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 Sujet du message : Noblesse de Hollande
Message Publié : 22 Juin 2016 20:27 
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Marc Bloch
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Je crois que la création d'une noblesse par Louis fut un sujet de dispute avec Napoleon. Pourtant Louis y semblait attaché si j'en crois ce paragraphe de Wikipedia :

" De plus, il souhaita intégrer la noblesse dans l'édifice constitutionnel ; il exigea en 1808 la rédaction d’un nouveau texte constitutionnel car celui de 1806 lui semble désuet ; il ambitionne une constitution vraiment monarchique inspirée de l’Angleterre et de Montesquieu ; il aurait souhaité que la noblesse constitutionnelle puisse siéger dans la seconde Chambre, nommée Sénat"

Avec une référence au livre d'Annie Jourdan, Louis Bonaparte, Roi de Hollande.

Qui pourrait m'en dire plus ? Faut il voir dans ce projet une marque de libéralisme voire d'anglomanie ? Ou au contraire l'anticipation de projets auxquels auraient pensé son frère à Paris ?


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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 22 Juin 2016 20:43 
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Marc Bloch
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J'ai aussi trouve un décret royal d'octobre 1809 prévoyant que la moitié des membres des conseils généraux devaient être nobles :

https://books.google.fr/books?id=nzpDAA ... de&f=false


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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 22 Juin 2016 21:13 
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Marc Bloch
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Et aussi cela

"Enfin, Napoléon s’oppose violemment au rétablissement de la noblesse en Hollande, et, même si cela ne correspond pas aux intentions de Louis, en fait une affaire à la fois d’État et personnelle ; garant de l’égalité civile, l’empereur étend sa conception de l’héritage révolutionnaire à l’Europe et en particulier à un État satellite dirigé par son frère. Lorsque Louis créé une noblesse constitutionnelle à l’imitation de la France, l’expérience fait long feu, notamment à cause de l’opposition de Napoléon, qui y voit des dispositions contraires à la constitution hollandaise."

http://theses.enc.sorbonne.fr/2009/reecht

Comment comprendre tout cela ?


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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 23 Juin 2016 20:24 
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Fustel de Coulanges
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Les premiers coups de semonces tonnèrent au printemps 1807 suite à cette missive de l’ambassadeur Dupont-Chaumont à Talleyrand en date du 8 mars :
« Le Roi […] vient de faire un nouvel essai qui pourrait […] avoir des conséquences fâcheuses; je veux parler du rétablissement de la noblesse dans ses titres. Ces privilèges, sujet autrefois de tant de discordes, couverts par quinze années de révolution, s'ils n'étaient pas entièrement oubliés, la privation en avait du moins grandement affaibli le souvenir. Rétablis, ils vont demander compte des persécutions qu'ils ont éprouvées et se faire justice sur les fonctionnaires et les distinctions nouvelles; et on ne prévoit pas ce qui peut en résulter. Nécessairement, dès le premier jour, la ligne de démarcation se rétablit dans la société. Les humiliations et le mépris, succédant à la persécution qui ne peut plus exister, seront le partage nécessaire des catholiques, du commerce, des gens éclairés, du parti français enfin, dont le ministre de France a été le protecteur et le chef depuis deux siècles. Je ne me permettrai aucune autre réflexion sur ce sujet, dont je dois cependant compte à V. A., parce que je ne puis penser que le Roi ait pu prendre aussi précipitamment une détermination de cette importance contres le intérêts de la France sans l'avoir concertée avec S. M. I. ; et, dans ce cas, devant entièrement changer de marche, il est important, Monseigneur, que vous me donniez des instructions auxquelles je me conformerai. »


La dépêche fut logiquement transmise à l’Empereur qui écrivit à Louis le 30 du même mois :
« Mon frère, j'apprends une nouvelle à laquelle je refuse d'ajouter foi, tant elle me paraît extraordinaire. On m'assure que vous avez dans vos États rétabli la noblesse dans ses titres et ses privilèges. Comment serait-il possible que vous ayez eu assez peu de discernement pour ne pas sentir que rien n'était plus funeste à vous, à vos peuples, à la France et à moi ? Prince français, comment auriez-vous pu violer vos premiers serments qui sont de maintenir l'égalité parmi vos peuples ? Je me refuse donc d'ajouter foi à cette nouvelle. »

A l’origine, les passages furent finalement biffés par l’Empereur, on pouvait lire aussi ceci : « Vous avez en vérité perdu la tête. Attendez-vous à tout, si vous ne revenez pas de cette mesure ; vous ne serez plus ni citoyen français, ni prince de mon sang. Comment n'êtes-vous pas assez clairvoyant pour voir que, si c'est comme le plus noble que vous êtes sur le trône de Hollande, vous ne seriez que le dernier ? Était-ce là ce que j'avais le droit d'attendre de vous ? […] Comment ne vous a-t-on pas fait connaître que vous perdiez l'amour des habitants d'Amsterdam et du reste des Hollandais ? Car si une noblesse est soutenable dans un pays militaire, elle est insoutenable dans un pays de commerçants. J'estime mieux le dernier boutiquier d'Amsterdam que le premier noble de Hollande. »



Louis répondit le 12 avril en ces termes :
« On dénature les faits dans les rapports qui parviennent à V. M. Je n'ai point rétabli la noblesse. Il n'y a aucune classe privilégiée, mais il y a quelques familles qui portent les titres de comtes ou de barons, et qui cependant n'ont ni comtés ni baronnies, et j'ai cru ne devoir pas les empêcher de prendre ces titres devant moi, puisque, même dans le fort de la révolution et dans tout le pays, ils se les sont toujours donnés par écrit et en parlant. C'est une chose d'amour-propre, de gloriole, qui attache ces familles à la monarchie, et je dois dire à leur éloge qu'il y a sept mois, quand V. M. désira que je me rendisse à Wesel, je dis hautement que je recevrais indistinctement tous les jeunes gens qui voudraient saisir cette occasion de prouver leur attachement et leur dévouement au nouveau gouvernement de leur pays : j'eus alors les jeunes gens de toutes les familles et pas un de ces patriotes par excellence. Ils n'ont pas fait grand'chose, mais la circonstance était critique. Ce vain nom de baron ou de comte était la seule chose qu'ils puissent regretter, et il se trouve, par le fait, inférieur à celui de chevalier et de commandeur. »


Parallèlement Dupont-Chaumont, à la demande de Talleyrand, complétait ses informations (14 avril) :
« Il n'y a eu, à cette époque, qu'un ordre verbal de la part de S. M. à ses chambellans, de donner les titres aux personnes que l'opinion désignait en avoir joui avant l'abolition de la noblesse, lorsqu'on ferait des invitations, et lorsqu'on écrirait, en engageant à reprendre les anciennes armes sur les voitures. Depuis, quelques nominations de ministres à l'étranger, et dont j'ai rendu compte, ont été faites, les titres de baron et de comte ont été portés dans les lettres de créance; les nominations ont été publiées dans les journaux. Un incident qui n'avait nullement été calculé de ma part, a jeté un peu d'étonnement sur ces innovations. Précisément la veille du jour où toute la ville a été inondée de cartes de visites faites plus pour annoncer la régénération, que pour une politesse qui était sans motif, j'avais refusé ma signature à un acte public qui m'était présenté par un particulier qui faisait l'essai du projet, en observant que je ne connaissais d'autres titres en Hollande que ceux que donnait l’ordre nouvellement institué par le Roi, et j'étais tellement persuadé que telle était l'intention de S. M., que souvent dans ma conversation avec elle, lui parlant de ce que j e m'étais aperçu qu'on voulait l'amener à cette innovation, elle avait daigné me répondre que pouvant elle-même faire une noblesse elle ne ferait pas la faute de laisser reparaître l'ancienne.
Comme me le prescrit V. A., j'ai vu le Roi ; […] j' ai dit après, que l'Empereur avait vu avec peine le rétablissement des titres de l'ancienne noblesse; j’y ai ajouté les réflexions contenues dans mes lettres du 8 mars à V. A. J'ai eu occasion de faire sentir à S. M. le mauvais effet qu'on en éprouvait déjà, et j’ai conclu en disant que l'Empereur, dans la persuasion où il était qu'il y avait eu des actes publics pour le rétablissement des titres, désirait que ces actes fussent retirés, mais que S. M. I. apprendrait avec plaisir que la chose n'ayant pas eu une grande publicité, il avait suffi d'expédier de nouvelles lettres de créance à quelques ministres plénipotentiaires et de laisser pour le compte des subalternes les cartes et les suscriptions de lettres dans la résidence.
Le Roi m'a répondu […] que, quant à la noblesse, le Stathouder en avait une ; que le Roi de Naples avait conservé la sienne ; qu'il avait bien le droit de rétablir en Hollande des titres qui avaient existé autrefois; qu'ils n'entraînaient aucun privilège; qu'au reste s'il avait cru que l'Empereur y eût attaché cette importance, il n'aurait pas manqué de l'en prévenir, mais que la chose faite, il ne pouvait en revenir. »


Le 1er mai, Napoléon revint alors à la charge :
« Votre chancellerie donne à la noblesse ses anciens titres ; vos chambellans, dans les invitations qu'ils font pour le palais, donnent à la noblesse ses anciens titres ; mon intention est que vous donniez sur-le-champ l'ordre à vos chambellans de ne donner aucune espèce de titres. La révolution s'est faite en Hollande par la France : elle n'a été rendue à l'indépendance qu'à condition que le système d'égalité serait maintenu.
En conséquence je désire que vous fassiez expédier de nouvelles lettres de créance aux ministres auxquels vous avez donné des titres. Ce que je vous mande là, je l'ai juré. Je ne veux pas voir reparaître les anciens titres ; cela nuit par analogie à mon système en France. J'espère que vous ne voudrez pas me mécontenter dans un objet si important. »

Tout comme la lettre du 30 mars, la fin de la missive fut biffée et réécrite. A l’origine, on pouvait lire ceci :
« Faites connaître en Hollande qu'il n'y a pas de protection à espérer de moi, si cet ordre de choses n'est point rapporté. J'aimerais autant voir la Hollande entre les mains de l'Angleterre et le duc d'York roi de Hollande ; ce serait moins contraire à ma politique intérieure que de voir les Hollandais sortir de leur système d'égalité et prendre ainsi à grands pas une direction si opposée. Vous avez de bien mauvais et de bien perfides conseillers. Au reste, si vous faites cas de mon amitié, elle est à ce prix. C'est la dernière lettre que vous recevrez de moi, si vous ne revenez pas sur cette funeste résolution. J'ai été votre père, je vous ai élevé, je vous ai fait roi, je vous maudirais, car vous seriez mon plus grand ennemi et rien n'aurait fait plus de tort à mon système intérieur. Ce que vous me dites du roi de Naples n'a pas de sens. Ce prince n'a rien fait que par mes avis. C'est par mon conseil qu'il a conservé la noblesse. Y a-t-il quelque chose de commun entre ses États et les vôtres ? C'est comme si vous disiez que la Bavière a conservé la noblesse. Quoique je sois accoutumé à vos mauvais procédés et à de grandes protestations de votre part toujours suivies d'effets contraires, j'attendrai votre réponse pour savoir si je suis ami ou ennemi de la Hollande. Puisque je ne puis agir comme frère, il faut que j'agisse comme souverain, garant des stipulations de la Hollande. »


L’affaire en resta là. Les nouvelles du 8 mars avait passablement échaudé Napoléon, mais finalement, après plus amples renseignements, les griefs n’étaient pas si importants que l’on n’avait dans un premier temps cru.
Ainsi, l’Empereur, le 7 septembre 1807, rappelait ce qu’il en avait été à Champagny :
« Vous […] répondrez [à Dupont-Chaumont] qu'une seule dépêche avait insinué que le Roi avait rétabli les titres de la féodalité; cette dépêche, conçue en termes généraux, avait paru fort extraordinaire, mais que, depuis, ce qu'elle annonçait ne s'était pas trouvé exact et s'était réduit à la permission donnée par le Roi à ses chambellans de rappeler d'anciens titres dans leurs invitations pour le palais, démarche que l'Empereur a blâmée, mais qui enfin était d'une nature différente que celle indiquée dans la lettre de l'ambassadeur »





Le rétablissement s’opéra en 1809.
Ainsi, le 10 octobre, on pouvait lire dans les colonnes du Journal de l’Empire :
« Un décret royal contient les dispositions organiques suivantes pour la mise à exécution de la loi du 2 mai sur la noblesse constitutionnelle :
« La noblesse constitutionnelle du royaume de Hollande devant se composer de l'ancienne noblesse du pays et de ceux à qui nous accorderons la noblesse par des lettres patentes, on comprendra dans l'ancienne noblesse toutes les familles faisant partie des anciens corps de nobles dans les provinces où il y en avait, et celles généralement considérées comme nobles dans les provinces où il n'y avait point de corporations nobles. Ces familles, après avoir adressé leurs demandes au département désigné par nous à cet effet, recevront des lettres de confirmation. Nous nous réservons de donner des lettres de confirmation à ceux qui, avant les derniers 25 ans, ont reçu des souverains étrangers des titres de noblesse. Désormais personne ne pourra recevoir des titres semblables, et nous ne reconnaîtrons pour nobles que les membres de la noblesse constitutionnelle. Tous les nobles sont égaux entr'eux, à l'exception des comtes et barons. Les nobles ont le droit de chasse dans leur département; les comtes et barons l'ont dans tout le royaume. Ils ne peuvent être placés dans la garde nationale que comme officiers. Dans les conseils départementaux, il y aura au moins une moitié de nobles. Dans toutes les solennités, soit à notre cour, soit ailleurs, les nobles occuperont une place à part. Dans les corps et ministères, les membres nobles auront la préséance sur les membres non nobles du même rang. Nous fixerons le costume que la noblesse devra porter. Tous les individus mâles de la noblesse, à l'époque de leur majorité, nous prêteront un serment dont voici la formule:
« Je jure fidélité au roi et obéissance aux constitutions et lois, particulièrement aux statuts fondamentaux de la noblesse.
Je promets et jure de me comporter, envers le roi et ma patrie, en fidèle sujet et loyal gentilhomme; de contribuer de tout mon pouvoir à tout ce qui peut augmenter la prospérité du royaume et la splendeur de la couronne ; de m'opposer à toute tentative contre la personne et le gouvernement du roi ; enfin, d'inculquer et d inspirer à mes enfants ces mêmes sentiments de fidélité et d’obéissance. »

La colère impériale éclata le 22 du même mois :
« J’ai garanti votre constitution. Votre dernier décret en viole les bases, s’il est tel que je l’ai lu dans les journaux. Dans ce cas, mon intention formelle est que vous révoquiez ce décret ; sans quoi je ferai un statut constitutionnel hollandais qui déclarera que la noblesse ne peut donner aucun rang de prééminence dans les assemblées et dans les tribunaux. L’égalité des citoyens est la base de la constitution que vous avez jurée en montant sur le trône et que j’ai garantie. Je ne puis approuver davantage le droit exclusif de la chasse. Ce droit appartient à tout citoyen sur ses propriétés, lorsqu’il se conforme aux règlements de police. Révoquez ces mesures ou donnez-leur une interprétation telle que la constitution n’en soit pas violée ; ou je ferai connaître que ma garantie n’est pas vaine. Je dirai plus : je vous avais prié de ne point aborder cette question, parce que cela compromettrait les affaires de France et d’Italie. La Hollande, comme le France et l’Italie, a été en révolution. On suppose en Europe que cela vient de moi, car qui peut croire que vous puissiez prendre une mesure si grave sans vous en entendre avec moi. Ce que vous faites est l’opposé de mon système et de ce qui se fait en France. Vous me nuisez plus par ces mesures intempestives que vous ne m’aidez et ne pouvez m’être utile. »

Comme le torchon n’en finissait pas de brûler entre les deux frères, Louis se rendit à Paris fin novembre et écrivit ces mots le 17 décembre :
« Sire, je supplie V.M.I. de daigner oublier toutes les fautes qu’on a commises en Hollande et de recevoir la promesse que, si elle veut faire un autre essai, elle n’aura pas à s’en repentir. Je lui promets […] de faire en sorte que les sujets de griefs que V.M. peut avoir contre ce pays et contre moi ne se renouvelleront plus. »

Napoléon répondit en ces termes quatre jours plus tard :
« V. M. m'écrit, dans sa lettre du 17, […] qu'elle rétablira les principes de la constitution en ne donnant aucun privilège à la noblesse […]. Mon opinion est que V. M. prend des engagements qu'elle ne peut pas tenir, et que la réunion de la Hollande à la France n'est que différée. J'avoue que je n'ai pas plus d'intérêt à réunir à la France les pays de la rive droite du Rhin que je n'en ai à y réunir le grand duché de Berg et les villes hanséatiques. Je puis donc laisser à la Hollande la rive droite du Rhin, et je lèverai les prohibitions ordonnées à mes douanes, toutes les fois que les traités existants, et qui seront renouvelés, seront exécutés.
Voici mes intentions :
[…]
5° Destruction de tous les faux privilèges de la noblesse, contraires à la constitution que j'ai donnée et que j'ai garantie. »


Louis se soumit et la loi instituant la noblesse constitutionnelle en Hollande fut abrogée le 13 février 1810.

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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 23 Juin 2016 22:25 
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Le ridicule de tout cela ! 8-|

Napoléon a écrit :
La révolution s'est faite en Hollande par la France : elle n'a été rendue à l'indépendance qu'à condition que le système d'égalité serait maintenu.

La Hollande rendue à l'indépendance ? Mais il y a placé son petit frère en tant que roi ! 8-|

("J'ai été votre père" : il l'a hébergé à Auxonne et lui faisait faire ses devoirs, pour donner une image de la chose.)

Et voila que le petit frère, qui se prend pour un roi, puisqu'il est nommé pour tel, accepte tout naturellement de donner aux nobles leurs titres de noblesse : C'est ce que font les rois, non ? Tiens à Naples on a bien conservé la noblesse !

Son grand frère ne comprend pas cette idée bizarre, se renseigne, met du temps à constater que c'est bien ce qui se passe : le rétablissement de la noblesse dans une partie de ses privilèges ! (le droit de chasse ? On croit rêver !) Grosse colère de Napoléon. Louis se précipite à Paris pour promettre qu'il ne le fera plus.

Et donc finalement re-supression de la noblesse et retour à la constitution antérieure, celle qui est égalitaire mais avec un roi Bonaparte au sommet. :rool:

On se demande ce que pouvaient éprouver les Hollandais - qui ne formaient pas le peuple le plus stupide qui soit en termes d'institutions - devant cette comédie de boulevard !

1809 c'est l'année d'Essling et Wagram, on se bat en Espagne... mais Napoléon doit perdre un temps fou à surveiller et faire la leçon au "roi de Hollande". ( Et à ceux de Naples, et d'Espagne, et de Westphalie... ?)

Napoléon a dit plus tard quelque chose dans ce genre : "A partir de 1810 je sentais que les choses m'échappaient petit à petit, et je ne pouvais rien y faire." Hé bien oui, avec un système pareil : le blocus continental, les trônes distribués à sa famille sans aucune considération de compétence, et toute l'Europe où l'hostilité ne désarme pas...

Lucien, le meilleur esprit politique de la bande, a quitté depuis longtemps cette histoire de fou et s'est installé sagement dans les Etats pontificaux, à l'ombre séculaire du pape.

Dans cette famille, la seule satisfaction indiscutable est Eugène de Beauharnais, qui fait montre d'un talent militaire sans faille.

Cyril, je blague, mais je ne peut évoquer tout cela sans penser à vos récentes citations de De Gaulle sur Napoléon, oscillant entre l'admiration pour son génie et le triste constat du résultat final.

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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 29 Juin 2016 23:35 
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Jean Mabillon
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Pierma a écrit :
Le ridicule de tout cela ! 8-|

al.


Non cher Pierma. Ce n'est pas ridicule. Louis n'a pas compris deux points importants.

D'une part, Louis est bien gentil MAIS il n'est pas un vrai Roi héritant du trône de son père...il est un dignitaire de la grande fédération européenne mise en place par son frère. Il n'a pas à faire preuve d'originalité ni d'imagination. Sa seule légitimité, sa seule mission est de diriger son royaume comme une quasi province du Grand Empire. Qu'il ne l'ait pas compris est assez inquiétant sur sa lucidité et son intelligence ...

Il y a une lettre de l'empereur à Joseph où il dit explicitement vous n'avez pas été appelé au trône par les napolitains mais par 20 000 soldats français ...

D'autre part la question nobiliaire est essentielle pour comprendre la nature de la structure politique de l'Etat (français ou hollandais) en gestation. Veut on une société strictement égalitaire ? Accepte t on des distinctions ? Mais alors lesquelles : le choix du monarque, l'heredite, l'argent ... Il y a là un débat complexe mais tout à fait légitime. Il s'agit de dégager une troisième voie entre l'archaïsme féodal et l'individualisme absolu des années 1790...avec cette nuance que la Hollande d'avant 1790 était nettement moins archaïque et donc plus égalitaire que l'ancien régime français ...d'où la fureur de Napoléon contre des réformes qui conduisent la Hollande à une situation sociale quasi féodale qu'elle n'a plus connue depuis des siècles ...


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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 30 Juin 2016 14:26 
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Fustel de Coulanges
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Aigle a écrit :
Il y a une lettre de l'empereur à Joseph où il dit explicitement vous n'avez pas été appelé au trône par les napolitains mais par 20 000 soldats français ...


Les deux situations ont pu apparaître quelque peu différentes.

Le décret du 30 mars 1806 disait ceci :
« Les intérêts de notre peuple, l'honneur de notre couronne, et la tranquillité du continent de l'Europe, voulant que nous assurions d'une manière stable et définitive le sort des peuples de Naples et de Sicile , tombés en notre pouvoir par le droit de conquête, et faisant d'ailleurs partie du grand Empire, Nous avons déclaré et déclarons, par les présentes, reconnaître pour Roi de Naples et de Sicile, notre frère bien-aimé Joseph-Napoléon »

Alors que le traité de Paris du 24 mai de la même année annonçait :
« Art. 1er. Sa Majesté l'Empereur des Français, Roi d'Italie, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs à perpétuité, garantit à la Hollande le maintien de ses droits constitutionnels, son indépendance, l'intégrité de ses possessions dans les deux mondes, sa liberté politique, civile et religieuse, telle qu'elle est consacrée par les lois actuellement établies, et l'abolition de tout privilège en matière d'impôt.
Art. 2. Sur la demande formelle faite par leurs Hautes Puissances représentant la République Batave, que le Prince Louis Napoléon soit nommé et couronné Roi héréditaire et constitutionnel de la Hollande, S. M. défère à ce voeu et autorise le Prince Louis Napoléon à accepter la Couronne de Hollande, pour être possédée par lui et sa descendance naturelle, légitime et masculine, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.
En conséquence de cette autorisation, le Prince Louis Napoléon possédera cette couronne sous le titre de Roi, et avec tout le pouvoir et toute l'autorité qui seront déterminés par les lois constitutionnelles que l'Empereur Napoléon a garanties dans l'article précédent.
Néanmoins, il est statué que les Couronnes de France et de Hollande ne pourront jamais être réunies sur la même tête. »

Louis, s'il a pu nourrir quelque espoir, a du par la suite déchanter.
On peut à ce sujet se référer à la lettre écrite par Napoléon à son frère le 22 octobre 1809 :
« En vous nommant roi de Hollande, j’ai cru nommer un prince français qui se servirait de tous les moyens de la Hollande pour aider la cause commune »


Mots que l'on retrouve dans la missive du 21 décembre :
"J'espérais donc qu'en plaçant sur le trône de Hollande un prince de mon sang, j'avais trouvé le mezzo termine qui conciliait les intérêts des deux États et les réunissait dans un intérêt commun […] mes espérances ont été trompées. V. M., en montant sur le trône de Hollande, a oublié qu'elle était française, et a même tendu tous les ressorts de sa raison, tourmenté la délicatesse de sa conscience, pour se persuader qu'elle était hollandaise."

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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 02 Juil 2016 18:08 
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Marc Bloch
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Je remercie Cyril et aigle de leurs réponses qui conduisent à un autre débat. Que voulait faire Napoleon en Hollande ? Quelle était l'autonomie effective du Roi ? Et enfin dans ce contexte quel sens avait la création d'une noblesse : main tendue aux notables conservateurs ? Volonté éd. Rompre avec les Républicains ? C'est ce que semblait penser Napoleon !


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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 02 Juil 2016 18:44 
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Napoléon, sans évidemment être républicain, s'estime le continuateur de la révolution et - malgré quelques créations contraires, telle que la noblesse d'empire - considère avec sérieux l'attachement des Français à la notion d'égalité.

On peut sans doute estimer qu'il considérait les Hollandais, pratiquant de longue date une forme de démocratie - même si elle n'est que théorique pour la désignation du Stathouder - comme aussi avancés politiquement que les Français. C'est en tous cas le sens de la constitution qu'il leur octroie. En somme, pour cette raison, la Hollande est à ses yeux une alliée naturelle de la France.

Le jeu de Louis rétablissant des privilèges nobiliaires contredit violemment cette bonne entente "naturelle" et Napoléon peut craindre que les Hollandais ne le prennent très mal. Et c'est de toute façon contraire à ses principes.

Napoléon croit tellement à cette communauté d'esprit entre Français et Hollandais, qu'il choisira tout simplement l'annexion de la Hollande à l'Empire (en 1810) pour écarter Louis. (C'est encore une faute politique, bien propre à enrager l'Angleterre et à provoquer une certaine inquiétude en Europe : va-t-on revoir un empire à 132 départements ?) Avec le bon souvenir laissé par Louis en Hollande, il aurait été très politique de laisser la Hollande se choisir un stathouder, le risque d'opposition ouverte contre la France étant infime.

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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 02 Juil 2016 19:41 
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Philippe de Commines
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Pierma a écrit :
Napoléon, sans évidemment être républicain, s'estime le continuateur de la révolution et - malgré quelques créations contraires, telle que la noblesse d'empire - considère avec sérieux l'attachement des Français à la notion d'égalité.

On peut sans doute estimer qu'il considérait les Hollandais, pratiquant de longue date une forme de démocratie - même si elle n'est que théorique pour la désignation du Stathouder - comme aussi avancés politiquement que les Français. C'est en tous cas le sens de la constitution qu'il leur octroie. En somme, pour cette raison, la Hollande est à ses yeux une alliée naturelle de la France.

Le jeu de Louis rétablissant des privilèges nobiliaires contredit violemment cette bonne entente "naturelle" et Napoléon peut craindre que les Hollandais ne le prennent très mal. Et c'est de toute façon contraire à ses principes.

Napoléon croit tellement à cette communauté d'esprit entre Français et Hollandais, qu'il choisira tout simplement l'annexion de la Hollande à l'Empire (en 1810) pour écarter Louis. (C'est encore une faute politique, bien propre à enrager l'Angleterre et à provoquer une certaine inquiétude en Europe : va-t-on revoir un empire à 132 départements ?) Avec le bon souvenir laissé par Louis en Hollande, il aurait été très politique de laisser la Hollande se choisir un stathouder, le risque d'opposition ouverte contre la France étant infime.


Oui, Pierma, et d'autant plus qu' on a juste tourné la "Republique batave" en royaume...
Ce n'est que "wiki", mais je n'ai pas d'autres sources pour le moment...
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_batave
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_batave
https://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_de_Hollande

J'ai lu en néerlandais un livre de presque mille pages: "De Patriotten"...enfin pour être honnête seulement les parties relevantes et celles qui m'intéressent... :wink:

Et j'ai visité il ya quelques semaines Amsterdam et dans le musée de l'histoire d'Amsterdam ils semblent avoir une bonne mémoire concernant Louis...

Cordialement, Paul.


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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 03 Juil 2016 12:05 
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Fustel de Coulanges
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Jerôme a écrit :
Que voulait faire Napoleon en Hollande ? Quelle était l'autonomie effective du Roi ?



Depuis la Révolution, la Hollande était sous domination française. Bonaparte, arrivé au pouvoir, conscient de la position stratégique de la Hollande, poursuivit logiquement cette politique en allant (le contexte de guerre aidant) chaque fois plus loin.
Face à la commission du gouvernement batave, reçue à Bruxelles, le 23 juillet 1803, les mots avaient été fermes :
« Vous devez abandonner une conduite équivoque. Vous n'avez pas d'indépendance politique si longtemps que je posséderai la Belgique: vous pouvez prétendre une indépendance civile, municipale, commerciale, mais le reste est une chimère.
[…]
Vous devez considérer votre constitution, votre état, comme un état commerçant, municipal: votre sort si intimement lié à celui de la France comme un satellite l'est à sa planète, comme une comète que le tourbillon de la France entraîne. Si la France est heureuse vous le serez. Si elle est malheureuse vous serez écrasés, anéantis.
[…]
La France a conquis une fois la Batavie, cela ne lui coûterait rien de le faire une seconde fois, je sais bien que cela ferait crier une couple de mois l'Europe, mais je la laisserais crier et on n'y penserait plus. »


Face à ses déceptions vis-à-vis de la manière dont le pays était dirigé, Napoléon opta donc en 1806 pour une solution plus radicale. Il annonça à demi-mots la couleur dans son message au Sénat du 12 janvier :
« Nous nous réservons, d'ailleurs, de faire connaître par des dispositions ultérieures les liaisons que nous entendons qui existent après nous entre tous les Etats fédératifs de l'Empire français. Les différentes parties indépendantes entre elles, ayant un intérêt commun, doivent avoir un lien commun. »

Le 27 janvier suivant, sa lettre à Joseph était plus claire :
« Je vous ai, je crois, déjà dit que mon intention est de mettre le royaume de Naples dans ma famille. Ce sera, ainsi que l'Italie, la Suisse, la Hollande et les trois royaumes d'Allemagne, mes États fédératifs, ou véritablement l'Empire français. »

Le 14 mars, la décision était bien assise :
« Monsieur Talleyrand, j’ai vu ce soir M. Verhuell [représentant de la République batave en France]. Voici en deux mots à quoi j’ai réduit la question : la. Hollande est sans pouvoir exécutif; il lui en faut un; je lui donnerai le prince Louis.
[…]
C’est une affaire à. laquelle je suis décidé; cela ou bien la réunion. »

Trois jours plus tard, Talleyrand écrivait à Schimmelpenninck :
« [M. l’amiral Verhuell] conférera avec vous sur ce qu'il importe de faire pour donner à vos institutions l'assiette, la sûreté et la stabilité qui leur manquent. L'Empereur ne peut considérer une position de l'Europe quelle qu'elle soit, et surtout un état qu'il est dans le devoir de sa dignité et dans les intérêts de sa couronne de protéger, que dans ses rapports avec l'ensemble.
On ne peut se dissimuler que la Hollande, soit qu'on l'examine dans ses relations avec les puissances du continent qui sont en état de paix, soit qu'on l'examine dans ses rapports avec celles qui sont en guerre avec la France, n'a ni une existence déterminée, ni une position précise qu'on puisse apprécier et dont il soit possible de se faire un juste idée. Cette manière d'être n'est pas avantageuse, et à la longue, quelqu'estimable que soit le caractère de la nation et quelque personnellement recommandable que soit son premier magistrat, elle cesse d'être honorable et doit entraîner la décadence de tout.
[…]
[M. l’amiral Verhuell] a de la pénétration, du jugement et de la franchise. Ces mêmes qualités, vous les avez à un degré éminent ; il est impossible que, rapprochés par une telle analogie, vous ne sentiez tons les deux à quel point les circonstances sont impérieuses et pressantes, et que vous ne vous accordiez à mettre l'Empereur à portée d'assurer sans obstacle et sans délai le salut et la prospérité de votre patrie. »


Le 26 mai, la République batave était finalement transformée en un royaume à la tête duquel Napoléon plaçait un frère susceptible de répondre bien plus docilement à ses orientations que n’avait pu le faire la défunte république-sœur.
Les souhaits impériaux ayant été encore déçus face à la politique menée par un monarque considéré comme un vassal, on en vint, quatre ans plus tard, à la deuxième option déclarée dans la missive du 14 mars : l’annexion.



Jerôme a écrit :
dans ce contexte quel sens avait la création d'une noblesse : main tendue aux notables conservateurs ? Volonté éd. Rompre avec les Républicains ? C'est ce que semblait penser Napoleon !




Le retour en grâce des nobles (comme van Heeckeren, van Zuylen van Nyevlet, Bloys van Treslong, Twent van Kortenbosch, Tuyll van Serooskerten, van Bylandt) à la cour de Louis n’est peut-être pas étranger à cette orientation.
Napoléon ne s’est d’ailleurs pas gardé de critiquer la composition de l’entourage du roi (l’affaire des fausses nouvelles sur le rétablissement des privilèges de la noblesse venait de se terminer) :
« Je ne suis pas surpris que les partis s'agitent en Hollande; je n'ai cessé de vous le répéter : vous vous entourez mal ; vous n'êtes pas entre les mains de vos véritables amis. Vous croyez avoir rempli les devoirs d'un roi quand vous avez satisfait au penchant de votre bon cœur. Vous connaissez bien peu les hommes. Je n'ai cessé de vous le répéter : vos vrais amis en Hollande sont les catholiques; après eux, les hommes qu'on appelle les jacobins, c'est-à-dire les hommes qui ont le plus à craindre du retour de l'ancienne dynastie. Enfin vous vous jetez trop à corps perdu dans le parti de la maison d'Orange, et vous avez laissé des doutes sur le principe fondamental de votre couronne, qui est l'égalité de toutes les classes. »
(Napoléon à Louis, 19 avril 1807)


Trois ans plus tard (15 février 1810), l’ambassadeur La Rochefoucauld dépeignait ainsi le gouvernement hollandais :
« Il existe ici trois opinions plus ou moins opposées les unes aux autres. Celle du commerce, des gens à argent qui n'admettent et qui n'aiment que ce qui leur procure un avantage; celle des propriétaires fonciers, de l'ancienne noblesse et de leurs agents, qui furent attachés à la maison d'Orange, qui en conservent des souvenirs, qui jusqu'à présent penchaient pour l'Angleterre, en éloignant tout ce qui était Français, mais que l’on peut faire revenir à des sentiments plus raisonnables avec de la douceur et avec de la fermeté; enfin, celle des patriciens et de la masse du public qui suit ordinairement la direction du gouvernement et dont l'on peut facilement disposer en se rendant maître de leurs chefs.
Le gouvernement est composé de la seconde classe, d'une partie de la troisième et de quelques individus de la première qui, pour obtenir des avantages personnels, ont quitté la droite ligne du commerce pour devenir courtisans. Cette seconde classe s'était tellement emparée de l'esprit du Roi que S. M. croyait en avoir besoin et qu'ils avaient su se rendre indispensables. Ils avaient travaillé l'esprit public, et soit par séduction, soit par peur ou par désir d'obtenir des emplois, soit enfin par des grâces, des décorations, ils étaient parvenus à rendre la Hollande anti-française. »

Et poursuivait en émettant quelques conseils sur la future marche à suivre :
« La noblesse bien traitée, favorisée de quelques ordres et titres, employée selon les preuves qu'elle donnera de son zèle et de son attachement à la nouvelle direction, se verra forcée, pour obtenir des avantages de la cour, de prêcher la seule doctrine qui y sera admise. »

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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 03 Juil 2016 14:42 
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Grégoire de Tours
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Pierma a écrit :
Napoléon, sans évidemment être républicain, s'estime le continuateur de la révolution et - malgré quelques créations contraires, telle que la noblesse d'empire - considère avec sérieux l'attachement des Français à la notion d'égalité.

Je relisais Tulard et comme vous l'exprimez, le début de la fin commence avec la noblesse d'Empire. Citer serait trop long mais c'est très bien explicité. D'abord, c'est "foireux" et "foiré" et la notion d'égalité... n'était plus qu'une notion. Avait-elle été autre chose d'ailleurs pour la majorité ?
La Hollande est une annexion d'autant plus intéressante qu'elle est incontournable pour les Anglais. On peut peut-être accorder à Louis -pour différentes raisons, peut-être même très personnelles- d'avoir vraiment voulu être "un bon roi" et faire une sorte de C/C français du moment. Ce qui montre combien était ridicule le modèle napoléonien d'une cour et d'une noblesse ne rimant à rien : moquée des anciens, rassasiant les nouveaux, gênant certains...
Je ne pense pas que Napoléon croyait en une communauté d'esprit : l'esprit ne communie pas -lorsqu'il est entravé- avec celui qui porte ses liens.
L'annexion fut une faute politique mais les dés semblaient déjà jetés et les Anglais toujours zen. En 1810, ils savaient certainement que tout ceci sentait la fin. Ayant rejeté toute médiation d'Alexandre Ier, ils en avaient donc encore sous le pied. "l'enragement" est tout sauf "anglais", il nous est familier et comme nous avons tendance à vouloir que les autres nous ressemblent, nous les ramenons à nos sentiments. C'est un tort. La même chose sera faite avec la Prusse un peu plus tard.
Citer :
Avec le bon souvenir laissé par Louis en Hollande, il aurait été très politique de laisser la Hollande se choisir un stathouder, le risque d'opposition ouverte contre la France étant infime.

C'est avoir une étrange vision de la liberté. Sans doute la nôtre, pas celle des Hollandais et N. ne s'y est pas trompé, mais Drouet doit avoir quelques perles pour mieux nous orienter.
;)

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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 03 Juil 2016 16:11 
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ezio-auditore a écrit :
L'annexion fut une faute politique mais les dés semblaient déjà jetés et les Anglais toujours zen. En 1810, ils savaient certainement que tout ceci sentait la fin. Ayant rejeté toute médiation d'Alexandre Ier, ils en avaient donc encore sous le pied.

Mouais... pour les Anglais c'est en 1811, sauf erreur, qu'ils ont connu les plus grandes difficultés économiques, avec des licenciements massifs dans les ateliers, et des manifestations populaires durement réprimées.

Drouet Cyril me corrigera si c'est faux. :?:

Cette politique du blocus continental, que je trouve folle - surtout quand elle conduit les gendarmes à fracturer la porte de Pie VII pour le mettre en résidence surveillée - ne l'était donc pas tant que cela. (Encore faudrait-il peser le rôle qu'elle a joué dans l'attaque contre la Russie. Il y a un sujet sur Napoléon et Alexandre, mais je ne l'ai pas retrouvé.)

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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 03 Juil 2016 17:49 
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Fustel de Coulanges
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ezio-auditore a écrit :
On peut peut-être accorder à Louis -pour différentes raisons, peut-être même très personnelles- d'avoir vraiment voulu être "un bon roi" et faire une sorte de C/C français du moment. Ce qui montre combien était ridicule le modèle napoléonien d'une cour et d'une noblesse ne rimant à rien


Il convient de rappeler ce qu’on pouvait lire dans les colonnes du Journal de l’Empire sur le décret royal relatif à la noblesse constitutionnel du royaume de Hollande :
« Tous les nobles sont égaux entr'eux, à l'exception des comtes et barons. Les nobles ont le droit de chasse dans leur département; les comtes et barons l'ont dans tout le royaume. Ils ne peuvent être placés dans la garde nationale que comme officiers. Dans les conseils départementaux, il y aura au moins une moitié de nobles. Dans toutes les solennités, soit à notre cour, soit ailleurs, les nobles occuperont une place à part. Dans les corps et ministères, les membres nobles auront la préséance sur les membres non nobles du même rang. »

Il ne s’agit pas d’un « copier/coller » de ce qui se passait alors en France.


ezio-auditore a écrit :
Citer :
Avec le bon souvenir laissé par Louis en Hollande, il aurait été très politique de laisser la Hollande se choisir un stathouder, le risque d'opposition ouverte contre la France étant infime.

C'est avoir une étrange vision de la liberté. Sans doute la nôtre, pas celle des Hollandais et N. ne s'y est pas trompé


Ce qui importait ici (et ce au mépris du traité franco-batave de 1806 et de la constitution du royaume de Hollande) était la volonté de l’Empereur.

Louis abdiqua en ces termes :
« Nous avons résolu, comme nous résolvons par le présent acte, d'abdiquer, comme nous abdiquons en cet instant, le rang et la dignité royale de ce royaume de Hollande en faveur de notre bien-aimé fils Napoléon-Louis, et, à son défaut, en faveur de son frère Charles-Louis-Napoléon. Nous voulons en outre que, conformément à la constitution, sous la garantie de S. M. l'empereur notre frère, la régence demeure à S. M. la reine assistée d'un conseil de régence, qui sera composé provisoirement de nos ministres, auxquels nous confions la garde du roi mineur jusqu'à l'arrivée de S. M. la reine. »

L’abdication de Louis fut balayée par Champagny :
« Sire, j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de V. M. un acte du roi de Hollande, en date du trois de ce mois, par lequel ce monarque déclare qu'il abdique la couronne en faveur de son fils aîné, laisse, conformément à la constitution, la régence à la reine, et établit un conseil de régence composé de ses ministres.
Un pareil acte, Sire, n'aurait dû paraître qu'après avoir été concerté avec V. M. ; il ne peut avoir de force sans son approbation. V. M. doit-elle confirmer la disposition prise par le roi de Hollande ?
La réunion de la Belgique à la France a détruit l'indépendance de la Hollande ; son système est devenu nécessairement celui de la France; elle est obligée de prendre part à toutes les guerres maritimes qu'a la France, comme si elle était une de ses provinces. Depuis la création de l'arsenal de l'Escaut et la réunion à la France des provinces qui composent les départements des Bouches-du-Rhin et des Bouches-de-l'Escaut, l'existence commerciale de la Hollande est devenue incertaine. Les négociants d'Anvers, de Gand, de Middelbourg, qui peuvent sans entraves étendre leurs spéculations jusqu'aux extrémités de l'Empire dont ils font partie, doivent nécessairement faire le commerce que faisait la Hollande. Déjà Rotterdam et Dordrecht sont à la veille de leur ruine, ces villes perdant le commerce du Rhin qui va directement, par la nouvelle frontière, dans les ports de l'Escaut en traversant le Biesboch. La partie de la Hollande encore étrangère à l'Empire est privée des avantages dont jouit la partie qui y est réunie. Obligée cependant de faire cause commune avec la France, la Hollande supportera les charges de cette association sans en recueillir les bienfaits.
La Hollande est accablée sous le poids de sa dette publique, qui s'élève de 85 à 90 millions, c'est-à-dire à un quart de plus que la dette de tout l'empire réuni ; et, si on projetait une réduction par le gouvernement du pays, il ne serait pas en son pouvoir de donner une garantie de l'inviolabilité de cette disposition et de sa fixité, puisque cette dette, même réduite à 30 millions, serait encore au-dessus des moyens et des forces réelles de ce pays. On estime que la Hollande paye le triple de ce que paye la France. Le peuple gémit sous le poids de vingt-trois espèces de contributions diverses : la nation hollandaise succombe sous ses contributions ; elle ne peut plus les payer.
Et cependant les dépenses nécessaires du gouvernement exigent que le fardeau soit augmenté. Le budget de la marine ne s'est composé en 1809 que de 3 millions de florins, qui ont été à peine suffisants pour solder les administrateurs, les états-majors et le corps de la marine, et entretenir les arsenaux, mais qui n'ont pas permis l'armement d'un seul vaisseau de guerre. Pour satisfaire aux armements qui ont été ordonnés en 1810, et qui sont le minimum de la force morale propre à la défense de la Hollande, il faudra le triple de cette somme. Le budget de la guerre a fourni à peine à l'entretien des forteresses et de seize bataillons ; et, pendant que deux départements de cette importance sont si loin d'avoir ce qui leur est nécessaire pour soutenir l'honneur et la dignité de l'indépendance, l'intérêt de la dette publique a cessé d'être payé : il est arriéré de plus d'un an et demi.
Si, dans un tel état de choses, V. M. maintient les dernières dispositions, en donnant ainsi à la Hollande un gouvernement provisoire, elle ne fait que prolonger sa douloureuse agonie. Si le gouvernement d'un prince dans la force de l'âge a laissé ce pays dans un tel état de souffrance, que pourrait-il espérer d'une longue minorité ? Il ne peut donc être sauvé que par un nouvel ordre de choses. Le temps de la force et de la prospérité de la Hollande a été celui où elle faisait partie de la plus grande monarchie qui fût alors en Europe.
La réunion au grand empire est le seul état stable où la Hollande puisse désormais se reposer de ses souffrances et de ses longues vicissitudes, et retrouver son ancienne prospérité.
Ainsi V. M. doit prononcer cette réunion pour l'intérêt, je dirai, pour le salut de la Hollande ; elle doit s'associer à nos biens, comme elle est associée déjà à nos maux. Mais un autre intérêt indique encore plus impérieusement à V. M. la conduite qu'elle doit tenir.
La Hollande est comme une émanation du territoire de la France, elle est le complément de l'empire : pour posséder le Rhin tout entier, V. M. doit aller jusqu'au Zuyderzée. Alors tous les cours d'eau qui naissent dans la France ou qui baignent la frontière lui appartiendront jusqu'à la mer. Laisser dans des mains étrangères le débouché de nos rivières, c'est, Sire, borner votre puissance à une monarchie mal limitée, au lieu d'élever un trône impérial. Laisser dans des mains étrangères les embouchures du Rhin, de la Meuse et de l'Escaut, c'est leur soumettre votre propre législation ; c'est rendre tributaires du possesseur de ces embouchures le commerce et les manufactures de vos États ; c'est admettre une influence étrangère sur ce qui importe le plus au bonheur de vos sujets. La réunion de la Hollande est encore nécessaire pour compléter le système de l'empire, surtout depuis les ordres du conseil britannique de novembre 1807. Deux fois, depuis cette époque, V. M. a été obligée de fermer ses douanes au commerce hollandais, et, par cette mesure, la Hollande a été isolée de l'empire et du continent. Après la paix de Vienne, V. M. eut la pensée d'exécuter la réunion. Elle en fut détournée par des considérations qui cessent d'exister; elle se contenta à regret du traité du 16 mars, qui a aggravé les maux de la Hollande sans remplir aucune des vues de V. M. Aujourd'hui la barrière qui l'arrêtait s'est levée d'elle-même. V. M. doit à son empire de profiter de cette circonstance qui amène si naturellement la réunion. Il ne peut y en avoir de plus favorable à l'exécution de ses vues.
V. M. a établi à Anvers un puissant arsenal. L'Escaut étonné s'enorgueillit de voir déjà vingt vaisseaux du premier rang portant le pavillon impérial et protégeant ses rives à peine fréquentées autrefois par quelques bâtiments de commerce. Mais les vastes projets de S. M. à cet égard ne peuvent être remplis dans leur totalité que par la réunion de la Hollande; elle est nécessaire au complément d'une si merveilleuse création. Avec l'énergie du gouvernement de V. M., l'année prochaine ne sera pas finie que, par l'emploi des ressources maritimes que fournit la Hollande, une escadre de 40 vaisseaux et un grand nombre de troupes de ligne pourront être réunis sur l'Escaut et au Texel pour disputer les mers au gouvernement britannique et repousser ses tyranniques prétentions.
Ainsi ce n'est pas l'intérêt seul de la France qui exige la réunion ; c'est aussi celui de l'Europe continentale qui demande à la France de réparer les pertes de sa marine pour combattre sur son propre élément l'ennemi de la prospérité de l'Europe, dont il n'a pu étouffer l'industrie, mais dont il gêne les communications par l'excès de ses prétentions et le grand nombre de ses vaisseaux. Enfin la réunion de la Hollande accroît l'empire en resserrant ses frontières qu'elle protège et en augmentant la sécurité de ses arsenaux et de ses chantiers. Elle l'enrichit d'un peuple industrieux, économe, laborieux, qui servira à la fortune publique en travaillant à sa fortune particulière. Il n'en est pas de plus estimable et de plus propre à tirer parti des avantages qu'offrent à l'industrie les lois libérales de votre gouvernement. La France ne peut faire une plus précieuse acquisition.
La réunion de la Hollande à la France est la suite nécessaire de la réunion de la Belgique. Elle complète l'empire de V. M. et l'exécution de son système de guerre, de politique et de commerce. C'est un premier pas, mais un pas nécessaire vers la restauration de sa marine ; enfin c'est le coup le plus sensible que V. M. puisse porter à l'Angleterre.
Quant au jeune prince qui est si cher à V. M., il a déjà ressenti les effets de sa bienveillance particulière. Elle lui a donné le grand-duché de Berg. Il n'a donc besoin d'aucun nouvel établissement. J'ai l'honneur de proposer à V. M. le projet de décret ci-joint. »

Le décret en question était sans équivoque :
« Art. 1er. La Hollande est réunie à l’Empire. »

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 Sujet du message : Re: Noblesse de Hollande
Message Publié : 03 Juil 2016 19:04 
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Je me trompe, ou Louis abdique en faveur d'une régente, la reine Hortense (de Beauharnais) qui refuse de mettre les pieds en Hollande "où il fait trop froid" ?

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