Pour revenir au sujet, et comme l'a déjà souligné Arcadius, l'empreinte séleucide en Orient peut sembler assez légère, car elle se limite à une bande Syrie-Jordanie-Irak. Les rois séleucides étant beaucoup plus occupés à faire la guerre qu'à développer leur empire (qui se réduisit très rapidement), disons qu'ils ont maintenu des éléments de culture grecque dans un Proche-Orient qui était déjà hellénisé. De même, l’invasion des Galates (278) mit en retrait la culture hellénique dans le nord de l'empire. On pourrait presque que dire qu'aussi brève fut-elle, l'épopée alexandrine a plus contribuée à cette hellénisation que 300 ans d'empire séleucide. De même, plus à l'est l’ilot gréco-bactrien, beaucoup plus réduit, a su maintenir un foyer de civilisation grecque (parsemée de syncrétisme évidemment) bien plus rayonnant comme en témoignent l'art du Gandhara ou l'art kouchan. Les traces archéologiques de la dynastie séleucide sont d'ailleurs assez rares y compris dans les grandes cités, elles ont souvent été effacées par la conquête romaine (Antioche, Apamée) ou le repli face aux parthes (Séleucie-Ctésiphon).
Cette situation est en partie assez "injuste" car au début de l’ère séleucide, les villes de Grèce connaissant une situation de surpopulation certaine, ce trop-plein fut absorbé par l’empire séleucide qui grâce à sa politique de colonisation permit l’établissement de centres grecs sous la forme de villes ou de colonies militaires. Mais ce développement urbain sera stoppé par la multiplication des conflits entre Séleucides et Lagides. La région la plus urbanisée fut la Syrie du Nord, le cœur du royaume, qui devint « une nouvelle Macédoine », avec ses quatre grands centres : Antioche sur l’Oronte, les ports de Séleucie de Piérie et Laodicée et bien sûr Apamée, place forte militaire et centre des haras royaux. D'autres noms de cités fondées sous les Séleucides évoquent la Macédoine : Beroia, Kyrrhos, Chalcis...
Ces fondations se font selon les usages des cités grecques : un territoire avec des villages indigènes à administrer, découpé en clèroi (lots) entre les citoyens, et la présence d’un gouverneur royal (épistates) ou d’une garnison. Mais il n'y eût jamais d’hellénisation forcée de la population autochtone. C'est donc sans doute la persistance de l'usage de la langue grecque, qui constitue le véritable héritage séleucide au Proche-Orient. Langue du pouvoir à l'origine, elle devint et resta la langue commerciale et culturelle longtemps après la chute de la dynastie y compris dans des aspects très triviaux (on utilisera indifféremment des noms grecs ou locaux d’une génération à l’autre). Quand les Romains entreprendront la conquête des anciennes provinces séleucides, ils y trouveront une population parlant le grec et familiarisée avec la culture grecque.
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"Historia vero testis temporum, lux veritatis, vita memoriae, magistra vitae." De oratore - Cicéron
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