copié/collé d'un extrait du général Cherfils (qui ne mâche pas ses mots à la fin) à propos de l'offensive prévue le 14 novembre 1918 :
Dès le 7 septembre, le général Castelnau commandant le G.A.E. est invité à réviser le plan de l’équipement offensif de son front de Lorraine. Il y avait 60 kilomètres d’étendue pour le tremplin de départ. On pouvait y amener 30 D.I. de 1re ligne en six mois. Mais il importait d’aller plus vite, sauf à donner à l’offensive moins de densité. Castelnau demande l’appui d’unités américaines sur la gauche de la 8e armée, pour couvrir Metz. Le 20 octobre 1918, Foch adresse l’instruction que voici : « Les opérations actuellement en cours visent à rejeter l’ennemi à la Meuse de Stenay et plus en aval. Pour faire tomber la résistance sur cette rivière, en la prenant à revers, il y a lieu de préparer des attaques à l’ouest et à l’est de la Moselle, en direction générale Longwy – Luxembourg d’une part, en direction générale de la Sarre d’autre part. Ces attaques auront d’autant plus de chances de succès au début qu’elles partiront plus tôt, l’ennemi ayant en ligne en ce moment 127 D.I. à l’ouest et 32 seulement à l’est de la Meuse. Elles auront d’autant plus de chances d’aboutir que l’ennemi se verra bientôt privé de sa principale ligne de rocade par Mézières et Sedan. Par suite, il y aurait intérêt à appliquer les disponibilités françaises, à provenir du rétrécissement de notre front, à celles des parties du front de Lorraine à l’ouest et à l’est de la Moselle où l’équipement et la nature du terrain permettent une action immédiate. Comme aussi à faire étudier la participation à ces opérations des forces américaines qui seraient disponibles, ou rendues disponibles, quand l’avance sur la rive gauche de la Meuse permettra d’orienter ces forces dans une nouvelle direction. FOCH. » Les propositions ci-après, du G.Q.G., prennent jour dès le lendemain 21 octobre : 1. L’attaque en direction de Longwy – Luxembourg peut être confiée au commandement américain déjà orienté dans la direction de cette attaque. La 2e armée française s’intercalerait entre ces 1re et 2e armées U. S. L’attaque serait menée par la 1re armée Liggett. 2. Ainsi couvert face à Metz, le G.A.E. pousserait vers Saint-Avold et Sarrebruck. La 10e armée Mangin, retirée du groupe Fayolle, passerait à l’est de la Moselle pour mener une offensive que la 8e armée couvrirait, face à la région des étangs, médiocrement favorable à l’offensive et très propice à une défense. 3. Quarante D.I. peuvent être réunies ; elles sont déjà en partie en secteur dans la région intéressée, à la 8e armée et à la 2e armée U. S. ou bien à retirer des groupes d’armées Maistre et Fayolle. 4. Des renforts d’armée sont à prélever sur ces deux groupes et aussi sur la 1re armée U. S., très richement dotée. Ils devraient comprendre 12 régiments d’A.C. et 200 batteries d’A.L. 5. Enfin la crise des transports exigera des délais assez longs pour la réunion des moyens prévus. La décision du maréchal ne se fait pas attendre. L’opération en direction du Luxembourg et de Longwy est abandonnée, faute de tenir le massif Dun – Damvillers dans le nord des Hauts de Meuse. On attaquera seulement à l’est de la Moselle, et au plus vite, « pour profiter de l’occasion favorable offerte par la faiblesse de l’ennemi dans cette région et par son manque de réserves ». Un plan général d’exécution est adressé le 27 octobre au général de Castelnau. Il établit les dispositions générales que voici : « Une attaque sera conduite par l’armée Mangin entre la Seille et le Sanon. Cette attaque sera couverte face à Metz par la 2e armée U. S. et face aux Étangs par la 8e armée. Cette offensive doit être prête au plus tôt et pour la date la plus voisine du 15 novembre. L’offensive doit prévoir une exploitation féconde et ardente dans la direction de Morhange et de Sarreguemines. Son déclenchement doit rechercher la surprise, obtenue par un grand nombre de chars d’assaut. L’opération doit être conçue non pas comme un assaut, mais comme une manœuvre. » Les renforts annoncés au général de Castelnau sont : 20 D.I. dont 4 à 5 américaines, de 10 à 12 régiments d’A.C., de 180 à 200 batteries lourdes, l’État-major de la 10e armée formée à 4 corps, le 1er C.C. et la D.A.e, enfin 3 R.A.S. de chars légers et deux groupements de chars moyens. Foch promet encore de 6 à 8 D.I. américaines d’attaque, en dehors de l’opération de la 2e armée U. S., pour masquer Metz. Le 30 octobre, Castelnau reçoit l’indication de la ligne de séparation des 10e et 8e armées. Elle est jalonnée par les localités de Champenoux, Château-Salins, Baronville, attribuées à la 8e armée. Ainsi la 10e armée a à manœuvrer par le nord de la forêt de Gremecey et à enlever la côte de Delme ; la 8e armée opérera par le sud et l’est de la forêt de Bezange et attaquera « la position ennemie de grand combat » entre Morville-les-Vic et Juvelize (sud-est de Dieuze). Dans le projet du général de Castelnau, chacune des 2 armées a une mission de rupture et une mission d’exploitation à remplir. Elles reçoivent l’attribution de moyens équivalents. Foch ne donne pas son approbation à cette répartition égale des moyens, à cause de la différence dans les facilités de l’exploitation. La 10e armée, après avoir enlevé la côte de Delme, a devant elle pour marcher sur Morhange, un terrain facile, où se peuvent déployer facilement plus de forces. Au contraire, la 8e armée, dès qu’elle atteindra le front Marsal – Juvelize à l’est de la Seille, se trouvera bloquée par une région très boisée et sans routes entre la Haute-Seille et les Étangs. Il est donc inutile de lui donner des forces qu’elle ne pourra pas employer. La 10e armée a, de ce fait, le rôle principal. Le 6 novembre le général Castelnau rectifie la répartition de ses moyens. Elle est la suivante : 10e armée : 3 C.A., 13 D.I., 3 R.A. portée, 10 R.A.L., 5 bataillons de chars légers, 1 bataillon de chars moyens. 8e armée : 3 C.A., 10 D.I., 6 R.A., 9 R.A.L., 4 bataillons de chars légers, 1 bataillon de chars moyens. Le 1er corps de cavalerie est mis à la disposition du général Mangin le 6 novembre. Le P. C. de Mangin se fixe à Tantonville. Mais son nom sera discrètement caché sous la rubrique État-major de Tantonville. Dès le 15 octobre, les D.I. commencent à débarquer. Le courant de retour des unités relevées est suspendu pour hâter la concentration des moyens destinés à l’offensive. Seules les 81e et 88e D.I. U.S., relevées par la 1re D.I. portugaise et la 154e D.I. sont renvoyées à l’État-major américain. Dès le 30 octobre, les réserves sont constituées derrière les 7e et 8e armées. Le 6 novembre le général de Castelnau attribue les unités aux deux armées d’attaque. A la 10e armée : les 33e C.A., 1er C.A.C., 32e C.A. ; 13 D.I. dont 2 U.S. A la 8e armée : les 2e, 6e, 3e C.A. ; 10 D.I. dont 2 U.S. Les réserves du G.A.E. à la disposition de Castelnau sont le 1er C.C., la 1re D.I. portugaise, la 20e D.I., une D.I. U.S. Les mouvements d’artillerie se font par terre, ceux des chars d’assaut par voie ferrée. La division aérienne ne se déplace pas et garde ses emplacements derrière le front franco-américain de la Meuse. Le 4 novembre, Foch apprend les succès de Guise et de Landrecies et la nouvelle que l’Allemand commence son mouvement de retraite. Il est donc urgent de lui couper les ponts. Foch attire l’attention de Pétain sur « l’intérêt évident à commencer l’offensive de Lorraine le plus tôt qu’il sera possible, en considérant que l’importance des moyens y a moins de valeur que le moment de l’attaque ». Il décide donc qu’on n’attende pas que ces moyens soient au complet de leurs prévisions, mais qu’on attaquera à une date déterminée, avec les moyens qui auront pu être réunis pour cette date. Foch demande que l’attaque soit fixée au 13 ou 14 novembre. Castelnau répond que l’offensive se déclenchera le 14 novembre au matin. Dès le 9 novembre il donne ses ordres définitifs. La 10e armée, chargée de l’opération principale, attaquera seule avec 15 D.I. et le corps de cavalerie. La 8e armée, réduite à 6 D.I., reçoit un rôle de diversion et de flanquement avec l’appui de son artillerie. En conséquence, la 8e armée passe à la 10e armée le 3e C.A., en plus des 3 C.A. de sa dotation antérieure. La cavalerie Féraud s’établit au sud de la ligne Toul – Nancy. Elle doit franchir la Meurthe le 13 novembre, derrière le centre de la 10e Armée. Mangin doit prononcer son effort principal entre la côte de Delme et les forêts de Grémecey et de Château-Salins, pointant sur la Sarre, pour exploiter sa victoire, pendant que Metz est aveuglée sur son flanc gauche. A cet effet, il se contente de donner à ses quatre corps des zones d’action sans leur attribuer des objectifs précis. Il fixe son P. C. sur le musoir de la Rochette au sud de Leyr, où naît la Mauchère. 33e C.A. à Mt-Toulon En 1re ligne : 165e D.I., 26e D.I. En 2e ligne : 56e D.I. 1er C.A.C. O. de Leyr En 1re ligne : 39e D.I., 3e D.I.C. En 2e ligne : 20e D.I. 32e C.A. Grand Mont d’Amance En 1re ligne : 2e, 18e, 69e D.I. En 2e ligne : 1re, 27e D.C. 3e C.A. Champenoux En 1re ligne : 1re D.I.P. En 2e ligne : 27e D.I., 1re D.M. La 8e armée a son P.C. à Flavigny sur la Moselle. Elle doit attaquer par surprise avec son 2e C.A. Ses objectifs sont Xanrey au nord de la Loutre-Noire et Moncourt à l’est de Xanrey. Le 2e C.A. a son P.C. à Einville avec les 129e,4e, 132e D.I. appuyées par la 38e D.I. en 2e ligne. Le 6e C.A. a son P.C. à Saint-Clément sur la Meurthe, avec 2 D.I., 3e et 73e, en ligne. L’aile gauche de l’armée Mangin passera par Nomény. Entre Port-sur-Seille et la Moselle le terrain est gardé par la droite de la 2e armée U.S. forte de 7 D.I. Il m’a paru intéressant de préciser avec quelques détails l’appareil de cette offensive de Lorraine, dont la terreur a fait que l’ennemi a hâté la demande d’imploration de son armistice. On le lui va accorder, avant de finir l’ouvrage commencé, avant de couronner par la poursuite d’Iéna, au moins jusqu’au Rhin, la victoire acquise dont l’attaque du 14 novembre aurait été l’événement décisif, et le laurier terminal. Cette faiblesse est une des fautes capitales de la guerre, parce que cette faute a engagé l’avenir, compromis notre sécurité, décapité notre victoire et permis aux nations protestantes de sauver l’Allemagne. Elles lui ont accordé une paix, qui lui assure une revanche presque prochaine. Toutes les défaillances d’un gouvernement démocratique, sans fixité et sans politique extérieure, qui capitule devant le particularisme féroce de l’Angleterre, sont en germe dans un armistice qui n’a pas sanctionné la victoire et qui, loin de finir la guerre, n’a fait qu’en instaurer la permanence indéfinie, endémique. Cette faute n’est pas imputable au vainqueur, au maréchal Foch. Ses mains n’étaient pas libres ; elles étaient liées par un autocrate, plus dangereux que le tsar débonnaire, un tyran démocratique dévoué à la cause protestante de l’Allemagne et qui n’avait pas le droit moral de parler au nom des États-Unis. M. Wilson n’avait pas son pays derrière lui. Il n’était que la personnalité d’un idéologue, qui un an après s’effondrait dans la maladie et deux ans plus tard dans l’oubli et la malédiction du monde. Les plénipotentiaires français du traité de paix savaient que le Sénat américain était opposé aux idéologies de M. Wilson. Celui-ci n’avait pas le droit d’usurper l’autorité que leur faiblesse coupable lui a laissé prendre. Il appartenait à M. Clémenceau de faire la paix comme il avait fait la guerre. Si la postérité lui rendra la justice qu’il a été l’ouvrier nécessaire de la victoire, sa mémoire sera vouée aux malédictions des générations futures dont il a préparé l’hécatombe. Il a rendu inévitable une guerre de revanche allemande, dont l’égoïsme britannique accepte facilement l’éventualité. Général CHERFILS, La Guerre de la délivrance (tome 3).
_________________ … il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer…
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