Tout l'argent de la Résistance ne provenait pas de hold-up ou d'attaques.
Notons d'abord qu'une partie de ces hold-up sont en fait des attaques convenues d'avance, dont la mise en scène sert à dédouaner le postier ou le trésorier vis-à-vis des autorités vichystes ou des Allemands. En échange, on lui remet un papier "officiel" à valoir à la Libération. La plupart de ces "bons de la Libération", lorsqu'ils proviennent d'un réseau connu et homologué à Londres, seront de fait honorés - ou inclus dans les dépenses normales - par le gouvernement provisoire.
On peut signaler aussi le cas de l'OCM (Organisation Civile et militaire) le premier réseau à couvrir toute la France, et dont les dirigeants, qui ont de bonnes relations à haut niveau, s'adressent tout bonnement, dès 1941, à la Banque de France, qui leur signe discrètement des avances à valoir à la Libération. (Sans en être certain, je pense que d'autres réseaux en ont bénéficié plus tard. Je pense en particulier aux - futurs - préfets désignés par le GPRF, et qui étaient pratiquement tous en place clandestinement dans leur département au moment du débarquement. Il est même arrivé que certains prennent langue avec le préfet de Vichy - lorsqu'il avait déjà un lien avec la Résistance - pour prévoir une passation des pouvoirs dans l'ordre et la discipline...
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Il y a eu également de l'argent liquide parachuté par Londres. En général cet argent a été récupéré et comptabilisé par le chef de réseau, mais on ne peut empêcher les langues de courir... J'ai ainsi deux tantes qui évoquaient devant moi récemment leur participation, à 12 ou 13 ans - avec mon grand-père - à des réceptions de parachutages en Haute-Saône. ("Tu te rappelles comme on se promenait la nuit avec nos petites lampes de poche") Il y est question de "valises pleines de billets" et l'une d'elle reste persuadée que ce n'est pas par hasard si tel paysan du village a été le premier à pouvoir s'offrir un tracteur après la guerre. Ragots de village, allez donc savoir...
J'apprends ainsi, par hasard, la participation de mon grand-père à ces opérations nocturnes - il ne parlait jamais lui-même de la Résistance - et, plus amusant, c'est moi qui l'apprends à mon père, gamin à l'époque, et qui n'avait jamais été mis dans la confidence. Il savait déjà beaucoup de choses sur les passages à la ferme ("surtout vous n'en parlez pas à l'école") mais il ignorait ce "détail".