Barbetorte a écrit :
Je n'ai pas dit, et je ne le pense pas, qu'Albert Dreyfus eût à subir des sentiments d'hostilité visant les Alsaciens au sein de l'institution militaire. Ce serait même plutôt l'inverse : a priori, un Alsacien quittant l'Alsace afin de ne pas devenir allemand était favorablement perçu comme un bon patriote. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. En revanche, je pense probable que le fait qu'une partie de sa famille était de nationalité allemande ait suscité une attention particulière au début de l'enquête en application de principes normatifs qui, en l'occurence, s'opposaient à une inclination naturelle plutôt favorable.
Ce que vous écrivez n'est pas essentiellement faux, mais ce point a été étudié avec précision à plusieurs reprises avant le début de l'affaire vous devez bien l'imaginer.
Le pedigree de Dreyfus (Alfred et pas Albert) a été scruté une première fois à l'entrée à l'X. Une seconde fois à la sortie. Une autre fois à l'entrée à l'Ecole supérieure de guerre. Une dernière fois avant d'entrer au saint des saints, à l'Etat-major général de l'armée.
N'importe qui ne pouvait pas avoir passé tous ces barrages, et c'est pourquoi un capitaine qui arrive à un poste aussi prestigieux ne pouvait pas être soupçonné parce que de la famille résidait toujours de l'autre côté de la frontière.
En tout cas cela ne l'a pas empêché de devenir stagiaire à l'EMG, poste très envié, et dont la sélection était impitoyable.
En revanche, c'est bien sa judéité qui a failli lui coûter cet accès puisqu'un professeur de l'ESG lui a donné une "cote d'amour" de 5/20 simplement parce qu'il était Juif. Au lieu de sortir 3e, il est sorti 10e, mais le recul n'a pas été suffisant pour lui interdire l'accès à l'EMG car les douze premiers du classement de sortie y avaient droit.
Dernier point, le fait qu'il soit Juif lui a fermé à Dreyfus certaines portes pendant son stage. Picquart signale que pour lui "éviter des ennuis" il l'a affecté à un poste sous le commandement d'un officier à l'esprit libre plutôt qu'à d'autres bureaux, où le stage eût été plus délicat, parce que les chefs de bureau étaient notoirement antisémites.
La famille allemande de Dreyfus n'a donc en rien joué dans son affaire, alors que l'antisémitisme se manifeste bien avant le début de l'Affaire elle-même.