J’ai évoqué plus haut le retour de Cendres de l’Aiglon auprès de son « auguste » (dixit Hitler) père.
A ce propos, voici une légende colportée par le comte de Güell dans son « Journal d’un expatrié catalan » : « Je veux transcrire ici une conversation que j'ai eue avec Madame de Broer, qui vient d'arriver de Paris. Je veux le faire, parce que l'assurance qu'elle m'a donnée de l'authenticité de son récit est si absolue et s'accorde si bien par ailleurs avec les nouvelles, que j'avais reçues sur le même sujet, que je suis convaincu de sa véracité. D'ailleurs quoique rien de tout cela ne se soit finalement réalisé, il est vraiment émouvant de voir que, dans certains moments graves, le destin des hommes et des peuples dépend d'un rien. […] On en était là, quand la Radio et la Presse germanisées annoncèrent un geste de « compréhension » du Führer à l'égard de la France. Le Führer avait décidé de renvoyer en France les restes de l'Aiglon. Ses dépouilles seraient transférées, avec tous les honneurs impériaux, à Paris pour être placées aux Invalides, à côté du tombeau de l'Empereur. La famille Impériale, l'Héritier actuel, le Prince Napoléon, qui réside en Suisse, la Princesse Clémentine, sa mère, devaient assister à la cérémonie. En zone libre, nous avons su seulement que le transfert avait eu lieu, que l'Ambassadeur d'Allemagne avait prononcé un discours et qu'un représentant du Gouvernement avait répondu. On a su aussi que Pétain, bien qu'invité à la cérémonie, n'y avait pas assisté, et l'on apprit quelques jours plus tard la destitution de Laval et son arrestation à Vichy. Ce fut tout. Madame de Broer m'a raconté alors ce qui suit. Elle tient ses informations de deux conseillers municipaux de Paris, qui furent avertis à minuit par la police que le complot avait échoué. Voici quel était le plan : pendant l'inhumation de la dépouille mortelle de l'Aiglon dans la chapelle, en présence du Prince Napoléon, on devait crier : « Vive l'Empereur ! » Les groupes massés à la sortie acclameraient le Prince, qui, entouré par la foule, serait conduit aux Tuileries et proclamé, par le peuple et par la municipalité de Paris. Devant cette explosion populaire, les Allemands feraient un geste spectaculaire : ils libéreraient toute la France occupée à l'exception des ports de l'Atlantique, ce qui permettrait au nouvel Empereur de déclarer la guerre à l'Angleterre. La libération de la France, le souvenir de Sainte- Hélène et la probabilité d'un succès militaire seraient suffisants pour entraîner la majorité de l'opinion française. Il paraît que c'est Langeron, chef de la police française, qui a fait échouer ce projet, qui aurait pu changer le destin de la France et probablement le destin du monde »
Le prince en question amené à être proclamé empereur aux Tuileries (les jardins ?...) était Louis-Napoléon Bonaparte, arrière petit-fils de Jérôme. Il convient de préciser que si Louis-Napoléon fut bien invité à la cérémonie des Invalides, il déclina l’invitation. A noter qu’en 1943, alors prisonnier des Allemands, il fut invité à collaborer. Il refusa net par ces mots : "Comment reconnaîtrais-je votre politique alors que vous occupez la France, que vos alliés et vous revendiquez ses terres de Corse, Nice et la Savoie, et que l'Alsace et la Lorraine enfin sont terres allemandes ? Trop de mes fidèles ne comprendraient plus. Je suis Français et National."
Petit rappel sur les faits et gestes du prince durant le conflit : « Louis-Napoléon, âgé de 25 ans, rencontra à Genève, en ce funeste début d'année 1939, le colonel Barthe, un ami de Daladier, et lui remit le 15 février un lettre destinée au président du Conseil où il demandait l’autorisation de faire son service militaire en France. Né en Belgique, le prince n'oubliait en rien que son illustre nom était envers et contre tout attaché aux destinées de la France. Devant l’absence de réponse, Louis-Napoléon reprit la plume au mois d'août suivant afin d’obtenir le droit de s’engager dans le Corps de Troupe Combattant métropolitain ou dans la Légion étrangère. La même demande fut formulée quelques jours plus tard au président de la République, puis de nouveau au président du Conseil. Daladier lui répondit finalement le 28 septembre précisant que la loi d'exil frappant sa famille ne permettait pas de répondre favorablement à ses vœux.
Ecœuré, il décida de prendre les devants et franchit la frontière franco-suisse le 16 mars 1940. Deux jours plus tard, il se présentait à l’Intendance militaire de Vancia, dans l’Ain, et souscrivait un engagement militaire à la Légion étrangère, sous le nom de Blanchard. Son identité véritable ne tarda pourtant pas à être révélée. Daladier fut prévenu mais laissa faire.
Blanchard partit pour Marseille ; ville qu’il quitta pour Oran, le 29 mars. Il atteignit ainsi Sidi-Bel-Abbès le 3 avril pour être affecté à la compagnie de passage n°2 puis à la n°1 du 1er régiment etranger. Ce fut à Saïda, en pleine instruction, que notre légionnaire apprit la signature de l’armistice. Le 5 septembre, à sa demande, il était rayé des contrôles et se retirait à Lausanne.
Ses prises de contacts avec les services de renseignements français en 39 lui permirent cependant de servir à nouveau la France. Ainsi, de 1941 à décembre 1942, Louis-Napoléon accomplit des missions en métropole et à l’étranger et travailla pour le compte du BCRA de la France Libre.
Le débarquement allié en Afrique du nord le décida finalement à quitter l’Europe. Saulcet, Toulouse, Foix, Saint-Girons. Vint le passage des Pyrénées où le prince et trois camarades furent finalement cueillis par les Allemands. Transféré au fort du Hâ puis à Fresnes, Louis-Napoléon prétendit mener seulement une excursion de haute montagne. Les Nazis tombèrent dans le panneau et le libérèrent au début de l'année 1943. Il venait de passer quatre mois dans les prisons de l'ennemi.
Bien que surveillé par la Gestapo, le prince reprit contact avec la Résistance. Sous les noms de Renault ou Muller, il servit en province pour le compte de l’Organisation de Résistance Armée avant de rejoindre le maquis sous le commandement du commandant Carol. Là, il devint 2e classe puis sergent au sein de la 1ère compagnie du 17e BCP reconstitué dans la région de Châteauroux (brigade Charles-Martel).
Le 28 août 1944, alors que le maquis de la Brenne s'était résolument lancé dans la lute à outrance depuis le 15 juillet dernier, le prince Napoléon, alias Louis Monnier, échappa de peu à la mort. Sur la route de Châteauroux, accompagné de quatre artificiers FFI et de leur chef d'équipe, l’adjudant d’artillerie Léopold Linarès, il tomba dans une embuscade au sommet de la butte de Montbel (un monument commémore aujourd'hui l'affaire). Sous le feu nourri d'armes automatiques et d’un canon de 47, blessé à la jambe par un éclat d’obus, il parvint à s’échapper et à regagner le PC du bataillon. Ses cinq compagnons d’armes avaient péri.
Sorti de l’hôpital de Châteauroux, le 17 septembre, Napoléon gagna Paris où il obtint le grade de lieutenant FFI sous le nom de Louis de Montfort et fut cité à l’ordre de la division pour l’affaire du 28 août. Le 29 octobre, il rencontra De Gaulle qui le félicita pour ses services rendus à la France.
Envoyé sur le front de Saint-Nazaire, il y reçut la croix de guerre, le 27 novembre avant de rejoindre, après un passage à l’état-major de Koenig, son affectation définitive à la 27e division alpine le 1er janvier 1945, malgré son souhait de rejoindre les rangs de la 2ème DB. Ce fut au sein de ce corps que Louis-Napoléon fêta le 8 mai.
Quatre jours plus tard, il était affecté à l’Ecole de haute montagne. Le 30 septembre 1946, le lieutenant de Montfort, décoré de la Légion le 4 février, était finalement démobilisé.
Restait la loi d'exil. Elle fut supprimée, malgré l'opposition des communistes, le 24 juin 1950. »
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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