QiU a écrit :
Pourquoi les arabes ont-ils réussi à arabiser et islamiser les peuples qu'ils conquéraient lors de leur expansion (lors de l'éclosion de l'islam)? Ici on a un peuple nomade qui va imposer sa langue, sa religion, son écriture à un vaste territoire constitué de civilisations étatiques développées et anciennes je crois...Qu'avaient ils de si particulier pour réaliser ce tour de force? Et comment ont-ils pu peupler un si vaste territoire?
1. On ne peut dissocier leur expansion du messianisme musulman. Avant l'islam, ils se calaient sagement entre les Grecs, les Romains et les Perses.
2. Plusieurs sources conditionnent leur expansion à l'épuisement des empires romain (d'Orient) et perse. Ce que ces sources sous-entendent, c'est que si ces deux empires ne s'étaient épuisés en incessantes guerres l'un contre l'autre, ils auraient parfaitement pu juguler les incursions, les pillages puis les conquêtes arabes.
3. Au sein de l'Empire romain d'Orient, les provinces étaient exaspérées par la versatilité et la tyrannie religieuse des empereurs. De la sorte, après quelques barouds de résistance contre les pillards arabes et quelques débandades honteuses des armées byzantines, les autochtones se sont rendus avec bonheur à de nouveaux conquérants. Par exemple, les Coptes livrent l'Egypte aux Arabes.
4. En alliant les points 1. et 3., beaucoup de populations conquises ont été séduites par la simplicité religieuse de l'islam, pouvant conserver le même dieu avec une simplification des strates religieuses, sociales et politiques. En plus, la conversion leur permettait de ne pas devenir des sous-citoyens surtaxés parce que mécréants (dhimmis).
5. Au cours de la conquête, les bédouins arabes musulmans ont fini par rallier d'autres populations semi-nomades qui les ont accompagnés dans leurs conquêtes ultérieures (Persans, Berbères).
6. Mais les conquêtes se heurtent à d'âpres résistances et ne garantissent pas l'expansion. D'après les islamologues, la véritable réussite de l'expansion musulmane, au départ arabe, tient à une monoculture géographique : 1° des villes espacées par des vides (déserts, mers..., au point que dans des régions agricoles comme l'Andalousie, les campagnes peuplées sont totalement minimisées par les lettrés musulmans), ralliées et reliées entre elles par des caravanes ou des marins ; 2° dans chaque ville, UNE mosquée (on prie ensemble) et un marché (sanctuarisé par les cimeterres, le marchand musulman étant le plus efficace vecteur de l'islam, tant vers l'Ouest que vers l'Est).
6.1 Je lie islam et empires arabes parce qu'ils n'existent que par et pour l'islam.
6.2 De cette monoculture géographique découleraient deux frontières géographiques indépassables pour l'islam et auxquelles se seraient donc heurtés les empires arabes : forêts - peuplées et foyers de polythéismes - et océans, auxquelles on pourrait ajouter la neige.
7. L'arabisation. De même que l'empire romain romanise ses sujets/citoyens, les empires arabes arabisent les populations conquises. Au départ, les Arabes peuplent surtout la péninsule et la Mésopotamie. Les Syriaques, les Egyptiens (mais peut-être pas leur composante ethnique grecque qui restera copte) sont depuis devenus culturellement arabes. C'est moins évident pour les Berbères. (L'arabe du Maghreb n'est pas compris au Machrek. Beaucoup d'Algériens se prennent pour des Arabes mais il est improbable que certaines familles algériennes n'aient encore que des ancêtres "directs" (paternels) arabes. Il s'agit en réalité de Berbères arabisés, qui méprisent d'ailleurs ceux des Algériens qui revendiquent leur culture ancestrale berbère.) Bien que culturels, ces étiquetages ethniques et lignagers fondent tous les conflits et toutes les haines qui décomposent le monde arabe. Je pense même qu'ils sont responsables de l'échec andalou, les rivalités inter-ethniques entre soi-disant (fils d')Arabes méprisant les soi-disant (fils de) Berbères, crachant eux-mêmes volontiers sur la masse de soi-disant (fils d')Hispano-Romains convertis qui les nourrissaient ayant permis aux derniers confettis wisigothiques de survivre et de reconquérir la péninsule ibérique.
Cette arabisation permet donc aux populations conquises de se sentir ethniquement arabes, mais avec l'éloignement des racines géographiques du monde arabe, elle s'est heurtée à l'arrogance crypto-raciste des soi-disant Arabes-de-père-en-fils à l'égard des non Arabes et finit par susciter des résistances culturelles, nationalistes avant l'heure, au Maghreb (Maroc), en Perse et au-delà. (Après son indépendance, l'Algérie n'induira pas autrement un renouveau berbère en important dans les années 1970 des "professeurs d'arabes" saoudiens qui corrompront le sunnisme sécularisé et somme toute moderne du Maghreb et déchireront le pays à partir de 1990.)
QiU a écrit :
Si j'ai bien compris les arabes étaient organisés en tribus nomades et j'ai cru comprendre qu'en général les tribus nomades, lorsqu'elles conquièrent de nouveaux territoires occupés par des états plus avancés ont plutôt tendance à se laisser aller au confort et subissent ainsi une "conquête" culturelle en retour en quelque sorte.... Comme les Mongols qui se sont fait sinisés je crois bien par la Chine, ou les turques qui ont été islamisés.. Y a-t-il d'autres exemples ou des contre-exemples?
Je n'en vois pas. Effectivement, l'Histoire trouve des exemples récurrents de tribus nomades assez chanceuses ou aguerries pour passer les digues et les remparts des sédentaires. Les richesses des sédentaires attirent puis corrompent les nomades, qui s'installent et se sédentarisent à leur tour, "s'amollissant", en attendant que les autochtones ou d'autres nomades viennent les réduire. Si les Huns ont été anéantis, les Perses, les Bulgares, les Hongrois, les Arabes, les Turcs ou les Mongols ont traversé d'humiliantes servitudes après avoir établi de puissants empires.