Pierma a écrit :
L'explication est simple : les Prussiens ne se sont pas contentés d'annexer les régions germanophones, leurs militaires voulaient à toute force garder Metz. Moltke estimait que la place-forte de Metz valait 120 000 hommes. (Soit l'effectif qu'il avait dû consacrer au siège de la ville. De fait, les deux guerres suivantes confirmeront ce diagnostic : Pendant la Grande Guerre les Français n'oseront jamais attaquer la région fortifiée de Metz, et pendant la SGM la ville et ses forts donneront du fil à retordre à la 3e armée de Patton.)
C'est la valorisation de la ville et de ses alentours avec les systèmes de fortification les plus perfectionnés de l'époque (Metz étant la clef de voûte de la "Moselstellung", avec ses "Festen", puis plus tard le point d'ancrage de la Région fortifiée éponyme, la plus densément fortifiée de la ligne fortifiée frontalière française) qui lui valent une telle réputation élogieuse, pas tant la nature.
Quand on voit ce qu'elle est devenue aujourd'hui au point de vue des implantations militaires, c'en est presque à pleurer.
Pierma a écrit :
En revanche, pour donner quelque chose à Thiers, Bismarck accepte de détacher Belfort de l'Alsace et de la laisser à la France, mais seulement après avoir consulté ses militaires, qui jugent que la place-forte n'a aucun intérêt stratégique. (Un peu surprenant pour moi qui ai toujours associé la ville à la "trouée de Belfort", mais à bien y réfléchir, les Allemands savaient que jamais ils ne tenteraient une offensive majeure par ce passage.)
Je pense que cela va au-delà du domaine militaire. Les Allemands ont du mal à imposer à la fois des annexions territoriales et des compensations financières élevées. Thiers joue à fond la carte des territoires non-conquis, comme Belfort et le nord de la France, pour limiter les pertes territoriales au maximum.
Les Allemands ont dû penser que Belfort pourrait toujours être débordée par le sud, le long de la frontière suisse (par Montbéliard, ce qui sera une préoccupation française en 1939-1940, et deviendra réalité en 1944 lorsque la Ire Armée française brèchera le dispositif défensif de la 19. Armee allemande par ce couloir), ou plus vraisemblablement par le nord, par les cols vosgiens dont ils tenaient un versant (mais les expériences inversées françaises en 1914-1915 par le Lingekopf et le Hartmannwillerskopf, puis en 1944, par Ronchamps, Champagney et Giromagny, furent des plus décevantes).
Belfort prit rang dans un système défensif cohérent d'ampleur stratégique à partir des années 1870 seulement, et de sa valorisation par Séré de Rivières. Avant, c'était une place capable de fixer et d'interdire dans un rayon limité à la portée des canons de la place. Après, c'est un môle défensif amarré à une ligne pensée, la ligne Belfort-Epinal-Toul-Verdun, et conçu pour interdire bien au-delà de la portée de ses pièces d'artillerie. Il n'est donc pas illogique que Bismarck et Moltke (et tous les autres) n'aient pas anticipé la valeur de la place, qui restait limitée en 1871, bien en-deçà de ce qu'elle sera à partir des années 1880, d'autant plus qu'elle était invaincue et qu'il y avait donc une bonne justification à la laisser française - être grand seigneur sur ce point permettait d'être exigeant sur le chapitre des réparations financières et intraitable sur le rattachement de la majeure partie de l'Alsace, de la Moselle et d'un petit bout de Meurthe.
CNE EMB