Narduccio a écrit :
Mais, des travaux récents dans la connaissance des cultures anciennes semblent aussi montrer qu'il y a effets de seuils sociaux. Pour passer d'un niveau de connaissance technologique à un niveau supérieur, il faut qu'il y ai un certain nombre d'humains en connexions sur un territoire donné. On a découvert le phénomène dans certaines zones qui ont été isolées suite à la montée des mers suite à la fin de la dernière glaciation. Donc, il y a eu des cultures qui se sont trouvées isolées et dont le territoire s'est réduit. Et les archéologues ont constaté que dans ces zones, la technologie a régressé. Il semble y avoir des effets de seuils. Si on passe le seuil vers le haut, on ne va pas nécessairement vers un niveau supérieur de développement technologique. Mais, si on le passe vers le bas, on n'arrive pas à se maintenir au niveau supérieur et la société "régresse" (en fait, elle s'adapte aux moyens qu'elle a car s'il n'y a pas adaptation, elle disparait).
Je pensais à cette discussion il y a peu, à l'occasion d'un voyage au Cameroun. J'avais été étonné de voir que, si d'un côté de nombreuses personnes disposent d'un smart-phone ou d'une tablette, de l'autre, le travail dans les champs est encore pratiqué avec une houe ! Un agriculteur m'avait expliqué que le coût d'un tracteur était prohibitif. Par curiosité, je lui ai demandé s'il avait pensé à labourer son champ avec un bœuf et une charrue. Sa réponse m'a marqué :
"Ah oui, il paraît que ça se fait dans le nord. Mais ici, ce n'est pas la tradition". Je pense donc qu'il faut que quelqu'un dans une société marque un intérêt pour l'amélioration des pratiques, et essaie véritablement de pousser les gens à le faire, car ils ne le feront pas tous seuls. (Ceci dit, dans le cas que j'avais rencontré, je veux bien croire qu'il y avait peut-être d'autres raisons).
Dans la "recherche technologique", il ne faut pas oublier que l'élevage et l'amélioration des races de bétails et de plantes en constituent pendant longtemps la partie la plus importante et celle qui a le plus d'impact, indépendamment du "niveau intellectuel" des populations. Si l'occident donne naissance au destrier, et que les Arabes ont des chevaux rapides, ce sont probablement les empires des steppes qui sont les maîtres en ce domaine. C'est grâce aux chevaux qui avalent les kilomètres dans l'hiver sibérien, que le cavalier-archer va dominer les steppes et leur périphérie, jusqu'à l'arrivée du train et des voitures à essence.
Artigas a écrit :
La civilisation arabo-musulmane était assez avancée sur le plan technologique au Moyen-Age. Puisqu'en effet, l'astrolabe, la pompe hydraulique, les observatoires astronomiques, l'horlogerie, l'irrigation sont des inventions issues d'elle.
Sans oublier de nombreux instruments chirurgicaux d'Abulcasis, la suture par surjet, l'utilisation du catgut (boyau animal) pour la chirurgie. Al Fârisî perfectionna la chambre noire d'Ibn al Haytham, il est à l'origine de l'analyse de la réfraction à travers deux sphères transparentes ou à travers un système de prisme.
Al Razi est le concepteur du laboratoire de recherche expérimentale.
Al Khâzinî, en physique, créa l'hydrodynamique et l'aérodynamique.
La difficulté dans ce genre d'affirmation, c'est qu'on mélange un peu tout.
Je pense qu'il faut distinguer :
- La recherche scientifique théorique, apanage des civilisations urbaines, et résultant de la concentration de lettrés en un même lieu, en leur donnant les moyens de poursuivre des recherches dégagées des contingences matérielles, au moyen de pensions, fourniture de livres et de laboratoires.
Il faut noter que les structures religieuses, qui font déjà appel à des lettrés, sont un terreau idéal pour encourager cette recherche, la science religieuse étant vue comme la plus prestigieuse.
J'ai l'impression que ce savoir scientifique est un peu le "produit de luxe ultime", que les civilisations produisent après s'être distinguées par les œuvres artistiques et religieuses.
À noter : ce savoir est très mobile grâce à l'écrit. Une civilisation "en retard" peut capter très vite les connaissances de ses voisins, comme les Arabes l'ont fait des Grecs, puis les Occidentaux des Arabes. Toute avance dans ce domaine est donc purement temporaire. - La découverte proprement dite, résultant des sciences appliquées ou de découvertes fortuites. C'est souvent le domaine des sciences appliquées qui est le parent pauvre de la recherche, car les retombées du savoir théorique ci-dessus sur la société ne sont pas recherchées, et sont au mieux anecdotiques. J'ai parlé de la science religieuse, on peut aussi parler de l'alchimie, qui recherche stérilement la pierre philosophale et demeure bloquée dans la doctrine des 4 éléments. La médecine même, si des pratiques se développent, demeure prisonnière de la théorie des humeurs. Ainsi, en dépit du haut niveau de la médecine théorique arabe, c'est l'Occident qui connaît une explosion démographique au Moyen Âge.
- La diffusion des découvertes : c'est souvent là également que la bât blesse. L'empire romain disposait ainsi du moulin, mais c'est l'occident médiéval qui le popularise. De même, quand on cite l'irrigation andalouse, celle-ci ne se diffuse pas dans le reste du monde musulman.