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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 05 Avr 2015 18:58 
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Polybe
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Arcadius a écrit :
Aigle a écrit :
Un détail, l'edit de Caracalla donne comme justification la nécessité d'accroitre le nombre de fidèles et la Religion officielle :

« [César] Marc Aurèle Sévère Antonin Auguste proclame : j'estime pouvoir accomplir de manière si [magnifique et si digne des dieux] un acte qui convienne à leur majesté, en ralliant [à leur culte, comme Romains], [autant de fois de dizaines de milliers (de fidèles)] qu'il en viendra chaque fois se joindre à mes hommes. Je donne donc à tous [ceux qui habitent] l'Empire le droit de cité romaine, étant entendu [que personne ne se trouvera hors du cadre des cités], excepté les déditices. »

C'est sans doute peu sincère mais néanmoins le fait que ce motif est été mis en avant témoigne bien du lien entre le culte et la citoyenneté romaine et décrit bien une certaine vision du monde, et la religion et de l'identité collective à mes yeux.


Merci beaucoup pour cette référence, Aigle ! J'en profite pour vous demander si vous auriez des sources critiques à propos des sous-entendus de ce texte ? Ils me paraissent bien larges.


L'allusion à la religion des Romains n'est qu'une hypocrisie et un élément de langage avant l'heure; Caracalla lui-même était un fervent adorateur de Sarapis, qui n'a rien d'un dieu romain.

Pour l'Edit de Caracalla, voir J.Mélèze-Modrzejewski, Droit et justice dans le monde grec et hellénistique, Varsovie, 2011, p.475-496; c'est d'ailleurs sa traduction qui est reprise ici.

Au sujet du statut fiscal des nouveaux citoyens, ils continuent de payer leurs impôts et ne bénéficient pas de l'exemption de taxes des citoyens plus anciens. On en a une attestation dans la documentation papyrologique, dans laquelle on apprend que des pérégrins désormais citoyens continuent de payer la laographia même après 212. Le phénomène existait déjà avant 212 comme le montre la table de Banasa.


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 01 Sep 2015 17:58 
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Grégoire de Tours
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Berserk a écrit :
Je suis toujours éberlué quand j'entends (ou plutôt quand je lis) : "tel peuple est "X" avec du sang romain" car leur territoire a été colonisé par ces derniers. Par exemple "les Français sont celtes, avec du sang romain" :rool:
Cette idée à l'air assez répandue,
Est ce correct de faire des romains les ancêtres des actuels italiens (génétiquement) ? A quel degré ont-ils laissé leur patrimoine génétique sur les territoires conquis (gaules, hispanie, afrique, levant) ?.


Il est surtout signifiant de méconnaissance des mécanismes de la génétique des populations* , si ce n'est de l'histoire, que d'affirmer que les français (ou les anglais, les chinois et quelque autre "nationalité" actuelle) soient de sang romain, celte, ostrogoth, moldo-valaque etc etc...ou que de vouloir, inversement, retrouver des "gènes" de telle ou telle population ancestrale dans le génome de partie ou de l'ensemble de l'humanité actuelle.

L'on peut toutefois pour ce qui est de l'origine, répartition, âge et relation ethnique des haplogroupes* européens toujours consulter le site d''Eupédia:
http://www.eupedia.com/europe/origines_ ... rope.shtml

* Haplogroupe (source Wilkipédia)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Haplogroupe
"Dans l'étude de l'évolution moléculaire, un haplogroupe est un grand groupe d'haplotypes (des séries d'allèles situés à des sites spécifiques dans un chromosome).
Pour la génétique humaine, les haplogroupes qu'on étudie généralement sont des haplogroupes du chromosome Y (ADN-Y) et des haplogroupes de l'ADN mitochondrial (ADN mt). On peut employer les deux pour définir les populations génétiques. L'ADN-Y suit seulement la lignée patrilinéaire, alors que l'ADN mt suit seulement la lignée matrilinéaire."

*Marqueurs génétiques
Pour caractériser un chromosome, on utilise des marqueurs génétiques. Il existe différents types de marqueurs, les plus utilisés sont:
- les marqueurs SNP (qui définissent la mutation d'une seule base), ils sont utilisés entre autres pour définir les arbres des filiations de l'humanité. Pour le chromosome Y, ils prennent le nom de XN où X est un indice définissant le laboratoire ou l'entreprise ayant découvert le marqueur et N le nième marqueur découvert dans ce laboratoire2. Par exemple M35 est le 35e marqueur SNP découvert par l'Université de Stanford.
- et les marqueurs STR (Short Tandem Notice ou encore microsatellites). Un chromosome contient des séquences répétées de nucléotides (de paires de bases). Le nombre de répétitions varie d'une personne à l'autre. Un STR du chromosome Y est désigné par un nombre DYS (DNA Y-chromosome Segment number). Lorsqu'on « teste » une personne, on associe au marqueur DYS le nombre de répétitions de la séquence STR du chromosome la personne concernée."

* Génétique des populations (toujours chez wiki...)
https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n% ... opulations
"La génétique des populations est l'étude de la distribution et des changements de la fréquence des versions d'un gène (allèles) dans les populations d'êtres vivants, sous l'influence des « pressions évolutives » (sélection naturelle, dérive génétique, recombination, mutations, et migration). Les changements de fréquence des allèles sont un aspect majeur de l'évolution, la fixation de certains allèles conduit à une modification génétique de la population, et l'accumulation de tels changements dans différentes populations peut conduire au processus de spéciation.

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“Etudie, non pour savoir plus, mais pour savoir mieux. ”
Sénèque


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 15 Avr 2016 18:58 
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Polybe
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Pédro a écrit :
De mon point de vue c'est souvent beaucoup de masturbation identitaire tout comme le fait de se revendiquer celte, sarmate ou je ne sais quoi d'autre et sert surtout à survaloriser son groupe par rapport aux autres...

Tout à fait, et c'est aussi stupide, pour rester poli, que d'être fier de l'équipe de football de sa ville, d'ailleurs tout autant polyethnique...

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Felix qui potuit rerum cognoscere causas.
Virgile, Géorgiques


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 20 Avr 2016 17:54 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 28 Déc 2011 12:34
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Pédro a écrit :
Rome s'établit de façon mythique comme un melting pot. L'aristocratie aura des tendance à l'exclusivisme mais force est de constater que le modèle romain est largement plus ouvert à l'intégration de l'Autre que les différents modèles grecs, athénien en particulier où prime le mythe de l'autochtonie. Cela faisant, très tôt Rome est pénétré de l'idée du mélange ce qui s'oppose fondamentalement à l'idée de "pureté" que certains voudraient entendre derrière la génétique.

Trés juste, être Romain c'est partager des lois communes plus que du sang.
Mais du cotés des barbares on sent quand même une certaine crispation identitaire lorsqu'il faut rejoindre le pot commun. On met en place des "royaume" barbares au sein de l'empire que l'on veux intégrer. On met en place une double législation avec le bréviaire d'Alaric, la loi Gombette et la loi salique. Des textes qui reprennent bien le code théodosien mais qui "séparent" en droit les romains et les barbares.
Peut on parler de loies ségrégatives ? Pourquoi n'ont-ils pas modifié le code Théodosiens, tout simplement ?
Est ce que ce serait une pure opération de propagande destinée à obtenir l'adhésion des populations gallo-romaines non arienne et de gérer des différences religieuses et non ethniques ?

je tiens à préciser que toutes ressemblance avec une autre periode de l'histoire serait totalement fortuite.

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Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 20 Avr 2016 19:18 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Le problème principal quant à l'intégration des populations barbares reste l'accueil reçu ; je rappelle qu'au moment de l'arrivée des Goths il y a tractation pour leur laisser le passage en vu de leur permettre une installation dans l'Empire. Les populations gothiques sont parquées et on leur donne, selon Ammien, à manger des chiens contre des esclaves. Est-ce que cela donne très envie de s'intégrer ou de suivre sa propre destinée? Cela et bien d'autres faits incitent à mon avis un peu à la crispation identitaire... d'autant qu'on est face à un peuple en arme suivant son roi... (ce qui conduit à nous éloigner encore d'autres périodes historiques fortuites).

Pour le reste je n'ai pas beaucoup d'idée ; une constatation d'une vie civile et d'une vie militaire séparée?

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 22 Avr 2016 16:12 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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Ce serait un anachronisme de penser que les autorités impériales et locales se posaient la question de l'intégration des tribus gothiques et autres tribus germaniques dans des termes proches des notres.

Tout n'était qu'une question de contrôle, d'autorité, de coûts nouveaux et de ressources nouvelles générés du fait de la migration ou de la non-migration. De toute façon, l'agriculture antique était peu productive et on mesurait donc chichement ce qu'on acceptait de donner aux tribus candidates à un déplacement. Une tribu qui se déplace, ce sont des coûts, des dégats, une perte de ressources pour les autochtones.

Et même si les romains avaient arrosé les goths de dons abondants en nourriture, on peut émettre l'hypothèse hautement probable que cela aurait tout autant soudé la tribu autour de son roi parce que ledit roi aurait pu dire "vous avez vu comme je suis fort ? Vous avez vu comme j'en impose ? Il a suffi que je demande pour obtenir ces dons abondants."


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 22 Avr 2016 16:52 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Caesar Scipio a écrit :
Ce serait un anachronisme de penser que les autorités impériales et locales se posaient la question de l'intégration des tribus gothiques et autres tribus germaniques dans des termes proches des notres.

Tout n'était qu'une question de contrôle, d'autorité, de coûts nouveaux et de ressources nouvelles générés du fait de la migration ou de la non-migration. De toute façon, l'agriculture antique était peu productive et on mesurait donc chichement ce qu'on acceptait de donner aux tribus candidates à un déplacement. Une tribu qui se déplace, ce sont des coûts, des dégats, une perte de ressources pour les autochtones.

Et même si les romains avaient arrosé les goths de dons abondants en nourriture, on peut émettre l'hypothèse hautement probable que cela aurait tout autant soudé la tribu autour de son roi parce que ledit roi aurait pu dire "vous avez vu comme je suis fort ? Vous avez vu comme j'en impose ? Il a suffi que je demande pour obtenir ces dons abondants."


Rien n'est moins sûr. Les installations de populations germaniques sur le territoire romain ne sont pas quelque chose d'exceptionnel et elles ont jusqu'à cette date, toujours trouvé une solution pacifique et efficace. Seule les populations de lètes, donc encore sur des structures sociales autonomes posent ponctuellement des problèmes. Si vous invoquez le peu de rendement de l'agriculture antique il faut néanmoins nuancer par le fait que les terres de l'Empire ne sont pas toutes mises en valeurs et qu'il reste largement de la place pour de nouveaux venus, et cela tombe bien parce que les déprédations sur les frontières ont souvent laissé des places vides. Un panégyrique que je n'arrive pas à retrouver est très clair justement sur ces installations.

Ce qui les motive avant tout c'est le besoin de recrues pour l'armée. Les accords passés lors de l'installation sont toujours les mêmes, et là encore en 376 Ammien relaie les espérances de Valens ; avoir de nombreux soldats à sa disposition, Ammien XXXI, 4, 4 :

La première impression de cette ouverture fut plutôt de satisfaction que d'alarme. Les courtisans employèrent toutes les formes d'adulation pour exalter le bonheur du prince, à qui la fortune amenait à l'improviste des recrues des extrémités de la terre. L'incorporation de ces étrangers dans notre armée allait la rendre invincible; et, converti en argent, le tribut que les provinces devaient en soldats viendrait accroître indéfiniment les ressources du trésor.

Mais pour ce faire, les Romains pratiquaient toujours une politique rationnelle ; les peuples étaient désarmés et recevaient la plupart du temps un cadre légal romain, relaie du pouvoir central. Les élites trouvaient largement de quoi satisfaire leurs ambitions en faisant carrière dans l'armée et Rome n'a guère eu à souffrir de leurs services.


Au delà la gestion du problème goth est explicité en termes assez clair par Ammien, XXXI, 4, 9-11 :

Une crise aussi menaçante exigeait du moins que la force militaire du pays fût confiée aux mains reconnues les plus fermes et les plus expérimentées; et cependant, comme si quelque divinité ennemie eût dicté les choix, elle ne comptait alors à sa tête que les noms les plus mal notés. En première ligne se présentaient Lupicin, comte de Thrace, et Maxime, commandant malencontreux, tous deux imprudents et brouillons à l'envi l'un de l'autre.
(10) L'ignoble cupidité de ces hommes fut le principe de toutes les calamités qui suivirent. Sans rapporter toutes les malversations qu'ils commirent ou tolérèrent, touchant l'entretien de ces étrangers jusqu'alors inoffensifs, citons un fait dégoûtant et inouï, que condamneraient à coup sûr les coupables eux-mêmes s'ils étaient constitués juges dans leur propre cause.
(11) La disette qui accablait les émigrés suggéra l'idée à ces deux misérables de la plus infâme des spéculations. Ils firent ramasser autant de chiens qu'on put en trouver, et les vendaient aux pauvres affamés, au prix d'un esclave la pièce. Des chefs en furent réduits à livrer ainsi leurs propres enfants.


C'est cela qui pousse les Goths à la révolte.

Donc évidemment qu'il ne faut pas analyser ces événements avec notre oeil moderne, néanmoins il faut aussi y voir quels étaient les intérêts des contemporains, très différents là aussi de notre mentalité toute comptable. Les Romains avaient besoin de troupes et aussi de remettre en valeur des terres frontalières. Le calcul était assez vite fait pour savoir si on acceptait ou refusait la migration.

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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 22 Avr 2016 18:25 
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Philippe de Commines
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Oui, mais ce qui est nouveau, à partir du milieu du 4ème siècle, c'est que l'empire fait venir des tribus qui gardent leur organisation tribale et politique. Faire venir 10.000 individus s'insérant dans les structures de contrôle territorial des autorités romaines locales, ce n'est pas la même chose que de concéder des territoires à des groupes autonomes.

Quant au bonheur du prince, vous pointez à très juste titre qu'il est décrit par des courtisans. Aujourd'hui on dirait des communicants. Comme le Prince ne peut pas échouer, alors ce qui arrive malgré lui doit être décrit de manière positive, quand bien même la perception réelle a pu être fort différente.

On se heurte encore une fois au problème de la crédibilité des sources, problème particulièrement aigu s'agissant des sources antiques.


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 22 Avr 2016 19:15 
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Jean-Pierre Vernant
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Caesar Scipio a écrit :
Oui, mais ce qui est nouveau, à partir du milieu du 4ème siècle, c'est que l'empire fait venir des tribus qui gardent leur organisation tribale et politique. Faire venir 10.000 individus s'insérant dans les structures de contrôle territorial des autorités romaines locales, ce n'est pas la même chose que de concéder des territoires à des groupes autonomes.


Non, nous sommes au IVe siècle, pas au Ve. C'est justement le précédent de l'échec de l'installation des Goths qui va amener à la signature de feodi pour légaliser l'installation de populations barbares dans leurs structures tribales. Cela n'avait été fait que très ponctuellement jusque là dès le IIIe siècle avec le statut des lètes. En clair, les populations germaniques installées jusque là ne sont pas autonome sauf exception et il n'était certainement pas prévu que les Goths le soient. C'est leur révolte victorieuse (et en cela ils ont eu beaucoup de chance) qui va en faire une force qui pourra négocier son feodus presque d'égal à égal, ce qui est tout à fait nouveau.

Caesar Scipio a écrit :
Quant au bonheur du prince, vous pointez à très juste titre qu'il est décrit par des courtisans. Aujourd'hui on dirait des communicants. Comme le Prince ne peut pas échouer, alors ce qui arrive malgré lui doit être décrit de manière positive, quand bien même la perception réelle a pu être fort différente.


Quand on lit l'oeuvre d'Ammien on se rend vite compte que quoiqu'il se produise la cour est toujours prise en mauvaise part, c'est un invariant de son analyse. Il déteste les courtisans déconnectés du réel et louvoyant pour obtenir des faveurs. Mais ce point de vue est très loin d'être le seul apanage de la cour, simplement parce que chaque résolution de paix s'accompagne de l'exigence par les Romains de la fourniture de "l'élite de la jeunesse" du peuple vaincu en guise de tribut. Alors en l’occurrence des milliers de Goths qui viennent se livrer, au delà des problèmes que cela engendre, cela promet aussi des troupes... et des troupes pas nécessairement inconnues parce que les Goths qui servent dans l'armée sont nombreux...

Caesar Scipio a écrit :
On se heurte encore une fois au problème de la crédibilité des sources, problème particulièrement aigu s'agissant des sources antiques.


Il va falloir un poil plus d'argumentation pour jeter le discrédit sur Ammien qui a ses points de vue, ses querelles, ses héros, mais qui est suffisamment consciencieux pour avoir travaillé dans des archives et croisé avec son expérience de l'armée et de l'administration.

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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 22 Avr 2016 19:37 
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Philippe de Commines
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Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Je pense que nous disons en fait quasiment la même chose. Le fait que les foedi aient évolué de la manière que vous dites après Andrinople n'enlève rien au fait qu'il y avait déjà des foedi avant Andrinople. Peut-être voulez-vous dire que le terme de foedus et de foederati n'est pas le plus juste et qu'il convient de parler de lètes ou de déditives.

Si on laisse de côté la question des termes, dont je ne nie pas du tout l'importance, il n'en reste pas moins que, dès la seconde moitié du 3ème siècle, des empereurs installent des groupes germaniques homogènes marcomans, hérules, francs notamment) sur des portions de territoire de l'empire romain, lesquels groupes conservent leur organisation propre et ne s'inscrivent pas dans les cadres de l'administration romaine locale mais répondent directement, en tant que groupe, du pouvoir impérial.

Et bien sûr, je faisais référence au potentiel de fourniture de troupes comme d'un des aspects positifs, du point de vue du pouvoir impérial, de l'arrivée de ces groupes germaniques.


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 22 Avr 2016 19:51 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Justement la question des termes est fondamentale sinon on fait des confusions (entre une deditio qui revient à une capitulation sans condition et un feodus où on finit par traiter en "égaux" il y a comme une distance). Quand vous voyez un groupe installé sous la direction d'un préfet romain on n'est pas tout à fait dans la même perspective que s'il s'agit d'un groupe sous le commandement de ses chefs tribaux. De la même façon ces groupes ne sont pas tous laissé entiers et homogènes mais là encore installés aux quatre coins de l'Empire et leur rôle est considérablement différent de ce qu'il deviendra après Andrinople et surtout après 406.

Ces installations ne datent pas non plus directement du IIIe siècle puisqu'elles sont en quelques sortes inaugurées par celle des Ubiens par Auguste. Ce qui change c'est la fréquence à partir du IIIe siècle. Mais là encore vu le nombre d'installations (un petit résumé dans l'Atlas de Rome et des barbares de Inglebert, p 14-15) on serait en droit d'imaginer une multitude problème si on a seulement à l'esprit ce qui se passe en 376-378... En clair il y a eu de nombreuses assimilations de ces populations qui n'ont pas seulement pratiquée la carte tribale, loin s'en faut. Les élites et les simples combattants ont très vite compris qu'ils avaient plus à gagner en suivant les voies légales de la hiérarchie militaire et obtenir de prestigieux postes rémunérateurs qu'à chercher à grappiller des miettes en jouant les bandits. Ce qui change après 378 c'est que l'armée de Valens vaincue cela crée un précédent, précédent encore mineur parce qu'il est isolé. La pénétration massive de 406 par contre va entraîner d'autres perspectives.

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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 27 Avr 2016 16:13 
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Salluste
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Inscription : 18 Déc 2015 12:13
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Berserk a écrit :
Une citoyenneté ? Une culture ?

Je suis toujours éberlué quand j'entends (ou plutôt quand je lis) : "tel peuple est "X" avec du sang romain" car leur territoire a été colonisé par ces derniers. Par exemple "les Français sont celtes, avec du sang romain" :rool:
Cette idée à l'air assez répandue, alors je voudrais savoir avec exactitude à quoi renvoie le terme "romain" selon les principaux concernés, comment se définissaient-ils ? Romain et latin sont-ils synonymes ? Est ce correct de faire des romains les ancêtres des actuels italiens (génétiquement) ? A quel degré ont-ils laissé leur patrimoine génétique sur les territoires conquis (gaules, hispanie, afrique, levant) ?

Voilà ça fait beaucoup de questions en une :P , merci à ceux qui prendront la peine d'y répondre.


Le sang romain ... La colonisation ... la race française (celtico-romaine) ... méfions-nous de tout ce fatras, souvent mal orienté (voir plus haut).

Etre romain est avant tout une conception juridique; d'autres l'ont déjà écrit. Ne pas être romain, pendant longtemps, a pu constituer un handicap réel, quotidien parfois (je ne parle pas des esclaves); être romain, le devenir, c'est avoir la qualité de citoyen, protégé par les lois romaines ( sans le Droit, sans son application, reste la "loi du plus fort" ...), c'est aussi la porte ouverte à une éventuelle ascension sociale ... Voyez dans l'armée, au premier siècle après, les auxiliaires ont un os sous le nez : devenir citoyens romains ( ce que sont déjà les légionnaires).
Cette romanité a évolué avec le temps, s'adaptant aux époques ; actuellement, certains portent des raisonnements de valeur, théorisent ... (15 siècles après pour ce qui nous concerne en Occident), sur la qualité de ces adaptations (Edit de Caracalla par exemple). Le monde romain antique a certainement été un temps, une civilisation, qui est née, a grandi et est morte ... comme toutes les autres.
Le côté génétique est ridicule , c'est évident.

Et puis le quotidien : être romain, certes, mais ou, quand et avec quelle puissance de feu financière ? la me semble être LA question.

Pour être un peu coquin : "qu'est ce qu'être romaine ?"

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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 27 Avr 2016 17:30 
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Hérodote
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Il faut surtout se demander si "être romain" signifie toujours la même chose, dans les mentalités, et dans les obligations (notamment si elles sont juridiques.

NB : je n'ai pas relu le sujet, aussi si quelqu'un à déjà évoqué ce point, qu'il ne m'en fasse pas grief et considère ma remarque comme une adhésion.


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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 30 Jan 2020 11:58 
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Grégoire de Tours
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Localisation : Andalousie
Berserk a écrit :
je voudrais savoir si c'est correct de faire des romains les ancêtres des actuels italiens (génétiquement) ? A quel degré ont-ils laissé leur patrimoine génétique sur les territoires conquis (gaules, hispanie, afrique, levant) ?

le magazine "Science" américain, à ce sujet, a publié le 08 Novembre 2019 un article : "Ancient Rome: A genetic crossroads of Europe and the Mediterranean" exposant les résultats d'un groupement de chercheurs des universités de Stanford, Rome, Turin, Dublin...
https://science.sciencemag.org/content/366/6466/708
Dont voici ce qu'on pourrait, en français, retenir dans l'excellent blog spécialisé de Bernard Sécher
http://secher.bernard.free.fr/blog/inde ... ienne-Rome
Bernard secher a écrit :
Margaret Antonio et ses collègues ont séquencé le génome de 127 anciens individus de la région Romaine datés entre le Mésolithique et la période Médiévale et appartenant à 29 sites archéologiques différents. Il y a trois individus du Mésolithique, dix du Néolithique, trois du Chalcolithique, onze de l'Âge du Fer, 48 de la période Impériale, 24 de l'antiquité tardive et 28 de la période Médiévale.[...]Les 48 individus de la période Impériale Romaine montrent un glissement génétique vers les populations de l'est de la Méditerranée comme les Grecs, les Chypriotes et les Syriens. Ce changement s'accompagne d'une nouvelle augmentation de la composante Néolithique Iranien. Cependant, les auteurs n'ont pas trouvé la population source à l'origine de ce changement génétique. Ils ont ensuite fait une étude de clustering*. Ils ont ainsi montré que la population de l'époque impériale Romaine se regroupe dans cinq clusters* différents: Seulement deux individus appartiennent au cluster Européen. La majorité appartient à deux clusters principaux: Méditerranée Centrale et Méditerranée Orientale, un quart des individus appartient à un cluster du Proche-Orient. Enfin deux individus appartiennent à un cluster qui montre une forte affinité génétique avec les populations d'Afrique du Nord. Ces résultats suggèrent une forte augmentation de la complexité génétique de Rome à la période Impériale en relation avec la connexion de Rome avec des populations et des régions Méditerranéennes, notamment de l'est. De manière intéressante l'influence génétique occidentale est très faible.
A la fin de l'antiquité, les anciens individus de la région de Rome montrent un glissement génétique vers les populations d'Europe Centrale et plus éloigné des populations du Proche-Orient. Cela se traduit notamment par la forte augmentation du nombre d'individus inclus dans le cluster Européen. Ces résultats sont à rapprocher des migrations des Wisigoths, des Vandales et des Lombards dans la péninsule Italienne à cette époque. Cependant la forte diversité génétique observée pendant la période impériale continue à la fin de l'antiquité.
Durant la période Médiévale, il y a un net glissement génétique vers l'Europe Centrale et du Nord et une perte des influences orientales. La population de cette époque ressemble beaucoup à la population actuelle du centre de l'Italie. Ces résultats font écho aux influences Normandes, puis à l'intégration de Rome dans le Saint Empire Romain Germanique durant cette période.

*Un cluster en génétique est un ensemble de deux gènes ou plus, qui dérivent d'un ancêtre unique.
Étant donné que les populations ayant un ancêtre commun ont tendance à posséder les mêmes sortes de cluster de gènes, ils sont utiles pour retracer l'évolution dans le temps de ses populations.

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 Sujet du message : Re: Qu'est ce qu'être romain ?
Message Publié : 30 Jan 2020 18:23 
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Berserk a écrit :
je voudrais savoir si c'est correct de faire des romains les ancêtres des actuels italiens (génétiquement) ? A quel degré ont-ils laissé leur patrimoine génétique sur les territoires conquis (Gaule, Hispanie, Afrique, Levant) ?


Il y a eu une étude ADN réalisée sur diverses nécropoles romaines et les enseignements en son très riches. En fait, comme toutes les métropoles, on lit dans l'ADN des défunts des antiques romains qu'il y a un fort brassage des populations. A l'époque impériale, l'ADN est très méditerranéen, il s’européanise par la suite.
En 12.000 ans d'histoire, le peuple romain a vu son patrimoine génétique bouleversé à deux reprises
Paléogénétique : la Rome antique était un haut lieu de métissage méditerranéen

Image

Après... il est impossible de répondre sur cette histoire de continuité. Que valent les tests ADN pour décrire nos origines ?

Si vous lisez bien cet article, vous verrez que vous pourriez bien avoir 90% d'anciens romains dans votre arbre généalogique sans que vous en ayez une seule trace qui reste dans votre ADN. Ou à contrario n'en avoir que 10% mais que la totalité de leurs traces y soient demeurés inscrits. Scientifiquement parlant, cette question n'a pas de sens.

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