Bon, voyons...
Il existe déjà des sujets sur Louis XVI. La question qui est posée ne peut trouver solution. A-t-il laissé des écrits ? D'aucuns étaient-ils dans sa tête ? Quid de son QI ? etc. La question est même un tantinet ahurissante. Avant "la révolution", le peuple comprenait-il la monarchie ? Comprenait-il l'absolutisme ? Avait-on des repères ? Non et des orientations ? Pas plus.
On savait ce que l'on ne voulait plus sans trop savoir quoi mettre à la place.
On évoque la politique de Louis XVI avec toujours les mêmes mots : noblesse, clergé, paysan, féodalité etc.
Qui peut dire avec exactitude sans faire le procès d'un homme, l'état de la France à ce moment ? Pire ou mieux qu'en 1715 ?
Et l'économie ? Quid du "glorieux" XVIIIème siècle ? France des villes (industrie, négociants), France des villages ? Personne n'évoque les tensions et mutations...
On prend un homme et on l'évalue. C'est facile. On peut faire dans un peu plus complexe.
Dans "La révolution française", Furet et Richet écrivent : "Des réformes ? Voici où se noue le drame. Car voilà l'époque où s'éteint la vocation réformiste de l'absolutisme royal". On ne peut imputer l'invention du concept d'absolutisme à ce tyran sanguinaire de Louis XVI, il était trop mou pour être "absolu". Trop douteux aussi. Trop humain certainement. On pourrait discuter pour savoir s'il y a eu vraiment "tournant" et dans quelles limites était "la capacité d'arbitrage" de la monarchie absolutiste avec un investissement progressif de l'Etat par des privilégiés qui en font un instrument au service de leurs intérêts de classe et le rôle des corps intermédiaires (parlements) qui se font les défenseurs de ces personnes (l'exemple le plus troublant sera lors de l'affaire du collier par exemple). Montesquieu avait annoncé le programme, à celui-ci se substitue pernicieusement une autre attaque, celle de l'idéologie bourgeoise partie en guerre pour la conquête de "ses libertés".
Entre une bourgeoisie qui veut tout de la noblesse et une noblesse qui exècre la bourgeoisie, les deux se retrouvent pour montrer le pouvoir au doigt. Que devrait faire Louis XVI ? Réconcilier les deux élites : celle du passé et celle de l'avenir, justement dans le cadre d'une "gentry" (un sujet existe) dont il aurait été le monarque "à l'anglaise". C'est lui donner une indépendance qu'il n'avait pas et une forme de gouvernement que très certainement n'aurait pas fait long feu. C'est sous estimer l'importance de l'attaque menée contre l'Ancien Régime (social et politique) par les forces montantes de la bourgeoisie.
Exit donc une bonne fois pour toutes.
On ne va pas s'attarder sur le poids d'un héritage séculaire, sur l'intercycle de régression des paysans, sur le Paris révolutionnaire, sur la montée du mouvement sectaire dans certaines villes mais on pourrait faire un bilan du serment constitutionnel (succès et échecs).
J'ai lu que d'aucun avancent des noms "Vincent, François, Paul et les autres" qui auraient pu endiguer le phénomène. C'est faire fi de ce que l'on nomme "l'absolutisme à la française" qui est très différent de ce qui se passe en Russie ou chez le propriétaire de "Sans Souci".
Exit aussi ce style de phrase qui n'a pas même l'avantage de nous faire comprendre les différences et les convergences de ces "absolutismes".
Maintenant, à coup de chiffres et autres choses non négociables, on peut évoquer Louis XVI, les évènements etc.
Dès que nous évoquerons les "nobles", il sera bon de rappeler le féodalisme sous l'Ancien Régime, l'originalité du système français (si, si, il est unique...), le réseau des droits seigneuriaux et autres joyeusetés qui porte le nom de "Lainoble". Il faudra aussi nous atteler à cette société d'ordre car pour estimer si Louis XVI pouvait ou non comprendre la révolution, il faut être bien certain de nous mêmes en savoir les tenants et les aboutissants sans noyer le tout sous un vocable.
1788 : comment est le roi ? Comment est la cour ? Que peut-on dire du gouvernement royal et de l'administration locale ? Quel est le poids du passé ? Le Tiers est représentatif de qui très exactement car ceci varie grandement d'un département à l'autre et en ceci, tout ballot qu'il est, Louis XVI n'y peut rien.
La joyeuse France des Lumières vue par Monsieur Hugo : "si je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau..." (paroles de prolétaire !). Comment comprendre une bourgeoisie voltairienne, une rousseauiste et on peut décliner pour les idéaux. Forte tout à coup, elle saura se repentir avec Taine de l'action décapante des philosophes. Faut le faire...
Le plus intéressant est le bilan de la culture dans les classes populaires : ont-elles compris la révolution ? Si non, pas plus ce qui suivra inévitablement, c'est dire...
Quel écart entre "analphabètes" et "élites" ? Les nantis du moment sont-ils bien ceux que l'on croit ? Evidemment on ressort les privilèges mais justement, les nantis du moment ne voudraient-ils pas en "croquer un peu" voir s'établir bref, ils boudent faute de particules parce-que c'est eux qui font tourner la France ? C'est eux qui conceptualisent et qui soudain commencent à se dire qu'au bout d'un moment on est en déveine d'invention, alors il vaut mieux peut-être profiter de celles que l'on possède pendant un temps, avant que ce temps ne soit révolu...
Louis XVI, comme chacun sait, pas trop adepte de rencontres dans les tavernes ou autres lieux d'échanges plus chics n'entend pas tout ceci. Autour de lui, on ne sait que "courtiser". Risque-t-il de sauter ? On adorera le prochain... Pour les "privilégiés" le roi est un pion interchangeable (idem en Russie avec les tsars excepté qu'on les interchange assez violemment et au saut du lit bien souvent ensuite le "couvent" n'étant plus assez sûr, on en termine vite : pas d'état d'âme). Ce qui crée une ambiance familiale d'enfer et les soutiens inégalables (on verra ceci avec Nicolas II mais en plus "propre" : on ne soutient plus mais on l'annonce tout de même une génération auparavant). Les heureux élus se voient donc "doublé" par des arrivés aux dents longues. Instruits tout de même de l'ambiance, ils vont vite comprendre qu'il vaut mieux courir que tenir. Ceci tiendra un certain temps. Ceci Louis XVI aurait certainement pu et le prévoir et l'annoncer. C'est peut être pour ceci qu'à l'instar d'un autre : il ne lâchera rien. Et lorsqu'il lâchera, comme d'aucun, pour garder sa place il devra alors tout donner. Il ne faut pas voir un homme obtus là où peut être était un politique qui avait compris et qui, lui, avait une descendance considérée comme "légitime". Le problème en est démultiplié.
Lorsque l'on vient de rien et que l'on retourne à rien : on peut s'accommoder ; ceci est plus difficile dans le cas de Louis XVI et pourtant, il s'accommodera et finira comme chacun le sait, non pas en se montrant en victime mais encore en espérant que la France et les Français se tirent bien de ce créneau.
On a vu le tournant du créneau et ce qui suivra avant un début de stabilité, enfin de silence lassé...
Concernant les parlements -chausse-trappes de la royauté- ce n'est pas le sujet, on ne peut se raccrocher aux branches, trop tard : le sujet est "Louis XVI et la révolution : pouvait-il la comprendre ?". Laquelle au fait ? Comment nait une "révolution" ? Il semble y avoir une pré-révolution ou une révolte aristocratique (86 à 88). On peut le lire chez Lefebvre, Mathiez, Soboul ou encore comme l'évoque Egret une Révolution des "notables" qui s'insère. On notera le vocabulaire changeant, un gros marqueur puisqu'il induit le problème de l'interprétation de la période 87/89. Mais comment structurer le désordre organisé, comment exactement trouver les causes "profondes" et les "immédiates" ? Aurait-on pu déboucher sur une révolte sans révolution par accord des notables sur un programme commun (on a vu ce qu'il en est des "programmes communs")
. Le véritable déclencheur fut une crise économique récupérée ensuite. Le déficit n'est pas à charge de Louis XVI, il en hérite tout comme son aïeul a hérité des ors et des caisses vidées.
La fois prochaine, il serait bon de se pencher sur ce déficit, ses chiffres avant que de nouveau accabler un Calonne trop sympa avec les notables, un Brienne trop coulant pour apaiser les mêmes. Qu'aurait-il donc fallu faire lors de l'automne 88, après les édits de Lamoignon en mai et le rappel de Necker en août ? Pourquoi le fameux "exemple dauphinois" ?