Dans ces douze points je vois une compréhension à plusieurs niveaux. Je n'ai pas suffisamment connaissance de Luther mais en tant que pasteur, il s'est fait doublé par Panurge.
Luther se réfère à Paul de qui Bossuet disait : [... N'attendez pas de l'apôtre ni qu'il vienne flatter les oreilles par des cadences harmonieuses ni qu'il viennent charmer les esprits par de vaines curiosités. Écoutez ce qu'il dit lui-même :
"Nous prêchons une sagesse cachée, un Dieu crucifié". Ne cherchons pas de vains ornements à ce Dieu qui rejette tout l'éclat du monde. Si notre simplicité déplait aux superbes, qu'ils sachent que nous voulons leur déplaire, que Jésus-Christ dédaigne leur faste insolent et qu'il ne veut être connu que des humbles ... faisons leur donc des prédications dont la bassesse tienne quelque chose de l'humiliation de la croix et qui soit dignes de ce Dieu qui ne veut vaincre que par la faiblesse. ] (
"l'éloquence de Saint Paul"-Bossuet). Preuve est qu'au sein même de l'Eglise et la cour au XVIème, la mode est au frein, parce-que plus austère que Paul, faut le faire... Les choses sont dites : le chemin sera difficile.
Dans ces 12 articles, je n'entrevois nulle spiritualité mais la quête d'un mieux être. Où donc est passé le message :
"Mon royaume n'est pas de ce monde" pour celui qui se réfère en tout et pour tout aux Écritures.
Luther a initié -et ceci ne peut être inconscient- un chaos en marchant droit dans les pas de ceux qu'il dénonce. L'homme laisse la place au prédicateur lorsqu'il se voit débordé. Luther fait naître l'espoir non pas dans l'autre monde mais déjà, maintenant, à la porte de tout un chacun et le prédicateur en est la locomotive. Le réveil me semble moyenâgeux mais il a ceci qu'il est nouveau dans une période qui se veut nouvelle.
Cette vision des grands soudain touchés par la morale les défait de leur rôle. Doivent-ils tendre l'autre joue ? Qui peut dire : "celui-ci est mauvais chrétien, celui-là est bon...". A cette personne on peut opposer : "… Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre...".
Il faut savoir être net et Luther ne l'est pas. Comment ont terminé les communautés de chrétiens, bien souvent dans le martyre et à l'aulne du courage pour ses idées, Luther n'est pas très présent.
Les Écritures ne fournissent nullement solution à tout problème, l'obéissance aux commandements les évite. De plus ne lit-on pas qu'il faut "...rendre à César ce qui lui appartient..." (décrypter : au temporel le temporel) et "… à Dieu..." (décrypter : l'obéissance aux règles édictées pour ce monde et se remettre à son infinie miséricorde dans l'autre) ? L'attitude d'un croyant ne serait-elle pas -faute de compréhension du verbe- de simplement accepter son calvaire ? Le fils de Dieu ne s'est-il pas baissé devant le Sanhédrin, parce-que jugement temporel ? Ne serait-ce pas là, la véritable liberté ?
Simon s'est entendu dire : "...remet ton épée au fourreau car celui qui vit par l'épée périra par l'épée..." ? La conclusion est évidente : nul salut à attendre en ce monde car le jugement est ailleurs.
Un nouvel Eden est-il possible, reprenons les Ecritures : c'est plutôt mal parti...
En ouvrant cette boite de Pandore, Luther et autres ont voulu élever un nouvel ordre sur les cendres de l'ordre existant. N'est-ce pas le péché d'orgueil par excellence ? Pouvoir dire face au monde : " … Dieu est ainsi, ainsi il veut le monde et ma parole est vérité...".
Il n'est d'attendre et regarder pour voir en bien peu de temps les nouveaux prêcheurs se déchirer. Ceci aussi avait été anticipé chez les politiques tout comme au niveau de la papauté, bien rodée pour avoir tenu les deux rôles (martyrs et bourreaux).
Je ne vois pas chez Calvin ou d'autres une recherche franche de l'éden sur terre.
L'homme prend naissance sur une société égale, est-on près à une telle révolution ? Non !
Je comprends que d'aucuns se soient senti trahis. Où se trouve donc le chemin du "renouveau spirituel" dans la mesure où Luther lui-même expose que le rapport au divin est intime ? Il faut être honnête et ne pas tout mélanger. Parce-que Jésus a jeté hors les marchands du Temple, on va s'élever contre le boutiquier du coin car sa marge de bénéfice semble insupportable ?
Luther a choisi le pragmatisme pour encore garder un pouvoir. Il a choisi de vivre non pour ses idées mais par avidité et crainte. Il ordonne que l'on passe au fil de l'épée toute résistance ou tout débordement alors qu'il en est l'initiateur. L'amour du pouvoir rend petit. On savait déjà pour l'Église, on le découvre soudain chez ces nouveaux censeurs de la pensée.
Citer :
Ceux qui avaient prôné les voies extrêmes, ceux qui s'étaient réfugiés dans des voies révolutionnaires en voulant dynamiter tout l'édifice social ont souvent mal fini. Ils furent un certain nombre à finir sur des bûchers ou à se retrouver sur un échafaud. Luther a pris une autre voie.
Ceux-là n'avaient pas forcément prôné "les voies extrêmes" mais mis en adéquation spirituel et temporel. Le chemin était devenu un boulevard cautionné par des penseurs censés connaître la foi, les Ecritures et les arcanes des mots. La voie n'est pas tant révolutionnaire, elle applique l'Ecriture stricto sensu et c'est bien ce qui gêne les "premiers" de ce monde. Certains ont demandé et Luther en pasteur se devait de ramener les brebis égarées, d'accepter de justifier ses paroles et ses écrits. Le pouvait-il lui qui avait tant espéré voir la papauté à genoux quel que soit le prix à payer... Nous nommons ceci "voies révolutionnaires" parce-qu'il faudra attendre la Révolution afin que disparaissent les privilèges en paroles et sur papier, chacun sait ce que ceci vaut...