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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 02 Jan 2017 12:49 
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Fustel de Coulanges
Fustel de Coulanges
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La question de l’inconstitutionnalité, dans le cadre des débats ayant abouti au décret de licenciement de la garde du roi, fut abordée en ces termes :

Carnot-Feuleins : « Que devez-vous faire, Messieurs? Ouvrir la Constitution.
J'y lis, article 12, chapitre II : « Le roi aura, indépendamment de la garde d'honneur qui lui sera fournie par les citoyens gardes nationales du lieu de sa résidence, une garde payée sur les fonds de la liste civile; elle ne pourra excéder le nombre de 1 200 hommes à pied et de 600 hommes à cheval. »
Ainsi cet article donne au roi une garde, et il est impossible que vous le dépossédiez tant que vous resterez dans la ligne constitutionnelle. La grande mesure que vous avez à prendre n'est donc pas de licencier la garde du roi; mais vous avez sans doute le droit, et le roi ne pourra se refuser à sanctionner le décret que je demande, décret qui soit porté par une députation de 60 membres. Vous avez, dis-je, le droit, d'après les soupçons bien fondés que vous avez sur la garde du roi, soupçons que le roi partagera avec vous, lorsqu'il connaîtra les faits qui viennent de vous être exposés ; vous avez, je le répète, le droit de rendre un décret pour suspendre le service de la garde du roi. C est la mesure que je propose à l’Assemblée. »

Dumas : « M. Carnot a cité la Constitution et vous a lu l'article 12 du chapitre II. Il en a conclu que le Corps législatif n'avait pas le droit de licencier la garde du roi, mais il a pensé cependant que l'Assemblée pouvait en suspendre l'exercice. Quant à moi, je pense que le même article de la Constitution qui donne au roi la composition de sa garde, qui suppose que la garde du roi sera à sa nomination et à ses ordres, ne vous permet ni de la licencier, ni de la suspendre. Le salut de l'Empire réclame l'union des autorités constituées, et c'est à nous qu'il appartient de prouver que nous la désirons.
[…]
Cette grande mesure, présentée comme mesure de police générale, ne serait pas nécessaire, quand même elle serait permise; et je pense qu'elle ne vous est pas permise par la Constitution. Bien loin que la tranquillité publique exige cette grande mesure de police, je crois que la capitale, au contraire, réclame plus que jamais que vous mainteniez la plus parfaite union entre les pouvoirs constitués.
Je crois, Messieurs, seconder le vœu de tous les membres de cette Assemblée en m'exprimant ainsi; et je pense que s'il est un moyen de sortir de la crise actuelle, de porter le flambeau dans tous les complots dont on se plaint, c'est de maintenir dans toute leur intégrité, de montrer au peuple notre respect pour les autorités constituées»

Delacroix : « Il faut se réunir sur un point. Peut-on ou ne peut-on pas licencier la garde du roi ? Car jusqu'à présent on vous a dit que vous ne le pouviez pas.
M. Carnot lui-même a soutenu ce principe, d'après la Constitution, et cependant il croit que vous avez le droit de suspendre la garde du roi, ce qui est contradictoire. Car si vous avez le droit de la suspendre, vous avez également celui de la réformer. La mesure proposée par M. Carnot serait peut-être insuffisante et même dangereuse. L'intention de l'Assemblée, en prononçant le licenciement de la garde du roi, est d'éloigner de la capitale tous les mauvais citoyens qui la composent. Il vaudrait autant laisser subsister la garde du roi dans son service que la suspendre momentanément.
Je demande donc que la discussion s'ouvre sur le point de savoir si le Corps législatif peut faire une loi pour licencier la garde du roi. Je penche pour l'affirmative, car je ne vois rien dans la Constitution qui nous empêche de prononcer le licenciement. Je me réserve de demander la parole à mon tour sur cette question. Mais avant tout, je propose à l'Assemblée, pour ne pas divaguer davantage, de réduire la question à ce seul point : Peut-on ou ne peut-on pas licencier la garde du roi ? »

Lasource : « Il ne s'agit pas du tout de mettre en délibération la question de savoir si le Corps législatif a le droit, ou non, de licencier la garde du roi, mais celle de savoir si, lorsque la Constitution a été violée, le Corps législatif a le droit de déclarer au roi que la Constitution a été violée et qu'en conséquence, la composition d'une garde faite en violation de la Constitution est nulle par la Constitution même.
En ouvrant la Constitution, j'y trouve les conditions nécessaires pour entrer dans cette garde, et je dis que ces conditions ont été violées. Si l'Assemblée veut me permettre de lire l'article, je vais l'en convaincre à l'instant. Le voici :
« Le roi ne pourra choisir les hommes de sa garde que parmi ceux qui sont actuellement en activité de service dans les troupes de ligne ou parmi les citoyens qui ont fait depuis un an le service de garde nationale, pourvu qu'ils soient résidants dans le royaume et qu'ils aient précédemment prêté le serment civique. »
Or, d'après les preuves que vous avez, ces conditions n'ont point été remplies. On n'a pas prêté le serment civique, on n'a point le temps de service voulu dans la garde nationale ou dans la troupe de ligne. Par conséquent, la Constitution ayant été violée, la formation d'une garde composée d'une manière contraire à la Constitution est nulle.
Messieurs, lorsque le roi, qui a le droit de sanctionner vos décrets, croit apercevoir, non pas dans tous les articles d'un décret, mais dans un seul, une disposition qu'il croit contraire à la Constitution, il ne le sanctionne pas. De même, si vous apercevez que la formation de la garde du roi, non pas dans tous les individus, mais dans quelques-uns seulement de ceux qui la composent, présente une irrégularité, une absence des conditions exigées par la Constitution, vous rentrez dans le même ordre d'idées que le roi lorsqu'il refuse de sanctionner un décret. Vous devez déclarer que la Constitution est violée et que, par conséquent, la formation de la garde du roi est nulle.
En agissant ainsi, Messieurs, vous ne rendez pas un jugement; vous ne faites que déclarer ce qui l'est déjà par la Constitution. Quand le roi voudra avoir une garde, ainsi que la Constitution lui en donne le droit, ce sera à lui à la composer conformément à cette même Constitution. Mais vous devez dans ce moment, et j'en fais la motion expresse, vous borner à déclarer que la garde du roi ayant été formée d'une manière contraire à la Constitution, la formation de cette garde est nulle. »

Delacroix : « Je soutiens que l'Assemblée a le droit de prononcer le licenciement La Constitution est la base sur laquelle nous devons appuyer toutes nos décisions; elle distribue les différents pouvoirs aux autorités constituées, les sépare et nous prescrit nos devoirs, mais c'est la Constitution positive et non la Constitution négative que nous devons suivre.
Or, je demande à tous les membres de l'Assemblée, même à ceux qui rient, quel est l'article de la Constitution qui défend au Corps législatif de licencier la garde du roi, lorsque sa conduite lui en fait un devoir impérieux ? Si la Constitution dit que, dans aucun cas, le Corps législatif ne peut licencier la garde du roi, nous devons nous y conformer et prendre une autre mesure, mais si la Constitution ne le défend pas, je soutiens qu'on ne peut pas opposer une disposition négative à la Constitution. Or, non seulement elle ne le défend pas, mais elle lui en donne le droit, car le Corps législatif ayant la police suprême de l'Empire doit nécessairement pouvoir dissoudre tous les corps militaires qui menacent la liberté publique.
Voudrait-on arguer de l'article qui porte que le Corps législatif ne peut disposer de l'armée que sur la proposition formelle du roi ? Je connais cette disposition, mais je soutiens qu'elle n'est pas applicable à la garde du roi parce que la garde du roi ne fait pas partie de l'armée. C'est un corps particulier qui existe en vertu d'une loi, mais qui doit être dissous dès qu'il trouble l'ordre public.
Ainsi, je demande à ceux qui parlent de la Constitution, à ceux qui disent, que vouloir sauver la patrie en licenciant la garde du roi, c'est déchirer la Constitution ; je demande que ceux-là citent l'article de la Constitution qui défend au Corps législatif de licencier la garde du roi, et alors je suis le premier à me rendre à cet avis. Mais je soutiens que la Constitution ne contient aucune disposition semblable, et je demande que l'Assemblée décrète le licenciement de la garde du roi, et qu'elle mette en état d'accusation les officiers supérieurs. »

Ramond : « Je passe maintenant à la démonstration que la mesure du licenciement est absolument inconstitutionnelle. Et à cet égard, je m'appuierai sur une considération toute contraire à celle de M. Delacroix. En matière de Constitution et de pacte social, il est certain que tout droit doit être positif. Il n'en est pas de même dans ce cas comme lorsqu'il s'agit de nos droits individuels. Tout ce que la loi ne défend pas à un individu lui est garanti par le droit naturel. Le droit résultant de l'organisation sociale n'a pas un pareil supplément. Le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, sont dans le corps politique autant d'individus et de personnes politiques, qui n'ont derrière elles aucune portion du droit naturel; où leurs droits constitutifs cessent, ces personnes ne peuvent avoir recours à aucune autre espèce de droit ; tout ce que la Constitution ne dit pas, n'exige pas, ne commande pas, n'est point donné, n'est point exigé, n'est point commandé. Et en effet, Messieurs, pour peu que vous preniez cette observation en considération, il résultera pour vous cette conviction, que si chaque corps constitué s'arrogeait le pouvoir de faire tout ce que la Constitution ne lui défend pas et se prévalait tour à tour du même avantage, aujourd'hui le Corps législatif, demain le roi, bientôt les Corps administratifs, la haute cour nationale, les tribunaux de districts, attirant à eux tout ce que la Constitution ne leur défend pas nominativement de prendre, vous tomberiez dans la plus effrayante désorganisation sociale, dans des discussions de compétence interminables, dans une confusion inouïe de pouvoirs, de prétentions, d'actions et de réactions respectives, et l'on ne peut prévoir jusqu'où, ce choc et ce déchirement nous conduiraient. Ce serait fait de cette belle Constitution qui a divisé, réglé, modéré les pouvoirs et dont la théorie remise en nos mains attend sa pratique de notre fidélité à l'observer. Toutes ces questions du tien et du mien, qui excitent entre les hommes de si sanglantes querelles, envenimées par tout ce que les intérêts politiques, ajoutent de chaleur aux discussions, plongeraient l'Etat dans les convulsions des dissensions civiles. Il n'y aurait plus pour la France, ni prospérité, ni paix, ni liberté, car tout cela ne peut résulter que du respect que se gardent les autorités coordonnées, respect que leur commandent toutes les pages de la Constitution, et qui disparaît à l'instant où les différents pouvoirs cessent de reconnaître leurs bornes dans la lettre même de la Constitution. Vous devez donc agir ici avec la plus grande circonspection et n'exercer que les droits qui vous sont expressément délégués.
Permettez, Messieurs, qu'à ces considérations générales, j'en ajoute une particulière.
Lorsque l'on vous a proposé le licenciement de la garde du roi, a-t-on songé à vous poser cette question : cet acte sera-t-il ou ne sera-t-il pas sujet à la sanction ? Si cet acte est sujet à la sanction, jugez, Messieurs, quelle inconvenance ! Si, au contraire, la sanction n'est pas nécessaire, pourquoi ne vois-je, dans aucune partie de la Constitution, cet acte placé au rang de ceux que le Corps législatif peut faire, sans être soumis à la sanction royale ? »

Guadet : « Ne pouvant contester l'avantage qu'il y aurait à licencier ce corps, on conteste à l'Assemblée nationale le pouvoir d'en prononcer le licenciement ou la dissolution.
M. Delacroix avait cru trouver ce droit dans la Constitution même. « La Constitution, avait-il dit, ne défend point à l'Assemblée de prononcer le licenciement; donc elle en a le droit. » M. Ramond a cru trouver dans ce raisonnement le renversement de tous les principes. « Cette mesure, a-t-il dit, si elle était adoptée, ne tendrait à rien moins qu'à déchirer tous les pouvoirs. Bientôt les corps administratifs diraient : tout ce que la Constitution ne nous défend pas de faire, nous avons le pouvoir de le faire. Bientôt le pouvoir judiciaire vous dirait à son tour : tout ce que la Constitution ne nous défend pas de faire, nous pouvons le faire aussi.» De là, pour me servir de l'expression de M. Ramond, le déchirement de toutes les autorités constituées et de tous les pouvoirs délégués.
Il me semble que M. Ramond a conçu sur ce point de bien fausses alarmes. La Constitution délègue aux représentants du peuple le pouvoir indéfini de faire des lois avec la sanction du roi, et cette délégation est en quelque sorte la base essentielle de la Constitution. Au roi est délégué le pouvoir exécutif et aux juges, temporairement, le pouvoir judiciaire. Maintenant je demande si l'acte du licenciement qu'on vous propose est du ressort du pouvoir exécutif ou du ressort du pouvoir judiciaire. On ne le prétend pas. C'est donc un acte purement législatif et alors je demande comment l'on peut prétendre que l'Assemblée n'a pas le droit de faire tous les actes législatifs.
Je sais bien, Messieurs, que le pouvoir législatif comporte, par la Constitution même, quelques restrictions. Par exemple, les représentants temporaires du peuple ne peuvent décréter la guerre que sur l'initiative du roi ; mais, hors les cas prévus par la Constitution, le pouvoir de faire des lois est sans bornes. Ainsi donc, si l'acte qui vous est proposé n'est qu'un acte purement législatif, en vain prétendrait-on trouver dans cette mesure le déchirement de toutes les autorités constituées, le choc de tous les pouvoirs. Je n'y vois que l'exercice légal d'un droit que la Constitution même délègue au Corps législatif, et alors, puisqu'on ne contestera pas sans doute que le licenciement de la garde du roi ne soit un acte purement législatif, il est démontré que vous avez le droit de prononcer ce licenciement.
Je ne crois pas, Messieurs, qu'on puisse opposer à ce raisonnement rien de solide; car, encore une fois, il faudrait prouver que la mesure qui vous est proposée participe, en quelque chose, soit au pouvoir judiciaire, soit au pouvoir exécutif. Or, il est démontré, pour tous les bons esprits, qu'elle ne tient ni à l'un ni à l'autre de ces pouvoirs. Vous avez donc le droit de prononcer le licenciement de la garde du roi, parce que la Constitution vous donne le pouvoir de faire, avec la sanction du roi, toutes les lois qui intéressent le salut du peuple français. Et puisque personne ne conteste que si la mesure est possible, elle est nécessaire dans les circonstances, puisque personne ne conteste que dans la crise qui nous travaille, d'après les faits et les preuves qui nous ont été mis ce matin sous les yeux, cette garde ne soit un sujet de grandes alarmes pour tous les bons citoyens qui veulent la tranquillité de l'Etat, vous ne devez pas balancer, Messieurs, à adopter le licenciement. »

Gérardin : « J'ouvre la Constitution, et j'y vois qu'elle donne au roi une garde dont les membres sont à sa nomination, en se soumettant toutefois aux conditions qui lui sont imposées par les lois. Or, Messieurs, s'il existe dans cette garde des individus qui n'ont point rempli les conditions exigées par la loi, il faut les exclure, et les chefs qui les y ont admis doivent-être punis, parce qu'ils ont violé la loi. Mais si vous ordonnez le licenciement, vous violez la Constitution, car le roi restera, au moins momentanément, privé de la garde que la Constitution lui accorde.
Je dis que le roi n'aurait plus de garde constitutionnelle ; il aurait, je le sais, outre la garde nationale, tous les citoyens amis de la liberté et ennemis de la licence, ils se placeraient entre le crime et son objet et braveraient la mort pour éviter à la nation la tâche ineffaçable d'un grand forfait et lui conserver son premier magistrat. Mais il n en est pas moins vrai qu'au moment même ou l'Assemblée nationale prononcerait le licenciement, le roi n'aurait plus a garde qui lui est accordée par la Constitution.
Je vais vous prouver maintenant combien la mesure proposée est insuffisante. Je passe sur les arguments de M. Delacroix, car il est trop évident que, de même que le Corps législatif ne peut pas se prévaloir du silence de la Constitution pour destituer les ministres, il ne peut pas argumenter du défaut d'article négatif pour destituer la garde du roi. Mais M. Guadet a dit que l'esprit de corps ne pouvait se détruire que par un licenciement ; or, lui-même, n'est-il pas convenu que, le licenciement de la garde du roi effectué, les individus qui remplissent les conditions prescrites par la loi pourront y rentrer après le licenciement. Il est évident que ce même esprit de corps y rentrera avec eux ; car enfin, pour sortir des rangs aujourd'hui, et pour y rentrer demain, l'esprit ne change pas et rien ne garantit que les nouveaux n'apporteront pas les mêmes sentiments que ceux qui seront exclus.
Vous voyez, sous ce premier point de vue, combien cette mesure est insuffisante; je vais vous montrer combien elle est ridicule. En effet, le roi a incontestablement le droit de choisir les individus qui doivent composer sa garde; M. Delacroix et autres prétendent que vous avez celui de la licencier. Il en résulte que rien ne peut vous garantir que la nouvelle garde constitutionnelle sera animée d'un meilleur esprit que la précédente ; et alors je vous prie de me dire ou s'arrêtera le droit de licencier et par conséquent le droit de priver perpétuellement le roi e sa garde constitutionnelle. »

Cambon : « J'ai remarqué que la garde du roi, dans la Constitution, n'est pas un pouvoir militaire ; elle ne peut exercer aucun pouvoir dans la nation; c'est un corps que nous devons punir quand il s'écarte de son devoir. On nous dit que nous n'avons pas le droit positif de la punir, parce que la Constitution n'a posé que des principes; mais ici, Messieurs, on ne contestera pas au Corps législatif, le droit de s'assurer que les citoyens qui composent la garde du roi sont dans les principes de la Constitution. On ne contestera pas que le Corps législatif peut faire des lois pour s'en assurer ; vous-mêmes vous l'avez décidé, en faisant des lois pour son installation. »

Daverhoult : « Je me borne à examiner la mesure proposée du licenciement de la garde du roi; je dis que cette mesure est inconstitutionnelle et qu'elle ne peut être prononcée ni par le roi, ni par l'Assemblée, ni par l'Assemblée ni par le roi réunis.
La Constitution s'exprime ainsi : « Le roi aura, etc. »
Le roi aura; c'est-à-dire que l'article est impératif et non facultatif; c’est-à-dire qu'il ne dépend pas du Corps législatif de décider si le roi aura une garde; il faut qu'il en ait une. Du moment où vous auriez licencié la garde du roi et qu'elle serait récréée après, il reste entre le licenciement et la récréation un intervalle. Cet intervalle est une violation de la loi, et vous n'avez pas le droit de la provoquer. »

Henry-Larivière : « Je soutiens, Messieurs, que la mesure du licenciement n'est point inconstitutionnelle; qui peut le plus peut le moins : c'est un adage trivial, mais dont vous connaissez tous la justesse. Quand vous avez su que des Français avaient tourné leurs armes contre leur patrie, vous avez porté un décret sage par lequel, dans le cas ou les coupables ne seraient pas dénoncés vous avez prononcé le licenciement des deux régiments, et détruit jusqu'aux noms qu'ils portaient; vous avez voulu qu'il restât toujours un vide dans l'ordre des numéros, qui rappelât à tous les bons Français que ces corps-là avaient encouru la haine de la nation. Or, Messieurs, si l'Assemblée nationale a eu le droit de licencier deux régiments et de supprimer jusqu'aux numéros qui les distinguaient, je vous demande si l'Assemblée nationale n'a pas le droit de licencier une garde qui peut-être a commis des délits aussi graves. »

Dalmas : « Le Corps législatif peut-il licencier ou suspendre la garde du roi ?
Je vais examiner cette question, uniquement d'après les principes constitutionnels.
Je la séparerai par conséquent des vains et ridicules rapports que l'on voudrait lui donner avec la sûreté publique, dans une ville peuplée d'un million d habitants, et forte d'une garde nationale nombreuse et distinguée sur toutes celles du royaume, par son civisme et sa bonne discipline.
Je ne m'arrêterai pas, non plus, sur les nombreuses dénonciations qui vous ont été faites, ni sur les soupçons, ou la foi qu'elles peuvent inspirer au milieu des intrigues et des factions de tous les genres qui nous entourent.
Je n'examinerai pas enfin jusqu'à quel point une démarche inconsidérée au Corps législatif pourrait, dans les circonstances, accréditer les bruits injurieux que les ennemis de la Révolution ne cessent de répandre sur la non-liberté du roi et sur les dangers qui menacent sa personne.
C'est la question elle-même, dégagée de toute considération particulière, que je veux discuter.
La garde du roi existe par la Constitution : donc il n'est point au pouvoir du Corps législatif d'en dépouiller définitivement ni momentanément le roi, puisque le premier devoir du Corps législatif est, au contraire, de maintenir toutes les parties de la Constitution; et puisque tel est l'état de la division et de l'indépendance des pouvoirs constitués que, toujours séparés par la démarcation que la Constitution a tracée entre eux, aucun ne peut en sortir pour faire des conquêtes sur le domaine de l'autre.
On objecte vainement que ce n'est pas priver le roi de sa garde que de la licencier ou de la suspendre, dans des circonstances impérieuses.
Je réponds que, si le Corps législatif, sous le prétexte de circonstances impérieuses, usait une fois de cette mesure, et s'il pouvait surtout en user, comme on l'a prétendu ce matin, par un décret non sujet à la sanction, et par ce qu'on appelle une mesure de police et de sûreté générale, il pourrait de fait, détruire entièrement la garde au roi, puisque cet acte étant toujours dépendant de sa seule volonté, rien ne pourrait en fixer les bornes ni en arrêter l'exercice.
Mais, objecte-t-on encore, si ce corps était en état de conjuration contre la patrie ?
J'observe que, dans cette hypothèse, ce n'est point par un acte de licenciement ou de suspension qu'il faudrait le punir, mais par un décret d'accusation contre les chefs et les principaux auteurs de la révolte. »

Vergniaud : « Maintenant, Messieurs, je passe à l'examen de la question qui vous occupe. Pouvez-vous licencier la garde soldée du roi ? Si elle faisait partie de la force armée, je ne crois pas qu'il s'élevât des doutes ; car, d'après la Constitution, lorsqu'une guerre se termine, c'est au Corps législatif à licencier la portion de l'armée qui lui parait inutile à la défense de l'Etat, et pouvoir être dangereuse pour la liberté ; lorsqu'une partie de la force armée se conduit mal, c'est encore le Corps législatif qui a le droit de licencier, de punir cette partie de l'armée. On vous en a cité des exemples récents. Si donc la garde du roi pouvait être considérée comme faisant partie de la force armée, la question serait résolue, mais la garde du roi ne fait pas partie de la force armée, car la force armée se compose uniquement, et de l'armée de ligne, et de la garde nationale.
Or, la garde du roi ne fait partie, ni de l'armée de ligne, ni de la garde nationale ; elle ne peut être requise en aucun cas pour le service de l'une ou de l'autre. Cependant, quoiqu'elle ne fasse pas partie de la force publique, elle est un corps armé dans l'Etat. Doit-il être dans la dépendance de quelque autorité ? A cet égard, il n'y a point d'explication dans la Constitution. Conclurai-je de ce silence, avec M. Delacroix, que le Corps législatif ayant tous les pouvoirs que la Constitution ne lui refuse pas formellement, il a le droit de prononcer le licenciement proposé ; ou, avec M. Ramond, que la Constitution ayant fixé les limites des pouvoirs des autorités constituées, et ne s'étant point expliquée sur le droit de licenciement de la garde du roi, le Corps législatif ne peut se l'arroger sans se rendre coupable d'usurpation. Je crois que ces deux conséquences, à les considérer dans toute leur étendue, s'écartent de la vérité et pourraient nous induire également en erreur. Il faut ici distinguer. La Constitution a divisé et classé les pouvoirs; d'où je conclus que si l'un d'eux veut agir seul et indépendamment de l'autre, il doit y être expressément autorisé par la loi, qui a déterminé leurs bornes respectives. Ainsi, quand le Corps législatif veut faire un acte qu'il juge indépendant de la sanction, il faut que son indépendance soit clairement prononcée par la Constitution ; car il ne lui est pas permis de supposer ses décrets affranchis de la sanction, dans les cas qui n'ont pas été prévus. C'est alors qu'il franchirait la limite constitutionnelle. Et là, je me trouve d'accord avec M. Ramond.
Mais telle n'est point la question. Il est vrai qu'un membre a fait la motion, mais personne ne l'a appuyée, que le décret ne fût pas soumis à la sanction ; il s'agit de savoir si un corps armé dans l'Etat, devenant dangereux, peut être licencié par le Corps législatif et le roi réunis. M. Daverhoult a soutenu la négative. Si le principe qu'il a posé était vrai, il s'en suivrait que la garde du roi serait plus puissante que le Corps législatif et le roi. Elle serait au-dessus des lois, elle dominerait les autorités constituées; elle serait bien plus puissante que n'ont été les jannissaires, que n'ont été les gardes prétoriennes, qui environnaient les Galigula et les Néron, et qui disposaient de l'Empire romain au gré de leurs fureurs et de leurs passions. Il faut donc, aux yeux de la raison, que la garde du roi, ce corps armé, soit dans une dépendance quelconque. Or, quelle est cette dépendance ? S'il s'agissait de juger des délits individuels, ce serait aux tribunaux à en connaître ; mais quand il s'agit d'un délit général, d'un délit de corps, comme alors on ne peut renvoyer aux tribunaux judiciaires, quelle sera l'autorité qui pourra réprimer le délit et arrêter l'influence du corps ? Il ne peut y en avoir d'autre que le Corps législatif et le roi, c'est-à-dire, le Corps législatif par un décret et le roi par la sanction; et dans le concours de ces deux autorités pour le maintien de la tranquillité publique, c'est méconnaître et outrager tous les pouvoirs, que d'accuser l'un ou l'autre d'usurpation.
Je vous prierai de remarquer que, lorsqu'il a été question d'organiser la garde du roi, vous avez décrété qu'elle serait soumise à un serment particulier. S'il était vrai que d'après la Constitution, vous ne puissiez rien décider relativement à l'existence de cette garde, vous n'auriez pas eu le droit de décréter ce serment ; et cependant il n'est aucun de nous qui n'eût voté de toutes ses forces contre son organisation, si au moment où elle fut formée, elle eût refusé de prêter le serment que vous avez décrété. Vous auriez donc eu le droit de l'empêcher de naître, si je peux m'exprimer ainsi. Mais si vous aviez le droit de l'empêcher de venir à l'existence, dans le cas où elle ne se serait pas conformée à la loi, comment peut-on vous contester celui de lui ôter l'existence, lorsqu'elle enfreint la loi ? Il s'agit, dans ces deux cas, d'assurer à la loi une suprématie sur tous les individus ou tous les corps du grand corps politique.
Au reste, peut-être est-ce improprement que l'on s'est servi du mot licenciement ; ce mot suppose, je crois, du moins dans l'opinion de plusieurs personnes, suppression, et les membres ne combattent le licenciement qu'à cause de l'idée qu'ils y attachent. Il est très vrai que dans ce sens la proposition serait inconstitutionnelle. Nous n'avons pas plus le droit que l'intention de détruire une garde que la Constitution a donnée au roi; mais en interprétant les mots, je dis qu'il n'est ici question que de renouveler la garde, et si le mot licenciement paraissait encore équivoque, je proposerais de substituer celui de renouvellement.
On a observé que par ce renouvellement il pourrait y avoir un instant métaphysique où le roi n'aurait point de garde, on en a conclu que la Constitution serait violée : mais quand la Constitution a accordé une garde au roi, il a fallu qu'il s'écoulât un certain temps pour la formation, et on n'a pas dit alors que la Constitution était violée. Pourquoi ? parce qu'il fallait nécessairement ce temps pour l'exécution de la loi. Si maintenant il faut la renouveler, il n'y aura pas non plus de violation de la Constitution, parce que cet instant métaphysique où il n'y aura pas de garde, sera consacré à la renouveler, de sorte que tandis que d'un côté on la supprimera, de l'autre on la recréera. Il sera donc faux de dire que le roi est resté sans garde. Au reste, on a observé que si la garde du roi cessait son service, pendant le temps que se ferait le renouvellement, la garde nationale s'empresserait de lui fournir un rempart : et certes, Messieurs, il a éprouvé depuis le mois d'octobre 1790, jusqu'au moment où il a formé sa nouvelle maison, qu'il n'avait pas de garde plus sûre, qu'il n'a jamais été mieux, ni pour sa tranquillité, ni pour la splendeur du trône, que lorsqu'il en a été environné ; et sa confiance en elle, en donnant un témoignage de son attachement à la Constitution, ne peut que lui mériter celui des bons citoyens. Je me résume et je vote pour le licenciement. »

Ramond : « Dans tout le cours de la discussion, les orateurs pour et contre n'ont pas fait attention à ce fait que la garde du roi n'est, sous aucun rapport, un corps qui soit sous la surveillance et sous l'action immédiate, soit du pouvoir législatif, soit du pouvoir exécutif. Ce corps est purement domestique. Proposer de le licencier, c'est proposer de licencier la cuisine du roi.
J'entends qu'on me dit que c'est un corps créé par la Constitution. Si la comparaison que j'ai faite ne répond point à l'observation qu'on me fait, il est facile de la changer.
C'est comme si l'on vous proposait de licencier le ministère parce qu'il a de l'esprit de corps. La garde du roi est un accessoire de la personne du roi ; elle est attachée à la royauté et non pas au pouvoir exécutif. Vous avez le droit de prononcer contre les individus qui la composent des décrets d'accusation; ils sont soumis, comme particuliers, au pouvoir judiciaire; mais vous ne pouvez licencier, par un acte législatif, un corps que la Constitution attache au roi comme accessoire de la royauté. »

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" Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)


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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 03 Jan 2017 21:07 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 17 Mars 2004 23:16
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Un grand merci à Cyril Drouet pour son choix de citation comme toujours des plus judicieux.

Ces échanges à l’assemblée législative mettent de manière splendide en évidence que le droit c’est le droit et la politique c’est la politique. Et comme l’avait fort bien formulé François Furet, la période révolutionnaire, c’est un moment politique à l’état pur. Alors le droit, fut-il constitutionnel …

Quand un pouvoir veut une solution politique, il trouve toujours l’argumentaire juridique qui lui permet d’habiller sa volonté, ledit habit fut-il une feuille de vigne rabougrie.

En d’autres temps, de Gaulle, lors de la crise politique provoquée par le projet de réforme constitutionnelle de 1962 a bien eu recours à une voie de réforme constitutionnelle complètement controuvée, en recourant pour ce faire à l’article 11 alors que c’est l’article 89 de la constitution de la 5ème république qui régissait la révision constitutionnelle mais l’innovation pratique en dehors du texte crée aussi ce qu’on appelle du droit coutumier.

Or la constitution de 1791 est un compromis incohérent à de nombreux égards. A commencer par les problèmes de souveraineté et de délégation qui vont empoisonner la France pendant 173 ans avant que de Gaulle trouve enfin la synthèse conciliant l’efficacité et la solidité institutionnelles avec la démocratie et les mœurs politiques françaises. La souveraineté est un concept éminemment délicat à manier. Or les révolutionnaires constituants n’ont pas fait le choix de redéfinir la souveraineté dans un sens de limitation du pouvoir souverain qui aurait été conforme avec l’idée d’une société libérale. Ils ont fait le choix de transférer du roi à la Nation la souveraineté dans toute sa puissance.
Alors certes, quand on lit le titre III de la constitution de 1791, il y a 2 co-délégataires de la souveraineté nationale : l’assemblée nationale pour le pouvoir législatif et le roi pour le pouvoir exécutif.
Mais quand on voit dans les autres titres du texte, on voit que l’exécutif a un domaine d’attribution, c’est-à-dire strictement limité, alors que le législatif a un pouvoir général puisqu’il a non seulement tout un domaine exclusif mais qu’il a en outre la capacité de qualifier comme relevant du domaine législatif tout ce sur quoi il a envie d’intervenir.
Bref, la constitution de 1791 est un régime d’assemblée qui, derrière les faux semblants contradictoires d’une double délégation de la souveraineté au aux représentants du peuple et au roi, fait du roi l’agent exécutif des volontés de l’assemblée. Il n’y a ni coopération des pouvoirs à l’anglaise ni séparation des pouvoirs à l’américaine : il y a, dans le texte même, soumission pratique du pouvoir exécutif au pouvoir législatif. Comme l’a fort justement relevé Furet, les révolutionnaires ont eu dès 1789/1791 une audace dont ils n’ont pas vu toutes les conséquences ou n’ont pas osé assumer toutes les conséquences s’ils les ont entrevues. Le roi est obsolète, de trop dès 1789/1791. Il n’a en fait pas sa place dans l’architecture institutionnelle nouvelle car au lieu d’être placé au dessus de la mêlée, il est placé par le texte de la constitution dans une relation institutionnelle de rivalité inégale avec l’assemblée nationale. Cette construction institutionnelle porte n’a pas su dépasser le conflit des légitimités pour adopter une nouvelle solution apaisée : elle grave dans le marbre la défiance du législatif envers le roi détenteur de l’exécutif.

Bref, quand il y a conflit de légitimité juridique, c’est le plus fort, le plus audacieux, et celui jouissant de la plus forte légitimité politique entendue dans le sens de sa capacité à mobiliser effectivement des appuis sonnants et trébuchants qui tranche le conflit en sa faveur.


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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 03 Jan 2017 21:52 
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Excellent commentaire, Caesar Scipio, qui me rappelle avec nostalgie mes cours d'institution politique et de droit constitutionnel.

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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 04 Jan 2017 15:50 
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Thucydide
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Il ne faut pas trop opposer le modèle de Westminster aux Révolutionnaires. Depuis le Bill of Rights, le souverain britannique est extrêmement limité dans l'exercice de sa Royal prerogative et doit choisir les personnes composant son gouvernement au sein des assemblées du parlement. Les présidents (leaders) des assemblées sont membres du gouvernement, ce qui illustre une unité de commandement entre législatif et exécutif. Pourtant le souverain a gardé son trône car est née cette figure nouvelle, qui n'a longtemps eu aucun statut officiel, du premier ministre.

Une constitution de 91 dans laquelle le roi aurait confié ses pouvoirs exécutifs à un gouvernement solidaire ne serait pas "condamnée" à l'échec. La pratique constitutionnelle "à l'anglaise" aurait permis au souverain de se placer lui-même au-dessus de la mêlée, mais Louis XVI était incapable de réaliser un tel fait.


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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 04 Jan 2017 17:50 
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Oui, l'analyse de Caesar Scipio est excellente, mais il faut y ajouter le fait que Louis XVI a toujours été incapable de peser les poids politiques respectifs de l'assemblée et du roi. Il en est mort, d'ailleurs : franchement, continuer à utiliser son veto après son retour de Varennes c'était du suicide pur et simple. Victime d'une éducation dans laquelle le roi était un personnage divin, comment aurait-il pu imaginer cette issue, alors qu'il aurait certainement sauvé sa tête dans une monarchie non pas constitutionnelle, mais parlementaire, où il aurait laissé le pouvoir exécutif réel à un premier ministre choisi par l'assemblée.

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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 04 Jan 2017 18:48 
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Philippe de Commines
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Bien d'accord avec vous. Louis XVI, je veux dire sa personnalité, c'est LE facteur le plus déterminant de l'enchaînement des faits qui conduisent à la fois à l'emballement révolutionnaire et à l'effondrement de la monarchie. L'anglicisme "the perfect storm" convient bien à la description de la conjonction entre une période turbulente et cette personnalité sans colonne vertébrale solide (pour ne pas parler de mollusque, un mollusque certes très instruit mais un mollusque tout de même) pour remplir le rôle de chef d'Etat dans de telles circonstances.

Louis XVI incarne remarquablement l'effondrement sur elle-même de l'autorité de l'Etat en la personne du roi. Le texte du discours d'ouverture des Etats généraux de 1789 est édifiant. Louis XVI ne dirige pas les Etats généraux. Il leur donne le champ libre. Hormis des généralités et des platitudes, il ne sait pas ce qu'il veut. Il s'en remet aux Etats généraux.

Ce n'est à mon avis pas tant une question d'éducation que de personnalité car ses frères avaient un rapport très différent à l'autorité. Le frère aîné décédé à 10 ans, Bourgogne, nous est dépeint comme autoritaire. Provence est un fin politique et un intrigant, quand bien même met-il ces talents à saper l'autorité de son roi de frère en étant à la pointe de l'opposition des princes dans l'assemblée des notables. Son frère Artois, a au contraire de la constance, fut-elle poussée jusqu'à l'obstination et l'aveuglement.

Pour en revenir à Louis XVI, après qu'il a déclenché le tsunami révolutionnaire, la faiblesse si visible de son caractère conjuguée à son refus obstiné de plier devant un rapport de forces qui lui était défavorable sont le cocktail explosif qui éparpille la monarchie et la légitimité traditionnelle.

Je tenais aussi à dire autrement que le meccano institutionnel n'était pas l'enjeu essentiel. C'est sur le terrain politique que les choses se jouaient. Or sur le terrain politique, Louis XVI a laissé se mettre en place, via un système électoral excessivement alambiqué, une assemblée de représentants aux Etats généraux qui, sur bien des sujets, ont pour la grande majorité tous la même idée ou presque. Ce sont des idées à potentialité radicale et la faiblesse éclatante de la personnalité du roi, la faiblesse de son autorité personnelle, va conduire à une prise de conscience rapide des membres de cette assemblée qui laisseront livre cours aux potentialités radicales de leurs idées et de leurs projets. Quand on laisse une assemblée parler sans la diriger, cela s'emballe.

S'agissant enfin de la monarchie parlementaire, n'oublions pas non plus qu'en réalité le roi britannique jouissait encore d'un pouvoir réel très important, même s'il remettait le pouvoir à un cabinet de ministres et à un Premier ministre. Ce pouvoir tenait au fait que le roi nommait qui il voulait comme premier ministre car il savait jouer des rivalités de factions et de personnes au sein des whigs comme des tories, et parce qu'il avait aussi des ressources de patronage considérables. Et enfin, le système politique britannique à l'aube du 18ème siècle reposait sur un droit de suffrage très minoritaire : seuls environ 10% des citoyens avaient le droit de vote, et le droit de suffrage était incroyablement inégal (Pitt le jeune se faisait élire dans une circonscription comptant 7 électeurs quand Fox était élu dans une circonscription comptant des milliers d'électeurs).

L'une des plaies de la période révolutionnaire puis de la France post-révolutionnaire sur de longues périodes, c'est le régime d'Assemblée : le lieu suprème du pouvoir est un lieu de discussion et de vote et on entend réduire et soumettre au législatif autant que possible le pouvoir exécutif qui est par principe soupçonné.


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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 04 Jan 2017 20:34 
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Eginhard
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Caesar Scipio a écrit :
Quand on laisse une assemblée parler sans la diriger, cela s'emballe [...] L'une des plaies de la période révolutionnaire puis de la France post-révolutionnaire sur de longues périodes, c'est le régime d'Assemblée : le lieu suprème du pouvoir est un lieu de discussion et de vote et on entend réduire et soumettre au législatif autant que possible le pouvoir exécutif qui est par principe soupçonné.


Je suis assez d'accord dans l'ensemble avec votre analyse. Sauf quand vous écrivez, à demi-mots, que l'autoritarisme de l'exécutif, Bonaparte ou De Gaulle - c'est au choix - est la seule issue aux atermoiements d'une assemblée livrée par essence au chaos et à l'anarchie. En vous lisant, on a l'impression que le fait que le lieu du pouvoir et le lieu de la discussion se recouvrent est presque une erreur capitale. C'est très contre-révolutionnaire, quand même, comme raisonnement.

Ou alors, je ne vous comprends pas.

Non, la Révolution française n'a pas "souffert" de ses régimes d'assemblées. La Constitution de 1791 était loin d'être parfaite, mais ce n'est pas son imperfection (que vous avez fort bien soulignée, par ailleurs) qui a causé sa perte. Enfin, c'est une révolution. Les lignes bougent sans cesse. C'est un mouvement puissant, qui ne prend fin, réellement, que 15 ans plus tard. Il y avait des plaies (pour reprendre votre terme) bien plus graves que cette Constitution, ou celles qui ont suivi.

Ce qui a tué la Révolution, c'est justement la dérive, initiée sous le second Directoire, vers la prééminence de l'exécutif, incarnée dans la Constitution de l'an VIII. L'autorité vient d'en haut. La belle affaire. On n'en est toujours pas sortis.

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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 04 Jan 2017 20:53 
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Caesar Scipio a écrit :
Or sur le terrain politique, Louis XVI a laissé se mettre en place, via un système électoral excessivement alambiqué, une assemblée de représentants aux Etats généraux qui, sur bien des sujets, ont pour la grande majorité tous la même idée ou presque. Ce sont des idées à potentialité radicale et la faiblesse éclatante de la personnalité du roi, la faiblesse de son autorité personnelle, va conduire à une prise de conscience rapide des membres de cette assemblée qui laisseront livre cours aux potentialités radicales de leurs idées et de leurs projets. Quand on laisse une assemblée parler sans la diriger, cela s'emballe.


Quand à cette réflexion, permettez-moi de vous demander de préciser votre pensée. Je suis d'accord avec vous sur les atermoiements du roi, qui ont sûrement causé sa perte. Je me garderai de parler de faiblesse, mais pourquoi pas. Pour le reste, je ne vois pas ce que vous voulez dire. "une prise de conscience rapide des membres de cette assemblée qui laisseront livre cours aux potentialités radicales de leurs idées et de leurs projets" ?

Qui sont par exemple ces députés "radicaux" de 1789 ? Personnellement, je n'en vois aucun. Même Marat adore Louis XVI ! Rapide ? Qu'entendez-vous par "rapide" ? 1791 ? Varenne ? C'est là que se situe la "prise de conscience", et elle n'a rien à voir avec le régime d'assemblée.

Et l'Assemblée qui s'emballe ? L'Assemblée protège le roi jusqu'au bout - même après Varenne, les députés tentent de sauver sa tête. Le mouvement qui le renverse est populaire, il vient de la Commune, des Sections, de la rue, il ne vient pas de l'Assemblée - le 10 août, je l'ai dit plus haut, et tout autant dirigé contre le roi que contre l'Assemblée.

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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 04 Jan 2017 20:53 
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Marc Bloch
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Je crois que l'opposition entre exécutif et législatif doit être analysé avec nuances.

Déjà la Convention fait coexister une apparence (le régime d'assemblée) et une réalité (la dictature du comité appuyé sur les sections parisiennes).

Robespierre est bien plus que Barras le modèle de Bonaparte ! Bonaparte à simplement compris qu'une répression extrême ne peut que se retourner contre son responsable.l'an VIII c'est Robespierre sans l'échafaud.

Quant à ce pauvre Louis XVI je comprend mal qu'on puisse contester le fait qu'il ait usé du seul pouvoir que lui laissait la constitution : le veto. Homme d'honneur, dénué de tout sens politique il ne peut comprendre que "Gouverner c'est mentir" !


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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 04 Jan 2017 21:16 
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Eginhard
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Jerôme a écrit :
Je crois que l'opposition entre exécutif et législatif doit être analysé avec nuances.

Déjà la Convention fait coexister une apparence (le régime d'assemblée) et une réalité (la dictature du comité appuyé sur les sections parisiennes).


Non, non, s'il y a dictature sous la Convention, c'est bien une dictature d'assemblée. Drôle de dictature, mais c'est vous qui employez le mot. J'imagine que vous parlez du comité entre septembre 1793 et juillet 1794, qui se renouvelle peu ? Aucun membre du comité n'est inamovible, ils dirigent collégialement. Ses membres étaient élus (ou réélus) tous les mois.

Par la Convention.




Pour Robespierre, infâme dictateur avec son "échafaud" en guise d'écritoire, ou ce "pauvre Louis XVI", innocent politique, mort "homme d'honneur", je ne relèverai pas le gant, pour une fois. J'ai promis à un autre membre de prendre du recul sur certaines discussions. Je vous laisse donc vos opinions, et ne les discuterai que si vous proposez des sources pour les étayer.

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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 05 Jan 2017 8:32 
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Philippe de Commines
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Jefferson, je ne vois pas le rapport entre mon appréciation critique sur les régimes d'assemblée et un quelconque point de vue contre-révolutionnaire. Un régime d'assemblée peut promouvoir un bordel révolutionnaire autant qu'un bordel réactionnaire.

J'ai du mal à adhérer à l'idée que la révolution ait pu être tuée, vu qu'étymologiquement la révolution c'est un tour complet sur soi pour remettre le compteur à zéro et repartir sur de nouvelles bases.

J'en déduis que vous êtes partisan d'un processus révolutionnaire sans fin, d'une révolution permanente. C'est une opinion aussi légitime qu'une autre même si je pense que ce point de vue est affecté d'une contradiction intrinsèque (s'il faut sans cesse refaire la révolution cela signifierait qu'elle n'a pas été faite ou que le processus révolutionnaire n'est pas un moyen vers un but mais une fin en soi). Mais je ne pense pas que c'était la volonté du pays. Ce n'est pas le rétablissement de l'exécutif entamé sous le Directoire qui a tué la révolution. La révolution n'a pas été tuée. Elle a été sauvée par la prise de pouvoir des modérés pour éviter que la poursuite du chaos ne conduise au retour des Bourbons.

Ce sont les excès révolutionnaires eux-mêmes, le chaos qu'ils ont provoqué en France, qui ont suscité une immense demande de retour à l'ordre et à la paix civile. On méconnaît souvent à quel point le chaos politique et civil provoqué par l'emballement révolutionnaire a été un cataclysme matériel. Les historiens de l'économie estiment que le PIB de la France a été divisé par deux pendant la période révolutionnaire. Thermidor et le Directoire ont permis au pays d'arrêter les frais et le consulat a permis un redressement économique spectaculaire. C'est cela, autant que la gloire militaire seulement naissante, qui a fait l'immense popularité de Bonaparte chez ses contemporains (je ne parle pas de la légende napoléonienne pour les générations suivantes) : le retour à l'ordre, à la sécurité et à la prospérité, tout en garantissant les valeurs révolutionnaires d'égalité et de mérite.

Enfin, je n'ai pas évoqué des députés radicaux mais les potentialités radicales des idées et des projets des députés.


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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 05 Jan 2017 8:56 
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je suis assez d'accord avec l'interprétation de Caesar mais elle me semble aller bien au-delà du sujet du 10 août - qui à certains égards est un épiphénomène qui a simplement dégénéré du fait de la mollesse de ce pauvre benêt royal, des hésitations de l'assemblée qui ne veut s'entendre ni avec le roi ni avec les sans culottes, le tout sous la pression psychologique et militaire de Brunswick.

Quant à la Convention, il est difficile d'y voir une assemblée libre comparable à celle de la IVè République. Les conventionnels sont des hommes habités par la peur : peur de l'étranger d'abord, peur des sans culottes ensuite, peur de Robespierre enfin. Peur tempérée non par l'idéalisme républicain mais bien plus par la corruption et les perspectives d'enrichissement qu'offrent la guerre et la vente des biens nationaux !

Si Robespierre tombe en juillet 1794 c'est à mon sens essentiellement parce que la France est sauvée par Jourdan à Fleurus. C'est avec cet argument que les adversaires de Robespierre (surnommé l'incorruptible : ce qui implique bien que ses ennemis ne l'étaient pas) parviennent à secouer l'apathie des modérés du marais. la vérité de la Convention s'exprime par la constitution de l'an III. Les projets précédents n'étant qu'une réponse aux pressions de la rue relayée par la gauche de la convention.

Donc la convention n'est pas une dictature d'assemblée : c'est la dictature d'une groupuscule appuyé par la plèbe parisienne.

En l'an III, on essaie de construire une relation équilibrée entre le directeoire et les conseils. Cela ne fonctionnera pas.

En l'an VIII : retour à 93 avec deux différences. les consuls s'appuient sur l'armée (au lieu de la guillotine) et le peuple provincial (plébiscites plus ou moins truqués - et non sur le peuple de paris). mais cela reste une dictature menée par des gens qui se croient éclairés par la Raison.


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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 05 Jan 2017 12:32 
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@ Cesar : je crois que la Révolution a vu arriver le peuple en politique. Et le 10 août en est la démonstration éclatante. Ce jour là, la plèbe décide de faire entendre sa voix par la force, puisque la voie légale lui était fermée. C'est ce droit à l'insurrection que Robespierre aurait voulu voir dans la Constitution de 93.

L'Assemblée a protégé le roi pendant plus d'un an. S'il avait été déchu après Varenne, comme il l'aurait dû l'être, tout aurait été différent. Je rappelle qu'en juillet 1791, les discussions à l'Assemblée portaient en partie sur la possibilité de remplacer le roi par un président élu à l'américaine, et que plusieurs députés ont alors proposé qu'on réfléchisse à l'idée de reprendre la constitution des Etats-Unis. Projet repoussé avec mépris par ceux-là même qui voteront la proclamation de l'Empire quinze ans plus tard. Qui est coupable des morts de 93-94 ? Ceux qui aspiraient à une République réellement égalitaire ou ceux qui voulaient simplement remplacer l'Ancien Régime par une oligarchie de notables, qui refusaient de voir la populace entrer en politique ?

Nous avons sans doute deux représentations différentes de la RF, César. Je crois pour ma part que la Révolution a été une marche timide vers la démocratie. Vous évoquez la radicalité de certains députés ? Leur radicalité, c'est l'esprit des Lumières, le suffrage universel, l'abolition de l'esclavage, l'instruction publique. Tout ne se réduit pas à la guillotine ou à la mauvaise gestion des affaires par les Girondins.

La Convention invente quelque chose de neuf, une Révolution remise en cause par les "modérés" du Directoire, assassinée par les Brumairiens. Le mouvement démocratique a été gelé par Bonaparte et ses partisans. C'est en ce sens que je rejoins votre remarque me concernant sur la "révolution permanente". Oui, je crois que la Révolution n'est pas achevée, d'une certaine manière. Ce mirage d'un exécutif fort est incompatible avec la véritable démocratie, qui ne peut s'exprimer que dans le cadre d'un régime d'assemblée. La France, depuis Bonaparte (et on pourrait évoquer De Gaulle) est encore aujourd'hui à la recherche de son "homme providentiel", de son "sauveur". Ce n'est pas ce que j'appellerais la maturité politique qui aurait pu (j'insiste sur le conditionnel) naître de la Révolution française.

Vous semblez pour votre part adhérer au bréviaire du petit Brumairien (n'y voyez aucun manque de respect, c'est juste un trait d'humour).

Cette idée, que je réfute totalement, d'une Révolution modérée, dévoyée par des idées radicales à partir de 1792, d'une gabegie qui a presque mis la France à terre. C'est cette posture qui me semble contre-révolutionnaire. Parce que cette idée d'un Bonaparte qui restaure l'autorité et évite ainsi le retour des Bourbons, c'est exactement les arguments de ses partisans de l'époque, et c'est ainsi qu'ils justifient la couronne impériale et l'éviction du peuple de la décision politique. C'est une dictature qui se met en place après 1802. Et en matière de gabegie, les guerres napoléoniennes et la restauration en 1815 démontrent les limites de cette interprétation.

Je ne cache pas mon affection pour la Convention montagnarde, même si je ne me voile pas la face sur ses excès. Je pense toutefois que le Directoire a accompli de grandes choses, au prix certes d'une confiscation de la démocratie. C'aurait pu être temporaire. Il n'y avait plus qu'à restaurer le suffrage universel et trouver un moyen constitutionnel de régler les conflits entre l'exécutif et le législatif pour fonctionner convenablement. Mais il y a eu Brumaire an VIII, qui a gelé cette évolution. 1802 a fini d'enterrer tous les espoirs.

@ Jérôme : Je suis d'accord avec certains de vos arguments. Oui, il y a un régime autoritaire après l'été 1793, oui il y a la guillotine, mais c'est une dictature d'assemblée, collégiale, partagée. Et probablement nécessaire. C'est ce que j'entendais par "drôle de dictature", plus haut.

Pour autant, il faut absolument arrêter de parler de La "chute de Robespierre" comme s'il avait tout décidé par lui-même. Robespierre n'est pas Bonaparte. Ce n'est pas un dictateur disposant des pleins pouvoirs ou d'un chèque en blanc de la majorité. Sa "chute" à l'été 1794 est celle de la Convention montagnarde. C'est un renversement de majorité, par la chute d'un tyran. Ne ne biffez pas d'un trait de plume un siècle d'historiographie révolutionnaire.

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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 05 Jan 2017 19:17 
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Philippe de Commines
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Je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait que l'importance et le rôle de Robespierre ne sauraient être comparés à ceux de Napoléon. On en a fait un bouc émissaire alors qu'il n'était que le primus inter pares d'un groupe, et qui plus est seulement pendant une période assez courte. On oublie aussi que Robespierre a été un centriste parmi les terroristes. Il chute paradoxalement parce qu'il veut mettre notamment un terme aux excès terroristes et que les terroristes extrémistes, parmi lesquels Fouché, se disent qu'il faut lui faire la peau avant qu'il ne la leur fasse, et forment une alliance avec les partisans de la normalisation pour se recycler pas toujours avec succès.

Mais je suis entièrement en désaccord avec vous sur le fait que le 10 août 1792 marquerait l'arrivée du peuple en politique. Le peuple n'a pas attendu cette date pour ce faire. Il y a eu be serait-ce que la journee du 20 juin 1792. Et en fait le peuple s'y est mis dès 1789. Et je dirais surtout qu'en 1789, c'est au moment de la grande peur, là oui c'est ce qu'on peut appeler le peuple qui fait sa vraie entrée en politique. Mais des groupes militants de sans-culottes venant de l'est de Paris, ce n'est pas le peuple même s'ils prétendent parler au nom du peuple et le représenter tout comme 300 étudiants tenant un amphi et ramenant des journalistes prétendent être les étudiants et parler en leur nom à tous.


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 Sujet du message : Re: 10 août 1792
Message Publié : 05 Jan 2017 19:31 
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J'ecrivais que la Révolution marquait l'entrée du peuple en politique, et que le 10 août en etait une démonstration éclatante, par les conséquences immenses de cette journée - pas que le peuple était entré en politique le 10 août. Nous nous sommes mal compris.

En 1789, le peuple entre en politique, pas "tout" le peuple évidemment, mais enfin, un sens politique nait dans la plèbe, et presqu'immédiatement on veut l'en extraire. On lui rappelle qu'il n'est pas assez nanti, pas assez bien né, pas assez éduqué pour participer pleinement à la vie de la Cité.

Le 10 août est ce moment, l'une des grandes journées qui ont fait la France (avec un clin d'œil à la célèbre collection de Gallimard), où la populace décide de prendre son destin en main, agit et obtient un résultat - il dépose le roi de sa propre initiative.

C'est en ce sens que j'évoquais le 10 août. Qui n'est pas qu'une partie de Paris - toutes les Sections, sauf une, ont répondu à l'appel du tocsin.

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