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 Sujet du message : Re: Equivalences des mesures
Message Publié : 30 Mars 2015 17:21 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Pierma a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
Pierma a écrit :
Dans tous les cas, si on obtient 5600 m² avec les anciennes mesures pour 5500 m² avec le système métrique, l'écart entre les deux est de l'ordre de 2%, ce qui n'est pas dramatique pour notre demandeur.


Avec les anciennes mesures (je prends ici l'arpent et la perche des eaux et forêts), on obtient 5617,92 m² ; contre 11 000 avec les nouvelles.

Au temps pour moi. Je n'ai pas vérifié sur votre post. On a donc au contraire un vrai problème : quel usage prévalait ?


Il faudra que je me penche un peu plus sur le sujet, mais plus d'une décennie après l'arrêté consulaire du 4 novembre 1800, l'ancien système était encore loin d'être oublié. En témoigne, le décret du 12 février 1812 :
"Art. 1er. Il ne sera fait aucun changement aux unités des poids et mesures de l’empire, telles qu'elles ont été fixées par la loi du 19 frimaire an VIII.
Art. 2. Notre ministre de l’intérieur fera confectionner, pour l'usage du commerce, des instruments de pesage et mesurage, qui présentent, soit les fractions, soit les multiples desdites unités, le plus en usage dans le commerce, et accommodés au besoin du peuple.
Art. 3. Ces instruments porteront, sur leur diverses faces, la comparaison des divisions et des dénominations établies par les lois, avec celles anciennement en usage."

Cependant, l'article 5 concluait :
"En attendant, le système légal continuera à être seul enseigné dans toutes les écoles de notre empire, y compris les écoles primaires, et à être seul employé dans toutes les administrations publiques, comme aussi dans les marchés, halles, et dans toutes les transactions commerciales et autres entre nos sujets."

Le 28 mars suivant, le ministre de l'Intérieur fit publié l'arrêté relatif au décret ci-dessus. L'article 13 disait ceci :
"Les dispositions du décret du 12 février et du présent arrêté, n'étant relatives qu'à l'emploi des mesures et des poids dans le commerce de détail et dans les usages journaliers, les mesures légales continueront à être seules employées exclusivement dans tous les travaux publics, dans le commerce en gros et dans toutes les transactions commerciales et autres.
En conséquence, les plans, devis, mémoires d'ouvrages d'arts, les descriptions de lieux ou de choses dans les procès-verbaux ou autres écrits, les marchés, factures, annonces de prix courants, états de situation d'approvisionnement, inventaires de magasins, les mercuriales, les lettres de voiture et chargement, les livres de commerce, les annonces des journaux, et généralement toutes les écritures, soit publiques, soit privées, contiendront l'énonciation des quantités en mesures légales, et non en mesures simplement tolérées."

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 Sujet du message : Re: Equivalences des mesures
Message Publié : 30 Mars 2015 18:26 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Drouet Cyril a écrit :
... plus d'une décennie après l'arrêté consulaire du 4 novembre 1800, l'ancien système était encore loin d'être oublié.
C'est le moins qu'on puisse dire. Près d'un siècle plus tard, Rémy de Gourmont dans Esthétique de la langue française ironisait encore :

Citer :
En 1812, devant la répugnance bien naturelle du peuple, on dut permettre le retour des anciens mots proscrits qui s'adaptèrent désormais à des poids et à des mesures conformes à la loi nouvelle. ... Aujourd'hui comme durant tous les siècles passés le vin se vend à la chopine, au demi-setier, au verre ; et dans les provinces les vieux mots pots, pinte, poisson, roquille, demoiselle et bien d'autres sont toujours en usage ; pièce, foudre, velte, queue, baril, pipe, feuillette, muid, tonneau, quartaut n'ont point capitulé devant hectolitre ni boisseau ni barrique ni hotte. En Normandie le mot hectare est tout à fait incompris hormis des instituteurs primaires : là, comme sans doute dans les autres provinces, le champ du paysan s'évalue en acres, arpents, journaux, perches, toises, verges et vergées. Les marins en sont restés à la lieue, à la brasse, au mille, au noeud, et plusieurs corps de métiers, notamment les imprimeurs, pratiquent uniquement le système duodécimal, soit sous les noms de point, ligne, pouce et pied, soit au moyen d'un vocabulaire spécial. Qui entendit jamais prononcer le mot stère ? Les bûcherons qui mesurent encore le bois au lieu de le peser se servent plus volontiers de la corde, et les Auvergnats de la voie.


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 Sujet du message : Re: Equivalences des mesures
Message Publié : 30 Mars 2015 19:54 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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Inscription : 06 Fév 2004 7:08
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Tulard a abordé la question La vie quotidienne des Français sous Napoléon :

« Un arrêté consulaire avait déclaré que le système décimal des poids et mesures entrerait en complète application le 1er vendémiaire an X. Les difficultés ne vinrent pas des villes mais des campagnes où la routine et le manque d’instruction constituaient de sérieuses entraves à la réforme. On dut souvent conserver les noms anciens et publier des tableaux d’équivalence.
On procéda par étapes. En voici la chronologie pour la Creuse :
-1er ventôse an X (20 février 1802) : le préfet demande à l’ingénieur en chef du département des tables de comparaison rectifiées des anciennes et nouvelles mesures ;
-13 floréal an X (3 mai 1802) : l’entrée en vigueur du système métrique est fixée dans la Creuse au 21 mai ;
-19 prairial an X (8 juin 1802) : les médecins et chirurgiens sont invités à utiliser les nouvelles mesures dans les usages de la médecine ;
-11 messidor an X (30 juin 1802) : un bureau de vérification est établi à Aubusson ;
-7 fructidor an X (25 août 1802) : l’hectolitre remplace les autres mesures dans la rédaction des mercuriales du prix des grains et légumes ;
-15 pluviôse an XI (4 février 1803) : les municipalités sont invitées à veiller à ce que les marchands soient munis de nouveaux poids et mesures et s’en servent dans leurs ventes. De même, les notaires et les fonctionnaires sont-ils astreints à utiliser le nouveau système.

En fait partout, malgré la multiplication des métrologies, toise, boisselée, seterée, boisseau, corde résistèrent. Dans le Journal du département de la Creuse, du 11 février 1810, on lit :
Le préfet voit avec peine que, malgré ses efforts pour l’établissement du nouveau système métrique, ce département est de ceux où les opérations sont les moins avancées. Cela tient uniquement à ce que les autorités locales y mettent beaucoup de négligence et ne tiennent pas la main comme elles le doivent, à l’exécution des lois et arrêtés rendus sur cette partie. »

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 Sujet du message : Re: Equivalences des mesures
Message Publié : 30 Mars 2015 23:33 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Contrairement à ce que j'ai affirmé un peu vite dans mon message précédent, l'article 17 de la loi du 25 ventôse de l'an 11 (16 mars 1803) impose sous peine d'amende aux notaires l'utilisation du système métrique et de la numérotation décimale et il est prévu que des vérificateurs viennent inspecter dans les études pour s'assurer du respect de ces dispositions :
Citer :
Le notaire qui conviendra aux lois et aux arrêtés du gouvernement concernant les noms et qualifications supprimées, les clauses et expressions féodales, les mesures et l'annuaire de la République [le calendrier républicain] ainsi que la numération décimale, sera condamné à une amende de cent francs, qui sera double en cas de récidive.
C'est curieux et contradictoire avec la notion d'acte privé censé être rédigé par les parties, avec les conseils du notaires certes, mais non par le notaire, et qui n'est censé engager que les parties contractantes. Cela procède d'un autoritarisme caractéristique d'un régime révolutionnaire.

Si les termes de la loi étaient si autoritaires, c'est que ce à quoi elle visait était en fait difficile à atteindre : pour rompre avec d'anciennes coutumes profondément ancrées, il fallait être impératif et coercitif.

Une étude réalisée dans le département du Rhône sur les pratiques notariales (https://www.cg06.fr/documents/Import/decouvrir-les-am/rr185-systemetrique.pdf) montre à quel point le passage au système métrique fut laborieux. Non seulement, de nombreux notaires continuaient à faire usage des anciennes mesures, mais, de plus, la valeur d'une même unité pouvait varier d'un acte à un autre et même dans un même acte s'il s'agissait de plusieurs terrains différents :
Citer :
Le système métrique fut très long à s’appliquer en France. C’est en mars 1790 que Talleyrand avait proposé de créer un système de mesures nouvelles. C’est une loi de juillet 1837
qui rendit définitivement obligatoire l’usage des nouvelles mesures, et cela à partir du 1er janvier 1840.
...
Et plus fondamentalement encore il y avait des malentendus. La demande paysanne de mesures justes était incontestable. Mais on entendait par là des mesures qui échapperaient à la maîtrise du seigneur qui avait pu utiliser la complexité des anciennes mesures dans ses efforts de réaction seigneuriale. Inversement, les paysans n'étaient évidemment pas demandeurs d’un système aux noms de préfixes inspirés de l’Antiquité. Ni non plus d’un système décimal dont la pratique supposait l’usage des règles de déplacement de la virgule et la maîtrise des fractions alors que les plus instruits d’entre eux utilisaient seulement multiplications et divisions par deux, éventuellement répétées.
...
Philibert Savoie est notaire à Brignais. De l’an X à 1820, il convertit une bicherée en 12,946912 ares en moyenne, alors que Lauradoux donne une équivalence de 12,933978. Cette très faible différence cache cependant de très gros écarts. La parution des tables de Lauradoux, en 1812 ne semble, d’autre part, n’avoir eu aucune influence sur le taux de conversion. Inversement, on observe que dans 31,23% des cas la mesure ne fait appel qu’à des nombres entiers et que, dans ces cas, Savoie emploie une bicherée de 13 ares. Dans beaucoup d’autres cas, Savoie arrondit en restant proche d’une équivalence de 13 ares. Mais il y a aussi des cas, minoritaires certes, où la bicherée à une valeur qui fluctue de 10 à 16 ares !
L'explication de la variation de l'étalon, monstruosité pour un esprit scientifique, est qu'on pratiquait une correction destinée à tenir compte de la valeur des terres : les rédacteurs de la loi sur le logement de 1948, en introduisant la notion de surface corrigée n'avaient en fait rien inventé.

Cette façon de faire tenait moins aux notaires eux-mêmes qu'aux exigences de leurs clients qui s'entendaient beaucoup plus facilement en procédant ainsi. Paradoxalement, ce qui paraît à première vue un manque de rigueur scientifique, concourrait à la sécurité juridique des actes :
Citer :
Il demeure que les comptages de Pierre-François Carrasco et de Frédéric Durand ont le mérite de souligner combien le mépris de l’exactitude mathématique au profit du souci d’évaluer au mieux la qualité du terroir et d’obtenir l’accord des parties persiste. La raison de la lenteur de l’adoption du système métrique s’explique sans doute par cette constatation.


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 Sujet du message : Re: Equivalences des mesures
Message Publié : 07 Avr 2015 10:15 
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Hérodote
Hérodote

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Bonjour,

Veuillez m'excuser pour cette réponse tardive. Il semble que j'ai eu un léger problème de notifications; je pensais donc qu'il n'y avait plus de réponses !

Je tiens à vous remercier pour ces réponses très constructives.

Je tenais également à ajouter un petit détail qui a (peut-être) son importance : il s'agit d'une pièce de théâtre écrite en 1837, sous la Monarchie de Juillet donc, mais dont l'action se passe sous le Premier Empire. Est-il toujours bon de retenir 5618 m² ?

Merci encore de votre aide.
Bien cordialement.

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 Sujet du message : Re: Equivalences des mesures
Message Publié : 07 Avr 2015 22:51 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Je persiste à penser qu'il faut s'en tenir à un arpent valant environ un demi-hectare et donc une superficie du terrain de 5618 m². Le doute pourrait provenir de ce que l'arrêté du 13 brumaire an 9 (4 novembre 1800) autorisait l'emploi des termes arpent et perche au lieu d'hectare et centiare, c'est à dire que les valeurs de ces deux unités devenaient environ le double de ce qu'elles étaient auparavant. Mais alors, afin d'éviter les confusions, on a employé les termes d'arpent métrique et de perche métrique, comme le recommandait F. Gattey (Table des rapports des anciennes mesures agraires avec les nouvelles) et comme cela fut fait par l'administration chargée du cadastre comme le précise Rolland de Villargues dans son Dictionnaire du notariat. De plus, ces nouvelles définitions ne sont en fait jamais entrées dans les usages. Ce même dictionnaire du notariat indique :
Citer :
D'un autre côté, un arrêté du 13 brumaire an 9 avait autorisé la traduction des noms systématiques en noms français qui avaient des valeurs fort différentes. Ce changement, très dangereux à cause de la double valeur des expressions autorisées, n'a pas été sanctionné par l'usage et d'ailleurs l'arrêté du 13 brumaire an 9 se trouve abrogé de fait par le décret du 28 mars 1812 [en fait arrêté], qui attribue plusieurs de ces noms français à des mesures tout à fait différentes.


En effet, ce nouvel arrêté du 28 mars 1812 redonne aux unités utilisées dans la vie quotidienne comme la livre ou la pinte, leurs valeurs traditionnelles : 500 g pour la livre alors que, selon l'arrêté du 13 brumaire an 9 elle devenait équivalente au kg.

Pourriez-vous indiquer quelle est la pièce de théâtre sur laquelle vous vous interrogez ? Je serais curieux de la lire.


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 Sujet du message : Re: Equivalences des mesures
Message Publié : 13 Mai 2016 11:17 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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J'ai cité dans cette discussion une étude intitulée LA DIFFICILE MISE EN PLACE DU SYSTÊME MÉTRIQUE DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE

Ayant voulu remettre la main sur ce document, j'ai constaté qu'il avait changé d'adresse. En effet, comme il n'y a plus de conseils généraux mais des conseils départementaux, dans l'adresse du site du conseil départemental des Alpes Maritimes, cg a été remplacé par departement. L'adresse devient donc : https://www.departement06.fr/documents/Import/decouvrir-les-am/rr185-systemetrique.pdf.

Ce document est extrait du n° 185 (janvier-mars 2007) de la revue Recherches Régionales éditée par le service des archives des Alpes Maritimes.


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