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Message Publié : 27 Nov 2016 15:48 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Hugues de Hador a écrit :
Berserk2 a écrit :
Les peuples germaniques avaient-ils un sentiment d'appartenance à une même "famille" ethno-culturelle


Je pense que les peuples 'dit' germaniques avaient surtout, à l'époque, le sentiment d’appartenance à un "Clan".

Le "clan" est une notion que nous avons complètement oublié dans nos états-nation occidentaux.

Bien à vous.


Il faut surtout considérer l'époque que nous considérons ; il est certain que l'on ne se perçoit pas tout à fait de la même manière au Ier siècle qu'au Ve ou au VIIIe. Durant ce laps de temps les entités politiques changent, se complexifient jusqu'à l'apparition des grandes "ligues guerrières" (que l'on appelle communément des "peuples", Francs, Saxons, Alamans...) puis de royaumes. On passe progressivement de structures politiques donc très locales à des formes plus vastes.

Par contre il est certain aussi que le changement d'échelle des entités politiques est très très loin d'abolir le sentiment d’appartenance à des structures locales, familiales et claniques. Il y a quelques années j'ai suivi une conférence d'Histoire moderne durant laquelle l'enseignant montrait avec sources à l'appuie que le sentiment d'appartenance au royaume de France est encore supplanté par les attachements locaux, au "pays", à la ville... En fait l'idée d'appartenance est complètement dépendante de l'idée de pluralité. Dans l'Antiquité c'est très visibles ; j'avais suivi une autre conférence sur ce thème dispensée par Ralph Mathisen qui montrait combien les gens vivant dans l'Empire se déclaraient très diversement Romains, Gaulois, Trévires... L'empereur Julien est à lui seul un excellent exemple car il se dit de naissance Thrace (il est né à Constantinople), Grec de culture et Romain de part sa fonction, inclinant également identité par un attachement très profond à la Gaule...

Alors si nous avons effectivement oublié de nos jours cette idée de clan, ce qui est tout à fait juste, il faut y rajouter aussi l'idée de pluralité des identités avec laquelle nous avons tant de mal également à ne pouvoir considérer l'Autre comme un membre de notre nation s'il n'en incarne pas la totalité des codes d'appartenance... idée qui aurait été saugrenue dans l'Antiquité...

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Message Publié : 27 Nov 2016 22:57 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

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Uvy Mordicante,

merci pour votre éclaircissement. Maintenant je comprends mieux ce que vous vouliez dire.
Et je l'ai oublié dans ma première message: Bienvenu(e) sur le forum...

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 27 Nov 2016 23:19 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Pédro a écrit :
Hugues de Hador a écrit :
Berserk2 a écrit :
Les peuples germaniques avaient-ils un sentiment d'appartenance à une même "famille" ethno-culturelle


Je pense que les peuples 'dit' germaniques avaient surtout, à l'époque, le sentiment d’appartenance à un "Clan".

Le "clan" est une notion que nous avons complètement oublié dans nos états-nation occidentaux.

Bien à vous.


Il faut surtout considérer l'époque que nous considérons ; il est certain que l'on ne se perçoit pas tout à fait de la même manière au Ier siècle qu'au Ve ou au VIIIe. Durant ce laps de temps les entités politiques changent, se complexifient jusqu'à l'apparition des grandes "ligues guerrières" (que l'on appelle communément des "peuples", Francs, Saxons, Alamans...) puis de royaumes. On passe progressivement de structures politiques donc très locales à des formes plus vastes.

Par contre il est certain aussi que le changement d'échelle des entités politiques est très très loin d'abolir le sentiment d’appartenance à des structures locales, familiales et claniques. Il y a quelques années j'ai suivi une conférence d'Histoire moderne durant laquelle l'enseignant montrait avec sources à l'appuie que le sentiment d'appartenance au royaume de France est encore supplanté par les attachements locaux, au "pays", à la ville... En fait l'idée d'appartenance est complètement dépendante de l'idée de pluralité. Dans l'Antiquité c'est très visibles ; j'avais suivi une autre conférence sur ce thème dispensée par Ralph Mathisen qui montrait combien les gens vivant dans l'Empire se déclaraient très diversement Romains, Gaulois, Trévires... L'empereur Julien est à lui seul un excellent exemple car il se dit de naissance Thrace (il est né à Constantinople), Grec de culture et Romain de part sa fonction, inclinant également identité par un attachement très profond à la Gaule...

Alors si nous avons effectivement oublié de nos jours cette idée de clan, ce qui est tout à fait juste, il faut y rajouter aussi l'idée de pluralité des identités avec laquelle nous avons tant de mal également à ne pouvoir considérer l'Autre comme un membre de notre nation s'il n'en incarne pas la totalité des codes d'appartenance... idée qui aurait été saugrenue dans l'Antiquité...


Un grand merci Pédro pour votre commentaire approfondi (comme d'habitude).

" Dans l'Antiquité c'est très visibles ; j'avais suivi une autre conférence sur ce thème dispensée par Ralph Mathisen qui montrait combien les gens vivant dans l'Empire se déclaraient très diversement Romains, Gaulois, Trévires... L'empereur Julien est à lui seul un excellent exemple car il se dit de naissance Thrace (il est né à Constantinople), Grec de culture et Romain de part sa fonction, inclinant également identité par un attachement très profond à la Gaule... "

Dans mon message récent j'ai donné l'exemple de l'Empire Romain comme une unité et le sens d'appartenance de tous les Romains comme appartenant à cette communauté. Quelle erreur de moi, comme vous avez montré. Comme apprenti-historien je n'ai pas la base historienne comme vous et je fais parfois des suppositions, qui ne sont pas fondées :oops: ...

En effet les Romains, ce qui est plutôt évident, adhèrent comme tous les peuples à leur cercle plus restreint de leur peuple régional, voir, comme plus tard dans les villes du moyen âge, leur ville d'origine?

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 28 Nov 2016 0:27 
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PaulRyckier a écrit :
" Dans l'Antiquité c'est très visibles ; j'avais suivi une autre conférence sur ce thème dispensée par Ralph Mathisen qui montrait combien les gens vivant dans l'Empire se déclaraient très diversement Romains, Gaulois, Trévires... L'empereur Julien est à lui seul un excellent exemple car il se dit de naissance Thrace (il est né à Constantinople), Grec de culture et Romain de part sa fonction, inclinant également identité par un attachement très profond à la Gaule... "

Dans mon message récent j'ai donné l'exemple de l'Empire Romain comme une unité et le sens d'appartenance de tous les Romains comme appartenant à cette communauté. Quelle erreur de moi, comme vous avez montré. Comme apprenti-historien je n'ai pas la base historienne comme vous et je fais parfois des suppositions, qui ne sont pas fondées :oops: ...

En effet les Romains, ce qui est plutôt évident, adhèrent comme tous les peuples à leur cercle plus restreint de leur peuple régional, voir, comme plus tard dans les villes du moyen âge, leur ville d'origine?



Je ne pense pas que vous ayez faux sur tous les points:

Voici un extrait l'édit de Caracalla de 212:

« [César] Marc Aurèle Sévère Antonin Auguste proclame :
[D'une manière générale, c'est à la divinité qu'il faut] avant tout [reporter et] les causes et les raisons (des choses) ; [et moi aussi, comme il se doit], je voudrais rendre grâces aux dieux [immortels] pour m'avoir sauvé d'un tel [complot tramé (contre ma vie)]. Voilà pourquoi j'estime pouvoir accomplir de manière si [magnifique et si digne des dieux] un acte qui convienne à leur majesté, en ralliant [à leur culte, comme Romains], [autant de fois de dizaines de milliers (de fidèles)] qu'il en viendra chaque fois se joindre à mes hommes. Je donne donc à tous [ceux qui habitent] l'Empire le droit de cité romaine, étant entendu [que personne ne se trouvera hors du cadre des cités], excepté les déditices. Il se doit en effet [que la multitude soit non seulement associée] aux charges qui pèsent sur tous, mais qu'elle soit désormais aussi englobée dans la victoire. [Et le présent édit] augmentera la majesté du [peuple] romain : [il est conforme à celle-ci] que d'autres puissent être admis à cette même [dignité que celle dont les Romains bénéficient depuis toujours], alors qu'en étaient exclus... de chaque... »


Finalement les devoirs des citoyens romains (hommes sont d'abord de rendre le culte impérial (aux divinités romaines), de contribuer par des charges(pour l'armée par exemple ou des taxes comme celle sur la succession), de se faire recenser et d'accomplir le service militaire. On remarquera que ce n'est pas un statu contraignant et que les droits sont supérieurs aux devoirs. On est romain surtout dans le sens qu'on appartient à cet Etat, qu'on en respecte le droit, qu'on reconnait un empereur divin et qu'on se range militairement dans "l'effort de guerre". Exit le droit du sol, on ne demande pas d'être de racines romaines ou d'ethnie italique, de même le culte civil n'exclue pas une religion privée et les rituels locaux, tant qu'on rend le culte civique en parallèle. Comme les chrétiens refusent de reconnaitre d'autres dieux ils deviennent dangereux mais au-delà la tolérance et de mise. C'est justement parce que cette citoyenneté n'oblige pas entièrement qu'elle est avantageuse et assure ainsi une solide assise interne à un empire pourtant multiculturel au possible. On peut garder sa religion, certaines de ses coutumes, "sa patrie de cœur" et le sentiment d'appartenance à sa ville ou son pays sans que cela soit écrasé par une conception qui placerait la Nation (sous-forme XIX ou même celle de la démocratie grecque) au-dessus du reste en affirmant une forte identité: géographique, linguistique, religieuse...
Finalement c'est la communauté de droit qui prime fédérée par une reconnaissance unanime de l'empereur mais sûrement pas un état-nation.

Pour les latins voici ce que signifiait nation:
Le mot « nation » vient du latin natio, qui dérive du verbe nascere « naître » (supin : natum). Le terme latin natio désigne les petits d'une même portée, et signifie aussi « groupe humain de la même origine ». Chez Cicéron, le terme natio est utilisé aussi pour désigner une « peuplade », un « peuple » ou une « partie d'un peuple » (wikipédia, article-Nation)

IL n'y a donc pas de communauté nationale romaine au sens du peuple qui se lie à son sol, sa langue, sa propre religion et son histoire. Mais il y a bien une communauté de droit (comme vous dites une unité de sens) qui permet une coexistence pacifique et qui permet tout ce que décrivait Pédro et qui nous parraît impossible lorsque l'on évoque aujourd'hui le peuple.

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Message Publié : 28 Nov 2016 1:13 
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Jean-Pierre Vernant
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Tout à fait Champolion et je rajouterais que la manière dont on a de se définir dans l'Empire prend souvent en cause un rapport à l'Autre. On se dit systématiquement Romain quand on s'oppose à ceux qui vivent en dehors de l'Empire, voir quand on fait valoir sa civilisation et son urbanité. Quand on discute entre Romains par contre on aime à se distinguer d'autant que chaque origine locale possède de forts caractères stéréotypés. Il peut exister des moqueries entre identités mais elles possèdent toujours d'ardents partisans. J'apprécie particulièrement la valorisation des Gaulois par Julien dans le Misopogon. Plus généralement la théorie des climats, censés jouer sur les caractères est bien explicitée par Vitruve (VI, 1) et permet de se faire une idée de la perception des identités à cette époque.

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Message Publié : 28 Nov 2016 21:08 
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Philippe de Commines
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Merci Champollion et Pédro pour les éclaircissements.

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 29 Nov 2016 20:36 
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Pierre de L'Estoile
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Champollion a écrit :
Je ne suis pas entièrement d'accord Almayrac (mais c'est peut-être de l'ignorance sur certains points) ;)

Que voulez-vous dire ? Les Francs devaient plutôt voir dans les Vikings un fléaux divin, une horde demeurée partiellement sauvage et opportuniste, sans le moindre respect.

exact si vous considérez les textes des annales écrits par des clerc, mais difficiles a admettre si vous considérez les actions des princes francs et breton et les négociations (scandaleuse pour le clergé qui en fera les frais) entre francs et viking.
Je vous conseille la lecture du "monde francs et les vikings" de Pierre Bauduin. C'est assez édifiant sur la façon dont ces roturiers viking se sont fait une place parmis la noblesse franque tout en dézinguant l'autorité impériale et initiant (ou au moins participant au mouvement) ainsi la féodalité qui suivra au Xème siècle.
Image

Champollion a écrit :
Les lettrés étaient-ils conscient de cette patentée (très lointaine et surtout affaiblie par le fait que ce sont surtout des descendants de gallo-romains qui peuplaient la France doublé d'une noblesse franque moins nombreuse) de même se souvenaient-ils seulement de leur religion, à l'origine païenne, avec assez de précision pour la comparer à celle des Vikings ?

Le comportement des nobles est assez différent de celui des clercs, c'est assez curieux d'ailleurs car il s'agit des même famille franque qui tiennent les deux ordres, ceux qui combattent et ceux qui prient. Les premiers n'utilisent plus le latin, ils ont des comportement paîens comme la polygamie, véhicule une culture typiquement paîenne (Chanson de geste, Beowulf, légendes arthuriennes) usent fréquemment de vendetta etc... Bref je vois peu de différence entre Roland et un Berserker. Alors que les mêmes personnes vont adopter un comportement plus latin lorsqu'ils vont rejoindre les ordres. il y a une espèce de schizophrénie dans les familles franques et on va retrouver aprés des réaction chrétienne comme les mouvement de la paix qui vont mettre fin à l'acceptation morale de se paganisme qui va se retrouver sublimé dans la culture courtoise aprés l'an mille.


Citer :
Sur ce point on peut discuter car j'ignore le degré de connaissance des Francs sur leur propre passé germanique et païen (ils me semble que chez les Saxons en Angleterre il restait plus d'apports de leur âge germanique, comme le prouve Beowulf et le folklore plus vivace).

N'oubliez pas que tout le corpus folklorique francs a été brulé par Louis le Pieux un vrai fou de Dieux, qui est une exception notable sur le comportement des nobles que je décrivait ci-dessus.

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Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


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Message Publié : 01 Déc 2016 13:07 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Hugues de Hador a écrit :
Berserk2 a écrit :
Les peuples germaniques avaient-ils un sentiment d'appartenance à une même "famille" ethno-culturelle
Je pense que les peuples 'dit' germaniques avaient surtout, à l'époque, le sentiment d’appartenance à un "Clan". Le "clan" est une notion que nous avons complètement oublié dans nos états-nation occidentaux.


Cette notion de clan n'est absolument pas confirmée par les études sur les élites des royaumes romano-germaniques où, au contraire, le système de parenté, et donc de solidarité, est de type indifférencié mêlant aussi bien parents agnatiques et cognatiques, donc bien loin d'un modèle clanique supposé exclusivement patrilinéaire.


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Message Publié : 01 Déc 2016 23:26 
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Laurent Frédéric a écrit :
Cette notion de clan n'est absolument pas confirmée par les études sur les élites des royaumes romano-germaniques où, au contraire, le système de parenté, et donc de solidarité, est de type indifférencié mêlant aussi bien parents agnatiques et cognatiques, donc bien loin d'un modèle clanique supposé exclusivement patrilinéaire.



Certes mais le sentiment d'appartenance à une famille par contre prévalait, dans le sagas islandaise (mais dans le monde germanique plus généralement)la capacité à décliner sa généalogie, la plus complète possible est fondamentale. Les auteurs ne manquent jamais de donner des informations pour savoir de quelle famille, grande ou non, on va parler. Et ne pas pouvoir le faire était infamant. Les actions importantes de certains aïeux sont également citées. Et en Islande les familles se construisaient en forte opposition, les sagas trouvent leur matière dans ce qu'on pourrait appeler des conflits d'intérêts ou de manière prosaïque des "querelles de voisinage" de même on remarque que les grandes familles des premiers colons sont porteuse d'une forte identité pour leurs membres et sont des structures de pouvoir (familles d’évêques par exemple).
En effet, contrairement au monde latin, on sait que les femmes jouissent d'une place plus reconnue. Pour reprendre ces sagas, les généalogies peuvent très bien s'attarder sur des femmes importantes ou en faire des personnage qui agissent comme les hommes.
Cette passion pour la généalogie montre que la famille tout en restant l'organisation la plus réduite est celle qui a le pus de sens et conditionne les actions, on agit au nom de sa famille et toujours pour ses intérêts. Ce devait être un sentiment d'appartenance très fort et le plus fort de tous (la religion étant d'ailleurs liée à la famille avec le père probablement comme chef des rites et garant de la transmission des traditions, puisqu'il n'y avait pas de prêtres ni de temples).

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Message Publié : 04 Déc 2016 23:15 
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Un autre élément qui traduit la complexité du sentiment d'appartenance dans les sociétés tribales (germains ou celtes ici) du haut moyen-âge ou dans celle de l'Antiquité: une opposition forte entre loyauté au clan (je veux dire par là une entité de nature politique, fédérée par un chef ou seigneur) et loyauté à sa famille, c'est à dire à ceux liés par le sang (famille biologique, les proches parents), ou à ceux avec qui on a passé un serment symbolique d'union avec la terre-mère, les amis qui entre dans la famille (tels les frères de sang germaniques: des amis avec qui se sont liés symboliquement en mélangeant leurs sangs de "frères" dans la terre qui devenait témoin et garante de la fidélité qu'ils se juraient).
Je prend l'exemple du célèbre mythe celtique irlandais de la razzia des vaches de Cooley, qui narre les exploit du grand héros (sorte d'Hercule celtique) Cúchulainn:

Voici un résumé du très bon site de l'Arbre celtique: http://encyclopedie.arbre-celtique.com/encyclopedie.php?Enc_Mode=Fiche&Enc_Fiche=3184.htm

Le plus fameux des exploits de Cuchulainn se déroule lors du conflit qui oppose les provinces de Connaght (ou Connaught) et d'Ulster. Cet épisode est connu dans la mythologie irlandaise sous le nom de Razzia de Cualngé, Razzia de Cooley ou encore Tain bô Cualngé. Voici un résumé des évènements qui donne un aperçu du rôle que tient Cuchulainn :

Un jour, la reine Medb de Connacht se querelle avec son mari Ailill [ils font un inventaire pour savoir qui détient le plus de richesses, il s'avère que son mari a un bien de plus, un veau "le Blanc Cornu"]. Enervée, elle décide d'aller voler le Taureau brun de Cualngé qui appartient à Dare, le roi d'Ulster. Il faut souligner qu'à cette époque, les razzias de bétails sont fréquentes. Avant de partir, Medb passe en revue son armée. Chaque section de cette armée lui parait meilleure encore que la précédente. Elle termine par celle de son champion, Cornac. Enfin, les troupes partent. Elles avancent rapidement. En effet, les hommes d'Ulster ne peuvent offrir qu'une faible résistance : ils sont soumis au sortilège de la déesse Macha qui les rend faibles comme des femmes en couches pendant cinq jours et quatre nuits. Cependant, Cuchulainn possède assez de force pour combattre et arrive à se positionner sur un gué avec son conducteur de char de manière à repousser les troupes de Medb et à défendre l'Ulster.


Medb décide alors d'envoyer ses meilleurs guerriers pour vaincre Cuchulainn, mais tous périssent. Elle envoit alors Ferdia, le frère de Cuchulainn. Celui-ci refuse tout d'abord de combattre, mais la reine use de son pouvoir de persuasion et le fait changer d'avis en jouant sur son honneur. Ferdia ayant recu la même éducation par Scatach [puissants guerriers] que son frère Cuchulainn, il a sensiblement la même force. C'est pourquoi les deux frères se combattent trois jours durant. A la fin des deux premières journées, ils s'embrassent, mais au troisième jour, Cuchulainn est
pris de fureur et blesse mortellement Ferdia avec sa lance barbelée (gae bolga). Il embrasse alors une dernière fois son frère avant de l'emporter avec ses armes de l'autre côté du gué, en Ulster. (Petite parenthèse concernant la signification de ce combat : il représente le conflit permanent entre le devoir d'allégeance du guerrier à son seigneur et la loyauté envers ses proches parents et ses amis. Ces situations sont courantes durant les conflits entre clans chez les Celtes.)

On se rend compte que le héros doit choisir, obéir à l'appartenance à son peuple, les Ulates et à leur roi (mais ce pourrait être valable pour le chef germanique aussi) ou être loyal envers sa famille, symbolisé par le frère ici. Si il opte pour le premier choix ce n'est pas sans hésitations, d'ailleurs il l'embrasse avant de le tuer et le combat, égal, dure deux jours, ce n'est donc ps une option évidente que de suivre les commandements de son chef contre ceux de sa famille dans l'esprit des celtes. C'est un dilemme.

Mais surtout pour tuer Ferdia, il doit entrer en fureur, c'est la condition sine qua non. Or, un faisceau d'éléments prouvent que l'état guerrier de fureur (la "furor germanicus") n'est pas inné et surtout n'est pas humain, dans le sens que n'importe lequel des mortels n'en est pas capable. Premièrement c'est un "art" de combattre qui s'apprend, ici c'est à la charge du guerrier Scatach. Deuxièmement, les héros seuls parviennent à entrer en fureur et à triompher de tous leurs ennemis (ou à faire des folies, inconscients, comme hercule et le massacre des enfants ou le massacre des prétendants par Ulysse), ce n'est jamais n'importe quel personnage qui en est capable. Cette capacité semble échoir à des exceptions physiques, Cuchulain ne ressemble pas à l'archétype de l'Irlandais blond ou roux aux yeux verts, de haute taille (cf ci-dessous). Autre chose encore, les contemporains qui avaient connaissance de ces récits dans la réalité,savaient très bien que pour entrer en fureur il fallait s'aider de substance hallucinatoires et excitantes, des drogues (nous en avions débattus ici: http://www.passion-histoire.net/viewtopic.php?f=41&t=37741 ) qui permettaient aux berserkir germains de terroriser leurs adversaires et de se consacrer entièrement au combat. Enfin, l’invraisemblance de cet état le rend exceptionnel voire mythique (cf la description complètement folle de Cuchulain en fureur ci-dessous).

Cuchulainn est élevé à la façon des artistocrates celtiques. Ainsi, il est éduqué par son père adoptif le poète Amairgin (ou Amorgen). L'historien Sencha lui enseigne la sagesse, Fergus l'art de la guerre, le druide Cathba la magie et tandis que les guerrières Aifa et Skatha (ou Scathach) lui offrent aussi leur savoir. Cette dernière deviendra d'ailleurs sa maitresse et lui donnera un fils, Conatt, qu'il tuera par mégarde au cours d'un combat.

Avec tous ces enseignements, Cuchulainn développe jusqu'à l'invraisemblable la folle fureur qui l'anime à la bataille, en l'obligeant à frapper aveuglément quiconque, ami ou ennemi, se trouvant à sa portée. En temps ordinaire, il diffère des autres physiquement. Ainsi, au lieu d'être grand, blond et barbu comme les siens, il est petit brun et imberbe[dans la saga d'Egill fils de Grimr le chauve, Egill qui peut entrer en fureur a le même aspect physique singulier]. C'est en partie pour cette raison qu'il est parfois considéré comme un étranger. Au cours d'un combat, sa fureur est telle que son physique s'en trouve atteint. Ainsi, ses cheveux se dressent et une goutte de sang ou une étincelle apparaissent au bout de chaque mèche. Des flammes sortent de sa bouche. Une bosse de la taille d'un poing se forme alors sur son front. Un jet de sang noir sort du haut de son crâne et peut atteindre la hauteur du mât d'un grand navire. Un oeil est enfoncé dans son orbite tandis que l'autre devient gros et globuleux. Il brandit alors une lance barbelée, la gae bolga qui, dit-on, ne rate jamais sa cible. On dit aussi que pour le calmer, il faut le baigner dans trois bains successifs d'eau glacée.
(arbre celtique toujours)

On pourrait donc interpréter ainsi: agir pour le chef de l'entité politique, ici le chef du peuple Ulate (qui est une entité équivalente à n'importe quel autre peuple celtique ou germanique comme les Eduens ou les Chérusques) n'était clairement pas évident. Le fait de devoir recourir à la fureur guerrière prouve une chose, le héros n'aurait jamais trouvé assez de force intérieure pour tuer son frère et empêcher l'invasion.
Tandis que grâce à la folie furieuse il s'oublie littéralement, comme Hercule, il agit sans le savoir vraiment. Il embrasse son frère in fine, signe qu'il regrette l'action et le ramène chez lui par respect.
Comme seul des êtres exceptionnels, inhumains (au sens premier), entrant dans des états de transe sont capable d'un tel acte on en déduit que l'histoire dit en substance que les autres hommes auraient préférés leur famille.
Au final, si on ne peut préférer une voie à l'autre et que le mythe ne tranche pas il a le mérite de dégager deux appartenances fondamentales, propre à ces mentalités. D'un côté le clan familial, je ne sais pas comment l’appeler autrement, il se compose des proches mais aussi des amis qui deviennent aussi importants que des membre de même sang, c'est une communauté à laquelle on se sent appartenir affectivement (tout comme nous) mais un plus, un peu à la manière des "gens" latine c'est une entité à laquelle on doit faire honneur. On en connait les membres illustres et les codes propres, on se doit de la défendre et d'être toujours digne de ses ancêtres qu'on ne peut trahir. C'est une cellule fondamentale qui a bien plus de valeur que dans notre monde parce qu'elle est un clan et donc une entité politique bien distincte avec des intérêts et des guerres marquées (comme dans les sagas). Le sentiment d'appartenance devient être bien plus fort que celui que l'on éprouve à l'égard de notre famille. Nous ne défendons un honneur familial contre vent et marées jusqu'à notre destruction prévisible.
Mais de l'autre côté, à la famille se superpose le peuple fédéré par un chef auquel on appartient et dont on suit les règles. Tacite insiste beaucoup sur la fidélité absolue à leurs chefs, ce n'est peut être pas qu'un poncif, les seigneurs vikings, jarls rappellent ce pouvoir.
Cette légende vante l'abnégation du héros prit entre deux feux et deux appartenances fortes qui l’assaillent de devoirs. Il se comporte au mieux tout en s'en remettant à la folie qui seule permet de protéger son peuple. Il es d'ailleurs dans la position de l’agressé, c'est bien son frère qui est persuadé par la reine de tuer son frère. Cuchulain fait une synthèse bien malheureuse des deux entités auxquelles un germain ou un celte (ou toute société avec de petites entités politiques dans lesquelles un chef seul fédère une petite communauté semi-urbaine qui possède une ville ou village et quelques terres et dans laquelle des clans se disputent un pouvoir fragile) se sent appartenir. Il faut noter que les grandes familles régnantes étaient bien souvent très proches de par le sang dans une même région et que quand deux chefs se battaient il y avait aussi les membres d'une même famille qui s'affrontaient (Rome garde cela avec ses gens patricienne romaine qui se disputent le pouvoir tout en ayant une forte identité surtout pendant la République)...

Comme le disait Pédro:

Pédro a écrit :
Alors si nous avons effectivement oublié de nos jours cette idée de clan, ce qui est tout à fait juste, il faut y rajouter aussi l'idée de pluralité des identités avec laquelle nous avons tant de mal également à ne pouvoir considérer l'Autre comme un membre de notre nation s'il n'en incarne pas la totalité des codes d'appartenance... idée qui aurait été saugrenue dans l'Antiquité...


L’identité, le sentiment appartenance était donc bien pluriel, famille (le clan donc, mais comme le soulignait Laurent Frédéric il n'est pas patrilinéaire du tout avec les frères de sang, les adoptions...), tribus et chef qui s'y superposait, alliances, religion... Et avec ce que je vous ai dit, je dirais pour les peuples germaniques ou celtiques (pour les autres je ne m'avance pas) qu'il était duel. Et cette légende le traduit ici avec brio.

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Þat skal at minnum manna
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Cela restera dans la mémoire des hommes
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Message Publié : 05 Déc 2016 21:07 
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Localisation : Isère
Je résume parce que mon message n'était peut-être pas très clair et précise qu'il ne s'agit que d'une hypothèse :oops:
je voulais juste montrer que le sentiment d'appartenance dans ce type de sociétés était associé à des entités plurielles, ce qu'a très bien souligné Pédro, (j'en dégage deux de ce mythe en tout cas), en contradiction et en même temps bien plus réduites que dans le monde plus moderne qui arrive avec la féodalité.
L'homme ne se relie pas à une seule entité mais hésite souvent entre plusieurs. Le clan familial d'un côté et puis la tribu que fédère le chef/conseil (sorte de première manifestation d'un pouvoir politique fédérateur encore ténu et que ces clans se disputent) et tout est compliqué par le fait que ces "chefs" sont souvent des mêmes familles... Il y a une sorte de points d'équilibre à trouver entre deux identités potentiellement concurrentielles ou qui cohabitent. Vers qui se tourner alors qu'elle ont autant de valeur ?
Pour nous, famille et Nation ne forme presque qu'un avec le principe de fraternité et l'Etat est bien plus puissant qu'une famille (qui n'est plus un clan politique mais un lien privilégié) or ici il y a concurrence...

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Message Publié : 07 Déc 2016 13:33 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Oliviert a écrit :
Votre question se base sur quelques présupposés qui me semble erronés :
Berserk2 a écrit :
les vikings attaques
Non. Les vikings font du commerce avant tout. Ils attaquent très peu, car ils sont peu nombreux. Quand ils débarquent en Normandie, ils n'arrivent que sur quelques dizaines de bateaux. Cela n'a rien à voir avec le débarquement de 1944. Au total, les Vikings en Normandie ne sont que quelques centaines ou quelques milliers. Ils effrayent certains moines dont les récits vont être à l'origine du mythe des "attaques". Mais, les vikings ne peuvent pas voler les richesses des Francs. Alors, ils les leur achètent. Ils font du commerce.

Je pense que l'on a trop été d'un extrême à l'autre. Autrefois l'on faisait des vikings des barbares ne sachant que pratiquer les razzias, de nos jours l'on atténue un peu trop les faits en voulant les faire passer que pour de paisibles commerçants. Les populations ont bien réellement été terrifiées des raids vikings, les francs et les autres populations ont eu bien du mal à les contenir au point même de parfois les laisser s'installer sur leurs terres à défaut de pouvoir les contenir. De nombreuses reliques de saints ont été rapatriés des côtes vers les terres pour les mettre à l'abri des pillages vikings (exemple St Marcoul... entre autres). Ils pratiquaient des incursions jusqu'à assez loin à l'intérieur des terres grâce à leurs bateaux à fond plat (knörr). Il y'a eu des implantations jusque dans les Ardennes (exemple avec le village d'Asfeld qui borde l'Aisne). Oui les vikings étaient d'excellent commerçants (entre autres d'esclaves enlevés dans les territoires pillés) mais on ne peut pas nier le fait que leurs raids effrayés bien les populations et ne se faisaient pas dans la douceur...

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Message Publié : 19 Jan 2017 14:02 
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Grégoire de Tours
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Citer :
Je pense que l'on a trop été d'un extrême à l'autre. Autrefois l'on faisait des vikings des barbares ne sachant que pratiquer les razzias, de nos jours l'on atténue un peu trop les faits en voulant les faire passer que pour de paisibles commerçants. Les populations ont bien réellement été terrifiées des raids vikings, les francs et les autres populations ont eu bien du mal à les contenir au point même de parfois les laisser s'installer sur leurs terres à défaut de pouvoir les contenir. De nombreuses reliques de saints ont été rapatriés des côtes vers les terres pour les mettre à l'abri des pillages vikings (exemple St Marcoul... entre autres). Ils pratiquaient des incursions jusqu'à assez loin à l'intérieur des terres grâce à leurs bateaux à fond plat (knörr). Il y'a eu des implantations jusque dans les Ardennes (exemple avec le village d'Asfeld qui borde l'Aisne). Oui les vikings étaient d'excellent commerçants (entre autres d'esclaves enlevés dans les territoires pillés) mais on ne peut pas nier le fait que leurs raids effrayés bien les populations et ne se faisaient pas dans la douceur...


Vous avez raison.

Mais le fait est qu'à l'époque, ce genre de raids était monnaie courante et pratiquée par tous les peuples. Les Francs lançaient régulièrement des raids sur l'Angleterre, les Saxons sur le continent, les Irlandais sur l'Ecosse et la Bretagne....etc. Au Sud, les musulmans venus d'Afrique du Nord faisaient des razzias dans tout l'Ouest de la Méditérannée.

Le fait que les vikings étaient païens a été, je pense, déterminant dans la manière que l'on a eu d'insister sur leurs déprédations à eux. Surtout que le phénomène a, à priori (parce que là encore Lindisfarne en 793, c'est une convention, et ça faisait bien longtemps qu'il existait des liens entre la Scandinavie et l'Occident romain, contrairement à ce que prétendent certaines séries débiles...), commencé au moment où Charlemagne lutte avec acharnement à l'éradication du paganisme en Europe continentale. Autant, les vikings n'en avaient pas grand chose à faire (et n'ont pas hésité à se convertir dès que ça leur donnait un avantage et s'en prenaient également beaucoup à d'autres païens), autant chez les Francs, ce retour de païens au moment où on pensait l'ancienne religion quasiment éteinte a du marquer, surtout dans les milieux ecclésiastiques.

Quant à chercher un souvenir d'appartenance à une culture proche des Scandinaves chez les Francs 3 ou 400 ans avant, elle est totalement illusoire, surtout pour ces peuples où l'idée de la chose publique, de la nation, est totalement absente. Le paganisme ancien est une religion empirique faite d'une foules de rites et de croyances. Elle n'est pas vecteur d'unité ou de sentiment d'appartenance comme peut l'être le Christianisme. Quand on est païen, on appartient pas à une communauté, à une "ecclesia" dont tous les païens se reconnaissent, loin de là même.


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Message Publié : 25 Jan 2017 23:33 
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Pierre de L'Estoile
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Inscription : 28 Déc 2011 12:34
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Brennus a écrit :
Mais le fait est qu'à l'époque, ce genre de raids était monnaie courante et pratiquée par tous les peuples. Les Francs lançaient régulièrement des raids sur l'Angleterre, les Saxons sur le continent, les Irlandais sur l'Ecosse et la Bretagne....etc. Au Sud, les musulmans venus d'Afrique du Nord faisaient des razzias dans tout l'Ouest de la Méditérannée.

Ne pas oublier les Magyars qui ont fait peut être plus forte impression (il marquent le début du surgissement des mottes castrales partout en francie occidentale)

Brennus a écrit :
Le fait que les vikings étaient païens a été, je pense, déterminant dans la manière que l'on a eu d'insister sur leurs déprédations à eux. Surtout que le phénomène a, à priori (parce que là encore Lindisfarne en 793, c'est une convention, et ça faisait bien longtemps qu'il existait des liens entre la Scandinavie et l'Occident romain, contrairement à ce que prétendent certaines séries débiles...), commencé au moment où Charlemagne lutte avec acharnement à l'éradication du paganisme en Europe continentale. Autant, les vikings n'en avaient pas grand chose à faire (et n'ont pas hésité à se convertir dès que ça leur donnait un avantage et s'en prenaient également beaucoup à d'autres païens), autant chez les Francs, ce retour de païens au moment où on pensait l'ancienne religion quasiment éteinte a du marquer, surtout dans les milieux ecclésiastiques.


Les Carolingiens luttent à l'éradication du paganisme dans la société nobiliaire des territoires qu'ils contrôlent d'abord contre les lombard qui sont en majorité arien puis contre les saxons de saxe qui sont (re?) tourné vers le paganisme, ont le voit également lors des révolte des stellinga sous Louis le Pieu il s'agit essentiellement des nobles. Voici un extrait de Nithard dans "histoire des fils de louis le débonnaire"

petit Nard a écrit :
Comme le savent tous ceux qui habitent en Europe, l’empereur Charles, à juste titre appelé le Grand par toutes les nations, arracha les Saxons à divers cultes idolâtres, après de longs et nombreux efforts, et les convertit à la vraie religion chrétienne. Dès les premiers temps, les Saxons, aussi nobles que vaillants à la guerre, s’illustrèrent par beaucoup d’exploits. Cette nation est divisée en trois ordres ; il y a parmi eux des hommes qui sont appelés dans leur langue, edhilingi, d’autres frilingi, et d’autres lazzi ; c’est-à-dire en latin, les nobles, les hommes libres et les serfs. L’ordre qui passe chez eux pour noble se divisa en deux partis, pendant les dissensions de Lothaire et de ses frères ; l’un suivit Lothaire et l’autre Louis ; Lothaire voyant, après la victoire de ses frères, que ceux qui l’avaient suivi voulaient l’abandonner, et pressé par diverses nécessités, chercha des secours partout où il espéra en trouver. Tantôt il distribuait pour son propre avantage les biens de l’État ; tantôt il donnait aux uns la liberté, et promettait à d’autres de la leur accorder après la victoire. Il envoya des messagers en Saxe, promettant aux hommes libres et aux serfs (frilingi et lazzi), dont le nombre était immense, que, s’ils se rangeaient de son parti, il leur rendrait les lois dont leurs ancêtres avaient joui, au temps où ils adoraient les idoles. Les Saxons, avides de ce retour, se donnèrent le nouveau nom de stellingi ; se liguèrent, chassèrent presque du pays leurs seigneurs, et chacun, selon l’ancienne coutume, commença à vivre selon la loi qui lui plaisait. Lothaire avait de plus appelé les Normands à son secours, leur avait soumis quelques tribus de chrétiens, et leur avait même permis de piller le reste du peuple du Christ.


Il reste de nombreux ilots de paganisme chez le peuple francs plus ou moins toléré par le clergés et la fonction publique carolingienne et il faudra attendre l'an mille avec l'organisation féodale et le maillage des abbayes cistercienne pour qu'il y ait conversion générale sous peine de mort. Du coup je me demande la perception des normands chez les paysans comme de redoutable paîens, ça colle pas... plutôt de dangereux trafiquants d'esclave au même titre que les juifs, les arabes et les Magyars.


Brennus a écrit :
Le paganisme ancien est une religion empirique faite d'une foules de rites et de croyances. Elle n'est pas vecteur d'unité ou de sentiment d'appartenance comme peut l'être le Christianisme. Quand on est païen, on appartient pas à une communauté, à une "ecclesia" dont tous les païens se reconnaissent, loin de là même.


Je nuancerai quand même cette christianophylie un peu excessive, dans les cas des Stellinga voir ci-dessus, de même l'importation d'hérésie bulgares par les magyars, qui vont s'implanter durablement dans le sud-ouest, enfin la persistance au moins folklorique des ancienne religion dans les sagas noroises, montre qu'à cette époque le christianisme n'est pas si triomphant que cela, on a les dérives iconoclastes à Byzance, le christianisme celtique qui a dominé l'occident n'est pas encore totalement remplacé par la règle de St Benoit, la papauté est pas loin des abysses infernaux avec la pornocratie, le concile cadavérique, la papesse Jeanne. Tout cela bouge beaucoup quand même et le triomphe de l'Eglise en occident dans les couches populaires n'est pas gagné.

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Lietz her heidine man. Obar seo lidan.
Thiot urancono. Manon sundiono.
(Il permit que les païens traversassent la mer, Pour rappeler aux Francs leurs péchés)


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Message Publié : 26 Jan 2017 15:57 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Avr 2006 23:08
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Citer :
Je nuancerai quand même cette christianophylie un peu excessive


Vous surinterprétez mes propos, je n'ai aucune admiration particulière pour le Christianisme plutôt qu'une autre religion, et les religion païennes anciennes me fascinent et me passionnent depuis longtemps.

Je voulais souligner le fait que le Christianisme, en plus d'une religion révélée contrairement aux religions anciennes qui se sont constitué empiriquement depuis la préhistoire, a un message universaliste et considère que tous ses "adhérents" forment une sorte de communauté, de "troupeau" même....

Rien de tel dans le paganisme. La religion était bien sûr un ciment de la société. Mais croire en Wotan ou autre ne signifiait en rien l'appartenance à une même "Eglise". Il n'y a pas de clergé commun, même probablement pas de rites communs. Alors que le Christianisme en comparaison se fonde en grande partie sur des rites communs et sur une Eglise monolithique (bien que la réalité fut bien différente).

Citer :
à cette époque le christianisme n'est pas si triomphant que cela,


Où ai-je dit cela? Je voulais dire que le paganisme germanique n'était pas nécessairement le signe de l'appartenance à une même communauté et que cela n'avait aucune incidence que les Francs aient à une époque reculée partagé plus ou moins la même religion que les vikings et qu'il n'auraient pas conséquent absolument pas se reconnaître une origine commune avec ce critère là.

Mais effectivement, des traces de paganismes ont perdurées jusqu'à nos jours dans notre folklore et nos traditions. Le Christianisme s'est vite aperçu qu'il ne pouvait pas faire table rase des anciennes croyances et en a intégré de très nombreuses (dans la région où j'habite, il n'y a pas si longtemps, on rendait encore des cultes à des "Bonnes Fontaines" habités par des saints succeptibles d'être responsables (j'ai bien dit d'être responsables, pas simplement d'être les détenteurs d'un pouvoir guérisseur) de certaines maladies et qu'il fallait apaiser par certains rites.... On est assez loin du credo chrétien là quand même), et mon arrière grand mère racontait à ma mère des histoire de chasses volantes et autres choses que l'on peut rattacher assez facilement à des croyances ou des mythes très anciens.

C'est d'autant plus vrai pour des contrées converties tardivement comme la Scandinavie, ou l'Islande, où la conversion s'est faite sans que l'ancienne religion ne soit mise hors la loi.


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