Camille l'uchronique a écrit :
Bonjour à tous,
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi la numérotation des rois d'Espagne suit celle des rois de Castille et non une numérotation propre démarrée à 1 à l'unification de l'Espagne...
Pourtant, on parle bien à partir de l'unification sous Charles Quint d'Espagne, un État qui réunit la Castille et l'Aragon mais qui n'est plus ni l'un ni l'autre ; on parle bien de rois d'Espagne et plus de rois de Castille ni d'Aragon...
Acis22 a écrit :
Il se trouve que le premier "Roi d'Espagne" est Philippe V, anciennement Duc d'Anjou, placé à la tête de l'Espagne suite à la Guerre de Succession.
Ce changement s'opère suite à la promulgation des Décrets de Nueva Planta entre 1707 et 1716.
Cornelis a écrit :
Les décrets de Nueva Planta mettent fin à l'organisation institutionnelle propre des royaumes (états généraux ou corts/cortès, généralités, régimes de droit etc), ainsi qu'aux conseils qui étaient eux organisés par couronnes (regroupement de royaume).Il ne subsiste que le conseil "royal et suprême" de Castille, comme organe unique de fonctionnement et des audiences royales dans chacun des royaumes. Et du point de vue de la titulaire, le roi continue à être "roi de Castille, d'Aragon, de Léon, de Navarre, de Grenade... En 1715, la réforme de l'organisation monarchique n'est pas une fusion des différents royaumes en un royaume unique, même si elle s'en rapproche très largement dans ses effets.
Acis22 a écrit :
Pour ce qui est de la titulature, il me semble que Philippe V se fait appeler "Roi d'Espagne".
Mais, il semble que cela ne soit pas encore entériné par tout le monde, son quatrième fils, Ferdinand VI, revient à l'ancienne titulature, de Roi de Castille, d'Aragon ....
Je me permets de re-poster sur ce fil certaines parties de mes commentaires faits sur le sujet concernant "la couronne d'Aragon durant le siècle d'or espagnol" et qui pourraient éventuellement ajouter quelques éclaircissements à vos interrogations sur la numérotation des rois d'Espagne.
1) Il n'existe pas d'Espagne, à proprement parler, jusqu'à Philippe V d'Espagne (premier roi espagnol de la dynastie des Bourbons) qui par les décrets de "Nueva planta" signés entre 1707 et 1716 abolit les fors (droits) des royaumes de la couronne d'Aragon, dissout l'organisation territoriale des royaumes de la couronne de Castille et unifie, ce-faisant, les anciennes couronnes de Castille et d'Aragon sur le plan juridique et administratif et leur donne une unique capitale, Madrid.
2) De 1496 jusqu'à l'unification du Royaume d'Espagne par les Bourbons c'est sous le titre de "Roi catholique" accordé par le Pape Alexandre VI, en compensation pour l'octroi du titre "Très chrétien" aux rois de France, que sont désignés tous les monarques espagnols (excepté Charles Quint dont la qualité d'empereur des Romains primait sur les autres).
Dans les documents officiels et politiques de cette époque, les possessions des "Rois des Espagnes" sont désignées par l'expression «monarchie catholique» - ou tout simplement «la Monarchie».
3) Avant l'Union dynastique entre Castille et Aragon réalisée par le mariage d'Isabelle et Ferdinand en 1469 et effective à compter de 1474, c'est la dynastie des Trastamare (du comté de Trastamare domaine féodal du nord de la Galice) qui se trouvait sur le trône de Castille dont la couronne rassemblait depuis 1037 les territoires de Castille et de León ainsi que depuis le moyen-âge les royaumes des Asturies et de Galice.
Au XVIe siècle la couronne comporte:
Le royaume de Castille
la Castille propre (vieille Castille)
le royaume de Tolède (nouvelle Castille)
le royaume de Cordoue
le royaume de Jaén
le royaume de Murcie
le royaume de Séville
Le Royaume de Léon
le Léon propre
la principauté des Asturies
le royaume de Galice
l'Estremadure
Le royaume de Grenade
Le royaume de Navarre
Les provinces et seigneuries basques d'Alava, Guipuscoa et Biscaye
Les Canaries
Les royaumes de Nouvelle-Espagne (qui inclut les Philippines) et Pérou
Le royaume d'Aragon est lui une entité politique née en 1035 de l'union des comtés d'Aragon, du Sobrarbe et de la Ribagorce. Avec le mariage de la reine Pétronille d'Aragon et du comte Raimond-Bérenger IV de Barcelone en 1137, il devint l'un des royaumes composant la Couronne d'Aragon (qui comprendra en 1516 le Royaume d'Aragon, le Royaume de Majorque, le Royaume de Naples, le Royaume de Valence, le Royaume de Sardaigne, le Royaume de Sicile, la Principauté de Catalogne (dont dépendent les comtés d'Urgell, de Vic, de Besalú, d'Empúries, de Gérone , de Pallars, du Roussillon et de Cerdagne) . C'est pourquoi le titre de «roi d'Aragon» désigne non seulement le souverain du royaume d'Aragon, mais aussi et surtout le souverain de la couronne d'Aragon.
La mort sans descendance en 1410 du roi Martin Ier l'Humain (dernier souverain de la maison de Barcelone et détenteur de la couronne d'Aragon) donna lieu à un interrègne agité qui sera finalement résolu par le compromis de Caspe (dans le royaume d'Aragon) en 1412, lorsque trois représentants des Etats d'Aragon, trois de Valence et trois de Catalogne furent réunis afin de choisir un successeur parmi 5 prétendants possibles et qu'ils désignèrent Ferdinand d'Antequera (de la maison de Trastamare, infant de Castille, petit-fils de la régente de Castille, de Pierre IV d'Aragon, et neveu de Martin Ier) au détriment principalement du comte d'Urgell Jacques II.
A la suite de ce premier souverain Trastamare d'Aragon (qui régnera en tant que Ferdinand Ier), suivront ses descendants Alphonse V, dit le Magnanime, conquérant de Naples, puis Jean II, Henri Ier (également roi de Castille et de León sous le nom de Henri IV), Pierre de Coimbra (dit Pierre V ou le Connétable, infant et connétable de Portugal et qui prit le titre de «roi des Catalans»), René Ier (également roi de Naples, duc d'Anjou et comte de Provence) et enfin, à partir de 1461 Ferdinand II, futur époux d'Isabelle Ire de Castille (également Trastamare !!!). qui par cette alliance unit, en quelque sorte doublement, la lignée des rois de Castille à celle d'Aragon quoique les deux couronnes, restent strictement distinctes sur le plan juridique et administratif.
C'est seulement à partir de 1555 que le petit-fils de Ferdinand et Isabelle (et futur empereur Charles Quint) régnera en tant que premier monarque unique des territoires espagnols.