JPdeRouen a écrit :
D'abord, l'incapacité des services de renseignement Allemands, tout comme les autres soit dit en passant, à pénétrer l'Union Soviétique et à percer ses secrets. Ensuite, l'aveuglement idéologique des dirigeants nazis, Hitler en tête, leur faisait rejeter toute information qui ne cadrait pas avec l'idée pleine de mépris qu'ils se faisaient de l'URSS et des slaves.
Il y a de cela, en effet. Mais cela va encore plus loin.
Les facteurs pointés par JPdeRouen sont :
- la difficulté à renseigner efficacement, en profondeur, dans un pays étroitement contrôlé par le NKVD qui empêche l'infiltration de l'appareil d'Etat (notamment de l'Armée rouge), surtout qu'avec les purges, une attention particulière a été portée à toute collusion éventuelle avec l'étranger parmi les officiers ;
- la grille de lecture raciale des nazis fait que beaucoup d'Allemands, y compris les membres de la Generalität, voient les Soviétiques comme sous-humains, peu dignes de considération, surtout en un domaine aussi complexe que l'art de la guerre. Cela va cependant encore plus loin que les considérations raciales instillées par les nazis : l'expérience du conflit germano-russe, en 1914-1918, a contribué à façonner décisivement une conception du Russe, combattant rude, tenace, endurant, mais incapable d'égaler l'organisation et le professionnalisme des soldats occidentaux.
Il faut y rajouter un aspect déterminant, souvent négligé : le Fremde Heeres "Ost", le bureau en charge du renseignement notamment sur l'Armée rouge, donne une analyse assez fidèle de la force de l'Armée rouge au second semestre 1940, au moment où les planifications stratégiques pour "Barbarossa" sont réalisées. Mais forcément, puisqu'on lui pose la question à l'été 1940, il ne prend pas en compte le plan de mobilisation soviétique MP-41, arrêté le 14 octobre 1940. Celui-ci, associé au plan de défense DP-41, mobilise pourtant six millions de Soviétiques en quelques mois ! Quant au dispositif soviétique le 22 juin 1941, le renseignement allemand donne une vision relativement exacte des forces stationnées dans les districts militaires occidentaux, mais échoue totalement à détecter le second échelon stratégique soviétique (positionné le long de la ligne Dvina-Dniepr), encore plus le troisième (stationné dans les districts militaires de l'intérieur). Jusqu'au bout il échouera à analyser la formidable capacité de régénération de l'Armée rouge (par exemple, lorsque les Allemands "relancent" l'opération "Taifun", vers le 15 novembre 1941, alors que tous les rapports du front indiquent que leur armée est épuisée, ils penseront encore que, vu les saignées infligées à l'Armée rouge les semaines précédentes, celle-ci est dans un état encore bien pire).
Enfin, il convient de ne pas oublier l'auto-intoxication : les Allemands viennent de remporter certains des plus grands succès militaires enregistrés jusqu'alors en 1939-1941, et ils semblent inarrêtables. Y compris pour eux.
CNE EMB