L. VLPIVS POLLEX a écrit :
J'en reviens à une précédente remarque, restée sans réponse : n'y a-t-il pas dans ce domaine une carence conceptuelle, qui s'ajoute à celles de réalisation ? En effet, on parle de ces nouvelles (sic) technologies en cours d'industrialisation, alors qu'aucune de ces usines ne fonctionne encore et que les délais continuent à s'allonger ...Que la réalisation ne soit pas assez minutieuse est une chose, pourvu que ce ne soit pas une mauvaise explication en fin de compte (les milliards ont été dépensés, donc encaissés, ça c'est sûr)
Technologiquement, le saut n'est pas aussi important qu'il pourrait sembler. Il y a une filiation forte avec entre l'EPR et les dernières réalisations d'EDF, d'Aréva et de Siemens. Le seul reproche que l'on peut faire à l'EPR c'est justement qu'il cherche à exploiter le meilleur de 2 filières différentes, qu'il y a donc des problèmes d'intégrations et que l'un des partenaires (Siemens) à quitté le partenariat. Certaines choses étaient basées spécifiquement sur les méthodes Siemens, méthodes que ne maîtrise pas Aréva.
Il semble aussi qu'il y a eu la perte de la maîtrise de chantiers de telle ampleur par les français. Dans un premier temps, EDF s'est appuyé sur l'expertise de Bouygues en ce qui concerne le génie civil. Mais, elle a finit par faire appel à des ingénieurs chinois pour qu'ils viennent partager leur expertise...
Si on compare avec ce qui s'est fait en France dans les années 70-80, c'est assez édifiant. EDF a commencé par faire un réacteur REP selon la licence Westinghouse à une seule boucle : Chooz A. Dans les faits, Chooz A est une chaudière nucléaire, avec ses auxiliaires qui est connecté à un poste d'eau "classique". Ensuite, EDF a construit Fessenheim, qui est une copie de Beaver en ce qui concerne la partie nucléaire. Bugey 2-3 est presque de conception française, dans le sens que pas mal de choses ont été modifiées par EDF et Framatome et ainsi de suite.
Quand on a commencé à construire Fessenheim, Beaver n'était pas encore démarrée. Quand on a commencé à construire Bugey, Blayais, Chinon, Dampierre, Gravelines, Saint-Laurent, et Tricastin, Fessenheim n'était pas encore en service. Et pourtant, il y a de nombreuses évolutions entre ces diverses centrales, au fur et à mesure que les ingénieurs d'EDF et de Framatome s'emparaient du concept, qu'ils faisaient des études et qu'ils les adaptaient aux habitudes françaises.
Si on prend le cas de Fessenheim, sa spécificité est d'être très manuelle, car elle est la copie de ce qui se faisait aux USA où la main d’œuvre est bon marché. Les centrales suivantes furent de plus en plus motorisées. Il y a nettement moins de robinets manuels et les automatismes sont plus sophistiqués. Les allemands ont exigé que les centrales construites chez eux aient que des robinets motorisés (en ce qui concerne les robinets principaux de l'installation). Mais, cela suppose des alimentations électriques plus pérennes.
En fait, dans de telles installations, il y a rarement de sauts technologiques. Oui, pour "vendre" l'EPR aux médias, on a parlé de "nouvelles" technologies. Dans la réalité, il n'y a pas de grosses innovations par rapport à ce qui se faisait en France, en Chine ou en Allemagne. Certains projets de concurrents d'Aréva sont plus novateurs et intégrent de réels sauts technologiques. En fait, ces fabricants de réacteurs ont tenu compte de l'expérience acquise pour créer des machines moins sophistiquées, plus robustes, et donc plus sûres tout en requérant moins de maintenance. L'EPR-NG serait sur cette voie-là en revenant vers les bases du concept REP.