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Message Publié : 07 Déc 2012 17:25 
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Fustel de Coulanges
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Désolé mais un texte paru dans le moniteur a une certaine valeur et ne peut pas être traité aussi légèrement de "folle rumeur".


Bien évidemment que si.
A moins, bien évidemment, de ne pas mettre dans la catégorie des « folles rumeurs », la levée des bataillons juifs, les prises d'Alep, Damas, Jérusalem ou encore la possibilité d'une marche victorieuse à travers l'Anatolie avec en prime la conquête d'Ankara... Informations parues dans le « très respectable » Moniteur.


Citer :
Surtout s'il est croisé avec un autre texte publié dans la presse.


Quel texte ? L'article de la Décade en date du 29 mai ? Quel croisement faut-il faire ici ? La Décade ne fait que reprendre l'information parue une semaine plus tôt dans le Moniteur en ajoutant - un gâteau est toujours plus beau avec une grosse cerise dessus – la conquête de la Syrie et une armée de 100 000 hommes...


Citer :
A ce compte, il n'y a plus d'histoire


Au lieu de me donner des petites leçons de méthodologie historique au terme de vos conclusions hâtives, vous feriez bien de relire les différents points que je listais au-dessus de l'histoire vue par le petit bout de la lorgnette.
J'ai en effet la nette impression que vous décrouvrez le dossier à mesure que je transmets des documents. A ce compte, en ne vous focalisant que sur le Moniteur (et en imaginant que l'on ne puisse trouver de « folles rumeurs » dans un tel journal) ; le tout sans apporter la moindre source à vos analyses, vous vous condamnez à n'analyser la problématique donnée que d'une manière tronquée.

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Message Publié : 07 Déc 2012 19:50 
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Georges Duby
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Drouet Cyril a écrit :
Citer :
Désolé mais un texte paru dans le moniteur a une certaine valeur et ne peut pas être traité aussi légèrement de "folle rumeur".
Bien évidemment que si.
A moins, bien évidemment, de ne pas mettre dans la catégorie des « folles rumeurs », la levée des bataillons juifs, les prises d'Alep, Damas, Jérusalem ou encore la possibilité d'une marche victorieuse à travers l'Anatolie avec en prime la conquête d'Ankara... Informations parues dans le « très respectable » Moniteur.
On ne se comprendra pas, je ne dis pas que le communiqué n'est pas "enflé", je dis qu'il est un document réel et qu'on ne sait pas qui a évoqué un retour à Jérusalem. C'est un élément, vous pouvez le critiquez, dire qu'il a été inventé mais il existe en tant que tel. Je me doute bien qu'il ne correspond pas à un projet mais Bonaparte a pu en parler comme un moyen pour faire financer sa campagne en lançant ce bruit par exemple. Il en a fait d'autres dans ses campagnes et dans ses souvenirs ! C'est l'avantage des documents, ils restent. Un peu léger j'en suis d'accord pour étayer que Bonaparte soit une source. J'avais d'ailleurs mis un point d'interrogation, c'est votre "folle rumeur" qui est agaçante. Un communiqué de guerre n'est pas une folle rumeur, c'est autre chose, c'est vrai ou c'est faux ou amplifié. ..

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 08 Déc 2012 10:14 
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Fustel de Coulanges
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C'est un élément, vous pouvez le critiquez, dire qu'il a été inventé mais il existe en tant que tel.


Bien évidemment qu’il existe : Moniteur, numéro du 22 mai 1799, affiché aux nouvelles venues de Constantinople en date du 17 avril ; personne ne le nie et c’est un fait bien connu (il avait d’ailleurs été annoncé auparavant dans la Gazette de Hambourg et la Vossische Zitung de Berlin). Mais logiquement, il ne faut pas s’arrêter là et se contenter d’un « il n’y a pas de fumée sans feu », pour finalement tirer des interprétations bien hâtives du genre (je vous cite) :
« un communiqué du général Bonaparte »
« Sur le fond, il semble que Bonaparte ait fait préparer un communiqué quand il assiégeait Saint Jean d'Acre »
« il y a bien eu une annonce par Bonaparte dans le Moniteur de ressusciter la Jérusalem juive antique »
« s'il publie un communiqué de Bonaparte sur le retour des juifs à Jérusalem »
« instruction au Moniteur de diffuser ce communiqué sur une indication de Bonaparte d'associer les juifs à l'expédition »

Cet article reste un simple article de nouvelles étrangères au sein d’un journal, aussi officiel soit-il, qui multiplie, concernant les informations internationales, les données erronées.
Comme tout document, il convient de croiser les sources ; ce qui permet de faire quelque peu le tri ou de se faire un avis ; du genre :

-non (contrairement à ce qu’annonce ou imagine le Moniteur), Bonaparte n’a pas fait levé de bataillons juifs (nouvelle de Constantinople datée du 17 avril et publiée le 22 mai) ;

-non, Bonaparte n’avait pas une armée de 100 000 hommes (publié le 24 mai selon un courrier parti de Jérusalem le 10 février ; chiffre élevé à 200 000, « outre l’armée française » le 27 juin) ;

-non, Bonaparte n’a pas pris Damas (nouvelle de Constantinople datée du 3 juin et publiée le 10 juillet ; confirmée le 22 juillet (publication le jour même) par l’ambassadeur d’Espagne à Paris averti en cela par son homologue à Constantinople ; nouvelle à nouveau annoncée de Constantinople le 8 juin et publiée le 24 juillet) ;

-ni Acre (bruits d’un « grand échec » français par les nouvelles de Constantinople en date du 22 mai et publiés le 17 juin ; bruits démentis le 28 juin où était annoncé la poursuite du siège s’achevant finalement par la prise de la ville selon les nouvelles de Constantinople en date du 3 juin et publiée le 10 juillet ; la nouvelle de la victoire française fut confirmée le 22 juillet (publication le jour même) par l’ambassadeur d’Espagne à Paris averti en cela par son homologue à Constantinople ; nouvelle à nouveau annoncée de Constantinople le 8 juin et publiée le 24 juillet) ;

-ni Ankara (annoncé le 27 juin) ;

-ni Jérusalem (nouvelle de Constantinople datée du 11 avril et publiée le 15 mai ; répétée le 24 mai selon un courrier ayant quitté Bonaparte à Jérusalem le 10 février (à cette date l’intéressé était encore au Caire…) ; la ville étant annoncée soumise à l’imposition française selon les nouvelles de Constantinople en date du 3 juin et publiées le 10 juillet).


Le retour de Bonaparte en Egypte et l’échec devant Acre était finalement annoncé à Paris le 25 août et publié le lendemain.
Il fallut cependant attendre le 10 octobre (Bonaparte avait débarqué à Saint-Raphaël la veille) et la publication des lettres de Bonaparte en date des 10 et 27 mai où ce dernier établissait son rapport au Directoire sur la campagne de Syrie, pour y voir bien plus clair.
Le lendemain, le Moniteur commençait à retranscrire la relation de la campagne de Syrie que Berthier avait rédigée à Alexandrie le 29 juillet précédent.
Rien, bien évidemment, sur les effectifs pléthoriques de l’armée d’Orient, sur les victoires au cœur de la Syrie ou de l’Anatolie ou encore sur l’appel aux Juifs pour rétablir l’antique Jérusalem… Je mets tout ça dans le même sac.


La guerre apporte toujours de folles rumeurs, et ce n’est pas parce que la guerre est menée par un certain Bonaparte que celui-ci est à la base de tous les bruits (composition d’armée, prises de villes ou encore proclamations diverses…) qui peuvent arriver à des centaines de kilomètres des lieux des combats, après bien des intermédiaires.

Encore une fois, vous n’apportez aucune source sur le sujet. Comme déjà dit, il convient de voir au-delà du simple Moniteur pour appréhender les nouvelles que ce journal diffuse.
J’avais pourtant écrit plus haut :

«
Citer :
C'est effectivement bien possible que ce soit un faux.


Bien des éléments poussent plus que fortement à le penser :
-l'origine du document
-le texte même de cette "proclamation"
-les rapports, mémoires et autres témoignages relatifs à la campagne de Syrie
-ce qu'a dit ou écrit Napoléon sur cette campagne"



Pourquoi ne vous êtes pas encore penché sur ces divers points ?

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Message Publié : 26 Déc 2012 11:10 
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Je reviens sur la fameuse proclamation pour apporter quelques précisions.

Cet écrit sorti de l’ombre un siècle et demi après les faits, en juillet 1940, à Londres, sous forme dactylographiée. Le porteur et auteur du document était un certain Ernst Foges. Né à Prague en 1862, il avait hérité par sa mère des écrits de son grand-père Wolf Fleckeles, frère cadet d’Elazar Fleckeles, président du tribunal rabbinique de Prague en 1798. Lesdits écrits, remis ensuite à l’historien autrichien Franz Kobler, lui aussi réfugié en Angleterre, serait la copie dactylographiée d’une copie réalisée en 1798 par Elazar Fleckeles à partir de documents, eux-mêmes copiées et traduits en allemand par le censeur pragois Karl Fischer, sorte de commissaire régional aux affaires hébraïques, à partir de documents originaux rédigés en hébreux trouvés par la police pragoise chez le négociant de tabac Jonas Wehle, à l’occasion d’une réunion dénoncée comme relevant de la secte frankiste.
Les documents originaux sur lesquels s’est basé Foges ont disparu. Ce dernier, désireux de rejoindre la Palestine, avait gagné Londres afin d’y obtenir un visa. C’est là que le début de la deuxième guerre mondiale le bloqua. A ce moment, les biens de Foges (dont les originaux de Fleckeles) étaient entreposés dans le port de Trieste. Suite au conflit, les recherches entreprises sur cet objet furent sans succès.

Outre les copies répétées de documents à l’origine nébuleuse, un point essentiel de la proclamation pose un sérieux problème : la date et le lieu de la rédaction : le 20 avril 1799, à Jérusalem.
A cette date, Bonaparte était devant Acre et il ne mit jamais les pieds à Jérusalem. Cependant, au chapitre des rumeurs folles parcourant l’Europe et colportées par le Moniteur universel, nous avons vu que Bonaparte avait été annoncé à Jérusalem dans ledit journal dans ses numéros des 15 et 24 mai et que le général de l’armée d’Orient était sensé s’y trouvé depuis le mois de février…

Il faut également ajouter, comme déjà dit, que la proclamation de Bonaparte était accompagnée de celle d’Aron, fils de Lévi, rabbin de Jérusalem. Or à cette époque, il n’y avait aucun grand rabbin de ce nom à Jérusalem…


Autre point mettant grandement en doute un tel écrit, l’absence de référence dans les multiples journaux, mémoires ou rapports contemporains.
Napoléon lui-même, pourtant si prolixe quand il fallait se souvenir de ces « rêves » orientaux n’en parle pas (ni d’ailleurs au moment où un tel rappel aurait pu lui être utile quand il mit en place sa politique vis-à-vis des Juifs dans l’Empire). Pourtant, en certaines occasions, le sort des Juifs de Syrie fut évoqué :


« Les Juifs étaient assez nombreux en Syrie; une espérance vague les animait ; le bruit courait parmi eux que Napoléon, après la prise d'Acre, se rendrait à Jérusalem, et qu'il voulait rétablir le temple de Salomon. Cette idée les flattait. Des agents chrétiens, juifs, musulmans, furent dépêchés à Damas, à Alep, et jusque dans les Arménies ; ils rapportèrent que la présence de l'armée française en Syrie agitait toutes les têtes. Le général en chef reçut des agents secrets et des communications fort importantes de plusieurs provinces de l’Asie Mineure »
(Bertrand, sous la dictée de Napoléon, Campagne d’Egypte et de Syrie)

« Mme de Montholon pense qu’ils [les Juifs] devraient reconquérir leur pays. L’Empereur reprend :
« Les chrétiens sont bien plus nombreux et ils n’ont pas pu le faire ! Je regrette fort de n’avoir pas pu visiter Jérusalem, mais cela eût retardé de deux ou trois jours mon expédition sur Acre et le temps était précieux. »

(Gourgaud, Journal de Sainte-Hélène)


Là encore, nulle allusion à cet appel « historique »…

Espérances, rumeurs, souhaits aux allures de prophéties, le tout allié aux nouvelles abracadabrantesques relatives à la campagne menée par Bonaparte en Orient…
Il n’est pas invraisemblable de penser que ces fausses proclamations soient nées durant l’été 1799 des réunions occultes et teintées de messianisme des frankistes.

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 Sujet du message : Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 16:33 
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Fustel de Coulanges
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Pierma a écrit :
Drouet Cyril a écrit :
« Vous avez examiné, me dit-il, ces affaires des juifs ? C'est grave. Je ne puis pas souffrir que tous les propriétaires d'Alsace et d'une partie de la Lorraine soient spoliés par l'usure, eux et leurs enfants.

Curieux, cette affaire. Cyril, sauriez-vous pourquoi il y avait un problème spécifique avec les usuriers en Alsace ? (si c'est le cas.)


A titre d’information, dans les trois arrondissements de Strasbourg, de Saverne et de Sélestat, 12 296 000 francs avaient été prêtés de septembre 1800 à décembre 1802. En 1803-1804, 250 000 francs restaient impayés.
Tous les prêteurs n’étaient pas juifs, mais l’usure leur était généralement attribuée.

On peut à ce sujet se référer à la Statistique du département du Bas-Rhin, rédigée par le préfet Laumond, en 1801 :
« Le trafic, les échanges, le prêt, sont leur commerce habituel ; l’agriculture, les fabriques, et en général l’industrie sédentaire, ne sont ni de leur goût, ni dans leurs vues politiques
[…]
La haine qu’on leur portait s’est-elle affaiblie ? »
En considérant cette question en général, on pourrait répondre non. Comme les juifs n’ont rien changé à leur genre de commerce, et qu’ils sont (pris en total) tout aussi avides qu’avant, il n’y a pas de raison suffisante pour qu’ils soient plus aimés; mais il y a peut-être plus de justice distributive à leur égard qu’auparavant. On ne confond pas tous les juifs dans la même catégorie, et le respect public accompagne ceux , en petit nombre, qui s’en rendent dignes.
[…]
Quoi qu’il en soit, les juifs ne sont point aimés, parce qu’en général ils ne sont point aimables: qu’ils le deviennent, les dispositions changeront; ils en ont pour garant l’expérience‘de ceux d’entre eux qui le méritent. »

Cette haine se retrouve dans ce bulletin de police du 18 octobre 1805 :
« Haut-Rhin. Juifs. Au commencement de ce mois, on avait répandu dans le Haut-Rhin que les juifs devaient être tous massacrés, les [2 et 3 octobre]. Le préfet présumait que les juifs faisaient eux-mêmes circuler ces bruits pour fixer sur eux l'attention des autorités. Il avait prescrit néanmoins les mesures de sûreté convenables. Par une lettre du [14 octobre], M. le maréchal Moncey expose qu'aucun trouble n'a eu lieu aux jours indiqués (fêtes juives). Quelques individus, signalés comme auteurs ou complices de ce projet, ont été arrêtés et relâchés, s'étant justifiés complètement. Il existe cependant, suivant le rapport de la gendarmerie du Haut-Rhin, un mécontentement général et une haine prononcée contre les juifs. On les accuse d'avoir ruiner plusieurs familles par des escroqueries de toute espèce. Les autorités civiles et militaires veillent à leur
sûreté. »


De tels rapports ne pouvaient laisser indifférent Napoléon.

Décret du 30 mai 1806 :
« Sur le compte qui nous a été rendu que, dans plusieurs départements septentrionaux de notre empire, certains juifs n'exerçant d'autre profession que celle de l'usure, ont par l'accumulation des intérêts les plus immodérés, mis beaucoup de cultivateurs de ces pays dans un état de grande détresse;
Nous avons pensé que nous devions venir au secours de ceux de nos sujets qu'une avidité injuste aurait réduits à ces fâcheuses extrémités.
Ces circonstances nous ont fait en même temps connaître combien il était urgent de ranimer, parmi ceux qui professent la religion juive dans les pays soumis à notre obéissance les sentiments de morale civile, qui malheureusement ont été amortis chez un trop grand nombre d'entre eux par l'état d'abaissement dans lequel ils ont longtemps langui, état qu'il n'entre point dans nos intentions de maintenir ni de renouveler.
Pour l'accomplissement de ce dessein, nous avons résolu de réunir en une assemblée les premiers d'entre les juifs, et de leur faire communiquer nos intentions par des commissaires, que nous nommerons à cet effet, et qui recueilleront en même temps leur vœu sur les moyens qu'ils estiment les plus expédients pour rappeler parmi leurs frères l'exercice des arts et des professions utiles, afin de remplacer par une industrie honnête, les ressources honteuses auxquelles beaucoup d'entre eux se livrent de père en fils depuis plusieurs siècles.
A ces causes,
Sur le rapport de notre grand-juge, ministre de la justice, et de notre ministre de l'intérieur;
Notre Conseil-d'Etat entendu, Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:
Art. 1er. Il est sursis pendant un an, à compter de la date du présent décret, à toutes les exécutions de jugements ou contrats, autrement que par simples actes conservatoires, contre des cultivateurs non négociants des départements de la Sarre, de la Roër, du Mont-Tonnerre, des Haut et Bas-Rhin, de Rhin-et-Moselle, de la Moselle et des Vosges, lorsque les titres contre ces cultivateurs auront été consentis par eux en faveur des juifs. »

Décret du 17 mars 1808 :
« Art. 1er. A compter de la publication du présent décret, le sursis prononcé par notre décret du 30 mai 1806 pour le payement des créances des Juifs est levé.
Art. 2. Lesdites créances seront néanmoins soumises aux dispositions ci-après.
Art. 3. Tout engagement pour prêt fait par des Juifs à des mineurs, sans l'autorisation de leur tuteur; à des femmes sans l'autorisation de leur mari; à des militaires sans l'autorisation de leur capitaine si c'est un soldat ou un sous-officier, du chef de corps si c'est un officier, sera nul de plein droit, sans que les porteurs ou cessionnaires puissent s'en prévaloir et nos tribunaux autoriser aucune action pour poursuite.
Art. 4. Aucune lettre de change, aucun billet à ordre, aucune obligation ou promesse, souscrite par un de nos sujets non commerçants, au profit d'un juif, ne pourra être exigé sans que le porteur prouve que la valeur en a été fournie entière et sans fraude.
Art. 5. Toute créance dont le capital sera aggravé d'une manière patente ou cachée, par l'accumulation d'intérêts à plus de cinq pour cent, sera réduite par nos tribunaux.
Si l'intérêt réuni au capital excède dix pour cent, la créance sera déclarée usuraire, et comme telle annulée.
Art. 6. Pour les créances légitimes et non usuraires, nos tribunaux sont autorisés à accorder aux débiteurs des délais conformes à l'équité.
Art. 7. Désormais, et à compter du 1er Juillet prochain, nul Juif ne pourra se livrer à aucun commerce, négoce ou trafic quelconque sans avoir reçu, à cet effet, une patente du Préfet du département, sur un certificat; 1° du Conseil Municipal, constatant que ledit juif ne s'est livré ni à l'usure ni à un trafic illicite; 2° du consistoire de la synagogue dans la circonscription de laquelle il habite, attestant sa bonne conduite et sa probité.
Art. 8. Cette patente sera renouvelée tous les ans.
Art. 9. Nos procureurs généraux près nos cours sont spécialement chargés de faire révoquer lesdites patentes, par une décision spéciale de la cour, toutes les fois qu'il sera à leur connaissance qu'on juif patenté fait l'usure ou se livre à un trafic frauduleux.
Art. 10. Tout acte de commerce fait par un juif non patenté sera nul et de nulle valeur.
Art. 11. Il en sera de même de toute hypothèque prise sur des biens par un juif non patenté, lorsqu'il sera prouvé que ladite hypothèque a été prise pour une créance résultant d'une lettre de change, ou pour un fait quelconque de commerce, négoce ou trafic.
Art. 12. Tous contrats ou obligations souscrits au profit d'un juif non patenté, pour des causes étrangères au commerce, négoce ou trafic, pourront être révisés par suite d'une enquête de nos tribunaux. Le débiteur sera admis à prouver qu'il y a usure on résultat d'un trafic frauduleux; et, si la preuve est acquise, les créances seront susceptibles soit d'une réduction arbitrée par le tribunal, soit d'annulation si l'usure excède dix pour cent.
Art. 13. Les dispositions de l'art. 4, titre 1er du présent décret, sur les lettres de change, billets à ordre, etc., sont applicables à l'avenir comme au passé.
Art. 14. Nul juif ne pourra prêter sur nantissement à des domestiques ou gens à gages, et il ne pourra prêter sur nantissement à d'autres personnes, qu'autant qu'il en sera dressé acte par un notaire, lequel certifiera, dans l'acte, que les espèces ont été comptées en sa présence et celle des témoins, à peine de perdre tout droit sur les gages, dont nos tribunaux et cours pourront en ce cas ordonner la restitution gratuite.
Art. 15. Les juifs ne pourront, sous les mêmes peines, recevoir en gage des instruments, ustensiles, outils et vêtements des ouvriers journaliers et domestiques.
Art. 16. Aucun juif, non actuellement domicilié dans nos départements du Haut et Bas Rhin, ne sera désormais admis à y prendre domicile.
Aucun juif, non actuellement domicilié, ne sera admis à prendre domicile dans les autres départements de notre empire, que dans le cas où il y aurait fait l'acquisition d'une propriété rurale, et se livrera à l'agriculture, sans se mêler d'aucun commerce, négoce ou trafic.
Il pourra être fait des exceptions aux dispositions du présent article, en vertu d'une autorisation spéciale émanée de nous.
[…]
Art. 18. Les dispositions contenues au présent décret auront leur exécution pendant dix ans, espérant qu'à l'expiration de ce délai et par l'effet des diverses mesures prises à l'égard des juifs, il n'y aura plus aucune différence entre eux et les autres citoyens de notre empire, sauf néanmoins, si notre espérance était trompée, à en proroger l'exécution, pour tel temps qu’il sera jugé convenable.
Art. 19. Les juifs établis à Bordeaux et dans les départements de la Gironde et des Landes, n'ayant donné lieu à aucune plainte, et ne se livrant pas à un trafic illicite, ne sont pas compris dans les dispositions du présent décret. »

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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 17:09 
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Jean Mabillon
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quelques éléments d'analyse ici

http://judaisme.sdv.fr/histoire/histori ... poleon.htm

et ici

http://judaisme.sdv.fr/histoire/histori ... /index.htm

et encore ici

http://judaisme.sdv.fr/histoire/histori ... berman.htm


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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 17:11 
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Jean Mabillon
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et ici un dossier très complet établi en 2008

http://www.napoleon-juifs.org/Guide.html


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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 17:34 
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Fustel de Coulanges
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Excellent ! Merci beaucoup. :P

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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 18:57 
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J'ai la réponse à la question : pourquoi l'Alsace ? Les Juifs d'Alsace représentaient la moitié des Juifs français. 8-|

Cela remonte au repeuplement de l'Alsace dévastée par la guerre de Trente Ans, où nombre de Juifs d'Allemagne étaient venus s'y installer. Il faut dire que c'était à la fois une opportunité et un endroit de relative tolérance, compte-tenu des circonstances, puisque Louis XIV y a même encouragé l'installation de protestants français.

Lorsque Napoléon fixe l'obligation pour les Juifs de prendre un nom de famille définitif - si j'ai bien compris il y avait un usage du type "fils de" (ou quelque chose dans ce genre) changeant donc à chaque génération - les noms pris par les Juifs d'Alsace sont donc à consonance germanique, que cela vienne de leur origine allemande ou du nom de leur métier en alsacien. Les exemples cités - 1er article indiqué par Aigle - recoupent les noms les plus courants parmi les Juifs français actuels. (Hors séfarades.)

Les mesures prises par Napoléon pour libérer les paysans de l'usure (en fait la vente à crédit de bétail ou de matériel par des commerçants juifs, au taux de 5%, qui n'a rien d'usuraire) ont été l'occasion pour de nombreux maires de régler des comptes contre les Juifs, en leur refusant la patente devenue obligatoire, provoquant de nombreuses faillites et/ou arrêt d'activité. Sans parler de l'argent perdu par des remises de dettes imposées par décret.

Napoléon a également imposé aux Juifs de prendre davantage part aux activités militaires. Si la possibilité de payer un remplaçant en cas de tirage au sort défavorable ne leur a été retirée que temporairement - une année - par la suite Napoléon a imposé que le remplaçant éventuel soit Juif.

Au total, beaucoup d'injustices mais pas de massacres. On ne parle pas ici de Saint-Barthélémy. De même il y a eu des lois ou décrets de circonstance, mais pas de statut discriminatoire des Juifs en tant que citoyens, le souhait de Napoléon étant à terme que les Juifs deviennent des citoyens comme les autres.

Merci à Cyril et à Aigle pour leur éclairage de cette situation particulière, qui m'avait un peu étonné.

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 19:34 
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Pierma a écrit :
J'ai la réponse à la question : pourquoi l'Alsace ? Les Juifs d'Alsace représentaient la moitié des Juifs français. 8-|


Un peu moins : près de 34 %.
Voici les résultats du recensement effectué en 1808 :
Image

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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 19:55 
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Jean Mabillon
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un complement un peu curieux. Tous les Juifs de France ne furent pas soumis au "décret infâme" du 17 mars 1808. Les Juifs "assimilés" furent exemptés des mesures restrictives.

Pour ce qui concerne les Juifs de Paris, on peut trouver ici un rapport du ministre de l'intérieur un peu curieux :


http://www.napoleonica.org/ce/ce_docvie ... F06%2F1809)&DocStart=130&sourcequery=vdkvgwkey%3CSUBSTRING%3E%22%5C%5Cce%5C%5C%22%2Cvdkvgwkey%3CSUBSTRING%3E%22%2Fce%2F%22%2Cvdkvgwkey%3CSUBSTRING%3E%22%5C%5Cgerando%5C%5C%22%2Cvdkvgwkey%3CSUBSTRING%3E%22%2Fgerando%2F%22&ResultCount=1


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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 19:58 
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Jean Mabillon
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je vois que le lien ne fonctionne pas alors je vous donne le texte de l'avis du conseil d'Etat


Le Conseil d'état, qui, d'après le renvoi de sa Majesté, a entendu le rapport de la section de législation sur celui du ministre de l'intérieur, ayant pour objet de faire décider si les Juifs de la capitale sont compris dans l'exception portée dans l'article 19, titre III du décret du 17 mars 1808 sur la police des Juifs ;

Vu,

1.o La lettre du ministre de l'intérieur, du 18 avril 1808, au conseiller d'état préfet de police, où il est dit : D'après le rapport que j'ai eu l'honneur de lui présenter le 6 de ce mois, sa Majesté vient de me faire connaître qu'elle a entendu comprendre les Juifs de la capitale dans l'exception portée par l'article 19, titre III du décret du 17 mars dernier sur la police des Juifs ;

2.o La décision de sa Majesté du 26 du même mois d'avril, datée de Bayonne, et ainsi conçue :

Les Juifs de la capitale sont compris dans l'exception portée par l'article 19, titre III du décret du 17 mars dernier sur la police des Juifs ;

3.o Le rapport du ministre de l'intérieur et divers autres pièces officielles, desquels il résulte, 1.o que ladite décision de sa Majesté a été notifiée dans le temps au ministre des cultes, au préfet de la Seine et à celui de police, ainsi qu'à la communauté des Israélites de Paris ; 2.o que cette communauté a constamment joui, depuis cette décision, de l'exemption qui y est portée ;

Considérant que l'exemption réclamée par les Juifs de la capitale a pour fondement une décision de sa Majesté, rendue sur un rapport ministériel, et sur le témoignage favorable des autorités locales ; que cette décision, bien qu'elle n'ait pas été insérée au Bulletin des lois, a été généralement connue et suivie d'une exécution publique et constante ; qu'il en est résulté une possession ou plutôt une continuation de possession d'autant plus respectable, qu'elle est conforme au droit commun ; qu'en refusant d'y avoir égard, on porterait atteinte à une foule de transactions civiles et commerciales qui ont eu lieu sur la foi de son existence et de son maintien ; que ce concours de circonstances couvre suffisamment le défaut de formalité d'insertion au Bulletin des lois, de la décision de sa Majesté,

Est d'avis,

Que les Juifs de la capitale doivent être considérés comme ayant légalement joui de l'exemption portée par l'article 19, titre III du décret du 17 mars 1808 sur la police des Juifs ;

Et que le présent avis soit inséré au Bulletin des lois.

A PARIS, DE L'IMPRIMERIE IMPÉRIALE.

10/12/1813


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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 20:09 
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Aigle a écrit :
un complement un peu curieux. Tous les Juifs de France ne furent pas soumis au "décret infâme" du 17 mars 1808. Les Juifs "assimilés" furent exemptés des mesures restrictives.

Pour ce qui concerne les Juifs de Paris, on peut trouver ici un rapport du ministre de l'intérieur un peu curieux :


L'article 19 dudit décret :
"Les juifs établis à Bordeaux et dans les départements de la Gironde et des Landes, n'ayant donné lieu à aucune plainte, et ne se livrant pas à un trafic illicite, ne sont pas compris dans les dispositions du présent décret."

Puis vinrent en effet les Juifs de Paris, mais également ceux de Livourne, des Basses-Pyrénées...

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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 20:24 
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Drouet Cyril a écrit :

Un peu moins : près de 34 %.
Voici les résultats du recensement effectué en 1808 :

Effectivement, mais c'est la France de 1808... (Je veux dire avec ses départements qui nous semblent exotiques...) Il y a pas mal de Juifs hollandais, allemands ou italiens dans cette liste.

Impressionnant le nombre de départements où les Juifs sont inexistants !

Quel est ce département qu'on appelait Mont-Tonnerre ? (Un cî-devant ?)

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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 Sujet du message : Re: Napoléon et les Juifs
Message Publié : 24 Avr 2016 20:29 
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