Barbetorte a écrit :
La droite n'était pas si réfractaire qu'on puisse le penser, puisque, toujours en 1925, fut créée l'Union nationale pour le vote des femmes (U.N.V.F.), d'inspiration conservatrice et catholique.
En cherchant sous Gallica, on trouve très facilement des revues, périodiques, journaux parlant de ce débat et j'ai retrouvé une intervention de la Secrétaire générale de l'Union française pour le suffrage des femmes : C Brunschvicg dans la revue de la Ligue Française en 1922, ce qui permet de lire les arguments des personnes en faveur du vote des femmes à la droite de l'hémicycle.
Citer :
Madame Brunschvicg, la très dévouée secrétaire générale de l'Union Française pour le suffrage des femmes, en nous adressant cet article, nous a fait l'honneur de choisir les colonnes de notre Bulletin pour y défendre les idées dont elle est l'infatigable apôtre. Nous l'en remercions très sincèrement
Le Rôle Social des Femmes
On comprend parfois très mal en France la question du droit de vote des femmes. Certains croient encore qu'en réclamant le suffrage, les femmes aspirent à prendre la place des hommes. Rien n'est moins exact. Ce n'est pas la place des hommes que les femmes désirent prendre; c'est leur place, à elles. Elles ne veulent pas lutter contre eux, mais elles veulent travailler avec eux. Dans la famille, l'homme et la femme se complètent en apportant l'un et l'autre leurs préoccupations et leurs qualités différentes. Dans la société, il en est de même : tant que les hommes gouvernent seuls, toute une au partie des questions est négligée, et non des moindres. Tout qui touche à la famille, à l'hygiène, à l'éducation est mis deuxième plan : on s’en occupe ou peu ou mal. Pour les femmes, au contraire, ce sont surtout ces questions qui les passionnent ; voilà pourquoi par rapport aux pays qui ont fait confiance aux femmes (138 millions de femmes, dans vingt-quatre États, sont actuellement affranchies) la France est dépassée, et de beaucoup, hélas ! dans la lutte contre l'alcoolisme, contre la mortalité infantile, contre le taudis, contre la tuberculose, etc.
Il serait trop long d'examiner ici les propositions de lois sociales déposées au Parlement, et qui n'aboutissent pas, parce que la majorité des parlementaires s'y intéressent pas et n'en ont pas encore compris la valeur. Mais nous nous que nous avons bien le droit de protester publiquement contre cet état de choses, puisque ces jours derniers encore commission sénatoriale des finances a cru bon, malgré le vote de la Chambre des députés, malgré le rapporteur de la commission d'hygiène du Sénat, M. Paul Strauss, malgré le désir même du ministre de l'Hygiène, de refuser crédit d'une douzaine de millions pour encourager l'allaitement maternel. Et ceci n'est qu'un exemple pris hasard, du résultat de la législation des hommes seuls ».
En Norvège, avant que les femmes ne votent, 1892 la mortalité infantile était de 104,7 mille. Dès 1911, quelques années après que les femmes eurent été appelées à l'action publique, la mortalité tombait à 62 mille.
Dans notre pays, où la dépopulation est un fléau de plus en plus menaçant, arriverons-nous à nous faire comprendre de la commission sénatoriale du suffrage féminin qui ajourna arbitrairement la discussion de la proposition de loi votée par la Chambre des députés le 20 mai, accordant aux femmes l'intégralité de leurs droits politiques? Arriverons-nous aussi à éclairer l'opinion publique pour qu'elle soutienne notre droit de participer par nous-mêmes ou par représentants au sauvetage de la race?
Au point de vue social, les femmes ont déjà fait leurs preuves : elles ont créé des organismes qui, s'ils étaient généralisés, seraient un bienfait pour le pour le pays : consultations prénatales, chambres d'allaitement, crèches, consultations de nourrissons, pouponnières, centres de nourrissons, maternités, mutualités maternelles, cantines, maisons et abris maternels, dispensaires et hôpitaux d'enfants, colonies de vacances, écoles de plein air, etc. Nous nous sommes appliquées aussi à préparer dans des écoles spécialisées le personnel compétent dont dépend en grande partie le rendement même de ces institutions. Mais peut l'initiative privée si elle n'est soutenue et complétée l'administration publique ? Aussi, actuellement, dans nos groupements suffragistes, ce n'est une éducation dite politique que nous donnerons à nos membres, c’est une éducation sociale. Les femmes voteront bientôt en France comme ailleurs, ceci est certain, et ce que nous voulons, c’est que le jour où elles voteront, elles aient une vision nette de leurs devoirs de citoyennes.
Au candidat, elles demanderont moins ce qu'il veut faire que ce qu'il a déjà fait. Et elles lui accorderont confiance en voyant son passé social, son passé moral plutôt qu'en écoutant de belles pro¬messes… qui n’engagent à rien.
Et ce programme social qu'elles auront étudié, compris, sera le but même qu'elles se proposeront d'atteindre comme électrices ou comme élues. Des œuvres éparses aujourd'hui, elles en feront des organismes communaux ou départementaux ; la vie des mères et des enfants ne dépendra plus de l'initiative ou de l'inaction de telle ou telle individualité : la sauvegarde de la race sera la première raison d’être du vote féminin.
À l’heure actuelle, les préjugés tombent peu à peu ; la pleine lumière éclairera bientôt les esprits les plus rétrogrades. Ils comprendront alors que le fait d'accorder aux femmes leurs droits politiques, civils ou économiques, ne détruira ni la société ni la famille. Au lieu d'être au foyer en inférieure et en mineure, la femme y sera comme l’associée, égale de l’homme. Mais elle ne renoncera pour cela à aucune des douceurs de la vie familiale. Si la liberté morale et sociale est plus grande, si sa dignité est plus assurée, elle n’en restera pas moins et avant tout la femme aimante, la mère vigilante qui s'intéressera d'autant plus au sort des autres qu’elle donne davantage de son cœur et de sa tendresse à ses enfants.
C. BRUNSCHVICG,
Secrétaire générale de l’Union française pour le suffrage des femmes
Je continue à chercher dans les périodiques des interventions d'autres bords et d'avis contraires.