Effectivement: des évolutions du Droit / des Droits, des ruptures d'équilibres du Pouvoirs antérieurement constitués et d'émergences de nouvelles "Institutions", le tout sur plusieurs siècles...le tableau est vaste !
Toutefois, en ce qui concernait plus précisément la "conclusion / interrogation" de Camille:
Camille l'uchronique a écrit :
Ce qui semble rejoindre la conclusion à laquelle j'étais arrivée comme quoi le roi en Prusse est souverain sur ses terres prussiennes mais vassal de son suzerain l'empereur pour ses terres d'empire du Brandebourg.
Ce qui complique le tout, c'est que les ducs de Normandie puis comtes d'Anjou étaient dans le même cas avec le roi de France en tant que rois d'Angleterre, mais on ne les a jamais appelés "rois en Angleterre"... question de subtilité langagière permise par le "von" et le "zu" allemands, ou d'évolution du droit en fonction des époques?
Une partie de la réponse peut-être à mon sens trouvée à deux moments historiques précis; moments tous deux relationnés dans la lutte que les Capétiens ont livré aux grands féodaux d'abord, puis à L'Empereur germanique (sans oublier la Papauté) pour l'affirmation de leur suzeraineté et ensuite souveraineté.
La question de l'opposition (et de l'appellation "de" ou "en") du roi d'Angleterre, mais aussi vassal du roi de France (comme vous l'indiquiez, parce que Duc de Normandie et d'Aquitaine...) trouvera son "règlement" féodal avec Philippe Auguste qui usera de la "commise de fief" pour mettre au pas ses vassaux récalcitrants (commise qui pouvait être prononcée par le seigneur, en cas d’abus du vassal lorsque celui-ci, par exemple, n'avait pas fait hommage pour son fief dans les délais coutumiers ou qu'il avait manqué à la fidélité qu'il devait à son seigneur).
Le roi d'Angleterre, Jean Sans Terre (dernier fils d’Henri II de Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine) est donc vassal du roi de France, et lorsque en 1202, Hugues de Lusignan (vassal de Jean Sans Terre) vient se plaindre au roi de France du "vol" de son château et de sa femme, Philippe Auguste saisit cette occasion pour convoquer Jean Sans Terre et lui demander de faire son service de cour. Jean Sans Terre laisse passer toute l'année sans se présenter et Philippe Auguste, ayant le droit (et la plupart des barons) de son côté, prononce donc la "commise des terres" du Roi d'Angleterre (bien que quelques féodaux comme le comte de Flandre se soient rangés du côté "Anglois"). La guerre entre le Capétien et le Plantagenêt dure une dizaine d’années, en 1204, Jean Sans terre perd la Normandie et pour finir, en 1214 à la bataille de Bouvines, la coalition des féodaux qui soutient Jean Sans Terre est battue par l’armée royale. Jean Sans Terre perd tous les fiefs qu’il tenait en France, à l’exception de la Guyenne et les îles anglo-normandes. Mais surtout, 1214 marque la fin de la féodalité politique car la royauté parvient à dominer, une fois pour toutes, les princes féodaux et que le roi de France affirme ainsi pour première fois sa souveraineté en ce sens que: le roi se trouvant au sommet de la pyramide féodale, que depuis l’abbé Suger le roi ne tient de personne, le roi est donc par conséquent le suzerain suprême (il faudra quand même attendre le 16e siècle pour que cette "Souveraineté" soit théorisée car au 13e siècle souverain et suzerain ont toujours la même étymologie -"superanus", au-dessus de tout- et sont utilisés l’un pour l’autre).
L'aboutissement de l'opposition entre Empereur germanique et roi de France est, lui, un tout petit postérieur à cette première opposition avec le roi d'Angleterre et trouvera cette fois son règlement via le droit Romain:
Dès Otton II, l'empereur Germanique se considère comme le successeur des empereurs Romains et Carolingiens et cherche depuis le 12e siècle à ce titre à étendre leur "souveraineté" sur tous les royaumes occidentaux. Les légistes au service du roi de France, pour lui faire face vont reprendre les travaux des "canonistes" (spécialistes du droit qui travaillent pour la réforme grégorienne et veulent affirmer les prétentions du pape par rapport à celles de l’Empereur germanique) profiter de ceux-ci pour attaquer à leur tour l’empereur en affirmant que dans l’occident chrétien, les rois ont les mêmes droits que l’empereur germanique et que par conséquent le roi de France ne doit pas être soumis à l’emprise impériale. Les juristes français (particulièrement Jean de Blanot, conseiller du roi Saint Louis) utiliseront, pour étayer leurs idées, le droit romain (redécouvert à cette occasion) et la formule : quod principi placuit legis habet vigorem (ce qui plait au prince a force de loi) qui fonde la domination du roi dans son royaume, contre l’empereur germanique, et dégage l'idée que le roi (de France, ainsi que tout autre qui voudra reprendre cette argumentation) est empereur en son royaume.