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Révolution de la raison, comment la Révolution française aborde-t-elle la problématique sociale, en particulier celle des pauvres et des nécessiteux ?
Je ne suis pas sûr que la Révolution ait été très révolutionnaire en la matière. Je pense qu'en matière sociale elle s'est contentée d'une rationalisation de l'administration des institutions sociales étatiques existant dans une conception de l'action publique répondant pour une large part à un souci d'ordre public.
Durant le moyen-âge, l'assistance publique aux indigents est essentiellement assurée par des institutions religieuses dans un but religieux. En assistant les nécessiteux, on pratique la charité par laquelle on travaille à son salut. On se préoccupe aussi du salut des nécessiteux : on soigne alors leurs âmes autant que leurs corps.
Au cours de la période moderne, la société se laïcise progressivement et, en parallèle à l'action de l'Eglise, l'administration royale construit des hôpitaux accueillant les indigents et toutes sortes de marginaux dans un double but, celui de leur assurer un minimum matériel et celui de maintenir l'ordre public. Le vagabondage devient un délit. L'assistance aux pauvres assurée par l'Etat ne se distingue pas toujours très bien de la répression du vagabondage. Cet état d'esprit perdurera jusqu'au vingtième siècle. Par ailleurs, la protection sociale s'exerce au sein des corporations. Les anciens militaires se voient accorder des droits à pension et peuvent être accueillis dans des hospices qui leurs sont dédiés comme l'hôtel des Invalides.
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La réquisition des biens (hopitaux) et des lieux charitables de l'Eglise, la dissolution des congrégations religieuses (décret aout 1792) , entraînent une incurie révolutionnaire pour les malades et les nécessiteux. Finalement, la Révolution de la raison est-elle bien raisonnable ?
Bonne question. La révolution a plutôt dégradé la situation des plus pauvres. En supprimant les corporations, elle a aussi accru la précarité des ouvriers. Les fonctionnaires s'en tirent beaucoup mieux.
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Comment les Révolutionnaires conjuguent-ils fraternité et individualisme ?
Je ne pense pas qu'ils aient beaucoup conjugué. Ils ont privilégié l'individualisme et les droits formels, mais, pour la solidarité, il faudra attendre 1936 et 1946. En attendant, on s'est reposé sur l'initiative privée et sur l'Eglise qui, après la révolution, a recouvré une partie de ses biens. Mais il faut aussi tenir compte de ce qu'on a qualifié de paternalisme dans les grandes entreprises, le patron pouvant fournir logement, dispensaires médicaux, écoles, magasins (économats) etc.
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À partir de cette situation Tocqueville envisage deux espèces de bienfaisance : «l’une qui porte chaque individu à soulager suivant ses moyens les maux qui se trouvent à sa portée» et « l’autre moins instinctive et souvent plus puissante qui pousse la société elle-même à s’occuper des malheurs de ses membres et à veiller systématiquement aux soulagement de leurs douleurs». Il marque ainsi la différence entre l'assistance publique et la responsabilité individuelle (peut etre influencée par la charité chrétienne).
C'est la description de deux types de société, l'une libérale reposant sur l'initiative individuelle, l'autre sur l'Etat chargé d'une redistribution de revenus moyennant impôts et cotisations obligatoires. Le premier est représenté par les Etats-Unis où l'Etat intervient peu mais où les individus se montrent assez généreux à travers toutes sortes de fondations à but social et le second par le modèle social français.