C'est un peu plus compliqué que cela. En France, il y a à l'époque 2 "sortes" de juifs. Je m'excuse du terme, mais j'en trouve pas de plus approprié. IL y a les juifs vivant en France depuis plusieurs générations, voire des siècles et les juifs arrivés depuis 1, 2 générations. Le destin de ces 2 communautés est bien différent. Certains parlent de juifs français et de juifs étrangers, mais dans la seconde catégorie, il y a des gens qui avaient déjà reçu la nationalité française. A l'époque, dans certains discours on va parler de "français israélites" et de "juifs étrangers"; donc les gens qui parlent ainsi font une différence entre les français de confession israélite qu'ils considèrent comme intégrés et ceux qu'ils considèrent comme des corps étrangers qui ne cherchent qu'à vivre aux dépends des honnêtes français.
Serge Klarsfeld a établi un bilan statistique. Je reprend ce qu'en cite Henri Amouroux dans son livre "Pour en finir avec Vichy". La population de ce qu'on va aussi appeler les "juifs étrangers" représente environ 41% des juifs vivants en France à la déclaration de guerre.. Klarsfeld retient qu'il y eut environ 80 000 victimes de la Solution Finale parmi cette population.
Citer :
"Pour ce qui est de la proportion des Juifs français et des juifs étrangers dans le nombre de ces 80 000 victimes, on est fondé à répondre [...] qu'il y avait environ 24500 Français et 55000 étrangers. Parmi les 24 000 Juifs français, il y avait 8000 enfants de parents étrangers, ils n'étaient pas automatiquement français à la naissance, ils ne le devenaient que par une déclaration volontaire souscrite par leurs parents, soit à la naissance, soit plus tard, et ne le seraient restés qu'à la condition de ne pas renoncer à leur majorité à la nationalité française pour une autre nationalité. A ces 8000 enfants, s'ajoutent environ 8000 Juifs naturalisés. Ce qui laisse encore environ 8000 Juifs français dès leur naissance. On peut noter qu'environ 1500 d'entre eux sont nés en Algérie et 6500 en métropole."
Bref, 41% des juifs présents en France donnent 90% des victimes. Globalement, 1/4 des Juifs de France sera victime de la Shoah, mais 90% des victimes sont en France depuis moins de 2 générations. Il y a à cela 2 explications :
- soit les juifs étrangers étaient moins intégrés et n'ont pas su trouver des refuges sûrs. Actuellement, pas mal d'historiens pensent que la population française a spontanément caché les juifs rescapés;
- soit les juifs les plus visibles furent déportés en premier et seul le temps et la Libération a empêché que les autres ne le soient.
Je pense qu'il est quasi impossible de répondre à cette question. Mais, voici ce qu'en pense Serge Klarsfeld cité par le même Amouroux :
Citer :
Une comparaison avec les pertes juives dans une vingtaine d'autres pays faisant partie du Reich, établit que les seuls Etats qui ont perdu proportionnellement moins de Juifs sont l'Italie, la Bulgarie, le Danemark, dont le roi, le gouvernement, l'administration et la population ont sauvé de la déportation 93% des Juifs vivants dans leur pays, soit 6000 Juifs et la Finlande qui a sauvé tous ses Juifs et n'a livré aux nazis qu'une dizaine de Juifs étrangers. Mais il faut remarquer que le nombre total des Juifs de ces quatre pays additionnés n'atteint même pas le tiers de celui de la France. Ces données de faits doivent être prises en considérations si l'on veut que Vichy ne soit accusé que de ce dont il est responsable."