Un témoignage sur les fameux palas à lame en damas :
« L'arme qui, dans leurs mains, était la plus redoutable : le sabre recourbé, communément appelé damas. Son admirable composition, sa fine trempe, ont longtemps défié toute la science et l'habileté de nos chimistes. Convenablement aiguisé en biseau d'un seul côté, et manié par des mains exercées, il produit des effets extraordinaires. On ne frappe pas avec ce sabre, mais la lame, soit poussée en avant par l'impulsion du cheval ou de la main, soit brusquement ramenée d'avant en arrière, glisse ou plutôt scie, et pénètre de manière à produire d'effroyables blessures. Dans une charge, un hussard du 7e régiment eut, à la lettre, le corps coupé en deux; il ne tenait plus que par la colonne vertébrale. Je tiens ce fait d'un témoin oculaire et digne de foi [le général Louis Pierre Alphonse de Colbert]. Mourad-Bey tranchait d'un seul coup la tête d'un jeune taureau.
Pour s'exercer à se servir de ces sabres, les Mameluks se plaçaient dans leur salle d'armes, debout, très près d'un pilier, de telle façon qu'il n'y eût place entre leur visage et le pilier que pour le passage de la lame. Alors, élevant la main qui tenait le sabre au-dessus de la tête et de l'épaule opposée, ils la ramenaient par un mouvement rapide et diagonal, de manière que la lame passât entre la figure et le pilier, et répétaient ce mouvement avec célérité. Lorsqu'ils avaient pris l'habitude de sabrer ainsi, ils s'exerçaient à trancher d'un seul coup un large morceau d'étoffe légère lancé en l'air. Voici en quoi consistait cet exercice; il demande beaucoup d'adresse et peut être fort gracieux:
Deux personnes, tenant par les quatre coins une longue écharpe de mousseline étendue, l'abaissent et l'élèvent successivement jusqu'au moment où elles la sentent gonflée et soulevée par l'air. Alors elles l'abandonnent et le léger tissu flotte un instant, suspendu au-dessus de leurs têtes. C'est à ce moment que celui qui tient le sabre doit la couper en deux d'un seul coup. S'il est bien donné, la lame traverse la mousseline comme si elle n'avait eu qu'à fendre l'air, et les deux côtés de l'écharpe tombent aussi mollement à terre que s'ils n'eussent pas été touchés.
Une seule personne peut aussi lancer à la fois la mousseline d'une main et, de l'autre, donner le coup de sabre. »
(Colbert, Traditions et souvenirs: ou, Mémoires touchant le temps et la vie du général Auguste Colbert)
Sabre d’exception, mais qu’il fallait savoir manier avec dextérité et prudence :
« [Lasalle] nous montrait un jour ses armes; il en avait de fort belles, notamment un sabre en damas noir, sabre qui valait alors douze mille francs. Pour nous faire apprécier la qualité supérieure de cette lame, il en frappa des barres de fer, dans lesquelles il fit de fortes entailles; mais il voulut couper une branche d'arbre, et, soit que celle-ci fût trop forte, soit que le coup ne fût pas donné assez d'aplomb, la lame cassa en deux. Nous fûmes pétrifiés; quant à lui, ayant donné à peine un instant à la surprise, il jeta par-dessus sa tête et le fourreau du sabre et le tronçon qui était resté à sa main, et s'en alla sans s'embarrasser même de ces précieux débris, en continuant ses gambades et ses grimaces. »
(Thiébault, Mémoires)
Un vulgaire briquet, pour la corvée de bois, aurait peut-être tenu…