Faget a écrit :
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Cush vous avez tout compris, comme souvent
. En 1917, il s'agissait de sauver la banque Morgan qui avait prêté inconsidérément aux alliés et qui en cas de victoire de l'Allemagne ne serait jamais remboursée de ses prêts. L'Histoire nous enseigne que les Etats-Unis , après 1919 ,ne seront quand même jamais, ou très peu rentrés dans leurs fonds.,
Je recycle ici une large partie d'un message posté dans un autre fil.
Quand on veut comprendre les déterminants à long terme de la stratégie diplomatique d’un pays, il faut toujours revenir aux fondamentaux, c’est-à-dire à la géographie (que celle-ci soit physique ou démographique).
Les USA se sont constitués et sont parvenus là où ils sont parvenus de manière tout à fait improbable au regard de ce qu’est la géographie mondiale.
L’Amérique (je veux dire l’Amérique du nord autant que celle du sud) est excentrée géographiquement par rapport au cœur du monde qu’est l’immense masse constituée par l’Eurasie et l’Afrique.
Démographiquement, l’Amérique du nord et du sud ne représentent que moins de 15% de la population mondiale.
Bref, ce continent, y compris en son sein les USA, est complètement périphérique sur la planète terre.
Au sein de l’Amérique, les USA sont devenus une très grande puissance par un enchaînement improbable de concours de circonstances favorables.
Il n’allait pas du tout de soi que les USA allaient bénéficier si vite d’une absence de concurrence et de menace sur le continent nord-américain ni sur celui du sud. Cette absence de concurrence et d’obstacles leur a permis de développer une richesse interne et un potentiel de puissance tel qu’aucun autre pays européen n’en a jamais eu, hormis la Russie tsariste.
Rien ne destinait les USA à devenir l’hyperpuissance économique qu’elle a été depuis la 1ère guerre mondiale. En 1914, l’empire russe était la puissance émergente qui connaissait la plus forte croissance, la plus rapide modernisation économique, bien plus peuplée que les USA, et qui allait devenir la superpuissance du heartland cher à Mackinder.
D'ailleurs, à peine la Grande-Bretagne avait-elle avalé sa défaite dans la guerre d’indépendance des jeunes USA et repris conscience de ses intérêts vitaux à long terme qu’elle a orienté en conséquence sa stratégie géopolitique. Elle a bien sûr misé à fond sur l'Asie du sud et de l’est qui était la zone la plus peuplée et la plus riche du monde. Et c’est l’Asie qui a fait la fortune et la suprématie mondiale de la Grande-Bretagne, pas ses colonies américaines perdues ou conservées. C’est l’Inde qui a fait la révolution industrielle britannique à partir du dernier tiers du 18ème siècle. C’est la Chine qui a donné un élan supplémentaire à l’industrie britannique après les guerres de l’opium.
L’Amérique et les USA étaient complètement excentrés.
Par ailleurs, rien ne garantissait que les USA allaient développer un Etat fédéral fort capable de mener une politique de projection de puissance. Les particularismes locaux étaient très forts et chaque Etat très attaché à son autonomie. Le débat n’a d’ailleurs été tranché (c’est le mot adéquat vu les circonstances d’alors) qu’au prix d’une guerre civile terriblement destructrice.
Ce sont les divisions et les conflits entre puissances européennes qui ont offert l’occasion historique aux USA de prendre une place démesurée dans les affaires économiques et diplomatiques du monde.
Je pense qu’on se trompe en se focalisant sur l’exposition de la banque JP Morgan aux dettes européennes pour expliquer l’entrée en guerre des USA en 1917. Morgan n’était exposé aux dettes des alliés que parce que les industriels et agriculteurs américains exportaient tellement en direction des alliés pour soutenir leur économie de guerre que les alliés était arrivés quasiment à l’épuisement du collatéral « solide » qu’ils pouvaient donner à leurs fournisseurs américains.
Mais pour les fournisseurs américains, la 1ère guerre mondiale, cela a été le jackpot, avec des bénéfices multipliés par 3, 4, 5, ou plus, ainsi qu’une croissance phénoménale de leur production (de leur PIB, comme on ne disait pas encore), un recul massif du chômage (qui tutoyait les 8% en 1914 aux USA).
https://en.wikipedia.org/wiki/United_St ... orld_War_IEt c'est à l'occasion de la 1ère guerre mondiale que New-York supplante Londres comme centre de la finance mondiale.
Simplement, quand on est devenu une immense puissance économique et démographique comme les USA en 1914 mais qu'on est géographiquement excentré et éloigné par rapport au cœur du monde, on veut irrésistiblement y revenir, du moins dans les cercles de pouvoir politique et économique. Et une fois que l'occasion s'est présentée et qu’on a non seulement mis un pied dans la porte mais qu’on est devenu un acteur majeur du théâtre stratégique central qu’est l’Europe, eh bien on ne veut pas en repartir, on veut y intervenir et faire en sorte que des décisions essentielles ne s’y prennent pas sans votre avis, voire contre votre avis, quand bien même votre opinion publique est-elle massivement isolationniste et pacifiste.
Si les USA avaient voulu rester neutres, eh bien ils auraient juste cessé d'approvisionner les alliés fin 1916, quand ceux-ci ont tellement tapé dans leurs réserves de collatéral solide qu'ils sont obligés de s'endetter auprès des USA pour payer leurs importations. Après tout, la récession liée à l'arrêt des approvisionnements de guerre était inévitable. Elle aurait simplement eu lieu en 1917-1918 au lieu de 1920-21.
On a tendance à méconnaître la volonté de puissance et la poussée impérialiste des USA qui était très nette dès la fin du 19ème siècle, avec Mac Kinley et Roosevelt qui s'emparent des dernières colonies espagnoles, qui interviennent dans les affaires européennes à l'occasion de la crise marocaine avec la conférence d'Algésiras.
Quand on regarde la carte de l’Europe en 1919, résultant du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sous-jacent à plusieurs des 14 points énoncés par Wilson, on ne peut manquer de constater le morcellement et donc l’affaiblissement de l’Europe.
Si on prend le cas de Roosevelt, on oublie le rôle désastreux qu’il a eu dans la gestion de la montée du péril hitlérien en Europe. Alors que se dessinait une grande alliance qui, juste avant la crise de Munich, allait regrouper les puissances occidentales et l’URSS pour faire la guerre à l’Allemagne et lui coller une dérouillée si jamais Hitler agressait la Tchécoslovaquie, Roosevelt est intervenu pour dissuader fortement les français et les britanniques d’envisager le recours à la force contre l’Allemagne.
Certains estiment que c’est une erreur, une maladresse de Roosevelt. D’autres estiment que c’est délibérément qu’il a agi ainsi, non pas pour favoriser l’Allemagne ni parce qu’il était opposé à la guerre contre Hitler mais pour que la crise en Europe ne se règle pas sans que le président des USA y dise un mot décisif.
Dès l'entre deux guerres, on voit se dessiner des attitudes hégémoniques des USA sur le règlement de certains contentieux européens. Dès cette période, Londres et Paris sont très sensibles au point de vue des USA parce qu'ils ont déjà mesuré l'importance de l'aide américaine dans la 1ère guerre mondiale. En 1938, avant Munich, Churchill intervient déjà auprès de Chamberlain pour le conjurer d'essayer d'impliquer les USA pour contrer l'Allemagne nazie.