CNE_EMB a écrit :
Quelques points factuels :
- Guderian est dès le début de la campagne et encore le 23 août 1941, comme tous les généraux de l'armée de terre concernés (Halder et Bock au premier chef), un ardent promoteur d'une offensive immédiate sur Moscou. Il est même farouchement opposé à la volonté d'Hitler de mener une bataille d'encerclement en Ukraine. Mais il se rallie à cette "diversion kievienne" de manière totalement inattendue le 24 août 1941 matin, après une entrevue avec le Führer (ce qui ne facilitera pas ses relations déjà orageuses avec Bock et Halder...)..
Hummm...en ce qui me concerne je relève dans l'ouvrage de Ph. Richardot , "Hitler face à Staline, le front de l'Est 1941-1945":
"Le 23, Bock invite Guderian à son quartier-général. Halder est présent, très abattu. Comme la bataille de Kiev implique une campagne d'hiver pour prendre Moscou, Bock y est hostile, et propose d'attendre le printemps sur des positions fortifiées. Soutenu par Halder, il demande à Guderian de rencontrer le Führer pour le dissuader d'attaquer Kiev. Parvenu le soir même à Rastenburg, Guderian évoque l'enthousiasme de ses troupes, qui ont déjà fait leurs préparatifs pour attaquer Moscou, puis il développe des arguments stratégiques (...) Hitler écoute en silence puis à son tour, essaie de convaincre son interlocuteur (...) revenu bredouille auprès de Bock, il lui déclare, en haussant les épaules, qu'il n'a pu qu'approuver le Führer. Au bord de la crise nerveuse, Halder lui en tient rancoeur. En outre, l'état des effectifs n'est pas satisfaisant, l'Ostheer n'a reçu que 86000 hommes de renfort sur 322000 prévus."
L'épisode de cette entrevue entre Hitler et Guderian est également rapporté chez Ph. Masson "Hitler chef de guerre" quasiment de la même façon, à savoir que Gudérian a bien plaidé la cause d'une attaque sur Moscou avant toute autre opération mais que Hitler ne s'en est pas laissé compter et avait déjà opté (pour des raisons de stratégie économique) pour l'attaque sur l'Ukraine en premier.
Ce qui est surtout intéressant dans ce court récit, et pour ce qui nous occupe, c'est que autant Bock que Halder (un peu à l'inverse de ce que vous leur reprochez...) semblent déjà très "conscients", ou craignent très fortement, que les forces à leurs dispositions ne seront pas suffisantes pour achever, avant la fin de l'année 41, l'objectif de Moscou si l'Ukraine passe d'abord, et qu'ils sont à ce moment là partisans convaincus d'attendre d'ores et déjà le printemps sur des positions fortifiées.
CNE_EMB a écrit :
Je n'ai jamais dit que les Allemands avaient prévu de prendre Moscou autrement que par une action d'encerclement. A moins que la situation tactique l'eut exigé, ce qui était douteux dès la fin août 1941, et la question ne s'est jamais posée
Je ne vous le reprochais pas mais ne faisais que (re)préciser les objectifs au cas où il eut pu avoir méprise par la suite et vu que jusque là nous parlions de la "prise de Moscou", ce qui aurait pu laisser entendre l'investissement de la ville.
CNE_EMB a écrit :
- la conférence d'Orcha, c'est bien le 13 novembre (à compter de 10 heures du matin, dans le train spécial d'Halder)
Merci, je le note donc
CNE_EMB a écrit :
- non, ce n'est pas une guerre de position du 6 octobre au 15 novembre 1941. Les Allemands progressent, parfois profondément
C'est bien ce que je vous disais, et je ne parlais pas du 6 octobre mais de fin octobre au 12/13 Novembre. Les allemands avancent, puis sont bloqués progressivement mais pas uniformément. Certains chefs d'unité constatent et font savoir leur incapacité à progresser davantage mais ce n'est pas le cas sur l'ensemble de ce front et pour toutes les unités.
CNE_EMB a écrit :
Le point de divergence le plus important, c'est que vous ne semblez pas relever l'arrêt de l'offensive, acté par le commandement allemand, à la toute fin novembre 1941. Glantz le mentionne pourtant clairement : "Inexorablement, une combinaison de résistance soviétique acharnée, parfois désespérée, et de pluies diluviennes oblige les Allemands à une halte temporaire. Le 30 octobre, l'opération "Taifun" a perdu son élan le long et à l'est de la ligne défensive de Mojaïsk (David M. GLANTZ, Il est relayé largement par David STAHEL . Les mémoires de Bock et d'Halder l'évoquent aussi.
Désolé, mais oui je ne relève pas "d'arrêt de l'offensive" ou que le commandement allemand l'ait acté. Je lis et vois : "halte temporaire" non halte définitive, "que Taifun a perdu son élan" non qu'elle soit arrêtée.
CNE_EMB a écrit :
Bock, pour sa part, évoque le 11 novembre que la 9. Armee reprendra l'attaque le 15 novembre 1941, la 4. Armee ne le pourra pas avant au mieux le 18 pour des raisons logistiques.
Forcément puisque il en a été informé par Hitler himself.
CNE_EMB a écrit :
Il y a donc bien deux semaines au cours desquelles "Taifun" est arrêtée, à part sur l'aile droite, dans le secteur de la 2. Panzerarmee et de la 2. Armee, qui progressent plein est et ne visent pas directement Moscou plus au nord (et de toute manière elles ne progressent guère). Et encore, Bock précise-t-il que la 2. Panzerarmee repartira à l'attaque le 17 novembre 1941, ce qui montre bien qu'elle s'est arrêtée aussi.
Désolé à nouveau, mais selon ma lecture ces deux semaines sont un temps où la situation et les positions progressivement se figent (et encore pas partout comme vous le notez vous-même) jusqu'à ce que le 13 novembre Halder ordonne ce qu'il envisage (et a planifié au cours des jours précédents) comme devant être le "dernier coup de collier" pour emporter la décision et qui doit commencer par porter le 15 novembre dans le secteur de Kline.
CNE_EMB a écrit :
Vous semblez aussi penser que cela était logique de poursuivre, mais alors pourquoi autant de voix s'élevèrent alors pour demander l'arrêt de l'offensive, à un moment donné, entre le 20 octobre et le 20 novembre 1941 ?
Je pense surtout que dans ce type de moments et de situations il y a belle lurette que la logique a foutu le camp
et je dis (ou répète peut-être ?) qu'en fonction du jour et secteur que vous prendrez en considération les avis, déclarations, intentions prêtées ou certifiées des uns et des autres varient d'un point cardinal à l'autre (influence du pôle magnétique tout proche ?), voir à ce sujet la position de Halder et de Bock qui malgré qu'ils soient conscients des "manques" et réticents à cette offensive à son initiative, une fois la décision prise (par Hitler) en "bons soldats" et commandants en chefs qui se respectent se doivent d'assumer et "épuiser" (le terme est plus qu'indicatif) toutes les ressources à leurs disposition pour emporter la décision, même si au fond d'eux-mêmes ils croient ou savent que ce n'est pas "objectivement" possible.
CNE_EMB a écrit :
Guderian, après avoir milité pour une poursuite de l'offensive début novembre, est à deux doigts de l'effondrement nerveux le 20 : "Le 20 novembre, trois jours après que "Taifun" ait été relancée dans le secteur méridionale, Guderian contacta la Heeresgruppe "Mitte" pour lui annoncer cette bouleversante information : son armée était trop faible pour remplir sa mission. Bock dût même demander confirmation de ce qu'il se passait avant de transmettre cette information à l'OKH. Pour les généraux aveuglés qui dirigeaient la bataille pour Moscou, il aurait alors dû être pleinement apparent que l'offensive était condamnée. Ayant ignoré tous les rapports des divisions et des corps d'armée, ils avaient maintenant devant eux Guderian, le formidable commandant d'unités mécanisées, qui leur disait qu'il ne pouvait plus suivre leurs ordres." (STAHEL, op.c., p.164). Guderian, habitué aux voltes-face, changea d'avis dès le lendemain, mais tout de même !
Oui, mais là vous parlez à nouveau du 20 novembre !! soit 5 bons jours après "la relance", c'est le nouveau constat qui est fait après s'être frotté aux nouvelles forces à l'esprit combattif galvanisé sur la ligne de défense bâtie par Joukov à la hâte.
CNE_EMB a écrit :
Il y a donc eu une obstination fautive de la part de Bock d'une part (mais dans la dernière décade de novembre il n'est plus aussi convaincu qu'avant le 15) et d'Halder d'autre part, qui envoie un projet de poursuite de l'offensive totalement délirant lors de la pause opérationnelle de début novembre(...)Si les éléments exogènes comme l'ennemi ont été mal évalués, c'est une erreur. Mais si des comptes-rendus internes, fiables puisque de provenance sûre, sont ignorés, c'est plus qu'une erreur, c'est une faute.
Conclusion : s'il y a des officiers de haut rang, dont le poste donnait une vision globale de l'opération "Taifun", qui se sont prononcés contre sa poursuite vers le 15 novembre 1941, c'est donc qu'il était possible de faire ce raisonnement. Halder au premier chef, Bock au second, se sont donc entêtés de manière extraordinaire, et la défaite a sanctionné cette attitude irrationnelle.
Comme je l'ai présenté ci-haut, si je vois tout comme vous, chez Halder et Bock de l'obstination elle ne m'apparaît absolument pas fautive mais au contraire conforme à l'esprit "Prussien", au serment d'allégeance formulé envers le Führer et à leur position de "Chefs" qui leur demande d'assumer et les empêche de se dédire ou de renoncer lorsque la situation ou les ordres, même à eux, semblent totalement intenables.
CNE_EMB a écrit :
Quant au rôle de Hitler : il pousse à l'offensive, oui, mais Halder n'a absolument pas besoin de lui pour la réclamer et l'imposer à ses subordonnés. Ce n'est pas Hitler qui ordonne la tenue de la conférence d'Orcha, pas Hitler qui établit les objectifs délirants de "Taifun" début novembre, pas Hitler qui dirige personnellement la bataille (d'ailleurs, il est absent au cours de la période cruciale du 2 au 5 décembre 1941, s'étant déplacé jusqu'à Mariupol pour "régler" la succession de Rundstedt, limogé après son retrait sans autorisation de Rostov le 24 novembre).
- Pour Orcha, ce me semble naturel qu'elle soit organisée par le commandant en chef des armées afin d'informer et bien "mettre au diapason" les commandants des groupes d'armées en charge (et les autres) de ce qui est attendu et projeté.
- les objectifs de Taïfun s'ils sont délirants, le sont depuis qu'il a été choisi par Hitler de prendre l'Ukraine et la Crimée avant que de s'occuper de Moscou, et comme le craignaient Halder et Bock dès le mois d'aout, non à partir seulement du mois de novembre...
- Qu'Hitler ne dirige pas, jusque là, la bataille est encore une des choses qui plaide la cause de l'armée plutôt que son discrédit il n'y aura qu'à voir par la suite où est-ce que cela mènera lorsque celui ci prendra, aussi, en main cet aspect des choses.
CNE_EMB a écrit :
Il est possible, si Halder, avec Bock, relayant l'avis de la totalité des chefs d'état-major concernés par l'opération, et d'une partie des chefs d'armée ou de groupement blindé, avait défendu cette option de s'arrêter pour l'hiver, qu'Hitler se soit laissé fléchir et ait pu autoriser la prise des quartiers d'hiver mi-novembre. Cela aurait été un échec en soi, surtout après les déclarations triomphantes de la propagande nazie mi-octobre, mais cela aurait permis de mieux parer la contre-offensive soviétique de début décembre, donc d'y subir moins de pertes (tout en en infligeant plus à l'Armée rouge) et d'y laisser moins de terrain. Cela aurait permis à l'Ostheer d'être plus forte en 1942, et cela aurait ouvert des possibilités nouvelles pour l'offensive de printemps ou d'été.
Là, il me semble que nous rentrons dans un "What if" dont nous ne pourrons jamais avoir la réponse, mais s'il me fallait me prononcer sur la possibilité que vous présentez là, il m'étonnerait plus que fort que Hitler se soit laissé fléchir par un quelconque officier à partir du moment où il a vu (la place) rouge miroiter sous ses yeux.