Témoignage de Napoléon :
« Au 10 Août, voyant enlever le château des Tuileries et se saisir du Roi, j'étais assurément bien loin de penser que je le remplacerais, et que ce palais serait ma demeure.
Et s'arrêtant sur cette journée du 10 Août, il a dit :
« Je me trouvais, à cette hideuse époque, à Paris, logé rue du Mail, place des Victoires. Au bruit du tocsin, et de la nouvelle qu'on donnait l'assaut aux Tuileries, je courus au Carrousel, chez Fauvelet, frère de Bourrienne, qui y tenait un magasin de meubles. Il avait été mon camarade à l'école militaire de Brienne. C'est de cette maison, que, par parenthèse, je n'ai jamais pu retrouver depuis, par les grands changements qui se sont opérés, que je pus voir à mon aise tous les détails de la journée. Avant d'arriver au Carrousel, j'avais été rencontré dans la rue des Petits-Champs, par un groupe d'hommes hideux, promenant une tête au bout d'une pique. Me voyant passablement vêtu, et me trouvant l'air d'un monsieur, ils étaient venus à moi pour me faire crier vive la Nation ! ce que je fis sans peine, comme on peut bien le croire.
Le château se trouvait attaqué par la plus vile canaille. Le Roi avait assurément pour sa défense au moins autant de troupes qu'en eut depuis la Convention au 13 vendémiaire, et les ennemis de celle-ci étaient bien autrement disciplinés et redoutables. La plus grande partie de la garde nationale se montra pour le Roi : on lui doit cette justice. »
Ici le grand-maréchal a observé qu'il était précisément d'un des bataillons qui se montrèrent les plus dévoués. Il avait failli être massacré plusieurs fois par le peuple, en regagnant isolément sa demeure. Nous observions, de notre côté, qu'en général la garde nationale à Paris avait constamment montré les vertus de son état : l'amour de l'ordre, le dévouement à l'autorité, la crainte du pillage et la haine de l'anarchie; et c'était aussi l'opinion de l'Empereur.
« Le palais forcé, et le Roi rendu dans le sein de l'Assemblée, a-t-il continué, je me hasardai à pénétrer dans le jardin. Jamais depuis, aucun de mes champs de bataille ne me donna l'idée d'autant de cadavres, que m'en présentèrent les masses des Suisses; soit que la petitesse du local en fît ressortir le nombre, soit que ce fût le résultat de la première impression que j'éprouvais en ce genre. J'ai vu des femmes bien mises se porter aux dernières indécences sur les cadavres des Suisses. Je parcourus tous les cafés du voisinage de l'Assemblée, partout l'irritation était extrême ; la rage était dans tous les cœurs, elle se montrait sur toutes les figures, bien que ce ne fussent pas du tout des gens de la classe du peuple ; et il fallait que tous ces lieux fussent journellement remplis des mêmes habitués ; car bien que je n'eusse rien de particulier dans ma toilette, ou peut-être était-ce encore parce que mon visage était plus calme, il m'était aisé de voir que j'excitais maints regards hostiles et défiants, comme quelqu'un d'inconnu ou de suspect. »
(Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène)
Il y a aussi ce passages des "Mémoires et correspondance politique et militaire", de Joseph :
« Napoléon se trouvait au 10 août à Paris; il avait été présent à l'action. Il m'écrivit une lettre très détaillée, que je lus à mes collègues du directoire du département ; voici les deux traits principaux : « Si Louis XVI se fût montré à cheval, la victoire lui fût restée : c'est ce qui m'a paru, à l'esprit qui animait les groupes le matin.
Après la victoire des Marseillais, j'en vis un sur le point de tuer un garde du corps ; je lui dis : « Homme du Midi, sauvons ce malheureux ! Es-tu du Midi ? –Oui. -Eh bien, sauvons-le ! »
La sanglante journée a inspiré l'imaginaire de Maurice Réalier-Dumas :