie : ces ménagements sont un crime envers la liberté ; ils sont un mal pour la République.
Mais il suffira sans doute d'avertir le patriotisme des armées, pour que cette fausse humanité disparaisse. Il n'est pas permis de penser que les républicains qui combattent tous les jours pour la liberté se permettent jamais de perdre de vue que les crimes du gouvernement britannique sont à l'ordre de tous les jours en Europe comme en France.
Ce n'était pas assez pour les brigands politiques d'acheter nos frontières maritimes depuis Lorient jusqu'à Dunkerque;
De corrompre nos chefs militaires depuis Dunkerque jusqu'à Landau et Strasbourg;
De s'emparer de la Méditerranée par la vénalité des infâmes Toulonnais, pour anéantir ensuite la pusillanime neutralité des états d'Italie;
De faire arrêter, de la manière la plus perfide, les envoyés de la République auprès des puissances étrangères;
De s'assurer de Bayonne et de Perpignan parles métaux que l'Espagne arrache au Pérou;
D'intimider, insulter les puissances neutres de la Baltique, et leur défendre d'apporter des subsistances aux Français;
D'intriguer insolemment à la Porte, et corrompre artificieusement à Petersbourg;
D'entretenir des intelligences avec les chefs des vaisseaux de la République, accaparer l'inertie des ouvriers de nos ports;
De salarier des incendiaires dans nos magasins et nos arsenaux;
De souffler et entretenir la guerre civile dans la Vendée, infecter de royalisme une de nos principales villes manufacturières;
D'établir et propager un système perfide de fédéralisme qui, couvrant le sol entier de la liberté, menaçait de la dévorer et de l'anéantir à sa naissance.
[…]
O mon pays ! si au nom seul des Anglais mon sang s'échauffe et mon âme s'irrite, c'est qu'étant né dans cette partie de la Guyenne où les Anglais, du temps de Charles VII, ravagèrent tout et régnèrent avec un sceptre de fer, mes oreilles ont entendu dès l'enfance cette tradition de haine qui, pour sauver la liberté en Europe et affermir la République en France, doit devenir nationale.
C'est dans les armées de terre et de mer, c'est dans l'armée du Nord surtout que ce discours doit retentir. Le croiriez-vous, citoyens, que dans la dernière affaire à Lannoy, où l'ennemi a été complètement battu, c'est là que les troupes anglaises ont été faites prisonnières ; c'est là qu'était ce prétendant si célèbre par ses belles campagnes de la Flandre l'année dernière ; c'est là qu'était le duc d'York, et des rapports dignes de foi nous assurent qu'il était au pouvoir des républicains de les tuer tous ; les observateurs présument que l'on y traite les Anglais avec plus de ménagements que les Autrichiens.
[…]
Que l'Autrichien féroce et lâche périsse sans pitié dans les combats, cela se conçoit par une nation qui a tant à se plaindre de cette famille de tyrans autrichiens; mais que l'Anglais soit épargné, que, pour l'esclave de Georges et le soldat-machine d'York, la langue de nos armées conserve encore le mot de générosité, c'est ce que la Convention nationale ne peut souffrir.
L'Europe n'a point à nous reprocher d'avoir manqué de donner des exemples généreux : inutilement nous les avons prodigués à des hommes féroces; aujourd'hui l'humanité nous commande de n'être plus aussi généreux. Disons donc au nom de la République : Guerre à mort à tout soldat anglais ou hanovrien.
Si, plus éclairé que le soldat des autres gouvernements, l'Anglais vient assassiner la liberté sur le continent, il est plus coupable ; la générosité exercée envers lui est un crime de lèse-humanité !
Comment les Anglais traitent-ils les prisonniers français ? Tandis que nous leur laissons une existence douce et qu'ils consomment nos subsistances, après avoir tenté de nous les ravir, ils maltraitent nos prisonniers, et les condamnent avec mépris aux travaux réservés aux bêtes de somme. Ainsi donc ils brisent tous les liens de la nature envers nos frères, tandis que nous suivons le droit des gens envers eux ; ainsi donc ils nous affament à la fois par leurs complots et par leurs prisonniers.
Répétons donc : Guerre à mort à tout esclave anglais ou hanovrien !
[…]
Quelle est donc celle épidémie morale qui a jeté dans nos armées de fausses idées d'humanité et de générosité ? L'humanité consiste à exterminer ses ennemis : la générosité consiste à ménager le sang des républicains.
[…]
Il existe cependant entre toutes les nations, entre toutes les sociétés humaines, une sorte de droit naturel connu sous le nom du droit des gens. Mais il est inconnu des sauvages policés de la Grande-Bretagne ; c'est donc une peuplade étrangère à l'Europe, étrangère à l'humanité : il faut qu'elle disparaisse. »