Jerôme a écrit :
Je ne comprends pas la réponse de M Labat. Le sujet est de savoir d'un côté pourquoi avoir confié des productions aussi sensibles que les V2 à des déportés - et sur un autre plan pourquoi ne pas avoir cherché à motiver les déportés par des stimulations matérielles (meilleure nourriture, meilleur logement, meilleurs vêtements) ou morales ( perspectives de libération) au lieu de continuer à les exploiter atrocement - et probablement de façon improductive ou au moins peu efficace.
Trois données : 60 000 déportés à Dora - 20 000 morts de mauvais traitements- 2500 Anglais victimes des V2 !!!
Je pense que vous touchez-là la schizophrénie du régime. Dès le début, les camps de concentration se présentent comme des camps de rééducation par le travail. Les nazis aimaient à se considérer comme les seuls vrais allemands. Donc, ce qui était nazi était allemand et ceux qui était contre le nazis était anti-allemands. Pour remettre dans le "droit chemin" les membres de la société allemande trop éloignés de la mentalité nazie et qui étaient classés dans diverses classes allant de prisonnier politique, religieux, asocial, racial, ... ces gens étaient enfermés dans ces camps de concentration. Ce qu'ils subissaient dépendaient beaucoup des raisons pour lesquelles ils étaient enfermés dans des camps.
Certains firent des passages dans des camps de concentrations de seulement quelques jours. Tous les jours, une à 2 ou 3 fois par jours, ils étaient passés à tabac, examinés par un médecin et "interrogés" par un officier. Interrogés était un assez grand mot puisque les questions servaient à savoir s'il avait bien compris qui commandait la société et pourquoi il ne devait plus faire ce pourquoi il était arrivé au camp. Quand il avait compris qu'il fallait obéir aux membres du NSDAP, qu'il n'avait personnellement aucune valeur et qu'il lui fallait ne pas adhérer à une organisation non-reconnue par le NSDAP, éviter de critiquer ouvertement les décisions du NSDAP, saluer humblement les membres du NSDAP, ... On le libérait.
Mais pour d'autres, ces mauvais traitements ne s'arrêtèrent que lorsqu'ils cessèrent de respirer au bout de nombreuses semaines, voire des mois ou des années.
Entre ces deux cas, il y avait la masse des nombreux autres à qui on demandait "seulement" de travailler ... pour le bien de la société allemande. Pour des raisons X ou Y, on avait considéré qu'il valait mieux qu'ils ne soient pas libres, ils devaient donc travailler dans des camps, en partie pour se payer le logis et la nourriture. Quand on voit les conditions d'internements, les sévices, enfin, tout ce que l'on sait sur ces camps, on se rend bien compte que si l'objectif avait été une rentabilité optimale, ce n'est pas comme cela qu'on aurait organisé tout cela. Pourtant, des industriels payaient pour recourir à cette main d’œuvre "bon marché". Or, la garde de cette main d’œuvre requérait un personnel assez conséquent. Même si une partie de la surveillance était assurée par des supplétifs et par des prisonniers. On avait une surveillance pyramidale : des nazis "administraient" le camp et surveillaient celui-ci. Mais, en fait, ils contrôlaient surtout que les supplétifs chargés de la surveillance surveillaient bien les détenus de droits communs qui étaient chargé de la surveillance des commandos de travail. Certains directeurs de camps ont parfois augmenté les quantités de nourriture distribuées pour améliorer le rendement du travail ... et celui-ci augmentait de manière exponentielle dès que l'on augmentait un peu les rations. Mais, ils furent pour la plupart écartés car en augmentant les rations, ils augmentaient les frais de fonctionnement, donc la rentabilité affichée. J'ai vu il y a quelques temps un documentaire écrit à partir des mémoires de quelqu'un qui avait été réquisitionné comme chef de camp d'un camp provisoire de prisonniers de guerre et il évoquait ces problèmes de ravitaillement et de rendements.
Des gens ont été condamnés à des périodes précises de travaux dans les camps de concentration, malheureusement, on trouve peu de témoignages. Je sais qu'à la libération de certains camps, on y a trouvé des détenus qui y résidaient depuis 1933. J'ignore de quelles catégories ils relevaient.
En fait, ce qu'on connait souvent des camps, ce sont les nombreux témoignages des gens qui y ont été internés après 1940 pour faits de résistances dans les divers pays occupés. Ce fut aussi un moment où le nombre d'internés à augmenté de manière considérable. On a parfois du mal à comprendre pourquoi des détenus identifiés N.N. (Nacht und Nebel) eurent des destins tellement différents. Certains étant tout de suite exécutés. D'autres le seront au bout de mois, ou d'années de captivité, d'autres étant transférés de camps en camps jusqu'à la Libération. Car, l'arbitraire semble régner en maître dans toutes ces histoires. Avec des directives qui arrivent des fonctionnaires de Berlin et demandant d'augmenter les rendements, de supprimer ceux qui ne produisent plus, de diminuer les rations de nourriture, d’exécuter telle personne qui survit depuis trop longtemps ... Sans compter les décisions que pouvait prendre tout "chef". On sait par les témoignages des survivants que participer à certains commandos était moins pénible que de participer à d'autres. Certains travailleurs avaient le droit à des parts de nourriture plus élevées. Tandis que d'autres étaient sous le minimum vital et ils devaient fournir un bine piètre travail.
Sans compter que dans bien des cas, les conditions "architecturales" des camps avaient été faites pour rendre la vie des internés la plus pénible possible. On connait au moins 2 "escaliers de la mort". Un au Struthoff et un à Dora. Escaliers réalisés pour rendre plus compliqué le travail des internés et donc leur faire dépenser plus de calories et les rapprocher de la mort. Si l'objectif avait été le rendement, on aurait aménagé différemment ces endroits. Les "usines" construites dans les camps, comme dans l'enceinte d'Auschwitz 3, n'étaient pas des parangons d'aménagement. Et c'est ce qui a valu à IG Farben sa condamnation au tribunal de Nuremberg. Car ce qui a été reproché à ce conglomérat, ce ne fut pas seulement d'avoir employé cette main d’œuvre servile et bon marché, mais aussi de ne rien avoir fait pour améliorer les conditions de vie de cette main d’œuvre.