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Message Publié : 26 Fév 2015 23:41 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Bonsoir à tous......l'action de la RAF oui,même si les Allemands ont en permanence sur Dunkerque une trentaine de bombardiers qui se relaient toutes les 30 minutes environ,ils y laissent des plumes,la DCA anglaise jusqu'à l'évacuation de ses servants sera aussi une gêne,sans compter une journée de mauvais temps pendant laquelle pas mal de monde sera évacué sans intervention aérienne.
Sur 848 navires grands et petits engagés,72 furent perdus à cause de l'ennemi,163 pour d'autres raisons(des petits bateaux en grande majorité).Il est estimé que les pertes humaines en mer s'élevèrent à moins de 5000 hommes dont environ 2000 Britanniques....ces chiffres peuvent permettre d'évaluer l'action de l'aviation allemande..


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Message Publié : 27 Fév 2015 0:29 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 10 Jan 2015 15:30
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PaulRyckier a écrit :
Roger, (du Forum Le monde en guerre?)

Bonsoir Paul,

Eh oui, nous sommes entrés pour la première fois sur ce forum là au cours des premiers mois de 2009... bientôt six ans !
Je garde un bon souvenir d'un échange sur un excellent fil que vous aviez ouvert en avril 2013
"Coordination franco-belge 10 Mai 1940 Ardennes"
Et aussi sur le fil "Mai-juin 40, un éclairage différent ?"
Par contre "Le Haltbefehl" ???

Je vous ai lu aussi sur ATF40 et TH avec chaque fois beaucoup d'intérêt.
Etes-vous toujours contributeur sur le "BBC-Message boards-History" ?

Comme je conçois bien la complémentarité des forums, j'apparais ici.
Et me voici donc ravi de vous y rencontrer !

Vous avez certainement remarqué que le but de ma présence n'est pas de débattre sur le "Haltbefehl" mais pour aborder la vérité historique des événements qui se sont réellement déroulés sur le terrain durant l'épisode souvent dramatique de la défense de Dunkerque. Tout en essayant de comprendre la signification d'un certain ordre qui a fait couler beaucoup d'encre.

Nous attendons donc ensemble CNE EMB qui devrait s'exprimer demain.

Très cordialement... et bonne nuit !

Roger


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Message Publié : 27 Fév 2015 11:26 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 17 Mars 2008 11:47
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Norodom a écrit :
HEKTOR a écrit :
......cet ordre dit "d'arrêt" paraît ne pas avoir été ce que l'on prétend qu'il fût.
....... comment un ordre d'attaque a-t-il pu être interprété comme un ordre d'arrêt ?
Ceci étant dit, il y a un obstacle, une contradiction qui apparaît avec Halder

J'avais cru comprendre que nous partagions une opinion selon laquelle les généraux allemands dans leurs déclarations d'après guerre ont déployé des trésors de zèle pour désigner Hitler comme coupable de n'avoir pas empêché l'embarquement du B.E.F.
Et là vous retenez une contradiction venant d'Halder...


Bonjour,

C'est à dire que le journal de Franz Halder (1884-1972) a un statut particulier dans la hiérarchie des sources à notre disposition.
Je fais bien référence à ce corpus, et non aux déclarations ou écrits ultérieurs du général.

Halder a écrit son journal de manière quotidienne "sur le moment".
Puis lorsque une brouille est intervenue entre lui et Hitler, qui ne l'a jamais porté dans son coeur d'ailleurs, ce journal est caché par des proches du général (il s'interrompt donc fin 1942).
Il est redécouvert par une unité américaine en 1945, sans que son auteur n'ait pu le retoucher, malgré ses demandes réitérées.

Je relate ici l'histoire officielle et je n'ai aucun moyen à ma disposition pour vérifier l'exactitude des faits tels qu'ils sont racontés depuis 70 ans. C'est la version que retient l'historiographie dans tous les cas.

Par conséquent, ce qui apparaît dans ce journal aux entrées des 24 et 25 mai 1940 est jusqu'à présent considéré comme une vision contemporaine des faits, dénuée de tout arrangement en vertu d'une éventuelle défaite de l'Allemagne. Et c'est donc ce texte qui apparaît en contradiction avec notre approche commune.

Voici les citations librement traduites de l'allemand par moi-même:

24 mai 1940 : Obdh (Walter von Brauchitsch chef de l'OKH) de retour de l'OKW :
Apparemment, nouvelle conférence houleuse avec le Fuehrer.
A 20:20, un nouvel ordre est tranmis, qui annule ceux d'hier, en prescrivant un encerclement sur la zone Dunkerque-Estaires-Lille-Roubaix-Ostende.
L'aile gauche, composée d'unités blindées et motorisées sans résistance face à elles, sont stoppées net par ordre direct du Fuehrer. La réduction de la poche est laissée à la Luftwaffe !!


Il continue le lendemain :

25 mai 1940 : La journée débute par l'une de ces douloureuses passe d'armes entre Obdh (von Brauschitsch) et le Fuehrer, à propos de l'ordre des mouvement pour la bataille d'encerclement.
Le plan de bataille, que j'avais mis au point, voyait le groupe d'armées A frapper l'ennemi - en train d'effectuer une retraite en bon ordre - au moyen d'un violent assaut frontal, tandis que le groupe d'armées B, aux prises avec un ennemi déjà défait, lançait un assaut sur ses arrières, l'encerclait et l'anéantissait. C'était la mission de nos blindés.

Or par une décision de l'autorité politique, elle s'est fixé l'idée selon laquelle la décision ne doit pas être remportée sur le sol flamand mais plutôt au nord de la France. Cette décision purement politique est maladroitement justifiée par l'argument selon lequel le réseau de canaux des Flandres est impropre au combat blindé.
Par conséquent, il est ordonné à toutes toutes les unités blindées et motorisées de ne pas dépasser la ligne St Omer-Béthune.

C'est donc un renversement complet des éléments de mon plan. Je désirais du Groupe d'armées A qu'il soit le marteau, le B l'enclume dans cette opération.
Désormais, B devient le marteau et A l'enclume. Comme le groupe d'armées B fait face à un front consolidé, la progression sera lente et les pertes atteindront un niveau élevé.
L'aviation, sur laquelle reposent tous les espoirs, est fortement dépendante de la météo.


Voici donc ce qu'en dit Halder, et vous voyez que cela pose problème. Halder explique que contrairement à ses vues, et à celles de son chef (von Brauchitsch) Hitler ordonne un arrêt des opérations de l'aile gauche au profit de l'aile droite, pour des raisons politiques.

Maintenant de deux choses l'une :

1 - Ou bien le texte de Halder n'est pas l'original, et a été "arrangé" pour des raison politiques pendant la Guerre froide. Mais là j'expose une hypothèse qui ne s'appuie sur absolument rien. Bref je spécule.
ou
2 - Il manque une archive, car l'ordre qui a été cité plus haut dans le fil ne dit pas ce que Halder a compris. Nous en somme là : comment un ordre d'attaque est-il interprété comme un ordre d'arrêt ?

Le débat est ouvert.


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Message Publié : 27 Fév 2015 14:08 
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HEKTOR a écrit :
2 - Il manque une archive, car l'ordre qui a été cité plus haut dans le fil ne dit pas ce que Halder a compris. Nous en somme là : comment un ordre d'attaque est-il interprété comme un ordre d'arrêt ?

Le débat est ouvert.


SI on lit bien le texte posté par vous soins, il y a bien un ordre d'arrêt donné à l'offensive terrestre, le temps que l'aviation réduise la poche. Il ne s'agit donc pas de donner une chance aux anglais de rembarquer leurs hommes en espérant une reconnaissance politique de la part de ceux-ci, et un arrêt des hostilités de leur part.

Apparemment, ce qu'Hitler avait en tête était une réduction des capacités de résistance de la poche par une intervention massive de la Luftwaffe. Puis, une victoire des forces terrestres allemandes obtenue sur le sol français et non pas sur le sol flamand. Quand Halder parle de décision politique, il se réfère à ce choix d'inverser les rôles des 2 groupes d'armées A et B sans tenir compte des réalités militaires et géographiques. On voit donc bien qu'Hitler ne cherche pas à ménager les anglais, puisqu'il pense que la Luftwaffe va les écraser sous les bombes et qu'ensuite, ils seront pris entre le marteau (le groupe d'armées B) et l'enclume (le groupe d'armées A).

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 27 Fév 2015 14:12 
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Bonjour,

Je me joins comme je l'avais laissé entendre au débat sur ce fil. Je pense important de le recadrer, car la question initiale qui m'était particulièrement adressée était de savoir s'il y avait eu un ordre d'arrêt ou pas. Non pas que je pense que le reste n'a pas d'intérêt, mais il n'est que secondaire dans le cadre de la question posée.

Pour moi, l'émission de cet ordre d'arrêt ne fait aucun doute.

Pour cela, je m'appuie sur deux sources "primaires" :
- le journal d'Halder (HALDER Franz, War Journal of Franz Halder, BiblioGov, 2013, en particulier la partie 1 du volume IV qui couvre notamment la Westfeldzug) et celui de Bock (BOCK Fedor von, The War Diary 1939-1945, Schiffer Military History, 1996, 608 pages, et en particulier les pages 134 à 166 qui couvrent la période du 10 mai au 6 juin 1940).

1) La question de la validité des sources :
Puisque vous remettez en cause la validité des écrits de Halder au prétexte qu'ils ont été retouchés après-guerre (ce qui reste à prouver), je vais donc me contenter de montrer qu'elle est complète en m'appuyant sur Bock. Ce dernier, mort des blessures subies lors d'un raid aérien le 4 mai 1945, ne peut être suspecté d'avoir modifié ses écrits après la fin du conflit !

Que dit Bock à ce sujet :
- Bock, 24 mai 1940 : "Au cours de la nuit, reçu un ordre plaçant les éléments de la 4. Armee qui ont été redirigés vers le nord – et son front face au sud-ouest entre Abbeville et Amiens sous le commandement de la Heeresgruppe "B". Ainsi la direction de la bataille a finalement été confiée à une seule personne ("[…] has finally been placed in one hand"). Dommage que cela n'ait pas été décidé plus tôt, cela aurait évité beaucoup de perte de temps.
Brauchitsch arrivé dans la matinée. Nous tombons d'accord sur le principe d'une avance vigoureuse en direction du nord-nord-ouest à la limite entre les 6. et 4. Armeen, et que la masse principale des unités blindées positionnée sur les arrières de l'ennemi doit continuer son attaque. […] Brauchitsch est tout juste parti, quand j'apprends de Groeben (il s'agit du Rittmeister - capitaine - Peter von der Groeben, officier logistique - Ib - de l'état-major du groupe d'armées de Bock) qui a été envoyé établir le contact avec la 4. Armee, que des attaques sérieuses par les Français et les Britanniques sont actuellement en cours sur la Somme à proximité et au sud-est d'Amiens, et que Kluge, commandant la 4. Armee, a dû réorienter trois des divisions initialement attribuées à la bataille dans le nord par l'OKH, et vers le sud. De plus, la 4. Armee a reçu un ordre du Führer, en conséquence duquel les unités blindées ne doivent pas avancer plus loin ("Furthermore, the 4. Armee had received an order from the Führer, according to which the armored units were to advance no farther!"). Il veut probablement les ménager pour de futures missions.
Cela peut avoir des conséquences très déplaisantes pour le développement de la bataille que je suis en train de mener. J'ai appelé Brauchitsch au téléphone. Il tomba d'accord avec la réattribution des trois divisions ; malheureusement, en ce qui concerne les unités mécanisées, pour le moment nous devons nous contenter avec elles d'établir des têtes-de-pont sur la ligne Gravelines-Aire-Béthune. Deux heures plus tard […], des ordres provinrent de Brauchitsch estimant que je ne devais "pas encore" assumer le commandement de la 4. Armee aujourd'hui ; il réserve sa décision sur le calendrier de transfert du commandement ! Je n'en connais pas la raison".

Cela correspond en tous points à la version donnée par Halder, que je redonne ici :
- Halder, 24 mai 1940 : "[…]ObdH (Oberbefehlshaber des Heeres, c'est-à-dire le commandant en chef de l'armée de terre, Brauchitsch) revient de l'OKW (Oberkommando der Wehrmacht, le commandement des forces armées qui sert d'état-major particulier à Hitler) : apparemment encore un entretien très désagréable avec le Führer. A 20 heures 20 un nouvel ordre est diffusé, annulant celui d'hier et orientant l'encerclement à effectuer dans la zone Dunkerque-Estaires-Lille-Roubaix-Ostende. L'aile gauche, constituée des forces blindées et motorisées, qui n'a pas d'ennemi en face d'elle, sera donc arrêtée totalement sur ordre direct du Führer ("The left wing, consisting of Armor and mot. Forces, which has no enemy before it, will so be stopped dead in its tracks upon direct orders of the Führer!") ! Achever l'armée ennemie encerclée doit être laissé aux mains de la Luftwaffe ("Finishing off the encircled enemy army is to be left to Air Force!!") !!".
- Halder, 25 mai 1940 : "La journée commence avec l'une de ces pénibles altercations entre Brauchitsch et le Führer concernant les prochaines étapes de la bataille d'encerclement. Le plan d'opération que j'ai esquissé exige que la Heeresgruppe "A"* (Rundstedt, aile gauche) mène de puissantes attaques frontales, simplement pour fixer l'ennemi qui réalise un repli planifié, pendant que la Heeresgruppe "B"* (Bock, aile droite), faisant face à un ennemi déjà battu, exploite sur ses arrières et délivre le coup décisif. Cela devait être accompli par nos forces mécanisées. Mais désormais, la direction politique est butée sur l'idée fixe que la bataille décisive ne doit pas être menée sur le sol flamand, mais plutôt dans le nord de la France. Pour dissimuler cette décision politique, l'affirmation est faite que les Flandres, sillonnées par une multitude de cours d'eau, ne sont pas propices à la guerre des chars. En conséquence, tous les chars et les troupes motorisées devront être coupés dans leur élan en atteignant la ligne Saint-Omer-Béthune ("Accordingly, all tanks and mot. troops will have to be brought up short on reaching the line Saint-Omer-Béthune").
C'est un changement complet des éléments du plan. Je voulais faire de la Heeresgruppe "A" le marteau et de la Heeresgruppe "B" l'enclume dans cette opération. […]".

Bock confirme totalement ce que dit Halder. Or, il est extrêmement improbable que les écrits de Bock et ceux d'Halder aient été tous les deux modifiés après guerre, sans même parler qu'il a été absolument impossible à Bock de les modifier de lui-même (puisqu'il était mort). Passe encore pour un des deux journaux, mais les deux, ça fait trop pour que j'achète...
Je suis d'ailleurs même allé plus loin, et des sources primaires supplémentaires valident totalement le témoignage d'Halder sur d'autres sujets (par exemple, les comptes-rendus des conférences d'Hitler au sujet des questions navales, ou la déposition de Warlimont à Nuremberg). Soit on a affaire à une conspiration extrêmement efficace ayant réussi à réaliser une réécriture totale de toutes les archives saisies en 1945, soit c'est la vérité. En ce qui me concerne, on repassera pour une intoxication pro domo...
Donc, il y a bel et bien eu un ordre en fin d'après-midi ou en début de soirée du 24 mai 1940.

2) Le Haltbefehl est-il autre chose qu'un ordre d'arrêt ?
Je reprends les termes précis dans lesquels s'expriment tant Halder que Bock :
- Halder, 24 mai 1940 : "A 20 heures 20 un nouvel ordre est diffusé [...]. L'aile gauche, constituée des forces blindées et motorisées, qui n'a pas d'ennemi en face d'elle, sera donc arrêtée totalement sur ordre direct du Führer ("The left wing, consisting of Armor and mot. Forces, which has no enemy before it, will so be stopped dead in its tracks upon direct orders of the Führer!") ! Achever l'armée ennemie encerclée doit être laissé aux mains de la Luftwaffe ("Finishing off the encircled enemy army is to be left to Air Force!!") !!".
- Halder, 25 mai 1940 : "Mais désormais, la direction politique est butée sur l'idée fixe que la bataille décisive ne doit pas être menée sur le sol flamand, mais plutôt dans le nord de la France. Pour dissimuler cette décision politique, l'affirmation est faite que les Flandres, sillonnées par une multitude de cours d'eau, ne sont pas propices à la guerre des chars. En conséquence, tous les chars et les troupes motorisées devront être coupés dans leur élan en atteignant la ligne Saint-Omer-Béthune ("Accordingly, all tanks and mot. troops will have to be brought up short on reaching the line Saint-Omer-Béthune")".
- Bock, 24 mai 1940 : "De plus, la 4. Armee a reçu un ordre du Führer, en conséquence duquel les unités blindées ne doivent pas avancer plus loin("Furthermore, the 4. Armee had received an order from the Führer, according to which the armored units were to advance no farther!"). Il veut probablement les ménager pour de futures missions".

Nous avons affaire à des militaires de haut niveau, qui s'expriment ici de manière directe et claire. On a ordonné d'arrêter les chars. Pas d'attaquer dans un fuseau avec une limite à ne pas franchir. On leur a dit de s'arrêter. Le mot est utilisé et même renforcé par l'adjonction de termes qui le rendent plus fort ("The left wing [...] will so be stopped dead in its tracks" ; "the armored units were to advance no farther").
Il s'agit bel et bien d'un ordre d'arrêt des chars, aucun doute n'est possible là-dessus.

3) Qui a donné cet ordre ?
Il apparaît indubitable que l'ordre d'arrêt a été donné par Hitler personnellement le 24 mai 1940 dans l'après-midi ou le début de soirée (au plus tard à 20 heures 20, heure de réception de l'ordre par l'OKH, mais il est vraisemblable à la lecture de ces seules sources que cet ordre d'arrêt ait été donné directement avant à la Heeresgruppe "A" et notamment à sa 4. Armee, comme Bock le laisse entendre via le compte-rendu téléphonique de Groeben) ; et que cet ordre ne reposait pas sur des considérations militaires puisque ni l'OKH (en l'occurrence Halder) ni les exécutants sur le terrain (en l'occurrence Bock) n'en comprennent l'intérêt au-delà du seul fait de ménager éventuellement les forces mécanisées en vue d'un réengagement ultérieur.

4) Y a-t-il eu un ou deux ordres d'arrêt des unités de la Gruppe "Kleist" ?
Il y en a eu au moins deux, même s'ils sont de portée et de nature très différentes.
Le premier est intervenu le 22 mai 1940 :
- Halder, 22 mai 1940 : "Point de situation du matin : […] La poussée blindée sur Calais, ordonnée par nous (l'OKH), a été temporairement arrêtée par la Heeresgruppe "A" (Rundstedt) sur la ligne Saint-Pol-Etaples, et ne sera pas relancée avant que la situation à Arras ne soit devenue claire." ainsi que "Les chars à l'ouest d'Arras doivent reprendre leur progression aussi tôt que la situation à Arras aura été consolidée".
Halder semble attribuer cet arrêt à la seule initiative de Rundstedt, sans intervention d'Hitler. Elle aurait pour raison la résistance imprévue rencontrée, et tout particulièrement la réaction offensive britannique qui contre-attaque avec violence dans le secteur d'Arras.

Le second est bien entendu celui qui nous intéresse, du 24 mai dans l'après-midi, et qui a été ordonné par Hitler lui-même contre l'avis de l'OKH.

5) Est-ce que les généraux allemands cherchent à se défausser de leurs responsabilités en accusant Hitler ?
Au vu des commentaires d'Halder et de Bock, c'est très improbable : a) leurs écrits sont contemporains des évènements ; b) ils ne peuvent avoir été réécrits pour se dédouaner après-guerre (ne serait-ce que parce que Bock meurt le 4 mai 1945 des blessures subies lors d'une attaque aérienne britannique, comme je l'ai déjà dit !) ; c) il n'y a aucune justification militaire évidente pour eux dans cet ordre d'arrêt, si ce n'est éventuellement ménager les forces mécanisées. D'ailleurs, Halder évoque immédiatement une raison "de couverture" concernant un terrain qui ne permet pas l'engagement des chars. Il semble dire que la véritable raison, c'est que Hitler veut remporter la bataille sur le sol français plutôt que belge, peut-être pour des raisons de prestige ("Mais désormais, la direction politique est butée sur l'idée fixe que la bataille décisive ne doit pas être menée sur le sol flamand, mais plutôt dans le nord de la France. Pour dissimuler cette décision politique, l'affirmation est faite que les Flandres, sillonnées par une multitude de cours d'eau, ne sont pas propices à la guerre des chars").

Donc, puisque vous vouliez mon avis :
- il y a eu deux ordres d'arrêt des chars, l'un au niveau de la Heeresgruppe "A" le 22 mai 1940 (peut-être sur sollicitation extérieure, mais c'est à creuser), l'autre directement par Hitler le 24 mai 1940 ;
- l'ordre d'arrêt est bel et bien un ordre d'arrêt, aucun doute là-dessus ; et il a été donné par Hitler contre l'avis de l'OKH ;
- ses justifications militaires sont nulles ou faibles, en tout cas incomprises par deux militaires de haut niveau qui sont quand même bien placés pour les comprendre.

Je rajouterais enfin que les Panzer Divisionen ont réussi à franchir un fossé antichars comme la Meuse sans grande difficulté, et je ne vois pas ce qu'il y avait derrière l'Aa pour les empêcher de continuer leur progression. Un môle défensif solide ? Qu'à cela ne tienne : les 5. et 7. Panzer Divisionen de Hoth avaient buté sur la 1re Division cuirassée à Flavion le 14 mai 1940 sans réussir à en percer le dispositif dans la foulée, mais elles avaient été capables immédiatement de se redéployer pour la dépasser par contournement, la couper de ses arrières et la détruire en quelques heures. Pourquoi les unités mécanisées allemandes, encore plus nombreuses et face à une opposition de toute évidence plus faible et moins cohérente que toute une division cuirassée, n'y seraient-elles pas arrivées ?

CNE EMB

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Message Publié : 27 Fév 2015 17:07 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9040
Citer :
("Mais désormais, la direction politique est butée sur l'idée fixe que la bataille décisive ne doit pas être menée sur le sol flamand, mais plutôt dans le nord de la France. Pour dissimuler cette décision politique, l'affirmation est faite que les Flandres, sillonnées par une multitude de cours d'eau, ne sont pas propices à la guerre des chars").

Est-ce que ça pourrait signifier que Hitler, considérant le cas de Dunkerque comme réglé ou en passe de l'être, se préoccupe de la phase suivante, dans laquelle il veut un écrasement franc et massif de l'armée française ?

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Message Publié : 27 Fév 2015 17:34 
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Inscription : 20 Déc 2008 14:01
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Possible. Je n'ai pas cherché d'éléments en ce sens, mais c'est possible.
Je pense qu'il faut creuser sur cet ordre de transfert de la 4. Armee (et de ses blindés) sous le commandement de la Heeresgruppe "B" de Bock, annulé ensuite sur décision d'Hitler. Halder fulmine peut-être aussi contre le fait qu'il ait été rapporté.

Au-delà des choses qui m'apparaissent certaines, que j'ai mises en exergue dans mon précédent message, le reste me semble obscur. Je vais creuser ça aussi.

CNE EMB

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Message Publié : 27 Fév 2015 20:19 
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Thucydide
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Inscription : 10 Jan 2015 15:30
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Bonsoir,

Je suis embarrassé pour l'ordre des intervenants auxquels je dois répondre en premier.
C'est une "blitzkrieg" d'arguments qui se présente en ce vendredi et chacun comprendra que pour engager le moindre commentaire, ce ne sont pas quelques heures, encore moins quelques minutes qui suffisent...

Mais il faut un début à tout...
Alors, en un premier temps, après avoir impitoyablement éliminé toute la littérature sur les citations des consorts, fussent-elles en anglais ou en allemand, sans doute pour faire plus sérieux, je retourne à la question de fond qui est posée :
L'ordre du Führer du 24 mai à 12 H 30 (ou 12 h 45) était-il un ordre d'arrêt ?

J'ai déjà répondu NON et je le maintiens car le déroulement des opérations dans les secteurs Nord-Ouest de l'Aa- Sud et Sud-Est de Saint-Omer et encore Ouest et Est d'Arras ne fait pas apparaître un arrêt des chars.
Car il faut bien se mettre d'accord sur la notion d'arrêt.
Un ordre de ne pas dépasser une ligne définie ne peut pas être considéré comme un ordre d'arrêt lorsque des opérations se poursuivent avec l'appui de l'infanterie et de l'artillerie, y compris celui des chars.
Faut-il rappeler qu'un char, même en position d'arrêt, est une pièce d'artillerie.

Donc, à tout Seigneur tout honneur, je commence par notre administrateur :
____________________________________________

@ Narduccio

Hormis le fait de prendre le risque de vous contrarier sur le fait qu'il n'y a pas eu d'ordre d'arrêt, ce que vous n'aurez aucun mal à comprendre si vous avez lu attentivement les lignes qui précèdent, je rejoins votre analyse sur la volonté des allemands, sans doute forcée par Goering, de pousser vers l'extrême l'extermination du B.E.F. par la Luftwaffe

Sauf sur un point d'une importance capitale :
L'assimilation avec la nature du terrain tel qu'il se présentait sur la rive droite de l'Aa et le fait qu'il se situe en zone flamande.
Mais nous pouvons y revenir et développer cela si vous le souhaitez...
___________________________________________

@ HEKTOR

Votre rappel de l'histoire du journal de Halder qui peut-être selon le côté où on la prend, une bien belle histoire, ne me réveille nullement, car cette histoire là je la connais depuis des lustres. Je vous avais prévenu... ne me parlez pas de Halder.
Si vous souhaitez continuer d'en parler entre vous ?... libre à vous... mais sans moi ! Car je me fiche totalement de ce que l'historiographie en a retenu.
Mais surtout "Hektor" ne prenez pas ombrage de ce que j'écris là... aucun reproche ne vous est personnellement destiné.

Pour rester dans le domaine de vos préoccupations, ce qui mérite d'être vu de très près c'est ce que vous avez écrit en italique.
Cela débute mal avec le différend entre Brauchitsch et Hitler dont j'ai fait état dans un précédent message.
Cela se complique avec un nouvel ordre du 24 mai à 20 h 20 qui annule ceux de la veille ??
sans qu'il soit fait état de celui du jour même à 12 H 30 (ou 12 H 45), le plus important pour nous.

C'est passionnant de lire que des généraux aussi téméraires se voyaient porteurs de la couronne auréolant de flamboyants guerriers victorieux face à des ennemis en train d'effectuer une retraite en bon ordre ou encore face à un ennemi déjà défait !... J'ai déjà lu cela quelque part, venant du même auteur, sur deux ou trois forums !

Ensuite on revient au parallèle entre le sol flamand et la zone impropre au combat blindé
(Relire ce que j'en dis à Narduccio)

L' inversion entre l' enclume et le marteau c'est un truc très imagé qui attire l'attention sans déranger le mécanisme auditif.
Cela sous-entend (tiens !.. il est question d'ouïe... ah oui !) que l'Un pouvait être meilleur que l'Autre et que si l'Autre avait été meilleur que l'Un les choses eussent allé différemment !... un amuse-gueule pour ceux qui se prêtent à savourer les cas de l'espèce, en quelque sorte !

Vous terminez par "Le débat est ouvert"...Soit, continuez...
________________________________________

@ CNE_EMB

Le Barça avait attendu son Messie...
Nous autres avons attendu le nôtre.... vous nous gâtez !

Vous pensez important de recadrer le débat, ce qui me surprend, ne jugeant pas cela nécessaire.
Depuis l'ouverture de ce fil il n'y a pas eu de H.S.

Je retiens surtout ce qui était à attendre :

<< Pour moi, l'émission de cet ordre d'arrêt ne fait aucun doute >>

Vous avez pris le temps de réfléchir et vous maintenez votre position, ce qui est tout à votre honneur.
Vous restez constant dans votre opinion personnelle.

Une remarque :
Personne n'a parlé de modification des citations de généraux quels qu'ils soient, à part une allusion de ma part sur la fiabilité de la traduction du journal écrit en langage secret par Halder.
Les citations sont à prendre sous la forme où elles ont été éditées par leurs auteurs.
Vous croyez à leur bonne foi ... personne ne doit vous en vouloir !

Mais c'est tout de même cela qui pose problème compte tenu que nombre d'entre-elles vont dans le sens d'un dédouanement des responsabilités des uns ou des autres

Ce que vous écrivez sur les déclarations de Bock est assez confus, tant sur les heures des ordres (il y en aurait donc eu plusieurs ?) que sur la position des unités.
Il conviendrait de revoir tout cela en détail de plus près...

Idem pour Halder qui cite le 22 mai !
Partant du principe qu'il y aurait eu au moins deux ordres, vous citez le second qui nous intéresse et qui ne serait plus du 24 mai à 12 H 30 mais du même jour dans l'après-midi ( j'ai lu aussi à 20 H 20)
Pourrait se poser la question d'une confusion entre l'heure d'émission et celle de la réception ?

Bien, en résumé, tout cela est un beau chef d'oeuvre, mais un chef d'oeuvre ne peut être parfois qu'un chef-d'oeuvre de fiction...

Alors, pour rester dans le domaine de la réalité, sans vouloir vous offenser, je me permettrai de vous conseiller de vous munir d'une carte et de suivre au jour le jour, je n'ose pas écrire, dans certains cas, heure par heure, la progression allemande de la pince Ouest, pince à trois branches qui concerne respectivement les secteurs de Boulogne, Calais et plus près de Dunkerque le secteur de l'Aa.
Examinez bien quelles sont, à des dates précises et selon les lieux, les moyens dont disposait l'armée allemande sans omettre de prendre en compte quelles furent les unités de défense qui lui étaient opposées.
Vous verrez, vous gagnerez plus de temps qu'en vous attardant sur les états d'âmes de Bock, Brauchitsch, Halder et consorts.
Alors peut-être, j'écris bien peut-être, vous conviendrez que la stratégie allemande était particulièrement bien conçue.

Les Allemands ne furent pas à l'abri des imprévus de tous ordres. Ils durent avoir à compter surtout après la chute de Boulogne et Calais, sur des défenseurs qui se battirent d'autant plus courageusement que Dunkerque était le seul lien possible vers le monde extérieur.

J'en oublie certainement mais si c'est nécessaire on y reviendra...

Roger


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Message Publié : 27 Fév 2015 20:24 
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Pas bien compris vos références footballistiques...

S'il faut simplifier pour que vous compreniez, simplifions : puisque la version de Bock concorde avec celle de Halder (qui est schématiquement : Hitler a donné l'ordre d'arrêt des unités mécanisées le 24 mai 1940 après-midi) et la valide, et puisque Bock ne saurait avoir maquillé son journal après-guerre puisqu'il n'était plus de ce monde pour procéder à une falsification historique après le conflit, c'est donc que Halder dit vrai.

A partir de là, tout votre rejet de ces témoignages capitaux ne tient plus. Et votre argumentation pas plus - qui néglige de plus largement que la réalité sur le terrain n'est pas exactement celle perçue par les états-majors ou les décideurs qui donnent les ordres, ne serait-ce qu'en raison du délai de traitement des informations et de prise de la décision, ou de l'action de l'ennemi - qui néglige complètement de prendre en compte ce que le chef d'état-major de l'armée de terre allemande et le général commandant le groupe d'armées impliqué dans la réduction de la poche disent du sujet.

Pour les horaires, je n'ai pas d'autre info en l'état actuel (ne m'étant intéressé au sujet que par ce que Halder et Bock en disent) que l'heure de 20 heures 20 le 24 mai donnée par Halder l'arrivée de l'ordre d'Hitler à cette heure à l'OKH. L'ordre a vraisemblablement été donné antérieurement à la 4. Armee et à la Heeresgruppe "A" (puisque Groeben en rend compte à son chef avant la soirée). Quand précisément ? En début de soirée vers 18 heures, dans l'après-midi vers 15 heures, à 12 heures 30 pourquoi pas ? Je n'en sais rien donc je ne me prononce pas sur l'horaire, juste qu'il est obligatoirement émis antérieurement au 24 mai 1940 à 20 heures 20.

CNE EMB

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Message Publié : 27 Fév 2015 20:44 
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CNE_EMB a écrit :
Bonjour,

Je me joins comme je l'avais laissé entendre au débat sur ce fil. Je pense important de le recadrer, car la question initiale qui m'était particulièrement adressée était de savoir s'il y avait eu un ordre d'arrêt ou pas. Non pas que je pense que le reste n'a pas d'intérêt, mais il n'est que secondaire dans le cadre de la question posée.

Pour moi, l'émission de cet ordre d'arrêt ne fait aucun doute.

Pour cela, je m'appuie sur deux sources "primaires" :
- le journal d'Halder (HALDER Franz, War Journal of Franz Halder, BiblioGov, 2013, en particulier la partie 1 du volume IV qui couvre notamment la Westfeldzug) et celui de Bock (BOCK Fedor von, The War Diary 1939-1945, Schiffer Military History, 1996, 608 pages, et en particulier les pages 134 à 166 qui couvrent la période du 10 mai au 6 juin 1940).

1) La question de la validité des sources :
Puisque vous remettez en cause la validité des écrits de Halder au prétexte qu'ils ont été retouchés après-guerre (ce qui reste à prouver), je vais donc me contenter de montrer qu'elle est complète en m'appuyant sur Bock. Ce dernier, mort des blessures subies lors d'un raid aérien le 4 mai 1945, ne peut être suspecté d'avoir modifié ses écrits après la fin du conflit !

Que dit Bock à ce sujet :
- Bock, 24 mai 1940 : "Au cours de la nuit, reçu un ordre plaçant les éléments de la 4. Armee qui ont été redirigés vers le nord – et son front face au sud-ouest entre Abbeville et Amiens sous le commandement de la Heeresgruppe "B". Ainsi la direction de la bataille a finalement été confiée à une seule personne ("[…] has finally been placed in one hand"). Dommage que cela n'ait pas été décidé plus tôt, cela aurait évité beaucoup de perte de temps.
Brauchitsch arrivé dans la matinée. Nous tombons d'accord sur le principe d'une avance vigoureuse en direction du nord-nord-ouest à la limite entre les 6. et 4. Armeen, et que la masse principale des unités blindées positionnée sur les arrières de l'ennemi doit continuer son attaque. […] Brauchitsch est tout juste parti, quand j'apprends de Groeben (il s'agit du Rittmeister - capitaine - Peter von der Groeben, officier logistique - Ib - de l'état-major du groupe d'armées de Bock) qui a été envoyé établir le contact avec la 4. Armee, que des attaques sérieuses par les Français et les Britanniques sont actuellement en cours sur la Somme à proximité et au sud-est d'Amiens, et que Kluge, commandant la 4. Armee, a dû réorienter trois des divisions initialement attribuées à la bataille dans le nord par l'OKH, et vers le sud. De plus, la 4. Armee a reçu un ordre du Führer, en conséquence duquel les unités blindées ne doivent pas avancer plus loin ("Furthermore, the 4. Armee had received an order from the Führer, according to which the armored units were to advance no farther!"). Il veut probablement les ménager pour de futures missions.
Cela peut avoir des conséquences très déplaisantes pour le développement de la bataille que je suis en train de mener. J'ai appelé Brauchitsch au téléphone. Il tomba d'accord avec la réattribution des trois divisions ; malheureusement, en ce qui concerne les unités mécanisées, pour le moment nous devons nous contenter avec elles d'établir des têtes-de-pont sur la ligne Gravelines-Aire-Béthune. Deux heures plus tard […], des ordres provinrent de Brauchitsch estimant que je ne devais "pas encore" assumer le commandement de la 4. Armee aujourd'hui ; il réserve sa décision sur le calendrier de transfert du commandement ! Je n'en connais pas la raison".

Cela correspond en tous points à la version donnée par Halder, que je redonne ici :
- Halder, 24 mai 1940 : "[…]ObdH (Oberbefehlshaber des Heeres, c'est-à-dire le commandant en chef de l'armée de terre, Brauchitsch) revient de l'OKW (Oberkommando der Wehrmacht, le commandement des forces armées qui sert d'état-major particulier à Hitler) : apparemment encore un entretien très désagréable avec le Führer. A 20 heures 20 un nouvel ordre est diffusé, annulant celui d'hier et orientant l'encerclement à effectuer dans la zone Dunkerque-Estaires-Lille-Roubaix-Ostende. L'aile gauche, constituée des forces blindées et motorisées, qui n'a pas d'ennemi en face d'elle, sera donc arrêtée totalement sur ordre direct du Führer ("The left wing, consisting of Armor and mot. Forces, which has no enemy before it, will so be stopped dead in its tracks upon direct orders of the Führer!") ! Achever l'armée ennemie encerclée doit être laissé aux mains de la Luftwaffe ("Finishing off the encircled enemy army is to be left to Air Force!!") !!".
- Halder, 25 mai 1940 : "La journée commence avec l'une de ces pénibles altercations entre Brauchitsch et le Führer concernant les prochaines étapes de la bataille d'encerclement. Le plan d'opération que j'ai esquissé exige que la Heeresgruppe "A"* (Rundstedt, aile gauche) mène de puissantes attaques frontales, simplement pour fixer l'ennemi qui réalise un repli planifié, pendant que la Heeresgruppe "B"* (Bock, aile droite), faisant face à un ennemi déjà battu, exploite sur ses arrières et délivre le coup décisif. Cela devait être accompli par nos forces mécanisées. Mais désormais, la direction politique est butée sur l'idée fixe que la bataille décisive ne doit pas être menée sur le sol flamand, mais plutôt dans le nord de la France. Pour dissimuler cette décision politique, l'affirmation est faite que les Flandres, sillonnées par une multitude de cours d'eau, ne sont pas propices à la guerre des chars. En conséquence, tous les chars et les troupes motorisées devront être coupés dans leur élan en atteignant la ligne Saint-Omer-Béthune ("Accordingly, all tanks and mot. troops will have to be brought up short on reaching the line Saint-Omer-Béthune").
C'est un changement complet des éléments du plan. Je voulais faire de la Heeresgruppe "A" le marteau et de la Heeresgruppe "B" l'enclume dans cette opération. […]".

Bock confirme totalement ce que dit Halder. Or, il est extrêmement improbable que les écrits de Bock et ceux d'Halder aient été tous les deux modifiés après guerre, sans même parler qu'il a été absolument impossible à Bock de les modifier de lui-même (puisqu'il était mort). Passe encore pour un des deux journaux, mais les deux, ça fait trop pour que j'achète...
Je suis d'ailleurs même allé plus loin, et des sources primaires supplémentaires valident totalement le témoignage d'Halder sur d'autres sujets (par exemple, les comptes-rendus des conférences d'Hitler au sujet des questions navales, ou la déposition de Warlimont à Nuremberg). Soit on a affaire à une conspiration extrêmement efficace ayant réussi à réaliser une réécriture totale de toutes les archives saisies en 1945, soit c'est la vérité. En ce qui me concerne, on repassera pour une intoxication pro domo...
Donc, il y a bel et bien eu un ordre en fin d'après-midi ou en début de soirée du 24 mai 1940.

2) Le Haltbefehl est-il autre chose qu'un ordre d'arrêt ?
Je reprends les termes précis dans lesquels s'expriment tant Halder que Bock :
- Halder, 24 mai 1940 : "A 20 heures 20 un nouvel ordre est diffusé [...]. L'aile gauche, constituée des forces blindées et motorisées, qui n'a pas d'ennemi en face d'elle, sera donc arrêtée totalement sur ordre direct du Führer ("The left wing, consisting of Armor and mot. Forces, which has no enemy before it, will so be stopped dead in its tracks upon direct orders of the Führer!") ! Achever l'armée ennemie encerclée doit être laissé aux mains de la Luftwaffe ("Finishing off the encircled enemy army is to be left to Air Force!!") !!".
- Halder, 25 mai 1940 : "Mais désormais, la direction politique est butée sur l'idée fixe que la bataille décisive ne doit pas être menée sur le sol flamand, mais plutôt dans le nord de la France. Pour dissimuler cette décision politique, l'affirmation est faite que les Flandres, sillonnées par une multitude de cours d'eau, ne sont pas propices à la guerre des chars. En conséquence, tous les chars et les troupes motorisées devront être coupés dans leur élan en atteignant la ligne Saint-Omer-Béthune ("Accordingly, all tanks and mot. troops will have to be brought up short on reaching the line Saint-Omer-Béthune")".
- Bock, 24 mai 1940 : "De plus, la 4. Armee a reçu un ordre du Führer, en conséquence duquel les unités blindées ne doivent pas avancer plus loin("Furthermore, the 4. Armee had received an order from the Führer, according to which the armored units were to advance no farther!"). Il veut probablement les ménager pour de futures missions".

Nous avons affaire à des militaires de haut niveau, qui s'expriment ici de manière directe et claire. On a ordonné d'arrêter les chars. Pas d'attaquer dans un fuseau avec une limite à ne pas franchir. On leur a dit de s'arrêter. Le mot est utilisé et même renforcé par l'adjonction de termes qui le rendent plus fort ("The left wing [...] will so be stopped dead in its tracks" ; "the armored units were to advance no farther").
Il s'agit bel et bien d'un ordre d'arrêt des chars, aucun doute n'est possible là-dessus.

3) Qui a donné cet ordre ?
Il apparaît indubitable que l'ordre d'arrêt a été donné par Hitler personnellement le 24 mai 1940 dans l'après-midi ou le début de soirée (au plus tard à 20 heures 20, heure de réception de l'ordre par l'OKH, mais il est vraisemblable à la lecture de ces seules sources que cet ordre d'arrêt ait été donné directement avant à la Heeresgruppe "A" et notamment à sa 4. Armee, comme Bock le laisse entendre via le compte-rendu téléphonique de Groeben) ; et que cet ordre ne reposait pas sur des considérations militaires puisque ni l'OKH (en l'occurrence Halder) ni les exécutants sur le terrain (en l'occurrence Bock) n'en comprennent l'intérêt au-delà du seul fait de ménager éventuellement les forces mécanisées en vue d'un réengagement ultérieur.

4) Y a-t-il eu un ou deux ordres d'arrêt des unités de la Gruppe "Kleist" ?
Il y en a eu au moins deux, même s'ils sont de portée et de nature très différentes.
Le premier est intervenu le 22 mai 1940 :
- Halder, 22 mai 1940 : "Point de situation du matin : […] La poussée blindée sur Calais, ordonnée par nous (l'OKH), a été temporairement arrêtée par la Heeresgruppe "A" (Rundstedt) sur la ligne Saint-Pol-Etaples, et ne sera pas relancée avant que la situation à Arras ne soit devenue claire." ainsi que "Les chars à l'ouest d'Arras doivent reprendre leur progression aussi tôt que la situation à Arras aura été consolidée".
Halder semble attribuer cet arrêt à la seule initiative de Rundstedt, sans intervention d'Hitler. Elle aurait pour raison la résistance imprévue rencontrée, et tout particulièrement la réaction offensive britannique qui contre-attaque avec violence dans le secteur d'Arras.

Le second est bien entendu celui qui nous intéresse, du 24 mai dans l'après-midi, et qui a été ordonné par Hitler lui-même contre l'avis de l'OKH.

5) Est-ce que les généraux allemands cherchent à se défausser de leurs responsabilités en accusant Hitler ?
Au vu des commentaires d'Halder et de Bock, c'est très improbable : a) leurs écrits sont contemporains des évènements ; b) ils ne peuvent avoir été réécrits pour se dédouaner après-guerre (ne serait-ce que parce que Bock meurt le 4 mai 1945 des blessures subies lors d'une attaque aérienne britannique, comme je l'ai déjà dit !) ; c) il n'y a aucune justification militaire évidente pour eux dans cet ordre d'arrêt, si ce n'est éventuellement ménager les forces mécanisées. D'ailleurs, Halder évoque immédiatement une raison "de couverture" concernant un terrain qui ne permet pas l'engagement des chars. Il semble dire que la véritable raison, c'est que Hitler veut remporter la bataille sur le sol français plutôt que belge, peut-être pour des raisons de prestige ("Mais désormais, la direction politique est butée sur l'idée fixe que la bataille décisive ne doit pas être menée sur le sol flamand, mais plutôt dans le nord de la France. Pour dissimuler cette décision politique, l'affirmation est faite que les Flandres, sillonnées par une multitude de cours d'eau, ne sont pas propices à la guerre des chars").

Donc, puisque vous vouliez mon avis :
- il y a eu deux ordres d'arrêt des chars, l'un au niveau de la Heeresgruppe "A" le 22 mai 1940 (peut-être sur sollicitation extérieure, mais c'est à creuser), l'autre directement par Hitler le 24 mai 1940 ;
- l'ordre d'arrêt est bel et bien un ordre d'arrêt, aucun doute là-dessus ; et il a été donné par Hitler contre l'avis de l'OKH ;
- ses justifications militaires sont nulles ou faibles, en tout cas incomprises par deux militaires de haut niveau qui sont quand même bien placés pour les comprendre.

Je rajouterais enfin que les Panzer Divisionen ont réussi à franchir un fossé antichars comme la Meuse sans grande difficulté, et je ne vois pas ce qu'il y avait derrière l'Aa pour les empêcher de continuer leur progression. Un môle défensif solide ? Qu'à cela ne tienne : les 5. et 7. Panzer Divisionen de Hoth avaient buté sur la 1re Division cuirassée à Flavion le 14 mai 1940 sans réussir à en percer le dispositif dans la foulée, mais elles avaient été capables immédiatement de se redéployer pour la dépasser par contournement, la couper de ses arrières et la détruire en quelques heures. Pourquoi les unités mécanisées allemandes, encore plus nombreuses et face à une opposition de toute évidence plus faible et moins cohérente que toute une division cuirassée, n'y seraient-elles pas arrivées ?

CNE EMB


CNE EMB,

un grand merci pour ce résumé. Il est le plus clair et le plus structuré que j'ai jamais lu autour de la question. Et ça aprés des centaines et des centaines de pages sur les différents fora.

Cordialement et avec grande estime, Paul.


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Message Publié : 27 Fév 2015 20:49 
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Paul,

Avec grand plaisir.

Bien cordialement, et avec grande estime,

CNE EMB

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Message Publié : 27 Fév 2015 21:06 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Norodom a écrit :
PaulRyckier a écrit :
Roger, (du Forum Le monde en guerre?)

Bonsoir Paul,

Eh oui, nous sommes entrés pour la première fois sur ce forum là au cours des premiers mois de 2009... bientôt six ans !
Je garde un bon souvenir d'un échange sur un excellent fil que vous aviez ouvert en avril 2013
"Coordination franco-belge 10 Mai 1940 Ardennes"
Et aussi sur le fil "Mai-juin 40, un éclairage différent ?"
Par contre "Le Haltbefehl" ???

Je vous ai lu aussi sur ATF40 et TH avec chaque fois beaucoup d'intérêt.
Etes-vous toujours contributeur sur le "BBC-Message boards-History" ?

Comme je conçois bien la complémentarité des forums, j'apparais ici.
Et me voici donc ravi de vous y rencontrer !

Vous avez certainement remarqué que le but de ma présence n'est pas de débattre sur le "Haltbefehl" mais pour aborder la vérité historique des événements qui se sont réellement déroulés sur le terrain durant l'épisode souvent dramatique de la défense de Dunkerque. Tout en essayant de comprendre la signification d'un certain ordre qui a fait couler beaucoup d'encre.

Nous attendons donc ensemble CNE EMB qui devrait s'exprimer demain.

Très cordialement... et bonne nuit !

Roger


Roger,

je vous remercie pour votre aimable réplique.

"Etes-vous toujours contributeur sur le "BBC-Message boards-History" ?"

C'est fini depuis trois ans. Les moderateurs du BBC ont dit que le coût de la "modération" était trop haut. On a commencé par trois moderateurs puis deux et puis un et on ne pouvait que rediger pendant certaines heures, le temps pour les moderateurs de controler nos messages...j'ai maintes fois reçu une modération, quand j'avais heurté le robot réactif sur certains mots clés :wink: Alors les modérateurs devaient modérer...

Mais des dix années de contributions on a retenu un archive sur le BBC sur la demande des "anciens" des cinq dernières années. Et alors tout le monde peut encore consulter ces archives, entre autres mes propres messages aussi...

Bienvenu Roger sur ce forum de "passionés" et avec estime, Paul.


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Message Publié : 27 Fév 2015 23:14 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 10 Jan 2015 15:30
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CNE_EMB a écrit :
Pas bien compris vos références footballistiques...

C'est un fait que la relation entre un Messie sur un terrain et Le Messie aux plus haut des Cieux, telle que je l'ai écrite, peut surprendre... Surtout lorsque le débat est exclusivement focalisé sur les choses sérieuses !
.....................................................................
Mais non ! vous n'avez pas à simplifier car j'ai très bien compris.
Et cela est suffisant pour que je fasse fi des citations qui vous occupent tant
Vous qualifiez ma position de rejet... à votre aise !
Vous jugez "capitaux" les témoignages en question... moi pas !
Nous n'allons tout de même pas entrer en conflit ouvert pour cela ?
....................................................................
Sur la perception de la réalité sur le terrain par ceux que vous nommez "les états-majors ou les décideurs qui donnent les ordres", je comprends très bien que cela vous apparaisse crucial, mais c'est loin de la réalité.
Les événements se sont déroulés très vite dans cette période qui a précédé le "final" de Dunkerque. Les situations ont changé rapidement, parfois heure après heure sans que les états majors puissent anticiper la suite.
Et puis vos généraux en question ne se trouvaient pas tous dans le même secteur...

Je vous cite l'exemple d'un général qui lui, se trouvait au soir du 23 mai sur la rive Ouest de l'Aa...
Il s'agit du général Walther Kurt Nehring qui était le chef d'état major du général Guderian...
Son témoignage d'une sincérité exemplaire sur cette partie de campagne, publié vers la fin de l'année 1967 est resté ineffaçable dans ma mémoire. Et cerise sur le gâteau il éclaire la remarquable personnalité de Guderian.
..................................................................
Sur la question des horaires, je crois inutile de s'y attarder...
..................................................................
Si vous êtes curieux vous aurez un aperçu de votre célébrité...
Un participant très éminent du "forum beige" (ma résidence principale) avait attiré mon attention sur votre professionnalisme...
Aujourd'hui même, c'est un autre participant non moins éminent de ce même forum qui édite un extrait du contenu de la réponse que vous avez faite ce jour !... deux "copains" sans doute ?
Cela m'a permis de constater qu'une partie de votre texte est restée sans réponse de ma part...
Je cite donc cet extrait :

CNE_EMB a écrit :
Je rajouterais enfin que les Panzer Divisionen ont réussi à franchir un fossé antichars comme la Meuse sans grande difficulté, et je ne vois pas ce qu'il y avait derrière l'Aa pour les empêcher de continuer leur progression.

Alors, pour éviter de redéployer un long exposé, le vais rendre la politesse de l'intéressement de ce participant qui fait honneur au présent forum en citant notre lien.
En retour de politesse, je cite à mon tour ce lien du "forum beige"

http://www.39-45.org/viewtopic.php?f=17&t=36824#p466619

Il s'agit d'un sujet que j'ai ouvert sur le thème : "24 mai 1940 _ La vérité historique"
Son contenu retrace ce qui s'est passé ce jour là...
J'ai cité le maximum de détails et si vous constatez des absences n'hésitez pas, vous pouvez m'interpeller

Cordialement,

Roger


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Message Publié : 27 Fév 2015 23:31 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Mai 2006 22:36
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cher CNE_EMB, je partage l'avis de Paul Ryckier, merci pour ce très clair et très convaincant résumé.

Et merci aussi d'avoir rappelé ceci, qui est d'une importance capitale quand on réfléchit à ce genre de sujets :

CNE_EMB a écrit :
la réalité sur le terrain n'est pas exactement celle perçue par les états-majors ou les décideurs qui donnent les ordres, ne serait-ce qu'en raison du délai de traitement des informations et de prise de la décision, ou de l'action de l'ennemi
CNE EMB


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Message Publié : 27 Fév 2015 23:55 
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Inscription : 20 Déc 2008 14:01
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Je n'ai cure de "célébrité". Et je ne pense pas avoir d'amitiés sur le forum dont vous parlez, même si je fréquente certains de ses membres depuis fort longtemps et que certains me sont éminemment sympathiques.

1) les états-majors : relisez-moi et vous verrez que je dis exactement la même chose que vous. La réalité sur le terrain est généralement éloignée de ce sur quoi travaille un état-major et ce sur quoi décide un chef. En l'occurrence, je l'ai mis en avant parce que c'est votre argument - qui est parfaitement valable celui-là - mais qu'il n'a rien à faire dans le débat qui nous anime : y a-t-il eu un ordre d'arrêt, oui ou non ?
Vous opposez à la réponse affirmative à cette question la réalité du terrain, qui n'aurait donc pas pu susciter un ordre d'arrêt au vu de ce qu'elle était le 24 mai 1940 ; et je vous dis que celle-ci n'a pas d'importance, puisqu'un état-major subit de plein fouet, du fait de son éloignement et des contraintes techniques liées aux transmissions, les "frictions". Un état-major (et/ou un chef, comme ici) peut donc avoir une certaine perception des évènements s'enchaînant à un rythme par nature extrêmement fluide dans la guerre mécanisée, complètement décalée par rapport à la réalité du terrain. And so what ? Cela ne l'empêchera jamais de produire des ordres (pour un état-major), et de décider (pour un chef). Donc la situation sur la ligne de front est assez peu importante, car elle ne peut justifier seule qu'un ordre d'arrêt ait été émis ou pas.
En l'occurrence, le témoignage de deux membres éminents de la Generalität allemande occupant deux postes cruciaux dans l'organigramme décisionnel du Heer en mai 1940 n'a pas obligatoirement à être cohérent avec la situation sur le terrain pour être véridique.

2) vous pouvez négliger deux témoignages de premier ordre au prétexte qu'ils sont peut-être biaisés. Soit. Prouvez-le sur des éléments tangibles (l'inspiration divine ou la certitude intime n'en étant pas). Je crois avoir apporté un élément logique de validation du témoignage d'Halder : si deux témoignages donnés par deux personnes différentes ayant une perspective légèrement différente sont similaires sur un point précis, c'est que leur avis ne sont pas biaisés, sauf suspicion de manipulation des deux témoignages. Cela signifierait qu'entre le 24 mai 1940 et le 4 mai 1945, Bock et Halder aient accordé leurs violons pour avoir une version concordante des faits, afin de "charger" leur Führer de tous les maux. Excusez-moi mais c'est tout de même très peu crédible. Pour l'après-guerre, quand il s'agissait de se dédouaner ou de régénérer un instrument militaire au profit des Alliés occidentaux dans le cadre de la Guerre Froide, je n'aurais pas dit. Mais la mort de Bock tranche cette remarque, puisque Bock n'a pas pu modifier son journal pour Nuremberg ou le plus grand plaisir de Liddell Hart : il n'était plus là pour le faire.
Il est de plus très paradoxal que vous rejetiez des sources primaires qui n'ont a priori pas pu être modifiées entre 1940 et 1945, mais que vous vous enthousiasmez pour le témoignage publié 27 ans après les faits par un colonel (il ne devient Generalmajor que le 1er août 1940) qui n'occupait qu'un poste subalterne par rapport aux deux autres (il n'était que chef opérations d'un corps motorisé, fut-ce celui de Guderian, et à ce titre était assez éloigné dans l'organigramme de ceux qui prenaient des décisions de cet ordre) qui est lui plus que susceptible a) d'avoir subi des altérations compréhensibles dues au délai entre les faits et le témoignage ; b) d'avoir des motivations autres que la vérité historique en pleine Guerre Froide.

3) pour les horaires, je n'ai rien pour trancher, puisque les seuls éléments chronologiques à ma disposition sont le 20 heures 20 d'Halder (réception de l'ordre par l'OKH), et l'appel de Groeben à Bock qu'on peut situer dans l'après-midi du 24 mai 1940. N'ayant pas d'éléments plus précis, je n'extrapole pas (parce que c'est ça la méthode historique). Je suis cependant convaincu qu'on pourrait trouver un horaire plus précis en consultant d'autres sources.

N'extrapolez pas ma position sur le sujet : je ne suis pas le tenant de telle ou telle thèse. Mais la méthode historique la plus élémentaire consiste à se tourner vers des sources, primaires si possible (ainsi, pas de contagion par les tenants de telle ou telle thèse), et à élaborer en fonction d'elles des théories qu'on passe au crible du doute cartésien et au filtre d'analyses complémentaires. En l'occurrence, des sources parmi les meilleures disponibles (le chef d'état-major du Heer, et le commandant en chef du groupe d'armées chargé de réduire la poche de Dunkerque) indiquent sans aucun doute possible qu'un ordre a été émis pour arrêter la progression des unités mécanisées subordonnées à la 4. Armee le 24 mai 1940 à un moment entre 12 heures et 20 heures 20.

Maintenant que pour ma part j'ai dit clairement ce que je pensais sur le sujet du Haltbefehl du 24 mai (et ma certitude qu'il y en eut un aussi le 22 mai 1940 diffusé par la Heeresgruppe "A") - et ce à votre demande je vous le rappelle - on peut parler d'autre chose si vous le désirez, par exemple de la situation militaire sur la ligne Saint-Omer-Béthune le 24 mai après-midi ; de l'impact décisif de la contre-attaque britannique d'Arras le 21 mai 1940 sur la perception des évènements par l'OKH ; sur la réorientation prévue par l'OKH de la Heeresgruppe "A" sur un axe d'effort nord-sud, suite à la réarticulation de la chaîne de commandement au profit de la Heeresgruppe "B", et de l'intervention d'Hitler pour annuler cette réarticulation ; de la nature de la guerre mécanisée en mai-juin 1940, voire tout court, et de l'impossibilité pour les Franco-Britanniques d'espérer résister plus que très momentanément à une attaque mécanisée d'ampleur opérative avec des effectifs réduits aux appuis inexistants, à front renversé et alors que leurs "forces morales" sont sévèrement amenuisées, quand ils en ont été incapables dans le cadre d'une bataille préparée, sur des positions favorables, bénéficiant de la totalité de leurs appuis, leurs "forces morales" au plus haut, une dizaine de jours avant.

CNE EMB

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