Camille l'uchronique a écrit :
Mais qu'avez-vous contre le sentiment national?
Je peux essayer de répondre. Le XIXème siècle nationaliste est passé par là avec une vision très réductrice à ce sujet. Et dans de nombreux domaines historiques, on constate que cela a appauvri la compréhension de ce qui se passait vraiment. En 1950, on pouvait vivre dans un village frontalier et n'avoir presque aucuns contacts avec des gens qui vivaient de l'autre coté de la frontière. Mais durant des millénaires, la situation était totalement différente. A certaines époques, les frontières ce sont des traits sur des cartes et puis c'est presque tout. Coté administratif, il est sûr que l'impôt que l'on paiera n'ira pas dans les mêmes poches et question justice, on ne sera pas pendu au même gibet, mais pour le reste, les personnes qui habitent de l'autre coté de cette séparation virtuelle sont des voisins tout à fait comme les autres.
D'accord, à toutes périodes, il y a eu des gens pour essayer de tirer bénéfice des différences douanières entre les 2 cotés du trait et, quand le pouvoir en avait les moyens, il y avait des gens d'armes pour lutter contre cela. Mais, même entre des pays en guerre, il y avait toujours l'existence de liens. Les commerces continuaient d'échanger des marchandises, en évitant de passer par les zones de guerres. Les gens qui faisaient des voyages d'agréments, où des pèlerinages continuaient leurs déplacements et continuaient d'être hébergés chez l'habitant ou dans les hostelleries.
De plus, la plupart des frontières linguistiques, culturelles n'existent qu'à l'échelle macroscopique, dès qu'on s'approche de la réalité du terrain, on voit qu'on n'a pas affaire à des césures brusques, mais à des changements subtils qui font que 2 personnes habitant des villages voisins, même appartenant à 2 aires linguistiques différentes se comprennent Le XIXème siècle en imposant la nation comme grille de lecture unique de la plupart des faits historiques du temps passé a totalement modifié les manières de voir et de comprendre.
Par exemple, prenons Charles le Téméraire. Pour tout le monde c'est un personnage de l'histoire de France. Or, il est intervenu en Alsace. Territoire qui n'est pas français à l'époque, mais qui relève du Saint Empire Romain Germanique. Ce serait trop long à expliquer dans les détails, mais il avait racheté des créances de seigneurs alsaciens et pour se rembourser, il avait le droit de percevoir les frais de justice et des droits de douanes dans certaines villes de cette région. Donc, quand il intervient en Alsace, il intervient en tant que représentant d'un subordonné de l'Empereur du SERG. On pourrait donc prétendre qu'il est aussi un personnage de l'Histoire allemande, alsacienne, lorraine (de la partie de la Lorraine qui dépend du SERG) et suisse (car la zone suisse frontière avec l'Alsace et la Franche-Comté appartenait au territoire du SERG). C'est le XIXème siècle qui en fait un des personnages principaux de l'Histoire de France. SA réalité à lui était plus complexe et la défense de ses intérêts et de ceux de sa famille l'a fait intervenir dans des territoires qui n'étaient pas français et il aurait pu devenir un grand prince allemand, car à un moment, il semble décidé à se tourner vers l'Est et à se tailler un territoire de ce coté-là.