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Message Publié : 04 Juin 2016 10:27 
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Je ne suis pas choqué par l'idée que le Pacte germano-soviétique marque le début de la Seconde Guerre Mondiale. (Encore qu'il serait possible de la faire commencer avec l'invasion de la Tchécoslovaquie, qui constitue une agression armée contre un pays allié.)

Mais à condition de considérer le point de vue soviétique. Je pense que si les alliés avaient vraiment voulu cette alliance ils l'auraient obtenue. (Peut-être comptaient-ils un peu trop sur l'hostilité entre l'URSS et l'Allemagne, et ne jugeaient pas nécessaire de faire davantage d'effort, l'URSS étant vue comme hostile à l'Allemagne par définition.)

Je ne trouve pas l'analyse de Kissinger très pertinente : après tout ce que Staline voulait avant tout c'est gagner du temps. Or il n'en a pas gagné tant que ça et s'est retrouvé être le seul adversaire continental de la Wehrmacht pendant trois longues années, son peuple subissant des pertes effroyables.

S'il avait signé un accord avec les alliés occidentaux il aurait sans doute gagné davantage de temps ou combattu sans être isolé.

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Message Publié : 04 Juin 2016 12:12 
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Marc Bloch
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Pierma a écrit :
Pouzet a écrit :
Il s'agit de Louis Barthou et il est mort en 1934.

Oui, et c'est dommage pour la France, puisque c'est Laval qui négociera un traité strictement commercial en 1935. (non pas que Laval ait été dès cet époque un agent des Allemands - appelons les choses par leur nom - mais simplement qu'il n'avait pas plus qu'un autre l'ambition de créer une véritable alliance avec l'URSS.)
ée...


Strictement commeŕcial le pacte de 1935 ? Qu'on me permette d'en douter !


« Le président de la République française et le Comité central exécutif de l’Union des républiques socialistes soviétiques, animés du désir d’affermir la paix en Europe et d’en garantir les bienfaits à leurs pays respectifs en assurant plus complètement l’exacte application des dispositions du pacte de la Société des Nations visant à maintenir la sécurité nationale, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique des États, décidés à consacrer leurs efforts à la préparation et à la conclusion d’un accord européen ayant cet objet et, en attendant, à contribuer, autant qu’il dépend d’eux à l’application efficace des dispositions du pacte de la Société des Nations, ont résolu de conclure un traité à cet effet. »

Article 2 du traité :

« Au cas où la France ou l'URSS seraient l'objet d'une agression non provoquée de la part d'un État européen, malgré les intentions sincèrement pacifiques des deux pays, l'URSS et réciproquement la France, se prêteront immédiatement aide et assistance ».


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Message Publié : 04 Juin 2016 13:08 
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C'est intéressant. J'ignorais cet aspect, qui prouve que les deux côtés se réservaient d'aller plus loin dans une alliance éventuelle.

Attention l'article II n'est pas une alliance défensive. La formule "se prêteront immédiatement aide et assistance" ne mange pas de pain et ne présuppose pas une déclaration de guerre contre l'agresseur.

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Message Publié : 04 Juin 2016 15:49 
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Jean Mabillon
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Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Il était prévu de coopérer dans certains secteurs de production d'armements aviation et marine. Nous avons vendu les plans du moteur Hispano Y 12 ainsi que le Gnome et Rhone,nous avions fourni des plans de croiseurs et destroyers (dans ce domaine les concepteurs français hostiles à l'Urss avaient modifié simplement certaines proportions des carènes,les sabotant ,faisant chuter les performances.De leur côté les responsables du canon aérien Hispano de 20mm ont prétexté de retards pour refuser la livraison.Finalement l'URSS finira par mettre au point son 23 mm au moins égal,sinon supérieur au modèle français.....Il y avait une partie du monde militaire,industriel ou politique totalement opposée à toute coopération.Il n'y eut pas de réelle convention militaire.Dans ses mémoires:"Servir" Gamelin déclare":Le 2 mai 1935 était signé à Paris le pacte franco-soviétique et m.Laval alla le consacrer à Moscou...Ce qui avait retardé la suignature du pacte,c'est que nous tenions à ce qu'il ne parût en rien dirigé contre la Pologne.Le problème se présenterait autrementsi la Pologne s'associait à l'Allemagne contre la Russie.Il ne sera aucunement questionpour le moment des modalités d('une coopération militaire franco-russe.Ce serait d'ailleurs éventuellement le rôle des états -majors,lorsque les gouvernements le jugeraient utiles."


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Message Publié : 04 Juin 2016 16:16 
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Jean Mabillon
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Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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A propos de Barthou ,quelques pages avant,Gamelin expose:"Il me demanda ce que nous pensions d'un rapprochement avec l'URSS et me chargea d'en parler au général Weygandqu'il croyait assez réfractaire.Mais je tombais d'accord avec ce dernier sur l'opinion quela Russiereprésentait bien le seul grand contre poidsoriental nécessaire vis à vis de L'Allemagne.........Il est important avant toutd'éviter une collusion germano-russe viasant au premier chef un nouveau partage de la Pologne,avec pour conséquences un remaniement total de l'Europe centrale et des Balkans.......Toutefois,il importait que nos relations nouvelles avec Moscou n'eussent pas de répercussions intérieures et par là sur l'Armée,j'entends par là son unité morale"


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Message Publié : 04 Juin 2016 17:18 
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Jean Mabillon
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Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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À lire ce débat, je suis surpris de noter à quel point il est académique et semble oublier les aspects objectivement très négatifs de ce pacte.

En premier lieu, n'oublions pas que Staline s'est trompé à un double titre : d'une part l'Allemagne ne s'est pas enlisée dans une guerre à l'ouest, comme en 1914 et d'autre part il a lui même été agressé sans préavis par son allié. Bref le gain a été énorme pour Hitler qui a pu tranquillement liquider sept États sans grosses pertes et bien faible pour l'URSS. Même si on peut admettre que la ligne de départ de la Wehrmacht a été fixée sur la Vistule et non pas sur l'ancienne frontière germano polonaise.

En second lieu, nul n'évoque le choc moral énorme de ce pacte avec le Diable pour les milieux communistes qui étaient farouchement antifascistes et anti nazis. Beaucoup ont été désorientés.

En troisième lieu, on oublie aussi que le but du pacte est le partage d'un État souverain, membre de la SDN dont on prévoit le partage dans la plus cynique tradition diplomatique du XVIIIe siècle. Ce faisant les deux alliés renoncent aux principes de Versailles qui fondaient la paix sur le droit. Pour Hitler c'est assez normal (d'autant plus qu'il avait quitté la SDN) mais pour Staline c'est une rupture complète avec la bonne volonté affichée par la diplomatie soviétique au cours des années 1930 (adhésion à la SDN, pacte avec la France par exemple).

En quatrième lieu, avons nous raison de nous focaliser sur le question du passage en Pologne del'armee rouge ? Après tout Staline avait signé un traité avec les Tchécoslovaques sans prévoir une voie d'accès vers Prague ...et si la Pologne était agressée par l'Allemagne elle aurait de toutes façons accepter l'appui soviétique contrainte et forcée. D'ailleurs le 17 septembre 1939 elle ne s'est pas opposée à l'entrée del'armee rouge sur son territoire. Je vois dans cette exigence soviétique une façon habile de rejeter la responsabilité de l'échec des négociations sur les occidentaux.


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Message Publié : 04 Juin 2016 18:01 
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Aigle a écrit :
et si la Pologne était agressée par l'Allemagne elle aurait de toutes façons accepter l'appui soviétique contrainte et forcée.

Effectivement, le refus de la Pologne de laisser passer l'Armée Rouge est un faux problème, si on commence par le commencement, c.à.d. un accord défensif avec l'URSS. (Il suppose toutefois que cet accord contienne une clause qui joue en cas d'agression contre la Pologne. Mais on voit mal pourquoi Staline aurait refusé cette clause.)

Ensuite il faut s'entendre avec la Pologne, autrement dit lui donner le choix entre la triple garantie franco-anglo-russe et pas de garantie du tout.

On se demande vraiment ce qui a empêché les Alliés de conclure cet accord. Pour quelle raison les Anglais ont-ils jugé nécessaire d'offrir leur garantie à la Pologne sans se soucier de l'URSS, autrement dit la quasi-certitude d'entrer en guerre, tout en se privant de l'allié potentiel le plus puissant à l'est ? Et pour quelle raison la France a-t-elle suivi cette politique absurde ? (Franchement, on peut reprocher à Staline d'avoir raisonné froidement, mais au moins ses motivations et son raisonnement sont compréhensibles, alors que pour la France et l'Angleterre on se demande ce qui leur a pris... sauf à invoquer l'anticommunisme, justement.)

Vous avez raison de souligner que le Pacte germano-soviétique a été une vraie catastrophe. Pour les alliés, d'abord (qui l'avaient bien cherché) mais également pour l'URSS, qui s'est retrouvée seul adversaire continental de l'Allemagne, et en a payé un prix épouvantable. Comme quoi le machiavélisme a ses limites.
On serait tenté de dire qu'il y a une justice si Staline avait payé les pots cassés, mais en réalité c'est son peuple qui a trinqué face à l'ennemi le mieux armé et le plus féroce de l'histoire.

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Message Publié : 04 Juin 2016 21:18 
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Philippe de Commines
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Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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"En quatrième lieu, avons nous raison de nous focaliser sur le question du passage en Pologne del'armee rouge ? Après tout Staline avait signé un traité avec les Tchécoslovaques sans prévoir une voie d'accès vers Prague ...et si la Pologne était agressée par l'Allemagne elle aurait de toutes façons accepter l'appui soviétique contrainte et forcée. D'ailleurs le 17 septembre 1939 elle ne s'est pas opposée à l'entrée del'armee rouge sur son territoire. Je vois dans cette exigence soviétique une façon habile de rejeter la responsabilité de l'échec des négociations sur les occidentaux."

Bien dit, Aigle.
Dans mes recherches d'antan j'avais les mêmes questions et les mêmes réponses...

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 05 Juin 2016 0:23 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 11 Oct 2012 21:58
Message(s) : 1591
Aigle a écrit :
À lire ce débat, je suis surpris de noter à quel point il est académique et semble oublier les aspects objectivement très négatifs de ce pacte.

En premier lieu, n'oublions pas que Staline s'est trompé à un double titre : d'une part l'Allemagne ne s'est pas enlisée dans une guerre à l'ouest, comme en 1914 et d'autre part il a lui même été agressé sans préavis par son allié. Bref le gain a été énorme pour Hitler qui a pu tranquillement liquider sept États sans grosses pertes et bien faible pour l'URSS. Même si on peut admettre que la ligne de départ de la Wehrmacht a été fixée sur la Vistule et non pas sur l'ancienne frontière germano polonaise.


Exact mais personne en 1939 (pas même Hitler) n'imaginait un tel scénario (la France vaincue en quelques semaines). Les décisions prises par Staline en 1939 sont cyniques et pragmatiques mais pas irréalistes.

Aigle a écrit :
En second lieu, nul n'évoque le choc moral énorme de ce pacte avec le Diable pour les milieux communistes qui étaient farouchement antifascistes et anti nazis. Beaucoup ont été désorientés.


L'internationalisme a depuis longtemps disparu des écrans radars. Les militants déçus feront des militants déçus ou des exclus, je ne pense pas que ça ait traumatisé le maître du Kremlin, d'autant moins qu'il ne comptait plus sur les communiste européens depuis quelques années déjà.

Aigle a écrit :
En troisième lieu, on oublie aussi que le but du pacte est le partage d'un État souverain, membre de la SDN dont on prévoit le partage dans la plus cynique tradition diplomatique du XVIIIe siècle. Ce faisant les deux alliés renoncent aux principes de Versailles qui fondaient la paix sur le droit. Pour Hitler c'est assez normal (d'autant plus qu'il avait quitté la SDN) mais pour Staline c'est une rupture complète avec la bonne volonté affichée par la diplomatie soviétique au cours des années 1930 (adhésion à la SDN, pacte avec la France par exemple).


Pas seulement un état. Les autres victimes du pacte sont les pays Baltes et la Roumanie. Le résultat en est la formation d'un glacis à l'ouest, glacis supposé mettre l'URSS à l'abri d'une première frappe occidentale (on a vu le résultat, effectivement!). Quoiqu'il en soit, la politique agressive de l'URSS est rationnelle.

Aigle a écrit :
En quatrième lieu, avons nous raison de nous focaliser sur le question du passage en Pologne del'armee rouge ? Après tout Staline avait signé un traité avec les Tchécoslovaques sans prévoir une voie d'accès vers Prague ...et si la Pologne était agressée par l'Allemagne elle aurait de toutes façons accepter l'appui soviétique contrainte et forcée. D'ailleurs le 17 septembre 1939 elle ne s'est pas opposée à l'entrée del'armee rouge sur son territoire. Je vois dans cette exigence soviétique une façon habile de rejeter la responsabilité de l'échec des négociations sur les occidentaux.


Si vous faites allusion au traité de mai 1935, il faut préciser qu'une des clauses prévoit qu'il ne rentre en vigueur que si la France est impliquée dans le processus en signant le même traité à la fois avec l'URSS et la Tchécoslovaquie (garantissant ainsi cette dernière des possibles tentations de l'ours). Le traité entre la Tchécoslovaquie et l'URSS est d'ailleurs signé deux semaine après celui entre la France et l'URSS. D'autre part, en 1935, la Pologne a plutôt la tentation de se rapprocher de l'Allemagne (elle ne se détachera d'ailleurs de cette idée qu'en 1939). En l’occurrence, et si l'aide apportée par l'URSS à la Tchécoslovaquie devait être militaire (ce qui n'est pas précisé par le traité dont les clauses sont très vagues), la Pologne était vue comme potentiellement ennemie par les deux "alliés" (en 1938, la Pologne n'hésite pas à s'approprier quelques arpents de Tchécoslovaquie avec la bénédiction de l'Allemagne, ce qui donne à réfléchir). Le droit de passage n'aurait probablement pas été l'objet de négociation mais le résultat d'un ultimatum.


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Message Publié : 05 Juin 2016 15:31 
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Eginhard
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Pacte ou pas pacte Hitler aurait déclaré la guerre à la Pologne. N'oublions pas qu'avant la conférence de Munich, en septembre 1938, Hitler avait prévu d'attaquer la Tchécoslovaquie avec son Plan Vert et que c'est uniquement avec la médiation de Mussolini que Munich a eu lieu. Le pacte germano-soviétique n'a fait que conforter l'ardeur belliqueuse d'Hitler et a permis au Reich de déjouer le futur blocus des puissances alliées. Car plus que le pacte en lui-même, c'est surtout les accords commerciaux entre les 2 pays, signés le 28 septembre 1939, qui ont permis à l'Allemagne d'alimenter sa machine de guerre.

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Message Publié : 05 Juin 2016 23:44 
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Philippe de Commines
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Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Il l'avait prévu mais il ne l'a pas fait.

Ce qu'Hitler voulait, plus que la guerre, c'était son lebensraum pour mettre en oeuvre ses projets politiques.

Quant à la question de Pierma sur les raisons pour lesquelles la France et la Grande-Bretagne n'ont pas donné leur garantie à l'URSS, il y a plusieurs réponses. Et je pense qu'il faut surtout s'interroger sur la position britannique.

La politique étrangère française, dans une assez large mesure, était depuis 1815 guidée par un postulat : ne pas trop contrarier la Grande-Bretagne. Et à partir de la 1ère guerre mondiale, vu la boucherie que ça a été, la perte de la Russie avec la révolution bolchévique et la disproportion de populations entre France et Allemagne, ça a tourné après la crise de l'occupation de la Ruhr à "jamais rien sans l'Angleterre". On était à la remorque.

La grande question c'est celle concernant la politique étrangère britannique envers l'Allemagne. En étant bien conscient du risque des théories conspirationnistes, ce n'est quand même pas anodin que, une fois Hitler au pouvoir, les gouvernements britanniques ont cherché à renforcer militairement l'Allemagne. Y compris après Munich.

http://www.dailymail.co.uk/news/article ... itler.html

La politique du gouvernement Chamberlain, ce n'était pas de s'opposer aux modifications de frontières souhaitées par Hitler, c'était de refuser que ces modifications aient lieu par la guerre.

Il y a certes des choses à prendre avec des pincettes chez Caroll Quigley, mais dans son histoire de l'oligarchie anglo-américaine, il y a des éléments assez solides montrant que d'une part la garantie à la Pologne était une réaction de politique intérieure face à la colère de l'opinion publique britannique face au coup de Prague qui mettait en pièces le mythe de la paix sauvée à Munich, alors même que par ailleurs le gouvernement Chamberlain continuait à essayer d'arrondir les angles avec l'Allemagne nazie et à lui laisser espérer des arrangements frontaliers pour peu que, surtout, Hitler n'ait pas recours à la guerre auquel cas Londres serait obligée par son opinion publique d'entrer en guerre. Et d'autre part une partie des conservateurs auraient voulu lancer l'Allemagne dans une croisade anti-soviétique.

Ce qui peut expliquer l'incohérence globale apparente des positions que vous relevez. Pourquoi donc les britanniques n'ont pas coupé court aux projets de Hitler en donnant leur garantie à l'URSS et en formant une grande alliance avec Staline ? Parce qu'ils ne le voulaient pas. Ils ne voulaient pas la même chose.

Je suis bien conscient que déterminer ce que voulaient les britanniques relève largement de la conjecture. Staline n'était pas non plus très présentable et il est "compréhensible" que les britanniques aient préféré trouver un accomodement avec l'Allemagne nazie qu'avec l'URSS communiste.

En tout cas, le pouvoir soviétique estimaient incontestablement qu'après Munich, les occidentaux essayaient de lancer l'Allemagne nazie contre l'URSS. Et à ce stade, savoir si c'était juste pour détourner vers l'est la menace nazie ou dans le but précis de faire tomber l'URSS était une question fort théorique. Il devenait impératif pour l'URSS d'éviter cette confrontation, d'où le Pacte germano-soviétique sur lequel l'URSS a mis le paquet pour damer le pion aux puissances occidentales.


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Message Publié : 06 Juin 2016 7:00 
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Si votre théorie est exacte, Staline ne pouvait pas ignorer que cela constituait, au minimum, un courant politique influent en Angleterre. (L'espionnage soviétique est excellent, ce qui peut étonner avec les purges continuelles, mais c'est un fait.)

Il y a un fait qui va fortement dans votre sens :
Wiki a écrit :
en plus de l'accord de Munich, Chamberlain repart avec une résolution supplémentaire entre le Royaume-Uni et l'Allemagne engageant les parties à négocier de manière pacifique leurs différends futurs. C'est ce document que l'on voit Chamberlain brandir à son arrivée à Londres lors de l'accueil triomphal qui lui fut fait.


Là Staline n'a même pas besoin d'espion pour deviner qu'un accord du même tonneau peut advenir à propos de la Pologne. (le différend suivant, Hitler n'en fait pas mystère, c'est Dantzig.)

En vous lisant, je me suis fait la réflexion : et on s'étonne que pendant toute la guerre Staline soit resté suspicieux envers ses alliés occidentaux ? Si à une période il a pu penser qu'une tendance politique visant à apaiser Hitler pour le lancer vers l'URSS risquait de l'emporter, hé bien c'est précisément ce à quoi on semble arriver en juin 41. Certes les Anglais ne l'ont pas souhaité dans ces conditions, mais qu'est-ce qui prouve qu'ils souhaitent combattre Hitler à mort et aider l'URSS par tous les moyens ? (Staline avait toujours tendance à estimer que les Alliés occidentaux n'en faisaient pas assez, aux dépens de l'URSS. Il semble même avoir craint longtemps qu'ils signent une paix séparée - un peu comme lui en 1939, en somme - ce qui constitue un renversement des rôles assez ironique.)

L'article que vous citez est étonnant : on y voit Chamberlain essayer d'ouvrir après Munich un contact personnel secret (mais heureusement éventé par le MI-5 et communiqué à Cadogan, adjoint du ministre des affaires étrangères Halifax) avec Hitler, avec pour objectif un accord entre les deux pays, pour ne pas utiliser de gaz de combat, ne pas bombarder les civils, et bizarrement "épargner les villes contenant des trésors culturels" - souvenir sans doute de l'incendie de Louvain en août 1914 - en cas de guerre. Ce qui, dit Chamberlain à Hitler, "aurait le meilleur effet sur l'opinion publique britannique." (Quels historiens se sont penchés sur cette perle ? Est-elle réellement authentifiée ?)

Je n'épilogue pas sur la cuisine anglaise qui fait suite à cette interception par le MI-5 (Hell's kitchen !)

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Message Publié : 09 Juin 2016 12:21 
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Pierma a écrit :
Oui, c'est à l'URSS qu'il fallait s'allier quitte à sacrifier la Pologne. De toute façon sans l'URSS on ne pouvait pas la défendre.

Mais il faut rappeler que les diplomates alliés, et spécialement anglais, n'appréciaient guère le bolchevisme.

En fait tout se passe comme si Staline n'avait pas été vraiment rassuré par ses contacts de 1939 avec les Alliés. Sa grande crainte, pas tout à fait folle, était qu'ils composent ou s'entendent avec Hitler - ce qu'ils avaient fait jusque-là à trois reprises : Rhénanie, Anschluss, Tchécoslovaquie - en concluant un traité de non-agression avec lui.


Qui appréciait le Bolchevisme dans les années 30, hors les blochviks eux-mêmes?
l'action ambigüe de Staline tant en Espagne qu'en Allemagne montre d'ailleurs que Staline lâchait tortueusement la ligne de la révolution mondiale, dont la IV internationale, qui rassemblait trop de survivants des diverses factions qu'il avait réussi a éliminer le long de son ascension.

L'homme, Staline, était de toute manière tellement tortueux qu'il est impossible de l'imaginer "s'allier" sans avoir vocation à détruire ensuite ( c'est, d'ailleurs, la stratégie qu'il avait mis en place lors de son ascension jusqu'au pouvoir suprême). Sa manière d'éliminer au moindre doute, tout le cercle d'un coupable désigne X ou Y, ne permette pas de le classer dans le genre d'invidus capable de faire confiance à qui que ce soit, et comme sa manière de régler les soupçons était d'en éliminer le vecteur, ça ne laisse pas à penser qu'au niveau des relations étrangères il eut été différent. Son attaque de la Finlande, malgré le traité de paix entre les deux pays, en est un exemple s'il en était besoin.
En soit, la réussite même d'homme comme Hitler et Mussolini me parait plus que douteuse, s'il n'y avait le diable Bolchevik en face.

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Message Publié : 09 Juin 2016 14:34 
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Harfang a écrit :
En soit, la réussite même d'homme comme Hitler et Mussolini me parait plus que douteuse, s'il n'y avait le diable Bolchevik en face.

Cette remarque, HS d'ailleurs, me paraît fausse.

Le nationalisme s'explique très bien sans faire appel à la peur du bolchevisme. Dans le discours d'Hitler, c'est l'injustice du traité de Versailles qui tient le premier rang, avec la volonté de regrouper toute la "nation allemande". (Et que dire de sa dénonciation du danger juif ?)

Pour le reste vous vous trompez en imaginant qu'une alliance avec Staline n'aurait pas été effective. Elle aurait au contraire placé Hitler dans une situation de blocage. (Jamais il n'aurait disposé des ressources pour déclencher une guerre sur deux fronts.)

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Message Publié : 09 Juin 2016 19:14 
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Pierma a écrit :
Harfang a écrit :
En soit, la réussite même d'homme comme Hitler et Mussolini me parait plus que douteuse, s'il n'y avait le diable Bolchevik en face.

Cette remarque, HS d'ailleurs, me paraît fausse.

Le nationalisme s'explique très bien sans faire appel à la peur du bolchevisme. Dans le discours d'Hitler, c'est l'injustice du traité de Versailles qui tient le premier rang, avec la volonté de regrouper toute la "nation allemande". (Et que dire de sa dénonciation du danger juif ?)


Sans doute, plus encore pour le nationalisme stricto sensu. Mais quand au fascisme et au nazisme, la composante anti-bolchevique me parait essentiel. l'atmosphère révolutionnaire, existentialiste, presque qui se dégage des années 20 - 30, ne s'explique que par l'espoir fou et/ou l'horreur provoqué par le bolchévisme. Le monde n'est pas immuable et l'impossible, la chute des dynasties séculaires, l'arrivée au pouvoir du prolétarait devient pensable, possible. Les certitudes sont tombées et face a la puissance du rêve/cauchemar ne peut s'élever qu'une autre utopie dans la réaction, le fascisme, avec ce même phantasme de révolutionner la société.
Après, effectivement, dans le discours ce n'est peut être pas l'essentiel, mais c'est dans ce sens que j'associais les deux.

Pierma a écrit :
Pour le reste vous vous trompez en imaginant qu'une alliance avec Staline n'aurait pas été effective. Elle aurait au contraire placé Hitler dans une situation de blocage. (Jamais il n'aurait disposé des ressources pour déclencher une guerre sur deux fronts.)


Mmm...
Il avait des accords avec la Finlande, il les a rompus.
Il avait des accords avec les Kamenev et autres Boukharine, ça ne l'a pas empêché de les éliminer dès que le moment était venu.
Rien dans le parcours ou la personnalité de Staline ne me semble laisser croire qu'un accord ne soit autre chose qu'un moyen de servir ses intérêts et qu'il eut trahis dès que nécessaire...
Il était, à mon sens, aussi fou qu'Hitler et tout aussi mégalomane, quoi que plus lucide, dès lors difficile de connaître les arrières-pensées de tels autocrates.

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