Ça fait beaucoup de “-ique”, j’espère qu’il n’y aura pas de hic !
Bref.
Bonjour à tous,
Comme vous le savez, l’un de mes principaux passe-temps est la réalisation d’arbres généalogiques de lignées nobles européennes. Mais à force, ces suites de prénoms plus ou moins régulières et hypnotiques m’ont amenée à m’interroger sur les pratiques anthroponymiques dans ces dynasties. Mes quelques observations auront sûrement besoin de vos précisions voire de vos corrections, car je généralise volontairement et il y aura certainement pour chaque généralité des exceptions auxquelles je n’ai pas pensé.
En tout cas, voici ce que j’ai remarqué :
-Entre le Ve et le Xe siècle, les stocks plutôt larges de prénoms donnés apparemment au petit bonheur se réduisent peu à peu (on passe d’une quinzaine de prénoms dont au moins 10 qui deviennent dynastiques et se perpétuent chez les Mérovingiens à tout juste une demi-douzaine dont 4 seulement se perpétuent chez les Carolingiens, par exemple) pour en arriver autour de l’an mil à tout juste 2 ou 3 prénoms dynastiques maxi par famille.
C’est également autour de l’an mil que les vieux prénoms qui nous semblent tellement ringards aujourd'hui tendent à disparaître, pour être complètement remplacés au tournant du XIe et du XIIe siècle par les prénoms classiques qui font un peu chic mais passent encore très bien aujourd'hui.
-À la même époque, les prénoms bibliques comme Pierre, Jean, Jacques commencent à apparaître à leur tour, fin XIe dans la péninsule ibérique, XIIe en Europe occidentale, plus tard en Scandinavie, plus volontiers pour les fils cadets (l’aîné et héritier devant transmettre le prénom dynastique distinctif de sa lignée) mais bientôt sur le devant de la scène aussi.
-La Renaissance change pas mal la donne et renouvelle, parfois de façon surprenante voire extrême, les stocks de prénoms, en raison de la redécouverte des textes de l’antiquité qui mène à un engouement pour les prénoms grecs et latins tels Antoine, Auguste, et de la nouvelle pratique de donner à l’enfant le prénom de son parrain.
-C’est également à la Renaissance que le phénomène du prénom composé, commun autour de la Méditerranée au Moyen-âge mais peu à peu abandonné, réapparaît, cette fois plutôt dans la sphère germanique. Mais le phénomène n’est alors plus le même qu’au Moyen-âge. Au moyen-âge, il était surtout question d’accoler au prénom du fils celui de son père pour lui faire comme un état-civil, avant que ces séquences prénom propre+prénom du père se figent pour faire un prénom composé à part entière ; à la renaissance, ce ne sont plus le prénom propre et celui du père accolés mais bien des prénoms composés à part entière et choisis indépendamment des prénoms du père et des aïeux qui apparaissent, souvent composés il est vrai de prénoms de saints ou de héros mythologiques. Ça, nous en avions débattu dans un autre sujet, pour lequel je vous remercie d'ailleurs.
-Il me semble que le phénomène se poursuit mais en s’estompant au XVIIe, et qu’aux XVIIIe et XIXe siècles les enfants de grandes familles nobles ont, certes, plusieurs prénoms (et d’ailleurs de plus en plus au cours du XIXe) mais dans l’ensemble n’en choisissent qu’un seul comme nom de règne. Ce choix d’un seul prénom entraîne une espèce de marche arrière et un retour à des prénoms plus classiques et plus sobres, tendance qui se poursuit jusqu'à nos jours.
Bien entendu, 1) la chronologie n’est pas la même partout, et il me semble notamment qu’il y a fréquemment un décalage d’un siècle entre Méditerranée et Europe du Nord et encore un entre Europe du Nord et Scandinavie, 2) Philippe Ier de France, Étienne et Eustache de Blois ou encore Amédée de Savoie sont des exceptions de taille à ma théorie générale, et 3) je n’ai en revanche aucune idée de où et quand on donne à son fils le prénom de son père pour créer une alternance A-B-A-B-A-B et où et quand on donne à son fils son propre prénom pour créer une suite ininterrompue de A1-A2-A3-A4-etc.
Donc, vous l’aurez compris, c’est maintenant à vous de confirmer, infirmer, corriger et préciser !
Merci d’avance !