La source de la référence à Bougainville ?… un guide de voyage consulté pendant l’été !
Bougainville résume l’historique de la découverte de l’archipel dans son
Voyage autour du monde, 1771.
Un article du Wiki espagnol consacré à
l’Histoire des Iles Malouines est assez complet et propose plusieurs titres en référence, et surtout, présente une traduction des lettres (certes espagnole, mais compréhensible à peu près par un francophone) de Vespucci à la base du raisonnement.
Vespucci a laissé deux sources de ses voyages :
- des lettres adressées à ses amis et protecteurs, éditées en latin en 1504 ; ce sont elles qui sont à l’origine de la carte de Waldseemüller. C’est la partie publique de la découverte.
- des relevés cartographiques, évidemment secret d’état, surtout de la part des Portugais spécialistes en la matière. Et c’est peut-être une de ses cartes copiées qui est tombé entre les mains de Piri.
Deux de ces lettres, signalent la découverte et son contexte, l’une adressée à Piero Soderini, l’autre adressée à Laurent de Médicis.
Pris dans une tempête, il découvre à hauteur du 52ème parallèle une « nouvelle terre », déserte et « sans ports » qu’il n’aborde pas. Ce sera la dernière étape de son voyage, il rentrera au Portugal après cela. Le texte pose problème, en particulier l’absence de port, étonnante pour les Malouines. Ceci dit, on peut se demander ce qu’il a vraiment vu, puisque la tempête fait rage, puis lui succède un épais brouillard qui achève de le convaincre de faire demi-tour. Accessoirement, il ne les nomme pas îles, mais use d’un terme neutre, « nouvelles terres ».
Aussi, l’identité des terres découvertes fait débat, certains y voient plutôt un morceau du continent, en arguant l’absence de port. Mais l’historiographie de l’île est confuse, la plupart des géographes ont un discours nationaliste, pour soutenir les prétentions anglaises ou espagnoles. Alors un Italien au service du Portugal qui y met les pieds le premier… cela n’arrange personne !
D’autres arguments ont été avancés en faveur des Malouines.
Sur son planisphère, Waldseemüller place un archipel, « Insula delle Pulzelle », entre Afrique et Amérique. Or à cette latitude, il n’y a rien normalement. Est-ce que par hasard, cela ne serait pas les îles de Vespucci, donc les Falkland ? Honnêtement, je n’y crois pas trop ; une erreur quant à la distance des îles par rapport au continent, cela peut se comprendre facilement, surtout à partir des allusions lacunaires des lettres. Mais faire une erreur de 20 degrés dans la latitude, de la part d’un géographe comme le Vosgien, alors que tout le reste des côtes est assez précis, je n’y crois pas du tout. Je constate simplement que le cartographe de Saint Dié s’arrête un peu en dessous du 40ème parallèle, et que donc l’intégralité du voyage n’est pas cartographié, y compris les Malouines. J’ignore pourquoi.
Une carte de l’Atlas Miller, en 1519, y ferait référence. Mais je n’ai pas réussi à la trouver sur le net, donc je ne me prononcerais pas. A voir.
Enfin en 1519-1520, un des navires de l’expédition de Magellan se déroute et « tombe » sur ces îles. Hasard ou continuité ?
Et en 1522, la carte de Pedro Reinel, impeccable, qui retrace l’expédition de Magellan. S’inspire-t-il du « déserteur » Esteban Gomez ou de cartes antérieures inspirées de Vespucci, comme Piri ? La ressemblance est tout de même troublante.
Et dans tout cela s’intercale bien sûr la carte de Piri en 1513. Si l’on admet qu’il cartographie l’ensemble de l’expédition jusqu’au 50e parallèle, ces îles ne peuvent être que les Malouines, d’après des portulans portugais, plus précis que les vagues relations épistolaires du navigateur conservées. Un autre indice peut faire penser qu’il s’agit bien de l’archipel aperçu par Vespucci : Piri Reis annote son manuscrit, et signale que cette côte est déserte, comme le spécifie Vespucci dans ses lettres.
Mais l’amiral turc précise aussi « it is said that large snakes are found here. For this reason the Portuguese infidels did not land on these shores and these are also said to be very hot. », ce qui ne correspond à rien du tout... en particulier qualifier la région de “very hot”.
Encore une fois, Piri nous présente un assemblage de bric et de broc, y compris dans les notes (d’autres sont surprenantes…).
De plus, il faut admettre que la côte représentée mène jusque là… Une autre interprétation :
Mais dans ce cas-ci, on peut se demander alors ce que sont ces îles, et d’autre part, les mesures seraient calamiteuses. Je préfère nettement la version que tu présentes, la « classique ».
Autrement dit, aucune certitude absolue, et deux problématiques pas forcément liées :
1) Vespucci a-t-il découvert les Malouines ? Possible, en particulier mais pas uniquement en s’appuyant sur Piri.
2) Piri représente-t-il les Malouines ? Possible aussi, mais encore moins sûr que le 1).
Perso, je répondrais par l’affirmative aux deux points, en particulier du fait des parallèles entre Piri en 1513 et Reinel en 1522, mais sans tenir compte de Waldseemüller qui ne cartographie pas la Patagonie au sud du Rio Negro. Je regrette surtout de ne pas avoir vu l’Atlas Miller, lui aussi œuvre de Reinel, mais en 1519, donc avant le retour de l’expédition de Magellan.