Skipp a écrit :
Jerôme a écrit :
Je suis pour ma part un peu sceptique car ces théories n'expliquent pas pourquoi ni comment l'Alsace a pu conserver ses dialectes, par exemple.
L'Alsace est restée allemande pendant près de 50 ans entre 1870 et la Première guerre mondiale. Sa population n'a alors pas connue la pression de l'école publique obligatoire qui obligeait les écoliers à utiliser le français.
Sauf que les fonctionnaires allemands firent tout leur possible pour éradiquer l'alsacien qui était une forme abâtardie d'un parler germanique : trop de mots et de tournures françaises dans ce patois. Du coup, va naître un mouvement culturel en faveur de l'alsacien et de la culture alsacienne, le cercle de Saint Léonard. Le costume traditionnel alsacien, ce sont eux qui vont le promouvoir avec la coiffe, par exemple. Quand on voit les coiffes du début du XIXème siècle et celle de la fin ... Il y a une différence.
Le cercle de Saint LéonardCe mouvement va poser les bases d'un vrai "nationalisme" alsacien. Mais, au fil du temps vont apparaitre 3 branches dont on retrouve des traces dans la vie politique de l'entre-deux-guerres. Une première partie est la branche "francophile", ce sont des gens dont certains vont faire de la prison sous la domination allemande, d'autres vont immigrer en France. Ils ne voient le futur de l'Alsace que comme composante de la nation allemande. La seconde branche, assez minoritaire, est la branche germanique. Pour eux, la culture alsacienne est d'essence germanique. Ils se retrouvent un peu assis entre 2 chaises à vouloir à tout prix défendre une certaine spécificité alsacienne dans le pan-germanisme. La troisième branche est une branche qui tend à un certain autonomisme, voire un indépendantisme : l'Alsace est l'Alsace, fille de son histoire à la frontière entre 2 mondes culturels, le monde roman et le monde germanique. Ils militent pour une liberté culturelle et une certaine neutralité politique.
Ce qui est compliqué, c'est que les chefs de files des 3 mouvements sont amis entre eux. Même si à certains moments, ils vont s'éloigner les uns des autres. Certains acceptant des postes de responsabilité de la part des allemands (comme la direction d'un musée), d'autres refusant tout ce qui vient du coté des allemands. Après guerre, certains des autonomistes vont créer un mouvement politique en faveur de l'autonomie. Mouvement dont une partie des cadres acceptera de travailler avec les nazis lors de l'occupation.
Il faut bien comprendre que le maintien de l'alsacien est du principalement au travail de ces artistes qui ont voulu développer leur "alsacianité". Ils le firent à l'encontre des gouvernements en place, presque en réaction. Quand on a voulu les fondre dans l'espace culturel allemand, le mouvement se créa et ils firent naitre l'image folklorique alsacienne, celle que l'on voit encore sur les cartes postales. Quand on a voulu les fondre dans l'espace culturel français, ils continuèrent à se proclamer alsaciens. Aujourd'hui, dans bien des villages et des villes, le théâtre alsacien remplit plus les salles que le théâtre français. Mais, le théâtre alsacien est un théâtre populaire qui s'adresse au plus grand nombre, le théâtre français est perçu comme quelque chose de réservé à une certaine élite culturelle.