Nico69 a écrit :
Retour aux fondamentaux historiques : le bas de laine de métaux précieux.
C'est un sujet qu'on peut traiter sous des considérations historiques.
Le métal précieux présente des intérêts indéniables : il a une valeur intrinsèque qui oscille autour de son prix d'extraction et il est facile à transporter de sorte qu'il est universellement admis comme une quasi-monnaie non sujette à l'inflation.
Cependant, tout d'abord on n'a pas attendu les monnaies fiduciaires et scripturales pour connaître des crises monétaires, ensuite il ne faut pas confondre crise monétaire ou financière et crise économique, même si, bien sûr, une crise financière a des conséquences économiques.
Même s'il est devenu de bon ton de décrier Keynes, on ne peut faire abstraction de ses travaux qui reposent en bonne partie sur des constats de bon sens tels que :
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La monnaie, c'est bien connu, sert deux desseins principaux. Agissant comme monnaie de compte, elle favorise les échanges sans qu'il soit nécessaire qu'elle apparaisse comme un objet matériel. A cet égard, elle est une commodité dénuée dé signification ou d'influence réelle. En second lieu, elle est une réserve de richesse. C'est ce que l'on nous dit, sans sourire. Mais, dans le monde classique, quel fol usage auquel l'affecter ! Car la monnaie en tant que réserve de richesse a pour caractéristique reconnue d'être stérile ; tandis que pratiquement tout autre forme de richesse rapporte intérêt ou profit. Pourquoi quiconque hors d'un asile de fous voudrait-il utiliser la monnaie comme réserve de richesse ? Parce que, sur des bases raisonnables et en partie instinctives, notre désir de conserver de la monnaie comme réserve de richesse est un baromètre de notre degré de méfiance à l'égard de nos propres calculs et conventions concernant le futur. Même si ce sentiment vis-à-vis de la monnaie est lui-même conventionnel ou instinctif, il opère, pour ainsi dire, à un niveau plus profond de notre motivation. Il prend la relève dans les moments où les conventions plus superficielles, plus précaires, faiblissent.
Quelles sont les nations les plus prospères ? Celles qui possèdent de l'or ou celles qui celles qui s'attachent à la production de richesses par l'activité humaine ? L'histoire comparée de l'Espagne et de l'Angleterre répond à la question.
L'or est-il un meilleur instrument d'échange que les monnaies fiduciaires ou scripturales ? La réponse est non, pour deux raisons principales. La première est que la quantité nécessaire de monnaie en tant qu'instrument d'échange dépend du volume des échanges par unité de temps. Elle doit pouvoir être créée et détruite autant et aussi vite que nécessaire sous réserve du respect scrupuleux de règles prudentielles. C'est possible sans difficulté insurmontable avec le papier-monnaie et les instruments financiers, c'est impossible avec l'or. Souvent au cours de l'histoire s'est posé le problème de l'insuffisance de la quantité de monnaie en circulation. La solution a été donnée, entre autres, par Philippe le Bel : diminuer le titre des pièces frappées et en imposer le cours. Ce faisant, sans en avoir pleinement conscience, Philippe le Bel avait inventé la monnaie fiduciaire. La seconde est que c'est un instrument coûteux : pourquoi se donner le mal d'extraire de l'or ou de l'argent alors que, pour un coût bien moindre, on peut imprimer du papier ou émettre des titres de créance ? L'empereur de Chine, mentionné par Marco Polo, qui émettait des billets de banque, et les banquiers italiens du moyen-âge qui s'échangeaient des lettres de changes l'avaient bien compris.
Sur le temps long, l'or conserve-t-il sa valeur ? Non. Il en perd. Sur le temps long, le seul étalon de valeur qui ait du sens est celui du coût du travail. Dire qu'une sesterce équivaut à X euros n'a pas de sens. Mais dire que la construction de tel ouvrage a nécessité X hommes-jours de travail en a un. En 1720, le salaire d'un ouvrier parisien variait de 1 à 6 livres par jour selon le secteur d'emploi et la qualification de l'ouvrier, la moyenne étant plus près de 1 que de 6. Une livre en 1720 équivalait à 0,124 d d'or. Le cours actuel de l'or est de 40 € le gramme, ce qui correspond à son cours d'extraction et donc à la réalité économique. On peut estimer le coût du travail mensuel d'un ouvrier parisien entre 2 000 € et 4 000 €, soit, à raison de 20 jours de travail par mois, entre 100 € et 200 € par jour. Conclusion : en 1720, 1 g d'or représentait une valeur de travail de 1,3 à 8 hommes x jours, en fait plus près de 8 que de 1,3 ; aujourd'hui 1 g d'or n'équivaut plus qu'à une valeur comprise entre 0,2 et 0,4 h x j.
Les crises financières ruinent-elles systématiquement les épargnants ? Non. Prenons pour exemple le krach de 1929. En quelques jours, la capitalisation des valeurs cotées à Wall Street a perdu 40% C'est certes très désagréable pour l'investisseur et la descente s'est poursuivie. L'indice Dow Jones est passé de 360 au plus haut en 1929 pour descendre au plus bas à 50 en 1932 et se stabiliser autour de 150 de 1937 à 1940. L'épargnant américain qui a su rester raisonnable en investissant entre 1920 et 1940 dans des actions de grandes entreprises telles que US Steel ou General Motors, qui n'ont pas fait faillite, a fini par reconstituer sa mise de départ. L'or est une valeur refuge qui a la qualité d'être liquide. C'est son intérêt. Mais ce n'est pas la plus rentable sur le long terme ni même la plus sûre parce que son cours subit tout de même de fortes variations. D'un point de vue macro-économique, c'est une aberration. Si la France n'est pas devenue une grande puissance industrielle du même niveau que l'Angleterre, l'Allemagne ou les Etat-Unis, c'est dû pour une grande part parce que les Français ont longtemps préféré le bas de laine à l'investissement productif. Pour le particulier, on peut prendre pour exemple la valeur-type du père de famille qu'est l'action d'Air Liquide : son cours a été multiplié par 4 entre 1995 et 2015. Mais en plus, à la différence de l'or, elle produit des dividendes qu'on peut réinvestir. Cette société a survécu aux deux guerres mondiales et à toutes les crises et elle n'est pas la seule. Elle représente l'économie réelle, fondée sur l'activité humaine (il n'est de vraie richesse que d'hommes comme disait Jean Bodin), qui n'est jamais durablement menacée par les évènements financiers et beaucoup plus rentable sur le long terme que des pièces de 20 F or accumulées dans un bas de laine.